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18/01/2023

Archéologie sacrée & Tour d'Europe des vestiges troglodytiques (Tiki Viracocha)

 

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Aperçu sur le symbolisme dans l'Art et l'Architecture traditionnels

 

 

Architecture sacrée et Cosmogonie des 3 Mondes

 

 

Architecture sacrée et Cosmogonie des 3 Mondes ; deuxième partie

 

 

Cyclologie, géographie sacrée et solidification du monde

 

 

Science moderne et Sagesse traditionnelle

 

 

Les fondements de la pensée traditionnelle

 

 

Live spécial vestiges mystérieux avec Pierre-Yves Lenoble

 

 

Tour du Monde #1

 

 

Tour du Latium d'Italie # 1

 


 

Tour du Latium d'Italie  #2 : Cerveteri

 


 

Tour de France #1 : sud de la France

 

 

Tour de France # 2 : sud de la France

 

 

Tour de France # 3 : Dordogne

 

 

Tour de France #4 : Val d'Oise

 


 

Tour de France #5 : Auvergne

 


 

Tour de Sicile # 1: Parc archéologique de Néapolis

 

 

Tour de Sicile # 2 : Pantalica & Noto Antica

 

 

Tour de Sicile # 3

 

 

Tour de Sardaigne : Domus de Janas et Nuraghes #1

 

 

Tour de Sardaigne : Domus de Janas et Nuraghes #2


 

Tour D’Alsace #1

 

 

Tour de Vasgovie (Alsace et Rhénanie-Palatinat)

 

 

Tour de Saxe-Anhalt

 

 

Tour d'Espagne

 

16/01/2023

Rouffignac et l'essence de l'Eurasie (Claude Bourrinet)

Claude Bourrinet, L'Empire au cœur, Rouffignac et l'essence de l'Eurasie, pp. 327-331, éditions Ars Magna

 

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Connaissez-vous Rouffignac ? La grotte offre aux regards, ajoutés aux bouquetins, chevaux, rhinocéros et bisons, cent cinquante mammouths, soit 40% des gravures ou dessins répertoriés dans des grottes préhistoriques de ce patriarche antédiluvien. Ce qui est encore plus étonnant est qu'il n'existe pas d'ossements datant de la période d'occupation de la grotte dans les vallées périgourdines. Ceux qui les ont représentés sur les parois ne les avaient pas sous les yeux, et n'en avaient que le souvenir, peut-être celui de périples épisodiques dans le Nord de l'Europe, où ces pachydermes, menacés par le réchauffement planétaire, avaient trouvé refuge.

 

Nous n'en savons pas plus. Mais les figures, probablement tracées par deux ou trois individus en un temps relativement court (au maximum cinquante ans, si l'on s'appuie sur l'hypothèse de trois générations – ce qui n'est pas certain, car ils ont pu tout aussi bien avoir le même âge), possèdent tous les signes d'une essentialisation de l'animal, qui en font plus un concept, une image mentale, qu'une simple mimesis de la réalité. Nous n'avons donc pas affaire à du naturalisme, mais à quelque chose qui se rapproche de l'Idée. Je rappelle que ces créations, qui connaissent une sorte d'apothéose, au fond des boyaux, dans une prolifération couvrant un plafond surplombant un puits abrupte de douze mètres où sont figurés deux visages humains, datent de la fin du paléolithique, du magdalénien, c'est-à-dire de plus de treize mille ans, et qu'il y a autant de durée entre elles et celles de Lascaux qu'avec notre époque.

 

Le plus impressionnant est la marque évidente, fulgurante, d'un intellectualisme des plus raffinés. Ainsi découvrons-nous une frise de mammouths affrontés étonnamment pensée, avec une symétrie, une occupation de la superficie pariétale, un travail des intervalles, et un tempo qui n'ont rien à envier au Parthénon. Elle manifeste d'une manière spectaculaire le degré de rationalité, d'abstraction, d'anticipation et de projection géométrique dans l'espace dont étaient capables les premiers Européens. Et que dire de leur capacité à tracer au noir de manganèse de grands animaux sans en voir le résultat ! En effet, dans le grand sanctuaire où se trouve le puits, l'écart entre le sol et le plafond était trop réduit pour que les auteurs des figures, couchés sur le dos, pussent les distinguer dans leur intégralité.

 

Et pourtant, nous, qui bénéficions des travaux de déblaiement des préhistoriens qui ont, il y a cinquante ans, mis en valeur le site, nous apprécions l'harmonie, la grâce, la perfection de la plupart de ces dessins.

 

Mieux même ! En observant attentivement, nous en constatons la légèreté, une sorte de puissance aérienne, comme si les animaux figurés étaient en lévitation ! Les pattes des mammouths par exemple ne semblent pas subir la pression de leur poids corporel. Nous sommes bien en présence d'idées, d'images mentales, dans la mesure où, par ailleurs, nul ciel, nulle terre, nulle reproduction végétale ne viennent détourner l'attention de l'observateur, dont le regard est attiré par l’éclat et l'énergie des œuvres, et parce que les tracés obéissent à des types, et non à des nécessités de restituer des singularités puisées dans l’observation.

 

N'est-on pas face à l'Esprit européen dans ce qu'il a de plus pur et de plus lumineux ?

 

L'icône ne vient-elle pas de l'âme, et l'âme de l'Esprit du Cosmos ?

 

L'art n'est-il pas une rencontre avec le cœur du Monde ? L'art n'est-il pas au cœur de son être présence de l'être ? Ne vise-t-il pas à nous rendre le réel encore plus proche que ne l'est notre cœur ?

 

Un cœur qui ne nie pourtant pas la matière. Car la sensation prégnante d'une osmose avec la pâte des parois s'impose, non seulement parce que ceux qui ont gravé ou dessiné se sont servis avec la maîtrise des accidents minuscules de surfaces pour donner relief et vie à leurs œuvres, telle représentation d'un patriarche en majesté gravitant autour d'un petit nodule de silex figurant l’œil, telle oreille de cheval trouvant son ombre dans la convexité d'une bosse, mais aussi parce que les traces de doigts laissées en serpentins alignés sur l'argile nue, ou couvrant certains dessins, comme pour saisir sensuellement la consistance du matériau de support, soulignent un rapport charnel avec la corporéité du monde environnant, avec sa peau, qui est sa plus grande profondeur. Il me plaît d'en faire la comparaison avec les griffades laissées par les ours des cavernes, qui,après une longue hibernation, échauffaient leurs muscles, bien avant que l'Homme de Cro-Magnon ne se glissât dans les ténèbres caverneuses. De l'homme à la bête, il y a cette expérience de la force animale qui s'essaie, et la jouissance de l'existence, que consacre la résistance des choses. Sans conteste, on ne saurait interpréter la raison d'être de ces lignes hermétiques dont des attestations bien plus savantes s'observent dans d'autres grottes. Mais pour celles qui rayent les parois de Rouffignac, je me mets à penser à ces peintres et ces sculpteurs qui touchent, tâtent et essaient la substance qui prendra forme, qu'elle soit pierre, peinture ou bois, comme des amoureux caressant le corps de leur amie, comme un rituel érotique avant la belle et divine fécondation de la matière par l'Esprit.

 

D'aucuns songeraient à l'art zen du japon, ou à la peinture chinoise. Pourquoi pas ? Pourquoi d'ailleurs ne pas penser que ces derniers arts aient connu l'influence d'une antique civilisation eurasiatique ?

 

Certes, il est aventureux, dans le cas des dessins et gravures préhistoriques, d'évoquer l'art, qui est une notion relativement récente.

 

Cependant, la délectation que l'on éprouve en contemplant les créations de nos ancêtres ne laisse aucun doute. Ce n'est pas là une extrapolation abusive, mais une évidence empirique, existentielle : les premiers Européens étaient sensibles à la beauté. Celle-ci éclatait dans les plongées fuligineuses des grottes, à la lueur vacillante de leurs lampes à huile.

 

N'est-ce pas construire un pont entre et nous, par le Kalos des Grecs ?

01/05/2022

La magie sympathique – aux sources du chamanisme archaïque résiduel

Jean Clottes – David Lewis-Williams, Les chamanes de la préhistoire, Cent ans de recherche des significations, La magie sympathique, pp.78/84, aux éditions Point

 

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La magie sympathique se fonde sur une relation ou une identité postulé entre l'image et son sujet. En agissant sur l'image, on agit sur la personne ou l'animal figuré. Elle a été bien définie par le comte Bégouën : « C'est une idée généralement répandue chez tous les peuples primitifs, que la représentation de tout être vivant est, en quelque sorte, une émanation même de cet être et que l'homme qui a en sa possession l'image de ce être a déjà un certain pouvoir sur lui. De là vient, chez beaucoup de sauvages, la peur réelle qu'ils éprouvent quand on les photographie ou qu'on les dessine. On peut donc admettre que les hommes primitifs croyaient, eux aussi, que le fait de représenter un animal le mettait déjà, en quelque sorte, sous leur domination, et que, maîtres ainsi de sa figure, de son double, ils pouvaient plus facilement se rendre maîtres de l'animal lui-même.

 

Dés le début du XXe siècle, Reinach jeta les bases de la théorie connue sous le nom de « magie de la chasse ». Elle fut adoptée, complétée et popularisée par l'abbé Breuil et le comte Begouën, au point qu'elle se cristallisa en une sorte de dogme jusqu'à la fin des années cinquante.

 

Cette nouvelle façon d’interpréter l'art eut deux fondements principaux. L'ethnologie avait récemment apporté une image différente de l'homme « primitif ». Ce n'était plus le bon sauvage libre et insouciant s'ébattant dans un monde d’abondance, mais une créature faible essayant de survivre dans un univers hostile. Le livre de J-H. Rosny aîné, La Guerre du feu, qui date de 1911, en donne une image dramatique. L'art magique a donc un but pratique car il concourt à la survie. Selon les termes de Bégouën, « l'art de cette époque est utilitaire ».

 

La caverne elle-même constitue le second support de l'hypothèse magique. Si les préhistoriques se rendaient si loin sous terre pour dessiner dans des lieux retirés, ce ne pouvait être que dans un but magique. Ces dessins n'étaient pas destinés à être vus. « Seule l'exécution du dessin ou de la sculpture importait. La représentation de l'animal était un acte qui valait par lui-même. Une fois que cet acte était accompli, le résultat immédiat et matériel de cet acte, le dessin, n'avait plus aucune importance. » Cela expliquait les nombreuses superpositions de figures sur les mêmes parois et le manque de visibilité des gravures.

 

Les pratiques magiques avaient trois buts principaux : chasse, fertilité, destruction. La magie de la chasse visait à permettre des chasses heureuses, par la prise de possession de l'image de l'animal à abattre et donc de la bête elle-même. Elle était renforcée par l'apposition de signes en forme de flèches ou de blessures sur certains animaux (Niaux), parfois au cours de cérémonies (Montespan), ou par la figuration de pièges (Font-de-Gaume). Les dessins de bêtes incomplètes avaient pour objet de diminuer leur facultés et en conséquence de faciliter leur approche et capture. Cette magie s'appliquait aux grands herbivores chassés : chevaux, bisons, aurochs, bouquetins, rennes et cerfs. La magie de la destruction visait ceux qui étaient dangereux pour l'homme : les félins et les ours (Trois-Frères, Montespan). Par la magie de la fertilité, on aidait à la multiplication des espèces utiles, en représentant des animaux de sexe opposé en des scène de pré-accouplement (bisons d'argile du Tuc-d'Audoubert) ou des femelles pleines.

 

Dans cette optique, les animaux étaient des « images-réalités », les signes participaient de la chasse (armes, blessures, pièges), et les humains étaient les sorciers revêtus de peaux de bêtes ou dotés d'attributs d'animaux pour mieux capturer leurs qualités et leur force, ou encore des dieux régnant sur la faune. C'est ainsi que l'être composite dessiné à 3,50 mètres du sol dans le Sanctuaire des Trois-Frères fut indifféremment appelé Sorcier ou le Dieu Cornu.

 

Les partisans des théories magiques de l'art pariétal ont mis en exergue quelques exemples – la Scène de Chasse et les modelages de Montespan ; la Chapelle de la Lionne et le Sorcier des Trois-Frères – choisis pour leurs vertus démonstratives. Puis, ils sont revenus à l'ethnologie pour trouver des parallélismes susceptibles de renforcer leurs interprétations par un processus analogique élémentaire.

 

Leurs conceptions ont connu un succès durable, dû à plusieurs facteurs : le progrès certain qu'elles représentaient par rapport aux concepts antérieurs ; la domination exercée par l'abbé Breuil sur la recherche préhistorique pendant un demi-siècle. Le prestige de l'age pariétal européen, spectaculaire et le plus vieux monde, a concouru à leur diffusion : elles furent exportées partout et appliquées à l'art rupestre d'autres continents. La magie de la chasse a souvent été, et parfois continue à être utilisée, à tort ou à raison, pour l’interprétation de pratiques ou d'arts fort éloignés du continent européen.

 

Les critiques ont porté sur divers aspects de ces théories. Le futilité des comparaisons ponctuelles a été dénoncée. Elles se basaient sur l'idée préconçue et fausse que les préhistoriques constituaient une humanité primitive et que, tous les primitifs étant à un même stade d'évolution, les analogies se trouvaient justifiées. Plus graves étaient les interprétations biaisées, les contradictions et les absences d'explication pour une conception de l'art qui se voulait globale.

 

Si la magie sympathique avait été le motif essentiel de l'art paléolithique, on se serait attendu à trouver une majorité d'animaux envoûtés, marqués de « flèches » ou de blessures, de femelles pleines, de scènes sexuelles évidentes, ainsi qu'un équivalence entre les vestiges d'animaux chassés mis au jour lors des fouilles d'habitats et les représentations animales. Or, Leroi-Gourhan fit avoir que le pourcentage d'animaux porteurs de signes évoquant des armes restait infime, qu'il s'agisse d'espèce consommables ou dangereuses. Il en était de même des femelles gravides, rares et le plus souvent douteuses, ainsi que des scènes qualifiées de sexuelles mais qui, en fait, n'étaient guère explicites. Les images de coïts humains (plaquettes gravées d'Enlène, Ariège) ou animaux (chevaux pariétaux de la Chaire à Calvin, Charente) étaient étonnamment exceptionnelles, ce qui témoignait d'un manque d’intérêt pour la représentation de ces activités vitales essentielles. Quant à ce que Delporte a appelé l' « échantillon culinaire », c'est-à-dire les animaux chassés, il ne présentait pas de corrélations avec l' « échantillon figuré ». Selon les termes de Claude Lévi-Strauss, souvent repris, certains animaux étaient donc « bons à manger » et d'autres « bons à penser », et ça n'étaient pas nécessairement les mêmes. Pour ces derniers, il s’agissait donc d'un « bestiaire ».

 

En outre, de nombreux éléments, parfois fondamentaux, ne trouvaient par leur place dans la magie de la chasse, de la fécondité et de la destruction. Comment expliquer dans leur cadre les mains négatives, les figures humaines isolées et caricaturales, et surtout les créatures composites, ces sortes de monstres qui n'existent pas dans la nature et dont l'on ne pouvait en conséquence souhaiter ni la destruction ni la multiplication ?

 

Pour rendre compte des contradictions et de la variété de l'art pariétal, les partisans de la magie sympathique exposèrent des points de vue à géométrie variable. Selon les cas, et parfois das la même grotte, Breuil interpréta des signes identiques de façons très diverses. Ainsi, dans Niaux, les points rouges représentaient selon lui des repères topographiques sur les « Panneaux indicateurs » ; une blessure sur e « Bison mourant », des bisons et un chasseur dans la galerie Profonde. La subjectivité des ces interprétations est évidente. Elle ne l'est pas moins dans la représentation de la Scène de la Chasse de Montespan et des rites dont elle était censée résulter : si les points affectant un cheval étaient les traces de coups de sagaie pour l'envoûter, pourquoi y en avait-il tant en dehors du corps de l'animal ? De plus, le lieu était trop bas et exigu pour accueillir les chasseurs et leurs cérémonies. On pourrait multiplier les exemples d’interprétations fallacieuses colorées par les a priori.

 

Malgré une défaveur certaine depuis les théories structuralistes auxquelles nous en venons à présent, la magie sympathique n'a pas disparu sans laisser de traces. Dans la conscience populaire, elle est toujours vivace. Il arrive encore que certains guides de grottes ornées ouvertes au public la proposent aux visiteurs comme une explication irréfutable. Ses défenseurs ont judicieusement mis en évidence de observations et exposé des idées qui ne peuvent manquer d'influencer la recherche, dans la mesure où elles ont été confirmées par les découvertes du demi-siècle écoulé.

 

D'abord, la présence des animaux marqués de « flèches ». Il est vrai qu'on ne les retrouve pas partout et qu'ils sont minoritaires. Cependant, dans certaines cavernes (Niaux, Cosquer), ils représentent un quart ou plus du bestiaires. Dans le même ordre d'idée, on rangera les animaux (lion de Trois-Frères) qui ont subi des coups ou ont été partiellement ou en totalité effacés (Chauvet), voire les mains négatives de Cosquer, surchargées de signes ou détruites. Ces faits demandent explication.

 

L'accent mis sur la focalisation des figures dans les lieux écartés, leur manque de visibilité pour d'improbables spectateurs, l'utilisation des reliefs naturels des parois, les superpositions fréquentes vont dans le sens d'une valeur prépondérante intrinsèque de chaque dessin. Nous y reviendrons avec les pratiques chamaniques.

 

Enfin, les théories des Reinach, Breuil et Bégouën reposaient sur l'idée fondamentale que l'homme s’efforçait, par certaines pratiques d'influer sur le cours des événements afin de faciliter sa vie quotidienne. Or, les études ethnologiques modernes ont montré que la plupart des cultures traditionnelles n'avaient pas une attitude différente, qu'il s'agisse d'éviter des catastrophes, de rétablir un certain équilibre dans la nature, de contribuer au retour des saisons ou la multiplication du gibier, de guérir des malades ou de punir des ennemis Cet appel à des forces autres que celles dont l'on dispose communément fait partie des universaux de la pensée humaine.