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19/08/2022

Le Christ virtuel

Jean Parvulesco, Un retour en Colchide, Nous sommes déjà en Colchide, tout en n'y étant pas encore, pp. 109-110, Guy Trédaniel Éditeur  

 

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« (493) Avec Vladimir Dimitrijevic, dans le sous-sol conspiratif de la librairie de l'Age d'Homme, rue Férou. Il me fait part d'une troublante vision qu'il a eu il y a quelques jours à Martigny en Suisse, lors d'une exposition d'icônes russes présentée par Vladimir Volkoff à la fondation Pierre-Gianadda. Cela avait commencé par un malaise ; une nausée l'avait submergé quand il s'était remémoré la relative inutilité de « tous nos combats, toutes nos activités actuelles ».

 

En face de la Bête qui se dresse devant nous, immense, remplissant les cieux de ses tumultueuses ténèbres, nous ne faisons rien d'autre, disait-il, que l'agacer indéfiniment par des petites banderilles, alors que le moment de l'estocade décisive a sonné depuis longtemps déjà ; tous nos efforts actuels sont donc aussi dérisoires qu'imbéciles, et le plus souvent le produit d'une manipulation menée par l'ennemi lui-même, pour faire diversion ; parce qu'à présent ne compte plus que le coup final, l'épée placée directement dans la grosse veine du cœur ; la mort immédiate, fulgurante. Et personne – aucun des nôtres – ne s'avisait d'y penser, tenus, par le terrifiant travail hypnotique de la Bête, par l'embrassement hallucinatoire de son regard. «  Le commandement du moment présent : la Bête, il faut la frapper à mort. »

 

C'est sur le fond obscur de ce malaise (quant à notre paralysie actuelle face à la Bête) qu'il avait eu sa renversante révélation : à savoir que ce que l'on nous prépare à l'heure présente, c'est l'avènement prochain d'un Christ virtuel. Qui aurait toutes les apparences, voire toutes les qualités du Christ, sauf qu'il ne serait pas le Christ, mais qu'on nous l'imposerait comme s'il l'était. L'état suprême du mensonge fondamental. Car ce Christ virtuel ne serait en réalité que l'ombre portée de l'Antéchrist, tel que le « mystère d'iniquité nous le présente dans la IIe Épître de saint Paul aux Thessaloniciens. Le Christ virtuel est déjà agissant. « Il s'agit là d'un fait fait que, désormais, l'on ne saurait plus nier. L'avènement de ce Christ virtuel sera aussi le couronnement apocalyptique de l'actuelle conspiration menée par les États-Unis et par ce qui se tient derrière eux. Derrière la nativité du Christ virtuel, l'Antéchrist. Tel serait donc le secret de la virtualisation intensive du monde que poursuit le noyau central de la grande subversion satanique, installé au cœur du pouvoir mondialiste en expansion permanente. Le règne des ténèbres est là. » 

09/08/2022

Géopolitique européenne : l'Eurasie comme destin (à propos d’un livre de Pierre Béhar)

Source : Vouloir - Archives EROE

 

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Depuis les bouleversements de 1989, l’Europe s’est retrouvée mais ne s’est pas réunie. Malgré les analyses et les essais de géostratégie, malgré les tentatives de « nouvelle donne européenne » et le retour de la géopolitique (retour du mot tout au moins), malgré les débats qu’aura suscité le Traité de Maastricht (des débats bien lointains), les projets BCBG ont été florissants et n’ont fait que renforcer une logique : celle d’une Europe soumise au dogme de l’économie, anti-démocratique, soumise à la synarchie des euro-technocrates. Pourtant présentée comme la « nouvelle Jérusalem céleste », cette Europe ne sera jamais la nôtre.

Un ouvrage signé Pierre Béhar (1) nous ramène à l’essentiel en nous proposant une « géopolitique pour l’Europe ». Une Europe qui en se réappropriant sa totale continentalité, de l’Atlantique au Pacifique, doit se construire sur la base d’un principe : l’équilibre des peuples et des nations. Une encourageante initiative qui s’inscrit dans notre Combat, celui d’une Europe européenne et « grand-continentale », embryon d’un Empire eurasiatique.

L'Europe en effervescence : inquiétudes et espoirs

Effondrement du Mur de Berlin (novembre 1989) et réunification allemande (décembre 1990), éclatement de l’Empire soviétique (décembre 1991), dissolution du Pacte de Varsovie (mars 1991), création de la Communautés des États Indépendants, disparition de la Yougoslavie et guerre balkanique, projet d’union européenne, partition de la Tchécoslovaquie (juin 1992)… décidément, n’en déplaise à M. Fukuyama, l’Histoire continue (2). Certes, cette effervescence n’augure pas obligatoirement d’une histoire conforme à nos aspirations. Mais nous connaissons le tragique de la vie, nous savons que l’Histoire n’est jamais écrite et que « le combat est père de toute chose » (Héraclite). Alors ni états d’âme ni béatitude…

Des inquiétudes…

L'écroulement de l’Imperium soviétique et sa spectaculaire et lamentable disparition auront laissé plus d’un analyste désemparé. Au-delà du fécond réveil des peuples qui autoriserait l’optimisme, certains n’y voient « qu’une étape supplémentaire vers l’accomplissement du matérialisme total et de la dépossession des hommes et des peuples par le système du productivisme planétaire et de la logique du capital » (3). Là comme ailleurs le cauchemar pourrait s’installer. De même, passée l’euphorie de la réunification allemande, immédiatement se sont installés fantasme et scepticisme : crainte en particulier de la voir se construire son propre destin et de se tourner vers l’Est ou vers la Mitteleuropa. Au sud, la guerre balkanique entretient une plaie ouverte et démontre toute la perversité du nationalisme, l’obsolescence de l’État-nation et l’absence du mythe fédérateur européen.

Ailleurs, l’Europe occidentale et communautaire, embryon, nous dit-on, d’une Europe politique, ayant choisi l’économie comme destin, s’enferme dans le juridisme au travers d’un Traite de Maastricht (février 1992) qui accentue le choix originel du Traité de Rome. Cette nouvelle étape sur le long chemin communautaire aura confirmé le décalage flagrant, l’incompréhension entre les élites politiques et les “citoyens européens”. Cette Europe n’est pensée et conçue que comme instrument pour mieux engager la compétition avec les États-Unis et le Japon. n’y parle-t-on pas que “modernisation” et “robotisation” et nos politiciens ne la présentent-ils pas comme une planche de salut pour ses 53 millions de pauvres. Ce que l’on peut d’ores et déjà affirmer, c'est qu’elle comblera les financiers et que « le seul gouvernement qui se profile à l’horizon 2000 risque fort d’être celui des gouverneurs de la banque centrale ». L’homogénéisation marchande et l’intégration à l’économie mondiale s’installent.

Des espoirs…

Tout ce bouillonnement aura eu cependant un mérite : précipiter la fin de l’immobilisme géopolitique en Europe et réveiller les stratèges que 45 années de “protectorat américain” avaient plongé dans un coma frisant la mort clinique. Sont réapparus la géographie européennes, ses peuples et ses ethnies, la réflexion géopolitique et géostratégique. Certes, là où se prennent les décisions, dans les sphères où évoluent nos “décideurs”, le statu quo et la frilosité continuent à régner. L’acceptation du leadership américain s’installe et l’originalité n’est pas de mise.

C'est “Ailleurs” que s’imaginent les véritables projets, ceux qui sont porteurs de destin. L’ouvrage de Pierre Béhar s’inscrit dans cet “Ailleurs” où prend forme et se réalise notre projet grand-européen, cette Europe à vocation confédérale dont bon nombre de nos contemporains ne perçoivent pas l’unité territoriale et a fortiori culturelle. Il contribue également à une mise en forme de ce “Grand Espace” (Großraum) eurasiatique que Karl Haushofer (4) présentait comme l’une des conditions géopolitiques indispensables à toute politique de puissance. Dégageant les caractéristiques géographiques et humaines de notre continent, Pierre Béhar propose une politique d’équilibre interne et intègre l’Eurasie comme composante d’une Europe désireuse de se forger un destin à l’échelle du monde.

L'Europe, un ensemble mouvant

Si, pour les Européens conséquents que nous sommes, l’Europe a toujours existé, un mythe ne mourant jamais, si sa totale dimension eurasiatique ne nous a jamais échappé, cette perspective n’est pas partagée par les futurs “citoyens européens”. La ploutocratie mondiale ayant quant à elle allègrement franchi le pas. Cela tient au fait que, comme le soulignait le Général Jordis von Lohausen (5), « l’Europe n’est pas un simple continent au même titre que l’Afrique, l’Australie, l’Antarctique. Elle est l’œuvre des Européens et non un don de la nature, l’Europe n’est ni au-delà ni en-deçà de l’Oural, mais jusqu’au point où elle se défend ».

En effet, si ses frontières occidentales ont été naturellement perçues et définies, sur le front oriental, elles ont toujours été conventionnelles et incertaines. L’Oural ne signifiant géopolitiquement rien, c'est souvent sur la ligne de front, au point d’arrêt de “l’envahisseur” que l’Europe se définissait. En cette fin de XXe siècle, l’Europe a retrouvé son unité géographique. Des divisions subsistent (économiques, religieuses, …) mais elles doivent s’effacer si l’Europe se veut, de l’Atlantique au Pacifique, autre chose que le “cap de l’Asie”.

Retrouver notre continentalité

L'Europe, écrit Pierre Béhar, se présentant comme le « promontoire de l’Asie », point d’aboutissement de toutes les migrations venant de l’Est, laisse apparaître plusieurs ensembles géographiques très contrastés d’où se dégagent des « permanences géopolitiques ».

◘ Le relief, trois ensembles :

  • La “grande plaine du Nord”, sans relief, sans frontières naturelles, les peuples qui l’habitent éternellement s’y entrechoquent et s’y mêlent. Germains, Baltes, Polonais, y trouveront maintes sources de conflits.
  • Au sud, un ensemble montagneux, Alpes, Carpathes et Balkans. Ces derniers, “tourmentés et escarpés” nous éclairent sur les difficultés encore actuelles que peuvent y avoir les populations à y constituer des zones d’habitat stables.
  • Ailleurs, l’Europe n’est que presqu’îles ou îles lointaines. Autant de presqu’îles (hellénique, italique, ibérique, Asie Mineure, danoise, norvégienne, …) qui constituent des liens avec le monde arabe (nouvel ennemi d’un Occident en mal de croisade), l’Afrique (que certains voudraient rejeter dans la barbarie), l’Asie et le Grand Nord.


◘ Les deux aires humaines : À ce constat dans le relief correspondent des “aires humaines” tout autant contrastées. À l’Ouest, une zone de stabilité, à l’Est, une instabilité chronique dont la résolution de l’équilibre « reste la tache à laquelle l’Europe est actuellement confrontée ».

◘ l’Asie jusqu’où ? : Mais l’Europe géopolitique, c'est aussi cet “au-delà”, cette Asie sans laquelle aucun destin ne sera possible. Une nécessité apparaît : « rétablir des relations qui reflètent les liens géographiques qui les unissent ». D’où une question de l’auteur : « Jusqu’où vers l’Est, l’Europe doit-elle étendre des relations géopolitiques privilégiées ? ». La réponse est pour nous sans équivoque.

◘ La mer : Enfin, l’Europe, c'est aussi un rapport à la mer constant, d’où une maîtrise nécessaire des mers pour un continent qui a toujours souffert du manque de matières premières. Mais aussi nécessité stratégique parce que la mer est devenue « un élément essentiel du théâtre des opérations terrestres ». Et Pierre Béhar d’affirmer : « L’Europe sera une thalassocratie ou ne sera pas », au même titre qu’elle ne pourra éviter un investissement dans une politique spatiale d’envergure.

Autant de « permanences géopolitiques » que nous somme gré à l’auteur de nous rappeler tant aujourd'hui elles sont ignorées. Mais ces permanences ont un objectif, amener les Européens à s’engager dans deux directions pour penser une géopolitique européenne : rétablir l’équilibre interne de l’Europe, penser l’Eurasie.

Rétablir l’équilibre interne du continent

Cette notion d’équilibre rejette “l’Europe hémiplégique” et réductionniste qu’est la Communauté Économique Européenne (CEE). Une Europe économique dont on nous fait croire qu’en sortira une Europe politique. Rien de plus faux, car inévitablement « elle se fondra sur le principe d’une intégration totale » et renforcera les frustrations nationales. C'est donc vers une Europe confédérée et affirmant le primat du politique qu’il faut se tourner. Abandonner le « présupposé arbitraire du primat de l’économique devenu credo de la réflexion occidentale ».

Si la confédération apparaît comme le système le mieux adapté, elle demande un dépassement de “l’idéologie nationaliste” qui a “suicidé” l’Europe et un retour au principe d’équilibre qui a toujours guidé l’ancienne diplomatie dont Bismarck fut un remarquable exemple. Une tradition à mettre en œuvre dans une zone, celle du centre-Europe, mais aussi à l’échelle du continent.

Au centre : l’Allemagne et la Mitteleuropa

L'Allemagne n’est pas le problème et le « déséquilibre européen ne vient pas de sa réunification (…) mais de la destruction (…) de l’ensemble politique austro-magyaro-slave qui la contrebalançait ». Certes en 1994, l’Allemagne n’a plus de "revendications territoriales" mais comme à toute puissance économique correspond une puissance politique, on peut légitimement craindre une "hégémonie allemande" sur la Mitteleuropa, le choix de Berlin comme nouvelle capitale ne pouvant que renforcer ce mouvement. Si hier l’Empire d’Autriche-Hongrie garantissait cet équilibre, aujourd'hui, il n’en est rien.

Il faut donc contrebalancer ce déséquilibre et concevoir des nouveaux ensembles, tels qu’une Fédération de l’Europe Centrale (Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie, Slovénie et Croatie), une Fédération balkanique (Serbie / Monténégro, Roumanie, Bulgarie, Albanie, Grèce et Turquie) et même concevoir une Fédération du Nord (Pays Baltes, Finlande, Scandinavie). Cela n’a rien d’artificiel. Penchons-nous sur les relations séculaires des peuples du Nord, souvenons-nous du pacte balkanique (1934), examinons l’espace commun (le Danube) dans lequel ils évoluent. Vienne doit redevenir capitale de l’Europe centrale et l’axe Vienne-Budapest doit renaître. Déjà des regroupements se mettent en place (Pentagonale, Hexagonale, Communauté des régions du Danube…). Ce rééquilibrage au centre de l’Europe ne saurait se passer à l’Ouest du retour de la France à sa double vocation continentale et maritime.

À l’Ouest : le rôle de la France

« La France y étant le facteur principal de stabilisation » : Pierre Béhar nous rappelle qu’elle y constitue le « pendant de la Russie », qu’elle est le lien entre l’Europe du Nord et du Sud, l’Europe continentale et atlantique. n’est-elle pas elle-même le croisement de l’Europe, son "point nodal". Regrettant les erreurs et les errements de la diplomatie française qui a parié sur une « Realpolitik de la force et non de la liberté des peuples », Béhar offre à la France de se "rattraper" à condition de mettre ses armes stratégiques et tactiques au service de la défense du continent, d’accroître ses programmes d’équipement naval (surtout de les accorder avec ses ambitions et d’abandonner le prestige pour l’efficacité) et de renforcer son programme spatial plutôt que « s’enfermer pour vingt ans dans la même inefficacité ruineuse ».

L’Eurasie

Si l’Atlantique est la dimension indispensable à notre continentalité, si l’Europe occidentale et l’Europe centrale s’inscrivent sans hésitation dans la définition de l’Europe, "l'Au-delà” reste encore un monde inconnu que l’on hésite à y intégrer. Pourtant, c'est vers lui qu’il faut tendre la main, "l'Europe n’aura de fondements économiques et stratégiques fermes (…) que si elle est assurée de son prolongement eurasiatique". Deux mondes se côtoient au sein de cette dimension, un monde slave et un monde turc.

Le monde slave, lien indispensable avec l’Asie

Le monde slave oriental, flanc est de l’Europe, contrefort oriental d’une Europe qui n’a aucun intérêt géopolitique à la voir se désagréger, constitue le lien terrestre indispensable avec le monde asiatique. D’où une nécessité : maintenir la coopération entre la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine, maintien du "pivot du monde", d’un heartland dont Mackinder (1861-1947) avait souligné la force. Si l’Europe veut compter sur les richesses sibériennes, elle doit rester à l’écoute de la Russie authentique et ne pas hésiter à engager le dialogue avec une "Russie touranienne" dans la perspective d’un "grand ensemble dynamique eurasien".

Le monde turc : un pont de la Mer du Nord au Golfe Persique

Barrière psychologique, la "question turque" se pose aux Européens. Un effort intellectuel et historique doit être effectué. Il serait absurde de rejeter la Turquie hors du projet européen. La Turquie souligne Pierre Béhar a et est toujours tentée par un "destin personnel", celui du monde panturc. Dans une optique de non-alignement, ce destin est-il incompatible d’avec une Europe tournée vers l’Eurasie ? Nous ne le croyons pas et, peut-être pour d’autres motifs que l’auteur, nous pensons en effet qu’historiquement, religieusement, philosophiquement, le monde turc est lié à l’Europe. Rappelons pour le mythe, qu’Europe, fille d’Agénor, était originaire d’Asie, que Troie était construite sur les rivages maintenant turcs, qu’Alexandre porta son Empire par delà l’Anatolie jusqu’à l’Indus… l’Empire ottoman ne fut-il pas la continuité de l’Empire byzantin ?

Mais la Turquie d’un point de vue géopolitique est surtout un pion essentiel pour une Europe, souligne Pierre Béhar, qui se veut présente dans les Balkans, dans le monde méditerranéen et dont la Turquie pourrait être une force de stabilisation au Proche-Orient. Enfin et surtout, nous soulignerons (ce que ne fait pas Béhar) que la Turquie, c'est aussi un "pont tendu" reliant l’Europe centrale et l’Europe du Nord au Golfe Persique. Son territoire est l’élément indispensable d’un "puzzle européen" retrouvant vie et cohésion sur une "diagonale" que les ennemis de l’Europe ont toujours combattue (entretien de la guerre balkanique, guerre du Golfe…).

En guise de conclusion :

29042210.jpgL'Europe ou l’Eurasie, tel sera le destin de l’Europe Totale (P. Harmel) sans lequel il n’y aura pas d’Europe. Remercions Pierre Béhar de contribuer à la mise en forme du "grand espace européen autocentré" que nous appelons de nos vœux.Contribution qui n’aura pas osé la dénonciation de « l’Alliance otanesque » qui voue à l’échec toute mise en œuvre de défense authentiquement européenne et la création de ce "nomos eurasien" dont Haushofer et Carl Schmitt souhaitaient la réalisation.

L'Europe n’a pas de frontières, nous l’écrivions au début de cet exposé, elles se situent au point jusqu’où elle choisira de se défendre. Sa frontière géopolitique pourrait alors consister, à partir d’une "Europe noyau", bâtie sur l’idée de respect d’un équilibre entre ses peuples qui y auraient consenti un "vivre-en-commun", d’étendre ce jus publicum europaeum jusqu’aux limites d’un espace eurasien, voire africain, permettant une large autosuffisance et une sécurité repoussée à ses points extrêmes. Le nouvel ordre américano occidental serait alors frappé à mort. C'est notre plus ardent souhait.

► Lucien Favre, Vouloir n°114/118, 1994.

• Notes :

(1) Pierre Behar, Une géopolitique pour l’Europe. Vers une nouvelle Eurasie ?, éd. Desjonquères, Paris, 1992.
(2) Francis Fukuyama, La fin de l’Histoire et le dernier homme, Flammarion, 1992.
(3) Cf. Hérodote n°64.
(4) Karl E. Haushofer, De la géopolitique, Fayard, 1986 (préface et traduction du prof. Jean Klein).
(5) Heinrich Jordis von Lohausen, Les empires et la puissance, Labyrinthe, 1985.

• Voir aussi : L’Europe, la géopolitique et Pierre Béhar [site EuropeMaxima]

18/07/2022

Au sujet des Yezidis

Papini, Le Diable, IX Les amis du Diable, 55 Les adorateurs du Diable, pp. 196-197, Flammarion (1964)

 

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Il y a encore sur terre environ soixante-dix mille adorateurs du Diable. Ce sont les Yezidis, qui vivent sur le mont Sindyar, dans la haute Mésopotamie. Il s'agit d'une secte hérétique musulmane, qui vénère comme son héros le calife Yezid qui fit mettre à mort le neveu de Mohammed Husaya. Mais le Diable qu'ils adorent n'est pas, comme certains l'imaginent, celui que l'on connaît et que l'on craint dans notre Occident. Le Diable musulman, Iblis, selon les théologiens de l'Islam, se damna pour l'amour exclusif qu'il portait à la pure idée de la Divinité.

 

Selon les livres sacrés des Yezidis – le Livre de la Révélation et le Livre Noir – le Diable est bien un Archange déchu, mais qui reçut ensuite son pardon et auquel Dieu confia le soin de gouverner le monde et de conduire les âmes vers leur transfiguration. Cet ange, que les Yezidis appellent Malak Tawus, c'est-à-dire l'Ange Paon, est donc ministre de la Divinité suprême, un rebelle repenti et pardonné, digne par conséquent de respect et même d'un culte.

 

Ce Diable pourrait paraître, à première vue, diffèrent du Satan du Judaïsme et du Christianisme, mais toute la différence, en vérité essentielle, tient au fait que Dieu lui a pardonné. Or, certains des anciens Pères chrétiens considèrent aussi, de même que les Yezidis, que le gouvernement du monde matériel a été confié à Satan ; et l'un d'eux, Origène, a soutenu que, à la fin des temps, Satan recevra aussi son pardon.

 

Il n'est pas sans importance d'ajouter que les Yezidis vénèrent, en même temps que le Diable, le fameux Hallaj qui fut crucifié à Bagdad en l'an 922 de notre ère, pour sa doctrine de la déification de l'homme par le moyen du pur amour de Dieu.

 

La théorie de la déification de l'homme se rencontre aussi, bien que théologiquement purifiée, dans la philosophie chrétienne, et elle peut trouver facilement sa justification dans l’Écriture. Mais ce n'est que dans la religion des Yezidis trop calomniée, que l'on voit réunis ces deux sommets paradoxaux de la foi : que le Démon redeviendra ange et que l'homme deviendra semblable à Dieu. Ces prétendus « adorateurs du Diable », qui adorent au contraire le pardon de Dieu et la divinité de l'homme représentent un des plus hauts témoignages de la conscience religieuse.

 

Malgré cela, leur nombre ne cesse de s'affaiblir, et c'est à peine si l'on parle d'eux comme d'une étrange curiosité locale de l'Asie déchue et superstitieuse.