03/04/2022
Les pyramides de Nerval (première partie)
Gérard de Nerval, Voyages en Orient, Les Femmes du Caire - Le Harem, VI. L'Île de Roddah, pp. 270, aux éditions Gallimard, Folio Classique
...Arrivé au sommet, je fus frappé d'admiration en apercevant dans tout leur développement, au-dessus de Gizeh qui borde l'autre côté du fleuve, les trois pyramides nettement découpées dans l'azur du ciel. Je ne les avais jamais si bien vues, et la transparence de l'air permettait, quoique à une distance de trois lieues, d'en distinguer tous les détails.
Je ne suis pas de l'avis de Voltaire, qui prétend que les pyramides de l’Égypte sont loin de valoir ses fours à poulets ; il ne m'était pas indiffèrent non plus d'être contemplé par quarante siècles ; mais c'est au point de vue des souvenirs du Caire et des idées arabes qu'un tel spectacle m’intéressait dans ce moment-là, et je me hâtai de demander au cheikh, notre compagnon, ce qu'il pensait des quatre mille ans attribués à ces monuments par la science européenne.
Le vieillard prit place sur le divan de bois du kiosque, et nous dit :
« Quelques auteurs pensent que les pyramides ont été bâties par le roi préadamite Gian-ben-Gian ; mais, il existait, trois cents ans avant le déluge, un roi nommé Saurid, fils de Salahoc, qui songea une nuit que tout se renversait sur la terre, les hommes tombant sur leur visage et les maisons sur les hommes ; les astres s'entrechoquaient dans le ciel, et leurs débris couvraient le sol à une grande hauteur. Le roi s'éveilla tout épouvanté, entra dans le temple du Soleil, et resta longtemps à baigner ses joues et à pleurer ; ensuite il convoqua les prêtres et devins. Le prêtre Alikam, le plus savant d'entre eux, lui déclara qu'il avait fait lui-même un rêve semblable. ''J'ai songé, dit-il, que j'étais avec vous sur une montagne, et que je voyais le ciel abaissé au point qu'il approchait de nos têtes, et que le peuple courait à vous en foule comme à son refuge ; qu'alors vous élevâtes les mains au-dessus de vous et tâchiez de repousser le ciel pour l'empêcher de s'abaisser davantage, et que moi, vous voyant agir, je faisais aussi de même. En ce moment, une voix sortit du soleil qui nous dit : 'Le ciel retournera en sa place ordinaire lorsque j'aurai fait trois cents tours.''' Le prêtre ayant parlé ainsi, le roi Saurid fit prendre les hauteurs des astres et rechercher quel accident ils promettaient. On calcula qu'il devait y avoir d'abord un déluge d'eau et plus tard un déluge de feu. Ce fut alors que le roi fit construire les pyramides dans cette forme angulaire propre à soutenir même le choc des astres, et poser ces pierres énormes, reliées par des pivots de fer et taillées avec une précision telle que ni le feu du ciel, ni le déluge, ne pouvaient certes le pénétrer. Là devaient se réfugier au besoin le roi et les grands du royaume, avec les livres et images des sciences, les talismans et tout ce qu'il importait de conserver pour l'avenir de la race humaine. »
J'écoutais cette légende avec grande attention, et je dis au consul qu'elle me semblait beaucoup plus satisfaisante que la supposition acceptée en Europe, que ces monstrueuses constructions auraient été seulement des tombeaux.
« Mais, dit-il, comment les gens réfugiés dans les salles des pyramides auraient-ils pu respirer ?
– On y voit encore, reprit le cheikh, des puits et des canaux qui se perdent sous la terre. Certains d'entre eux communiquaient avec les eaux du Nil, d'autres correspondaient à de vastes grottes souterraines ; les eaux entraient par des conduits étroits , puis ressortaient plus loin, formant d'immenses cataractes, et remuant l'air continuellement avec un bruit effroyable. » (…)
(…) En Afrique, on rêve l'Inde comme en Europe on rêve l'Afrique ; l'idéale rayonne toujours au-delà de notre horizon actuel. Pour moi, je questionnais encore avec avidité notre bon cheikh, et lui faisais raconter tous les récits fabuleux de ses pères. Je croyais avec lui au roi Saurid plus fermement qu'au Chéops des Grecs, à leur Chéphren et à leur Mycérinus.
« Et qu'a-t-on trouvé, lui disais-je, dans les pyramides lorsqu'on les ouvrit la première fois sous les sultans arabes ?
– On trouva, dit-il, les statues et les talismans que le roi Saurid avait établis pour la garde de chacune. Le garde de la pyramide orientale était une idole d'écaille noire et blanche, assise sur un trône d'or, et tenant une lance qu'on ne pouvait regarder sans mourir. L'esprit attaché à cette idole était une femme belle et rieuse, qui apparaît encore de notre temps et fait perdre l'esprit à ceux qui la rencontrent. Le garde de la pyramide occidentale était une idole de pierre rouge, armée aussi d'une lance, ayant sur la tête un serpent entortillé ; l'esprit qui le servait avait la forme d'un vieillard nubien, portant un panier sur la tête et dans ses mains un encensoir. Quant à la troisième pyramide de Saccarah, chacune aussi à son spectre : l'un est un vieillard basané et noirâtre, avec la barbe courte ; l'autre est une jeune femme noire, avec un enfant noir, qui, lorsqu'on la regarde, montre de longues dents blanches et des yeux blancs ; un autre a la tête d'un lion avec des cornes ; un autre a l'air d'un berger vêtu de noir, tenant un bâton ; un autre enfin apparaît sous la forme d'un religieux qui sort de la mer et qui se mire dans ses eaux. Il est dangereux de rencontrer ces fantômes à l'heure de midi.
– Ainsi, dis-je, l'Orient a les spectres du jour comme nous avons ceux de la nuit.
– C'est qu'en effet, observa le consul, tout le monde doit dormir à midi dans ces contrées, et ce bon cheikh nous fait des contes propres à appeler le sommeil.
– Mais, m'écriai-je, tout cela est-il plus extraordinaire que tant de choses naturelles qu'il nous est impossible d'expliquer ? Puisque nous croyons bien à la création, aux anges, au déluge, et que nous ne pouvons douter de la marche des astres, pourquoi n'admettrions-nous pas qu'à ces astres sont attachés des esprits, et que les premiers hommes ont pu se mettre en rapport avec eux par le culte et par les monuments ?
– Tel était en effet le but de la magie primitive dit le cheikh ; ces talismans et ces figures ne prenaient force que de leur consécration à chacune des planètes et des signes combinés avec leur lever et leur déclin. Le prince des prêtres s’appelait Kater, c'est-à-dire maître des influences. Au-dessous de lui chaque prêtre avait un astre à servir seul, comme Pharouïs (Saturne), Rhaouïs (Jupiter) et les autres.
« Aussi chaque matin le Kater disait-il à un prêtre : ''Où est à présent l'astre que tu sers ?'' Celui-ci répondait : ''Il est en tel signe, tel degré, telle minute'' , et, d'après un calcul préparé, l'on écrivait ce qu'il était à propos de faire ce jour-là. La première pyramide avait donc été réservée aux princes et à leur famille ; la seconde dut renfermer les idoles des astres et les tabernacles des corps célestes, ainsi que les livres d'astrologie, d'histoire et de science ; là aussi les prêtres devaient trouver refuge. Quant à la troisième, elle n'était destinée qu'à la conservation des cercueils de rois et de prêtres, et comme elle se trouva bientôt insuffisante, on fit construire les pyramides de Saccarah et de Daschour. Le but de la solidité employée dans les constructions était d'empêcher la destruction des corps embaumés, qui, selon les idées du temps, devaient renaître au bout d'une certaine révolution des astres dont on ne précise pas au juste l'époque.
– En admettant cette donnée, dit le consul, il y aura des momies qui seront bien étonnées un jour de se réveiller sous un vitrage de musée ou dans un cabinet de curiosité d'un Anglais.
– Au fond, observai-je, ce sont de vraies chrysalides humaines dont le papillon n'est pas encore sorti. Qui nous dit qu'il n'éclora par quelque jour ? J'ai toujours regardé comme impie la mise à nu et la dissection des momies de ces pauvres Égyptiens. Comment cette foi consolante et invincible de tant de générations accumulées n'a-t-elle pas désarmé la sotte curiosité européenne ? Nous respectons les morts d'hier, mais les morts ont-ils un âge ?
– C'étaient des infidèles, dit le cheikh.
– Hélas!dis-je, à cette époque ni Mahomet ni Jésus n'étaient nés. »
Nous discutâmes quelque temps sur ce point, où je m'étonnais de voir un musulman imiter l'intolérance catholique. Pourquoi les enfants d'Ismaël maudiraient-ils l'antique Égypte, qui n'a réduit en esclavage que la race d'Isaac ? A vrai dire, pourtant, les musulmans respectent en général les tombeaux et les monuments sacrés de divers peuples, et l'espoir seul de trouver d'immenses trésors engagea un calife à faire ouvrir les pyramides. Leurs chroniques rapportent qu'on trouva dans la salle dite du roi une statue d'homme de pierre noire et une statue de femme de pierre blanche debout sur une table, l'un tenant une lance et l'autre un arc. Au milieu de la table était un vase hermétiquement fermé, qui, lorsqu'on l'ouvrit, se trouva plein de sang encore frais. Il y avait aussi un coq d'or rouge émaillé d’hyacinthes qui fit un cri et battit des ailes lorsqu'on entra. Tout cela rentre un peu dans Les Mille et Une Nuits ; mais qui empêche de croire que ces chambres aient contenu des talismans et des figures cabalistiques ? Ce qui est certain, c'est que les modernes n'y ont pas trouvé d'autres ossements que ceux d'un bœuf. Le prétendu sarcophage de la chambre du roi était sans doute une cuve pour l'eau lustrale. D'ailleurs, n'est-il pas plus absurde, comme l'a remarqué Volney, de supposer qu'on ait entassé tant de pierres pour y loger un cadavre de cinq pieds ?
Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | |
08/02/2022
Messaline
« Messaline » de Nonce Casanova, V. Messaline, pp. 155/158, aux éditions Palimpseste
Elle s'est fait revêtir de sa plus magnifique stola, de la stola de toile syrienne qu'on eût dit trempée en des opales fondues, si mystérieusement resplendissante malgré l'ombre, et que lui ont offerte, lors des jeux séculaires, les députés des Parthes qui, après les cruautés de Gotarzès, étaient venus prier Claude de laisser Méherdate remonter sur le trône de ses aïeux. Les diamants qui pendent à son nimbus, au bout de chaînettes d'airain, illuminent les arcs très larges des sourcils brunis au sapo et le haut des paupières vaguement poudrées au pollen d'anémone. Elle est montée sur l'argamasse du Palatin, seule. Il n'y a aucune lumière autour d'elle, mais ses gemmes jettent une clarté astrale – et elle paraît nimbée comme les dieux qui passent au fond des rêves mystiques.
L'accensus vient, sur le Forum, de crier la quinzième heure.
La nuit arrache sournoisement les dernières franges d'or crépusculaires dont se parait le Janicule. L'air garde encore le murmure des foules qui viennent de se récréer au Champ de Mars, et les gros chariots qui, en vertu d'une loi Julia, peuvent parcourir la ville à partir de la dixième heure, heurtent brutalement de leur bruit inégal et dur la tranquillité délicate des silences qui éclosent, peu à peu, sur l'assouplissement de Rome.
Un parfum piquant s'élève du safran cilicien dont les dalles de l'argamasse sont saupoudrées.
Messaline s'assied sur le rebord de la balustrade de bronze et regarde la nuit naissante.
Cette nuit-là est belle d'une beauté infinie qui élève jusqu'à des limites inconcevables l'ardeur des contemplations. Une sérénité tellement pure se balance au bout des rayons d'étoiles que le coeur de l'impératrice, comme pour imiter ce rythme sublime de l'espace, cette harmonie sacrée des slendeurs et de l'ombre, se met à battre vite, vite, dans une ivresse qui est formée par l'essence mystérieuse des principes divins qui lui arrivent des profondeurs de la Nature.
Car Messaline se sent soudain en rapport avec les Dieux qui hantent le milieu de l'immensité ; mais une telle extase afflue si violemment sur sa vie qu'elle oublie son intention de leur demander pardon d'avoir partagé le sacrilège de Claude lors du dernier festin secret. La vestale Maxime, pendant les Mystères de la Bonne Déesse, n'a pas un regard plus pur de toute nuance terrestre que le regard qui, à cet instant, file d'entre les cils presque joints de l'Augusta pieusement adoratrice vers les Olympes que son âme émue aperçoit dans l'invisible, là-bas, là-bas, parmi la gloire suprême des astres.
Et, lentement, la pensée impériale se remplit de toute la divinité vertigineuse de cette nuit ; lentement, cette puissance humaine s'assimile le reflet des puissances inconnues, éparses, dans la souveraineté du recueillement universel.
Messaline est saturée de rythmes sacrés ; la voix éternelle des âges filtre confusément à travers ses fibres.
Elle demeure longtemps absorbée dans un éblouissement, dans une ivresse presque insensible ; elle est intimement unie à l'éther prestigieux ; le frémissement de son être résume l'aspect glorieux et l'expression profonde du ciel.
Puis, doucement, avec l'effort exquis du papillon qui se déchrysalide, son esprit s'élève de cette ambiance et apparaît à l'existence effective.
Messaline, alors, a un sourire ineffable ; elle secoue avec grâce comme pour se dégager tout à fait de cette nébulosité de rêve qui pesait sur elle ; et les diamants du nimbus agitent leurs éclairs au-dessus des yeux, des beaux yeux si singulièrement calmes.
Elle fait quelque pas ; les fines semelles d'or de ses souliers scyoniens, qu'elle a voulu pareils à ceux du Théotime de Plaute, tintent, ainsi qu'un heurt assourdi de cymballum, sur les cubes gravés de la mosaïque. Elle s'accoude au socle d'un Jupiter de bronze qui hausse sa majesté au-dessus d'une rangée de balustres dans le marbre desquels s'incrustent d'humbles physionomies de petits dieux : Momus, Thémis, Éole et d'autres absolument recouverts de lierre, de cobœas...
Les lumières de Rome, à mesure que la nuit se fait plus noire, paraissent développer leur ardeur timide afin de se hausser jusque-là, de mettre la caresse de leurs reflets sur la maison auguste, d'épouser orgueilleusement la lumière des yeux de leur impératrice ; elles vacillent comme d'immatérielles créatures fécondées par le Génie du Feu qu'un souffle d'enthousiasme, d'adoration, animerait, là, devant le feu suprême qui brûle, qui resplendit, malgré l'horreur de Vesta, au sang divin de Messaline.
Messaline ; Eugène Cyrille Brunet (marbre ; Musée des beaux arts de Rennes)
Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | |
01/02/2022
Les trois Vénus
Gérard de Nerval, Voyage en Orient, Vers l'Orient, XVIII. Les trois Vénus, pp.113-132, aux éditions Gallimard (collection Folio classique)
Il est difficile de dire si c'est sur ce rocher qu'était bâti le temple de Vénus céleste, indiqué par Pausanias comme dominant Cythère, ou si ce monument s'élevait sur la colline encore couverte de ruines de cette citée, que certains auteurs appellent aussi la Ville de Ménélas. Toujours est-il que la disposition singulière de ce rocher m' rappelé celle d'un autre temple d'Uranie que l'auteur grec décrit ailleurs comme étant placé sur une colline hors les murs de Sparte, Pausanias lui-même, Grec de la décadence, païen d'une époque où l'on avait perdu le sens des vieux symboles, s'étonne de la construction toute primitive des deux temples superposés consacrés à la déesse. Dans l'un, celui d'en bas, on la voit couverte d'armures, telle que Minerve (ainsi que la peint une épigramme d'Ausone) ; dans l'autre, elle est représentée couverte entièrement d'un voile, avec des chaînes aux pieds. Cette dernière statue, taillée en bois de cèdre, avait été, dit-on, érigée par Tyndare et s'appelait Morpho, autre nom de Vénus. Est-ce la Vénus souterraine, celle que les Latins appelaient Libitina, celle qu'on représentait aux Enfers unissant Pluton à la froide Perséphone, et qui, encore sous le surnom d'Aînée des Parques, se confond parfois avec la belle et pâle Némésis ?
On a souri des préoccupations de ce poétique voyageur, « qui s'inquiétait tant de la blancheur des marbres » ; peut-être s'étonnera-t-on dans ce temps-ci de me voir dépenser tant de recherches à constater la triple personnalité de la déesse de Cythère. Certes, il n'était pas difficile de trouver dans ses trois cents surnoms et attributs la preuve qu'elle appartenait à la classe de ces divinités panthées, qui présidaient à toutes les forces de la nature dans les trois régions du ciel, de la terre et des lieux souterrains. Mais j'ai voulu surtout montrer que le culte des Grecs s'adressait principalement à la Vénus, austère, idéale et mystique, que les néo-platoniciens d'Alexandrie purent opposer, sans honte, à la Vierge des chrétiens. Cette dernière, plus humaine, plus facile à comprendre pour tous, a vaincu désormais la philosophique Uranie. Aujourd'hui la Pagania grecque a succédé sur ces mêmes rivages aux honneurs de l'antique Aphrodite ; l'église ou la chapelle se rebâtit des ruines du temple et s’applique à en couvrir les fondements ; les mêmes superstitions s'attachent presque partout à des attributs tout semblables ; la Panagia, qui tient à la main un éperon de navire, a pris la place de Vénus Pontia ; une autre reçoit, comme la Vénus Calva, un tribut de chevelures que les jeunes filles suspendent aux murs de sa chapelle. Ailleurs s'élevait la Vénus des flammes, ou la Vénus des abîmes ; la Vénus Apostrophia, qui détournait des pensées impures, ou la Vénus Péristéria, qui avait la douceur et l'innocence des colombes ; la Panagia suffit encore à réaliser tous ces emblèmes. Ne demandez pas d'autres croyances aux descendants des Achéens ; le christianisme ne les a pas vaincus, ils l'ont plié à leurs idées ; le principe féminin, et, comme dit Goethe, le féminin céleste régnera toujours sur ce rivage. La Diane sombre et cruelle du Bosphore, la Minerve prudente d'Athènes, la Vénus armée de Sparte, telles étaient leurs plus sincères religions : la Grèce d'aujourd'hui remplace par une seule vierge tous ces types de vierges saintes, et compte pour bien peu de chose la trinité masculine et tous les saints de la légende, à l'exception de saint Georges, le jeune et brillant cavalier.
En quittant ce rocher bizarre, tout percé de salles funèbres, et dont la mer ronge assidûment la base, nous sommes arrivés à une grotte que les stalactites ont décorée de piliers et de franges merveilleuses ; des bergers y avaient abrités leurs chèvres contre les ardeurs du jour ; mais le soleil commença bientôt à décliner vers l'horizon en jetant sa pourpre au rocher lointain de Cérigotto, vieille retraite des pirates ; la grotte était sombre et mal éclairée à cette heure, et je ne fus pas tenté d'y pénétrer avec des flambeaux ; cependant tout y révèle encore l'antiquité de cette terre aimée des cieux. Des pétrifications, des amas même d'ossements antédiluviens ont été extraits de cette grotte ainsi que de plusieurs autres points de l'île. Ainsi ce n'est point sans raison que les Pélasges avaient placé là le berceau de la fille d'Uranus, de cette Vénus si différente de celle des peintre et des poètes, qu'Orphée invoquait en ces termes : « Vénérable déesse, qui aime les ténèbres... visible et invisible.... Dont toutes choses émanent, car tu donnes des lois au monde entier, et tu commandes même aux Parques, souveraine de la nuit ! »
Lien permanent | Commentaires (0) | Imprimer | | |