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29/10/2023

Saxons et Souabes – origines des « Guelfes » et des « Gibelins »

 

Benoist-Mechin, Frédéric de Hohenstaufen ou le rêve excommunié (1194-1250), Deuxième Partie – L'enfant des Pouilles (septembre 1202 – décembre 1212), V., pp. 61-70, Librairie Académique Perrin

 

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(...) En rentrant à Palerme, il apprit une nouvelle qui le combla de joie. Constance venait de lui donner un fils, qui fut baptisé Henri en mémoire de son grand-père. En somme, Innocent III avait raison d'écrire à Pierre d'Aragon : « Chez Frédéric, la virilité devance le nombre des années. » Il était déjà père et avait à peine seize ans...

 

Les choses allaient donc pour le mieux à la Cour de Palerme en ce mois de juin 1211 lorsqu'un nouvel ouragan, venu du nord, faillit tout compromettre. Du jour au lendemain, Frédéric dut faire face à la plus terribles des tempêtes qu'il n'ait jamais eu à affronter. Non seulement le royaume de Sicile, mais toute l’œuvre des Normands en Méditerranée risquaient d'être balayés.

 

V

 

Pour mieux mesurer la gravité du péril, il nous faut revenir un peu en arrière.

 

Depuis le jour de Pâques 1079 où l'empereur salien Henri IV avait fait don du duché de Souabe à son homme lige Frédéric de Hohenstaufen (1047-1105), sans doute dans l'intention de faire pièce aux trop puissants et trop entreprenants seigneurs de Saxe et de Bavière, il avait posé l'amorce d'une querelle qui devait déchirer pendant plus d'un siècle l'Empire germanique et, finalement, l'Occident chrétien tout entier.

 

La lignée des Hohenstaufen avait pris naissance vers 987 dans un château érigé au sommet d'une colline du même nom, dans la vallée du Neckar. Par la suite, les Staufer, comme on les appelait, avaient ajouté à leur patronyme celui de Waiblingen, au nom d'un fief que leur avait apporté en dot Agnès (ou Adélaïde) de Waiblingen, une des filles de l'empereur Henri IV. Avec le temps, on avait tiré (par déformation) du nom de Waiblingen le terme de « Gibelin ». Quant à la lignée des Welfes – e ou « Guelfes » –, c'est-à-dire celle des ducs de Saxe, elle provenait de Zehringen, plus au nord de l'Allemagne.

 

Dés qu'ils entrèrent en scène. Souabes et Saxons s'étaient dressés les uns contre les autres, pour la raison très simple qu'ils aspiraient à la possession de la couronne impériale. Chacun de leurs actes, chacune de leurs alliances, n'avait qu'un seul but : agrandir leur domaine pour conférer à leur pouvoir plus qu'un caractère régional : une dimension nationale, voire universelle. Ils s'étaient affrontés en tant que ducs ; ils avaient continué à le faire en tant que princes ; ils devaient persister à s'opposer en tant qu'empereurs, en sorte que leur lutte qui, à son début, n'avait été qu'une querelle de hobereaux, était devenue, avec le temps, un corps à corps de géants. Toute la Germanie pour commencer, toute la Lombardie ensuite s'étaient partagées en deux camps. Le parti guelfe (pro-saxon) et le parti gibelin (pro-souabe) s'affrontaient en des rivalités chaque jour renaissantes. Non seulement les seigneurs, leurs vassaux, leurs armées et leurs flottes subissaient les effets de cette contestation, mais les villes elles-mêmes – y compris celles qui semblaient les moins concernées par cette querelle dynastique – s'en trouvaient scindées en deux. Une partie de la population en venait aux main avec l'autre sous le simple prétexte que l'une était « guelfe » et l'autre « gibeline ». Avec le temps, ces mots avaient changé de sens. Ils ne servaient plus à désigner les partisans des deux dynasties qui se disputaient l'Empire : le parti « guelfe » était devenu le parti du Pape et le parti « gibelin » le parti de l'Empereur. Ce qui était absurde, car le Pape, changeant de camp selon les besoins de sa cause, soutenait tantôt les uns et tantôt les autres.

 

Jusque-là, Frédéric n'avait guère eu l'occasion de porter ses regards au-delà du détroit de Messine. A présent, qu'il le voulût ou non, il allait être entraîné dans l'engrenage de cette terrible rivalité. En d'autres termes, dés le début de son règne, il allait se heurter à l'ennemi le plus puissant, le plus hardi, le plus dangereux qui pût lui être opposé. De même que Henri le Noir avait tenu tête à l'empereur Conrad III, qu'Henri le Lion avait été pour Frédéric Barberousse un adversaire redoutable, Othon IV, duc de Brunswick, et Frédéric de Hohenstaufen, allaient s'affronter comme représentants des deux Maisons rivales « entre lesquelles », comme devait le dire Otton von Freising, « Il ne pouvait y avoir ni trêve ni paix ».

 

Qui était donc ce tout-puissant Othon de Brunswick qui venait menacer Frédéric, encore adolescent, jusque dans son lointain royaume de Sicile ? « Il avait », nous dit Marcel Brion, « le caractère violent, intrépide, orgueilleux et sans scrupules de tous les Welfes ». A quoi Karl Hampe ajoute : « C'était un chevalier de haute taille et d'une force herculéenne, belliqueux et aventureux, téméraire à la manière des chevaliers normands, mais arrogant, cassant et rude. Il manquait de la tenue que donne la culture et la supériorité intellectuelle. Audacieux jusqu'à la témérité, du moment qu'il se sentait le plus fort, il n'avait rien d'un politicien sachant édifier une œuvre durable avec prudence et diplomatie. Dans l'ensemble il offrait l'exemple, pas trop réussi, d'un mélange des qualités héréditaires que l'on retrouve chez les Welfes et les Plantagenêts » auxquels il était apparenté. Mais la touche finale, c'est un chroniqueur de l'époque qui nous la donnera : « Il ressemble à un taureau déchaîné, dont les naseaux crachent le feu. »

 

Fils de Henri le Lion, duc de Saxe et de Bavière, et de Mathilde Plantagenêt, sœur de Richard Cœur de Lion, il avait été élevé en Angleterre où il avait conservé de puissantes attaches. Il était également un seigneur français, de par les fiefs qu'il possédait en France. Il revendiquait l'Aquitaine, sans cependant reconnaître la suzeraineté du roi de France, ce qui le mettait en conflit permanent avec Philippe Auguste.

 

Comme nous l'avons dit, Saxons et Souabes visaient un même but : le pouvoir impérial. Mais ils comptaient l'atteindre par des moyens différents : les Saxons, grâce à leur alliance avec l'Angleterre ; les Souabes, grâce à l'appui bienveillant des Français. Cette différence contribuait à aggraver encore le caractère implacable de leur rivalité.

 

Une légende apocryphe veut que le jour où Othon IV de Brunswick apprit la nouvelle de la mort d'Henri VI, il se trouvait à la Cour de Richard Cœur de Lion, en train de banqueter avec le roi d'Angleterre et le roi de France, Philippe Auguste. Aussitôt la nouvelle connue, Richard tendit un plat d'or à Othon, en lui disant : « Prenez, beau neveu, vous êtes digne d'avoir la couronne d'Allemagne, et vous l'aurez ! » Sur quoi Philippe Auguste avait tendu son gant à Othon et lui avait dit, sur un ton de défi : « Tenez aussi ceci : quand vous aurez la couronne d'Allemagne, je vous donnerai Chartres et Paris. » Sans doute n'est-ce qu'une légende, mais elle éclaire assez bien la position des trois principaux protagonistes.

 

Philippe de Souabe, huitième fils de Frédéric Barberousse et frère puîné d'Henri VI, n'était pas de taille à résister au « taureau aux naseaux de feu ». C'était un homme aimable et discret, délicat, auquel aurait beaucoup mieux convenu l'état ecclésiastique auquel on l'avait tout d'abord destiné. En 1195, son père lui avait confié l'administration de la Toscane, ce qui l'avait plongé, dés l'âge de dix-huit ans, dans l'imbroglio de la politique italienne. Après quoi son frère Henri VI l'avait chargé de gérer son domaine allemand tandis qu'il guerroyait pour entrer en possession de son héritage sicilien, ce qui l'avait inséré dans la querelle entre Guelfes et Gibelins. Othon, semble-t-il, avait juré de l'abattre, ce à quoi il allait parvenir sans trop de difficultés car il avait, selon les témoins, « une toute autre encolure ».

 

Né en 1177, Philippe de Souabe avait vingt et un ans lorsqu'un groupe de Gibelins réunis en diète à Mayence lui avait offert la couronne d'Allemagne (1198). Ne voulant pas se laisser prendre de court au moment où il avait l'impression de toucher au but, Othon en avait profité pour se faire empereur, l'année suivante, par un groupe de Guelfes réunis en diète à Francfort (1199). Il y avait donc simultanément deux empereurs germaniques, un César gibelin (Philippe, élu à Mayence) et un anti-César guelfe (Othon, élu à Francfort). En tout autre temps et en tout autre lieu, la chose eût paru impossible. Mais dans l'état d'anarchie qui régnait en Allemagne, cette anomalie ne fît qu’aggraver la confusion des esprits. Les têtes étaient si échauffées que l'élection d'un anti-César risquait d'entraîner à son tour l'élection d'un anti-Pape, ce qui n'était pas du goût d'Innocent III.

 

Prenant les devants, le Souverain pontife offrit son arbitrage. Se référant au discours qu'il avait prononcé devant le Concile de 1200, il proclama que « le Pape avait le droit de décider quel était, de deux souverains, le légitime auquel devait appartenir la Couronne ». Ce droit découlait du fait que c'était le Pape qui avait posé la couronne impériale sur la tête de Charlemagne. « Ce précédent illustre », ajoutait-il, « tranche la question une fois pour toutes et doit commander toutes les relations future entre l'Empire et la papauté ». Autant dire que le Pape considérait tout l'Empire comme son fief, et l'Empereur – quel qu'il fût – comme son vassal.

 

Cette déclaration de principe fut accueillie avec faveur par certains, mais elle ne fut guère appréciée par Philippe de Souabe, d'autant plus qu'Innocent III, se rangeant aux conseils du roi d'Angleterre, avait rendu son verdict en faveur d'Othon IV, malgré des protestations du roi de France.

 

Philippe de Souabe ayant refusé de s'incliner devant cette décision, Innocent III recourut à la seule sanction qui lui restait : il excommunia Philippe. Inutile de dire qu'Othon IV exultait.

 

Il exultait d'autant plus que l'excommunication de Philippe ne renforçait pas seulement sa légitimité : elle créait peu à peu le vide autour de son rival. De hauts dignitaires ecclésiastiques de plus en plus nombreux quittaient le camp des Hohenstaufen pour se rallier au sien. On y trouvait déjà l'archevêque de Cologne, entouré d'un clergé actif et influent ; on y trouvait aussi le nouvel archevêque de Mayence, ainsi qu'une foule de prélats rhénans, car Othon avait sauté sur l'occasion pour pourvoir d'hommes à lui tous les postes devenus vacants, du fait que leurs titulaires étaient partis pour la Quatrième Croisade...

 

Tout cela exacerbait les haines et les convoitises personnelles. De quelque façon que ce fût, cette situation ne pouvait durer.... Elle trouva un dénouement le 21 juin 1208. Ce jour-là, Philippe de Souabe fut assassiné dans le palais épiscopal de Bamberg par le comte palatin de Bavière, Othon de Wittelsbach. Celui-ci – comme par hasard – était du parti guelfe. Mais on camoufla fort habilement ce crime politique en drame passionnel. On l'attribua au fait que Philippe de Souabe avait refusé à Othon de Wittelsbach la main de sa fille Béatrice.

 

La disparition de Philippe de Souabe simplifiait les affaires allemandes. Elle laissait Othon IV seul maître de l'Empire. L'arbitrage qu'Innocent III avait rendu en sa faveur avait beaucoup contribué à accroître sa puissance. Mais Othon avait encore un concurrent à abattre. C'était le jeune roi Frédéric de Sicile, puisque son père Henri VI l'avait fait proclamer Roi des Romains. Mais à présent, plus personne ne s'interposerait entre les deux prétendants. De toute évidence, un nouvel affrontement était inévitable.

 

Pour donner une base légale à ses prétentions sur la Sicile, et aussi se rallier le dernier quarteron de seigneurs qui hésitaient encore à prendre parti pour lui. Le premier geste d'Othon fut d'annoncer ses fiançailles avec Béatrice de Hohenstaufen, la fille aînée de Philippe de Souabe, ce qui laissait prévoir une réconciliation entre les deux lignées. Née à Worms en juin 1198, Béatrice était alors agée de douze ans. Plusieurs années s’écouleraient donc avant que le mariage puisse être consommé. Mais cela importait peu. Cette alliance n'était que le premier jalon d'une manœuvre plus vaste.

 

Voyant que la puissance d'Othon IV ne cessait de grandir, Innocent III trouva plus sage de prendre ouvertement fait et cause pour lui, avant qu'il ne soit trop tard. Mais il estima prudent de s'entourer auparavant de quelques précautions. Il demanda à Othon de respecter l'intégralité du Patrimoine de saint Pierre ; de confirmer la suzeraineté du Pape sur la Sicile ; de renoncer au « droit de dépouille » sur la succession des dignitaires ecclésiastiques et de reconnaître au Souverain pontife le droit exclusif de nommer les évêques allemands. Othon – qui n'en était pas à une promesse près – accorda au Pape tout ce que celui-ci lui demandait. Agréablement surpris, Innocent III déclara alors qu'Othon était « un homme selon son cœur », et l'invita à venir à Rome pour s'y faire couronner. C'était exactement ce qu'Othon souhaitait.

 

Le fils d'Henri le Lion se rendit donc à Rome, escorté de forces militaires disproportionnées avec les exigences de la cérémonie. Leur ampleur étonna tout le monde, car personne n'avait encore percé ses desseins. Son pèlerinage au tombeau de saint Pierre – tout comme ses fiançailles avec Béatrice de Hohenstaufen – n'était qu'un prélude à la conquête de la Sicile et à l'écrasement de Frédéric II.

 

A Rome, Innocent III fut soudain saisi d’inquiétude. N'avait-il pas eu tord de prendre pour argent comptant toutes les promesses d'Othon ? Ne venait-il pas de commettre, mais à une beaucoup plus grande échelle, la même erreur que lorsqu’il avait soutenu les ambitions de Gauthier de Brienne ? Il ne disposait d'aucune force militaire capable de tenir tête à celles du Guelfe triomphant. Craignant le pire, il s’efforça de lui lier les mains en lui faisant confirmer sous la foi du serment tous les engagements qu'il avait pris à son égard à la veille de l'élection.

 

Sans se faire prier, Othon renouvela toute ses promesses au Pape. Le sacre eut donc lieu le 4 octobre 1209. Dés le lendemain, au plus grand mépris de sa parole, Othon renia tous ses engagements et fit marcher ses armées vers le sud de l'Italie. L'objectif qu'il leur assigna était la conquête de Naples et des Pouilles, opération préliminaire à l'invasion de la Sicile.

 

Le Pape fulminait. Othon l'avait odieusement grugé ! A présent, il était trop tard pour arrêter son avance. Nul doute n'était plus permis : une fois la Sicile conquise, Othon profiterait de ce surcroît de puissance pour se retourner contre Rome et avoir « une explication finale » avec la papauté. Innocent III recourut donc à la seule arme dont il disposait : il frappa Othon d'excommunication – comme il avait excommunié Philippe de Souabe, lorsque cet acte lui était apparu conforme aux intérêts de l’Église. En d'autres termes, Innocent III, après avoir été « gibelin », était devenu « guelfe » ; maintenant il cessait d'être « guelfe » pour redevenir « gibelin ».

 

Othon n'était pas homme à « s'effrayer des menaces d'un prêtre » – surtout quand ce prêtre n'avait aucune armée à lui opposer. Passant outre aux fulminations du Pape, il ordonna à ses troupes de poursuivre leur avance. Bientôt Sora, Camino, Suessa, Teano, Capoue, Aversa et Naples tombèrent entre ses mains. De là, Othon lança un certain nombres de colonnes qui occupèrent sans difficulté Salerne, Melfi, Barletta, Bari, Policoro et Tarente. A l'automne de 1211, toute la partie continentale du royaume de la Sicile était à lui. Il ne lui restait plus à conquérir que la partie insulaire.

 

Othon prépara sans désemparer cette deuxième opération. Il conclut une alliance avec les Pisans qui, étant guelfes, n'avaient pas pardonné à Frédéric de les avoir expulsés des ports siciliens avec l'aide des Génois qui étaient gibelins. Ensuite il se mit en rapport avec les Arabes de l'île, auxquels il promit toutes sortes d'avantages s'ils se ralliaient à lui.

 

A Palerme, l'approche des armées d'Othon avait semé la panique. Déjà des galères pisanes croisaient au large de Catane et de Messine. Dans les montagnes, les Arabes fourbissaient leurs armes pour mieux accueillir les nouveaux arrivants. Les barons allemands manifestaient ouvertement leur sympathie pour Othon. Quant au parti pontifical, il ne savait littéralement où donner de la tête, car les volte-face du Saint-Siège l'avaient désemparé. De lui-même, il aurait volontiers pris parti pour Othon, aussi longtemps que celui-ci avait été le candidat du Pape. Mais que faire maintenant qu'il était excommunié ? Selon les dires d'un témoin, « toute l'île semblait avoir perdu la tête et ressemblait à un nid de frelons affolés. »

 

Frédéric se faisait tenir au courant de la situation par des messagers secrets venus des Pouilles ou de Messine. Ceux-ci lui décrivaient d'heure en heure avec effroi l'avance irrésistible des armées d'Othon ; leur arrivée imminente à Reggio de Calabre ; les villes conquises se ralliant à lui les unes après les autres ; l'activité accrue des galères pisanes au large de l'île. Dés à présent, Othon pouvait se considérer comme ayant gagné la partie. En dehors du soutien du Pape, il avait mis tous les atouts dans son jeu. Impossible de lui opposer la moindre résistance...

 

Frédéric suivait la marche des événements avec une attention soutenue. Mais il n'en conservait pas moins la maîtrise de lui-même. Il avait fait armer une galère dans le port de Palerme pour pouvoir s'enfuir de Sicile avant qu'il ne soit trop tard. Son capitaine n'attendait plus qu'un signe de lui pour hisser ses voiles et le transporter à Tunis, lui, sa femme Constance, son fils Henri et son trésor. Mais tout au fond de lui-même, Frédéric conservait une confiance inébranlable en sa fortune (c'est le moment qu'il choisit pour faire ajouter à son blason le soleil et la lune, symboles de la domination universelle).

 

Soudain, arriva à Palerme une nouvelle stupéfiante. Sans aucune raison apparente, Othon avait disparu ! Des messagers venus des Pouilles décrivirent les feux de camp éteints, leurs cendres dispersées et les colonnes d'Othon refluant précipitamment vers le nord de l'Italie. Au moment où l'ouragan menaçait de s'abattre sur la Sicile, tout danger était miraculeusement écarté... Comment s'expliquer ce brusque coup de théâtre ?

 

VI

 

Frédéric II et Innocent III n'avaient pas été les seuls à s’inquiéter de l'avance d'Othon IV. Un troisième personnage s'en était alarmé autant qu'eux et il possédait des moyens de dissuasion beaucoup plus puissants que les leurs : c'était Philippe Auguste. Opposé à Othon, qui était l'allié des Anglais, le roi de France ne voyait pas sans inquiétude son rival accroître ainsi son influence. En conséquence, il était entré en pourparlers avec Innocent III en vue d'élaborer un plan susceptible de lui barrer la route.

 

Innocent III était ulcéré par la façon dont Othon IV avait foulé aux pieds ses promesses. Mais il n'était pas pour rien le plus grand diplomate de son temps : il était décidé à réparer son erreur et à faire échec d'une façon ou d'une autre aux ambitions du fils d'Henri le Lion et de Mathilde d'Angleterre . « Je regrette d'avoir fait cet homme ! » rugissait-il en faisant les cent pas dans les couloirs de son palais de Latran, ce qui signifiait qu'à présent il ne reculerait devant rien pour le défaire. D'accord avec le roi de France et un certain nombre de princes allemands, il décida de réunir en toute hâte une diète à Nuremberg. Celle-ci déférant aux vœux du Souverain pontife, avait proclamé Frédéric Empereur germanique.

 

Othon IV était sans doute impulsif et brutal. Mais il était assez avis pour comprendre ce que signifiait cette élection que rien ne laissait prévoir. Il avait immédiatement donné l'ordre à ses troupes de faire demi-tour et de rentrer précipitamment en Allemagne. Pouvait-il s’enfoncer davantage dans le Sud, en laissant grandir dans son dos une pareille menace ?

 

Aux premiers jours de janvier 1212, une délégation de princes allemands arriva à Palerme. Conduite par Conrad von Ursberg et Anselm von Justingen, elle voulait expliquer à Frédéric ce qui venait de se passer. La décision de la diète de Nuremberg – organisée en secret par Innocent III avec l'accord de Philippe Auguste – ne modifiait pas seulement le rapport des forces sur le continent : ses conséquences allaient se faire sentir jusqu'au cœur de la Sicile.

 

Lors du couronnement de Frédéric, en 1198, l'évêque de Palerme, obéissant aux injonctions de Célestin III, avait passé sous silence le fait que le fils d'Henri VI était Roi des Romains. Et voici qu'Innocent III, s'appuyant justement sur ce fait, le proclamait le candidat du Souverain pontife à la couronne impériale. Comme il avait eu raison, à l'heure la plus sombre, de ne pas perdre confiance en son étoile !

 

Ce brusque revirement lui avait déjà valu une série de ralliements spectaculaires. Les barons allemands, qui avaient escompté la victoire d'Othon et qui ne pouvaient plus rien espérer de lui, se pressaient au palais de Palerme pour faire oublier leur défection. Les Arabes, qui avaient dégainé leurs sabres trop tôt, submergeaient le jeune roi de présents et de louanges. Quant aux dirigeants du parti pontifical, ils ne pouvaient plus rien lui refuser, puisque le Pape l'avait désigné comme le candidat officiel du Saint-Siège...

 

Lorsque Anselm von Justingen, Conrad von Ursberg et les princes qui les accompagnaient supplièrent Frédéric de se rendre immédiatement en Allemagne afin d'y recevoir la couronne impériale, ce fruit succulent que lui tendaient à la fois un pape et un roi de France, Frédéric demanda à réfléchir. Mais au fond de lui-même sa décision était déjà prise : l'enjeu était trop grand pour qu'il pût le laisser échapper.

 

Lorsqu'il demanda l'avis de ses conseillers, ceux-ci commencèrent par l'exhorter à ne pas y donner suite, tant l'offre des ambassadeurs allemands leur paraissait invraisemblable. Ils répugnaient à laisser un homme aussi jeune s'engager dans une aventure semée d'autant d’embûches. Constance elle-même le supplia en pleurant de ne pas l'abandonner, faisant valoir que la pacification de l'île était encore loin d'être achevée.

 

Prenant à son tour la parole, Frédéric leur exposa les raisons qui le poussaient à accepter la proposition des princes germaniques. Il commença par leur dire qu'il ne serait pas digne d'être roi s'il se laissait arrêter par la peur du danger, il ne pouvait refuser ce qui lui appartenait de naissance et acheva de les convaincre en leur démontrant qu'une pareille occasion ne se représenterait pas deux fois. Il fallait donc la saisir au vol. Constance fut la première à lui donner raison et les autres conseillers se rallièrent à sa manière de voir.

 

Tandis que se poursuivaient ces délibérations, Anselm von Jusingen et les princes allemands déambulaient à travers les rues de Palerme, qui suscitaient en eux un double sentiment d'émerveillement et de perplexité. Tout ce qu'ils y voyaient était si diffèrent de l'Allemagne ! Certes, ils étaient séduits par la limpidité du ciel, par la douceur du climat, par l'atmosphère ensoleillée dans laquelle vivaient les populations méditerranéennes ; certes, ils étaient éblouis par le scintillement des mosaïques byzantines qui ornaient la cathédrale, l'église de la Martorana et la chapelle Palatine. Mais ce qui les étonnait le plus, c'était Frédéric lui-même. Sa personnalité était pour eux une véritable énigme. Qu'était-il au juste ? Un Sicilien ? Un Normand ? Une chose était certaine : il était le fils d'Henri VI et le petit-fils de Barberousse. A ce titre le sang des Hohenstaufen coulait dans ses veines et c'était là l'essentiel. Mais de quelle étrange mission ne s'étaient-ils pas chargés ! Etre venus du fond des brumes de la Germanie pour offrir la couronne su Saint Empire à ce jeune homme à peine sorti de l'adolescence, qui parlait couramment le sicilien, l'arabe et le provençal, ainsi qu'un peu de français, de grec, de catalan et d'hébreu, mais pas un seul mot d'allemand ! Il y avait dans tout cela quelque chose d'extravagant qui leur donnait le vertige.

 

Sitôt qu'ils eurent quitté Palerme, Frédéric prit un certain nombre de disposition en prévision de son départ.

 

Tout d'abord, il fit couronner roi de Sicile son fils Henri, à peine âgé d'un an, pour qu'il n'y eût pas d'hiatus dans la succession du trône au cas où il ne reviendrait pas. Puis il nomma son épouse Constance régente du royaume. Enfin, il rappela à Palerme l'ancien chancelier Gauthier de Pagliara et le plaça auprès de la régente pour qu'il lui servît de conseiller. Cette décision peut surprendre quand on sait combien leurs rapports étaient tendus. Sans doute lui fut-elle « suggérée » par Innocent III et Frédéric s'empressa d'y souscrire pour lui fournir une preuve supplémentaire de sa docilité.

 

Après avoir pris congé de tous, Frédéric se rendit à Messine (février 1212). Là, Innocent III, qui ne voulait pas être dupé de nouveau comme il l'avait été par Othon IV, lui demanda de contracter solennellement entre les mains de son légat, le cardinal-diacre de Saint-Théodore, un certain nombre d'engagements qui, s'ajoutant aux clauses qui figuraient déjà dans le Concordat conclu treize ans plus tôt entre sa mère et Célestin III, étaient si nombreux et si variés que leur somme équivalait à un véritable « Acte de soumission ».

 

« En présence du légat pontifical », écrivit Frédéric à Innocent III, « Nous Vous jurons fidélité à Vous et à Vos successeurs et Nous promettons que si si Vous et Vos successeurs Vous rendez dans une partie quelconque de Notre Royaume et que, appelé par Vous, Nous puissions sans danger venir en Votre présence, Nous Vous rendrons personnellement l'hommage d'homme lige. »

 

L'accord comportait ensuite un certain nombre de dispositions réglementant l'élection des évêques de Sicile.

 

Cette formalité accomplie, le petit-fils de Barberousse se dirigea vers le port, où était mouillée une galère. C'était la même qui, quelques semaines plus tôt, devait l'emmener en Afrique pour le soustraire aux griffes d'Othon IV. Mais, cette fois-ci, au lieu de mettre le cap vers le sud, elle allait remonter vers le nord, vers les Etats pontificaux, où le Pape attendait Frédéric avec impatience.

 

L'embarquement fut rapide. Frédéric n'emmenait avec lui qu'une très petite escorte : une trentaine de chevalier en tout, parmi lesquels se trouvait Bérard de Castacca, archevêque de Bari, que le Pape avait nommé son légat pour la durée du voyage. (Il devait être promu plus tard archevêque de Palerme).

 

La galère leva l'ancre le 18 mars 1212 et cingla vers le large. Elle portait à son bord un jeune homme de dix-sept ans qui, sans armes et les mains vides, partait reconquérir l'empire de ses pères.

 

Il ne se doutait pas que son absence allait durer huit ans.

18/03/2023

Pour une critique positive du Prométhéisme

 

Lettre ouverte à la Droite européenne et conservatrice

 

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Eugène Brunet (1828-1921) Prométhée enchaîné, 1885, huile sur toile, 145 x 208 cm

 


 


 

Ce que nous allons affirmer ci-dessous ouvre quelques réflexions autour du Prométhéisme. Le style affirmatif est notre marque de fabrique mais nous ne prétendons pas détenir la vérité. Ce texte est un interlude à notre essai La grande trahison métapolitique de la Droite que nous diffusons sous forme d'articles quand le temps nous permet d’opérer les corrections et remises-en-forme nécessaires avant publication.

 

Les idées prométhéennes ne rencontrant aucune attention de la part des intellectuels, nous ouvrons la critique mais, contrairement à eux, nous n'avons pas la formation, le temps, les moyens, les réseaux et les accès pour prétendre à davantage qu'une introduction sur le sujet et la proposer à nos contemporains qui se conforment aux nouveaux lieux communs imposés à travers les choix éditoriaux de la Droite européenne et conservatrice.

 

Nous laisserons les prométhéens se présenter eux-mêmes et, pour ce faire, vous renvoyons à la lecture de l'article de Rage culture : Familles de pensées Prométhéennes.



Ce que nous nous contentons de souligner jusqu'à présent c'est que deux visions de la Civilisation en tant que Destin, diamétralement opposées, s'affrontent au cœur de la plus grande Droite et qu'il y a un non-dit concernant cette opposition dans la formation du futur et qui renvoie à deux imaginaires distincts. Rien d'autre. Si l'on veut bien admettre que cette opposition existe et qu'il y a bien un sujet...



L'on pourrait résumer cette opposition à la vision de Guillaume Faye et à celle d'Alexandre Douguine, mais il apparaîtra que les prométhéens outrepassent l'Archéotfuturisme de Faye (compatible à la Métaphysique du chaos de Douguine. Nous y reviendrons dans un autre article à travers une lecture croisée de Guillaume Faye et d'Alexandre Douguine dés que nous le pourrons).



« Le conflit entre les visions de Faye et de Douguine illustre le désaccord plus important entre leurs perspectives sur la signification de la tradition et de l'héritage dans le monde moderne. Alors que Faye croit en la nécessité de préserver l'héritage culturel et historique de l'Europe et considère que les États-Unis se sont éloignés de leur matrice européenne, Douguine rejette entièrement l'idée de la supériorité culturelle de l'Europe et considère les États-Unis comme une menace pour les autres civilisations. Malgré leurs perspectives différentes sur la place de la Russie, Faye et Douguine s'accordent à dire que l'ordre mondial actuel est contrôlé par les valeurs libérales occidentales, qui doivent être remises en question. Faye pense qu'une Europe et une Russie unies sont nécessaires pour combattre cette suprématie, tandis que Douguine soutient un ordre mondial plus fragmenté dans lequel diverses civilisations coexistent pacifiquement. Enfin, leurs perspectives divergentes sur l'implication de la Russie reflètent un différend plus large sur la meilleure approche pour conserver et développer l'héritage culturel et historique de leurs régions.



Une nouvelle vision de l'Europe peut être produite en combinant les concepts de Faye et de Douguine. Tout en acceptant le progrès technologique, cette vision met l'accent sur la préservation de l'héritage culturel et historique de l'Europe. Le concept de Großraum de Carl Schmitt est utilisé pour imaginer l'Europe comme un espace high-tech de grande taille. Dans cette vision, l'Europe serait membre d'un ordre multipolaire, interagissant poliment avec les autres civilisations. La combinaison de l'accent mis par Faye sur la continuité culturelle et du point de vue multipolaire de Douguine permet à l'Europe de conserver son caractère propre tout en favorisant un ordre mondial plus harmonieux et pacifique. La difficulté, cependant, est de concilier ces points de vue apparemment contradictoires. Il est essentiel de résoudre ce dilemme si l'Europe veut jouer un rôle clé dans le façonnement de l'avenir du monde. Au lieu d'être identifiée par son passé colonial ou sa suprématie culturelle, la vision proposée présente l'Europe comme un leader en matière de technologie et d'innovation. » Constantin von Hoffmeister, Guillaume Faye vs Alexander Douguine, Euro-Synergies



La voie prométhéenne qu'empruntent les occidentalistes entraîne la Droite identitaire et européenne dans une « fuite en avant transhumaniste » sans aucun recul critique sur cette orientation qui séduit les jeunes générations identitaires.



Le sujet du transhumanisme, de la mort et de l'immortalité, débloque le sujet de l'être dans toutes ses dimensions et ses multiples états, et il nous semble qu'il y a matière à philosopher sur cette surenchère progressiste.



Ce que nous craignons c'est que ces deux visions civilisationnelles en viennent, à moyen/long terme, à s'affronter de manière de plus en plus « directe » et « violente » par l'intermédiaire de nos groupes métapolitiques, dans une confusion qui sera égale à ce manque de dialogue et cette absence de débat dont sont responsables les intellectuels.



Nous rappelons qu'un conflit fratricide a actuellement lieu en Europe et que, d'une certaine façon, il amorce cet affrontement. C'est parce que nous voulons éviter la montée en puissance et la réplique de ce conflit dans nos propres rangs que nous cherchons à ouvrir un dialogue entre prométhéens et pérennialistes.



Nous autres, eurasistes et traditionalistes, qui défendons le point de vue multipolaire, avons été frappés par l’assassinat de Daria Douguine et nous comprenons à quel point le dialogue est nécessaire pour retrouver un certain équilibre des forces européennes. Car nous pensons que la possibilité pour que des guerres civiles localisées, à travers lesquelles vont s'exprimer toutes sortes d'oppositions, sont de plus en plus envisageables, sinon voulues. Et qu'elles entraîneront les groupes politisés dans des affrontements alors que la fonction métahistorique de nos groupes est de maîtriser ces échauffements prérévolutionnaires.



Nous considérons que les conservateurs sont hors-jeu ; qu'ils sont déjà plus ou moins acquis au mouvement occidentaliste et prométhéen. Ils incarneront demain cette réaction progressiste dans toute sa quintessence, car là est leur destin de libéraux honteux. Que les occidentalistes et prométhéens n'y voient pas une victoire, car ça sera une victoire à la Pyrrhus. Les conservateurs, coutumiers des « étranges défaites », font indirectement la promotion du prométhéisme par le fait de ne porter aucune contradiction aux prométhéens. Et nous cherchons moins à convaincre les conservateurs qu'à rallier à nous les traditionalistes dans notre combat métapolitique contre le transhumanisme et notre critique positive du prométhéisme – car nous distinguons « transhumanisme » et « prométhéisme ». Nos intentions sont claires. Les prométhéens ne sont pas nos ennemis ni même nos adversaires. Ils sont une part de nous-mêmes.



Peut-être est-ce une stratégie métapolitique de la part des conservateurs d'ignorer le mouvement occidentaliste et prométhéen pour mieux le récupérer en temps voulu ? Auquel cas cette stratégie est dans la droite ligne des différentes stratégies d'entrisme qui n'ont jamais fonctionné et ont systématiquement l'effet inverse que celui recherché initialement. Cette stratégie a normalement pour conséquence d'abaisser les standards conservateurs de la Droite et de la soumettre aux causes libérales. C'est la stratégie de l'évitement étendue au domaine du combat métapolitique d'une Droite révolutionnaire-conservatrice qui a peur de son ombre et de ses idées depuis la Défaite. Une histoire que nous connaissons par cœur et qui trébuche aujourd'hui sur la question du prométhéisme. Que les prométhéens ne soient pas dupes de la manœuvre.



Nous parlons ici d'un affrontement « philosophique » mais nous ne connaissons que trop bien la « psychologie des foules » pour ne pas anticiper la possibilité que cette opposition métapolitique, qui reflète une vieille querelle entre les anciens et les modernes, prennent d'autres formes qu’intellectuelles lorsque, tôt ou tard, des événements l'imposeront. Les conservateurs sont un jour complotiste, le lendemain prométhéen. Cette position n'est pas tenable.



Dans cette perspective du « dialogue », et tant qu'il est encore possible, nous sommes radicalement opposés à l'idée de « débat » qui ne ferait qu'envenimer la situation. Nous refuserons donc toute forme et proposition de pseudo-débats sur des sujets qui ne s'y prêtent pas. Imaginer un débat en l'état actuel n'a pas de sens. Quel débat ? Avec qui ? Sur quels sujets ? Pour envisager un quelconque débat il faudrait premièrement admettre qu'il y ait un sujet et deuxièmement que nous parlions la même langue, ce qui n'est pas le cas et qui n'est pas gagné tant que cette opposition n'est pas reconnue par les intellectuels. Le cadre est inexistant. Le débat mérite d'être porté au niveau qu'il convient. Seul l'échange épistolaire est envisageable. Le sujet du prométhéisme n’intéresse pas les intellectuels qui tiennent les lignes éditoriales et décident, en leurs âmes et consciences, ce qui mérite d'être débattu ou non. Pour eux, l'opposition au « gauchisme » est bien trop pratique et confortable que pour sortir du cadre de la réinformation pour toute métapolitique. Le fait qu'ils ne perçoivent pas le sujet du prométhéisme comme analogue à celui du transhumanisme démontre qu'il n'y a plus d’intellectuels à Droite. Et que nous devrons faire sans eux. Nous autres, eurasistes, comprenons mieux que quiconque la faculté des gramscistes de Droite à mettre la lumière sous le boisseau et pour qui le mot « métapolitique » ne veut plus rien dire depuis longtemps.

 

« Cependant, trente ans après le départ du général de Gaulle du pouvoir, que reste-t-il encore de son grand « dessein secret », de son projet impérial européen, de sa vision suprahistorique du Grand Continent Eurasiatique et de la mission transcendantale de la France ? Où en est-elle, aujourd'hui, l’œuvre révolutionnaire, salvatrice, partie pour changer le visage final de l’Histoire actuelle du monde, qu'avait entrepris de mener à bout le « concept absolu » Charles de Gaulle ? Convenons-en : de tout cela, apparemment, il n'en reste plus rien. Tout s'est défait, tout a été dévasté, réduit à néant, jusqu'au souvenir même de ce qui a été dévasté, de ce qui a failli être, et qui n'est plus, à l'heure présente, que mensonge et vile imposture. » Jean Parvulesco, La confirmation boréale, Sur le grand tournant actuel du gaullisme, Le « génie du renouveau », pp. 252-256, aux éditions Alexipharmaque



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Il est étonnant de constater que les prométhéens, à l'instar des conservateurs, ne comprennent pas la relation dialectique entre le scientifique, le philosophique et le théosophique. Entre Socrate, Aristote et Platon. Entre l'exotérique, l'ésotérique de l'exotérique et l'ésotérique de l'ésotérique. Surtout sur la question ontologique et hautement métaphysique de la Mort.



Ne pas comprendre que ce sont les réflexions métaphysiques, antérieures et supérieures aux réflexions philosophiques et scientifiques périphériques, qui ont permis le développement de la Logique et de la « méthode scientifique », ça n'est rien comprendre au sujet de la Science elle-même. Les sciences procèdent de réflexions philosophiques antérieures qui deviennent scientifiques au fil des observations, des démonstrations et confirmations des intuitions métaphysiques primordiales et philosophiques premières. Les principes métaphysiques, philosophiques et scientifiques se justifient les uns par rapport aux autres dans une relation épistémologique et ne varient que sur le plan de la sémantique dans le cadre d'une spécialisation qui appelle la formation de nouveaux concepts pour s'exprimer – mais qui puise aux mêmes sources étymologique pour construire un mot, un concept, une idée.



Un principe est, par essence, trois principes. Un « principe » est premier précisément quand on peut le qualifier sur les trois plans de la connaissance. La connaissance est connaissance lorsqu'elle exprime une même idée sur les trois plans précités de la métaphysique, de la philosophie et de la science et quand, traditionnellement, elle s'organise sur quatre niveaux de lecture. Ce qui ne peut ultimement se justifier sur le plan symbolique est une fausse connaissance. Autrement dit, une idée qui ne trouve pas sa traduction ésotérique – qui n'a pas de sens intérieur et sacré – n'est pas une « idée ». Cette disposition est un chiffrement, un code de sécurité, une vérification. Tout l’intérêt de la Tradition est d'en apprendre le fonctionnement universel par transmission et initiation par les archétypes, symboles et principes métaphysiques primordiaux présents dans les mythes et textes sacrés qui en sont les véhicules, les supports.

 

Nous ne comprenons pas par quelle médiation intellectuelle et psychologique la question « scientifique » de l'immortalité que pose le transhumanisme est décorrélée des questions « philosophiques » et « métaphysiques » qu'elle soulève en terme de morale et d'éthique par les prométhéens qui réduisent le transhumanisme à sa seule possibilité technoscientifique dans un avenir incertain ?

 

Mais, sans vouloir être désobligeants, nous ne sommes pas convaincus, aux vues de leurs réponses, que les occidentalistes comprendraient le sens de la question que nous introduisons et évoquons ci-dessus.

 

Les prométhéens sont des religieux et des littéralistes qui s'arrêtent au sens exotérique du narratif transhumaniste. Lorsque nous les qualifions de scientistes et de néo-spiritualistes, nous n’exagérons rien. Et c'est ce que nous tenterons de démontrer par nos travaux.

 

Leur Religion est la Science. Leur Tradition le Progrès. Leur Métaphysique la Cybernétique.

 

Qui est leur « Dieu » ?

 

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Est-il « complotiste » d'imaginer que le glissement métapolitique du Complotisme au Zététisme est le fruit d'une ingénierie cybernétique psychosociale qui entraîne volontairement les multitudes anonymes connectées dans une « dissonance cognitive » par injonction contradictoire et double contrainte ?

 

« (…) je pense que toute entreprise humaine, aussi forte et structurée soit-elle, ne pourra jamais prévoir l’accident ultime : l’Ange Gabriel ou bien la Révolution. Tout au plus peut-elle récupérer l’événement lorsqu’il est mineur et le détourner à son profit après qu’il se soit produit (si les mêmes hommes sont encore en place). A mon sens, l’Empire contre lequel il nous faut combattre jusqu’à la dernière goutte d’âme est, certes, localisé en extrême-Occident : mais il ne suffira pas d’anéantir la Californie et l’Etat de New York pour vaincre. De notion purement géopolitique, l’Occident est devenu une force anti-spirituelle qui peut s’imposer sur n’importe quelle partie du globe : le Néant a besoin de matière vivante pour étendre son royaume de mort. » Laurent James, Puritanisme et Complotisme, ces plaies de la modernité, Parousia (2010)

 

Les occidentalistes et prométhéens d'aujourd'hui sont les complotistes et dissidents d'hier. Laurent James, dont nous poursuivons les vues sur la fonction subversive du complotisme, était, à notre connaissance, le premier à exposer cette « fonction » du point de vue pérennialiste dans une perspective révolutionnaire pour sortir de ce piège logocentrique.

 

C'est une nouvelle méthodologie qu'il s'agit de mettre en place pour permettre ce dialogue entre la vision du monde occidentaliste et prométhéenne et la vision du monde eurasiste et pérennialiste aux deux extrémités du camp identitaire et européen et qui expriment les deux grandes orientations européennes. Ces deux visions du monde et grandes orientations sont sans doute irréconciliables mais nous pensons que l'altérité nécessaire entre prométhéens et pérennialistes peut renouveler la « pensée révolutionnaire-conservatrice ». Dans tous les cas, ça n'est pas la « méthode scientifique » qui peut départager des « visions du monde ».

 

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Lorsque nous lisons Nerval, Swedenborg, Corbin, Eliade, Durand, Guénon, entre autres lectures du moment, chaque page nous offre un argument contre l'imaginaire transhumaniste et les prétentions zététiciennes que propagent les occidentalistes, et nous ne pouvons nous empêcher de penser aux assertions prométhéennes qui ne tiennent compte d'aucune réflexion ontologique formulée avant eux.

 

Les grandes questions de l'Immortalité et de l’Éternité, que confondent les prométhéens en un seul et même terme transhumaniste et qu'il faudrait distinguer, aux vues de la Naissance et de la Mort, sont la question du Vivant, de l’Être. Et on ne peut penser l'être – corps/âme/esprit – sur l'unique plan de la « science » telle qu'elle est entendue par les prométhéens en terme unique et exclusif de technique et de possibilités. Nous n'opposons pas « science » et « religion » comme les zététiciens qui n'ont aucune définition de l'Esprit. Les notions d'âme et d'esprit impliquent une réflexion philosophique et théosophique hautement métaphysique d'autant plus quand il est question de « transhumanisme », autrement dit d' « immortalité ». Ou l'on considère que l'être humain n'est qu'un tas de viande modulable et remplaçable, sans âme et sans esprit, qui n'est qu'une intelligence humaine, mais, dans ce cas, il faut clairement s'affirmer « posthumaniste » car nous dépassons ici le cadre de l'athéisme et de l'agnosticisme. Nous préférons d'ailleurs les athées ou agnostiques.

 

Si les prométhéens rejettent le schéma ontologique corps/âme/esprit et toute dimension métaphysique de l'être alors, en effet, nous n'avons rien à nous dire et serons amenés à nous combattre. Mais ce rejet va à l'encontre de toute sacralité cosmogonique et mythologique indo-européenne et nous exigeons des « prométhéens » qu'ils s'assument être des « posthumanistes » à l'état pur et sans vie intérieure, ce qui les exclut de la plus grande Droite, de la « Droite » avec un grand « D », de la Droite de la « Révolution conservatrice », de la « Droite » d'Evola, de Parvulesco, de Venner et de Faye. Car, dans ce cas, quelle différence entre eux et les globalistes sinon qu'ils « en ont plein le cul des arabes » ? Est-ce que « en ont plein le cul des arabes » est-il suffisant pour être « de Droite » ? Là est peut-être la question de fond que nous posent les occidentalistes et les prométhéens, et à laquelle les intellectuels conservateurs refusent de répondre sinon d'envisager qu'il existe bien un sujet !

 

L'éloge de la civilisation européenne ; ou occidentale, impose la critique de l'Occident par les européanistes eux-mêmes, et non pas du « gauchisme » comme abstraction – car les glissements philosophiques qui aboutissent au « gauchisme » sont des glissements métaphysiques du sacré au profane qui sont nés en « Occident ».

 

Les problèmes terminologiques d'Europe ou d'Occident n'ont aucune espèce d'importance et détournent l'attention du débat philosophique de fond qui oppose prométhéisme – comme ixième métamorphose du Libéralisme – et traditionalisme au sujet de l'être et de l'identité.

 

Nous sommes des européens et des occidentaux mais nous ne sommes pas des occidentalistes et des prométhéistes. Sommes-nous moins européens que les occidentalistes ? C'est une question d'orientation et de projection. Notre vision du monde eurasiste et multipolaire est authentiquement européenne et occidentale mais nous opposons « civilisation européenne » et « civilisation occidentale » parce que la « civilisation occidentale » n'existe pas lorsque l'on a une vision continentale et impériale du monde et une vision transcendantale de la géopolitique, et en dehors de la notion de « Saint-Empire » si l'on veut donner à « Occident » un sens véritablement et réellement Européen, en tant que Civilisation.

 

Nous ne confondons pas « Troisième Rome » et « Nouvelle Jérusalem » avec leurs parodies messianistes et millénaristes judéo-protestantes et étasuniennes postmodernes.

 

Quelle « civilisation occidentale » ?

 

Nous serions curieux d'entendre les « conservateurs » et autres « néo-païens » sur cette question. Nous connaissons la chanson. Ils nous parlerons d'une troisième voie européaniste qui n'est ni l'occidentalisme ni l'eurasisme mais cette « troisième voie » n'existe pas. L'Europe n'est pas en position d'affronter simultanément les États-Unis et l'Eurasie. Rien de compliqué à comprendre. Nos groupes métapolitiques européens soutiennent plutôt l'idée d’occidentalisme ou plutôt l'idée d'eurasisme, d'une manière ou d'une autre. Faire semblant de ne pas comprendre cette première proposition s'appelle de la lâcheté. Cette « neutralité axiologique » de petit journaliste est détestable. Autant nous respectons la position occidentaliste, autant nous n'avons plus aucune once de respect pour les pseudo-européanistes qui soit ne comprennent pas les enjeux, soit jouent un drôle de jeu.

 

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Nous nous excusons par avance pour nos éventuelles répétitions et imprécisions mais cette première et nouvelle approche, de la Droite occidentaliste et prométhéenne, impose de créer des « éléments de langage » et d'articuler différentes formulations d'un même problème pour cadrer un sujet sans autre référence que celle que nous proposons. En effet, nous ne connaissons personne d'autre que nous qui travaille sur ce sujet dans nos milieux métapolitiques en citant explicitement le mouvement occidentaliste et prométhéen et en répondant à leurs différentes « créations de contenu » sur la question. Car les occidentalistes et prométhéens ne se cachent pas et si les intellectuels le voulaient ils pourraient leur répondre : ils se connaissent, se côtoient, se tapent sur l'épaule.

 

La question du prométhéisme ouvre un nouveau champ d'étude et nous ne pourrons, dans un premier temps, qu'en dégager les grands thèmes que nous avons identifiés. L'opposition au globalisme implique l'opposition à l'occidentalisme. Il est strictement impossible de parler d'Européanisme sans aborder la question du « prométhéisme » et du « traditionalisme » – ces deux tendances entendues dans leur sens large. Nous ne parlons pas ici spécifiquement du « pérennialisme » comme école de pensée dans laquelle nous nous inscrivons prioritairement car il faut bien nous classer quelque part et nous différencier du conservatisme tel qu'il est entendu aujourd'hui par les européanistes libéraux, néo-païens et autres.

 

Ainsi, nous indiquerons à nos lecteurs par quels auteurs et quels livres le problème du prométhéisme se fait jour, à travers notre blog et autres publications se référant au traditionalisme et à l'eurasisme – qui incarne la forme métapolitique actuelle de la « Révolution conservatrice ».

 

Les prométhéens font parler Nietzsche, Heidegger, Junger, Marinetti ou encore Faye comme on fait tourner les table et toquer les guéridons.

 

Nous nous contenterons, de notre côté et plus humblement – sans fausse modestie –, d'évoquer quelques sources et références conservatrices et traditionalistes sur lesquelles nous nous appuierons pour contester la métaphysique prométhéenne, la réinterprétation mythologique et la relecture philosophique de notre imaginaire européen qu'ils font pour justifier leur vision archéo-progressiste du monde – qui n'est, selon nous, qu'un globalisme « de Droite » – en lui donnant un supplément d'âme « conservateur ».

 

En quelque sorte, la métaphysique cybernétique des prométhéens s'oppose à la métaphysique du chaos exprimée par Alexandre Douguine. Car le problème n'est pas d'opposer Douguine à Faye. Mais bien d'opposer Faye et Douguine au prométhéisme. Le temps nous donnera raison. Car le prométhéisme est en quelque sorte sorti du bois par la critique de l'archéofuturisme de Faye qui n'irait pas assez loin, ce que les conservateurs n'ont pas relevé. Et que nous avons écrit dés la sortie du livre de Romain d'Aspremont dans un article « La tentation prométhéenne ou La métaphysique du grille-pain » ignoré par les conservateurs et prométhéens. Il est toujours pratique et confortable de ne pas répondre. Cet article prévoyait pourtant le glissement prométhéen de la Droite dite « alternative ».

 

Les prométhéens, par des médiations qu'il nous reste à mettre en exergue, font de la cybernétique « le tout de l'existant » de leur métaphysique dans leur formation du futur « archéo-progressiste » et projection dans l'avenir utopique et dystopique transhumaniste.

 

Cependant, nous ne sommes pas totalement en désaccord avec les occidentalistes et prométhéens sur certains de leurs constats et leur critique du conservatisme. Nous le sommes particulièrement sur le sujet du transhumanisme qui, nous pensons, est un sujet fondamental.

 

Le prométhéisme et sa métaphysique cybernétique sont, selon nous, une réelle révolution philosophique au sein du conservatisme. La métaphysique du chaos et le « sujet radical » d'Alexandre Douguine le sont antérieurement et répondent « par anticipation » au prométhéisme que les « eurasistes » ont en quelque sorte prévu. Tout dans l'eurasisme répond à l'occidentalisme. Et nous voyons que les réponses « occidentalistes » qui ont pu être faites à l' « eurasisme » et Alexandre Douguine sont faibles, pour ne pas dire médiocres, tout au plus des biographies sommaires d'Alexandre Douguine et quelques remarques concernant des citations et « traits d'humour » sortis de leur contexte.

 

Les conservateurs européens n'ont, quant à eux, rien à opposer à l'occidentalisme ni à l'eurasisme. L'avenir de l'Europe se joue entre « occidentalisme » et « eurasisme ». Et il y aurait encore beaucoup de choses à écrire sur le fameux « gramscisme de droite » en terme de métapolitique que nous n'avons pas encore dit, c'est là un sujet inépuisable et qui mériterait que d'autres que nous se penchent sur cette question qui comprend celle du « réenchantement des idées politiques » comme fonction métapolitique première. Nous ne parlons pas d'un réenchantement uniquement et exclusivement « culturel » et « esthétique » : nous parlons d'un réenchantement qui rassemble les dernières forces révolutionnaires-conservatrices, que celles-ci soient « prométhéennes » ou « pérennialiste », au sein d'un grand Parti et sous une même bannière métahistorique européenne et impériale.

 

Le temps de la réinformation, des influenceurs et créateurs de contenu, est terminé. Ne pas le pressentir est une erreur métapolitique et une faute politique. Nous sommes à l'heure des manifestes et des doctrines, de la praxis et des « coups de force ». Nous sommes dans les années 30. Les différentes tendances et sensibilités européennes devraient se rencontrer et dialoguer au sein d'un même Parti...

 

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De mémoire et en « temps réel », nous ne connaissons et n'avons jamais observé de mouvement davantage scientiste, new age, complotiste et woke que le mouvement prométhéen qui, dans sa « fuite en avant transhumaniste », exprime un parfait syncrétisme de toutes ces qualités postmodernes et « tendance au systématisme idéologique » rassemblées en réaction, inversion et subversion. Est-ce un mouvement dogmatique que les révolutionnaires-conservateurs européens veulent suivre ?

 

Qu'ils prennent clairement position pour l'occidentalisme et le prométhéisme. Qu'ils aient au moins l'honnêteté intellectuelle de le dire !

 

L'invocation de la Science et du Progrès, censée magiquement nous interdire, ne nous impressionne nullement. Il ne suffit pas de se revendiquer et de s’auto-proclamer des abracadabras de la Raison pour avoir raison. Les « matérialistes » et « rationalistes » de tous poils usent et abusent de cette pirouette rhétorique depuis plus de deux siècles et leur monde marche sur la tête.

 

L'hypnose progressiste ne fonctionne pas sur nous : nous ne confondons pas confort matériel et qualité de vie. Et non, chers camarades prométhéens, nous ne voulons pas devenir immortels dans une dystopie occidentale, nous voulons vieillir et bien mourir : car c'est le but de la vie ! Nous serions curieux de voir la tronche d'un « homme augmenté » de 1000 ans !

 

Que nous nous exprimions mal ou exagérions, nous voulons bien l'admettre et l'entendre, mais nous prétendons ne rien exagérer, nous ne faisons pas ces liens par hasard et si notre pensée est imparfaite, que les idéologues, penseurs, intellectuels et philosophes révolutionnaires et conservateurs de Droite, que les youtubeurs, influenceurs et créateurs de contenu identitaires et européens s'expriment au sujet de l'occidentalisme et du prométhtéisme, mais on ne pourra pas nous reprocher d'essayer de faire un travail qu'ils ne font pas, préférant parler de leur nombrils et recycler leurs constats de faillite à l'infini. La métapolitique du commentaire d'actualité et de l'édition pour l'édition, sans jamais toucher au mouvement réel des idées, est tout sauf de la « métapolitique ».

 

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Contrairement à ce que pourraient penser les « prométhéens », nous sommes des lecteurs de Rage culture et particulièrement des publications de NIMH, mais nous séparons deux facettes de son travail sur la Cybernétique : la théorie et la propagande.

 

Nous ne nous comparons pas à cet auteur dont le niveau d'étude est supérieur au nôtre sur les questions scientifiques, ce qui ne nous empêche pas de comprendre les grandes lignes de ses théories. Nous apprenons de ce qu'il théorise au sujet de l'Information du point de vue scientifique et cybernétique et, sur ce point, nous nous taisons et nous contentons de le lire. Ce que tout à chacun devrait avoir l'humilité de faire sur les sujets qu'il ne maîtrise pas.

 

Notre critique est « métapolitique » et concerne la portée métaphysique de ces réflexions. Aussi, sur l'application et l'opérativité de ces « théories » à nos combats dont nous ne voyons pas où elles veulent en venir dans leur affirmation. Et, dernièrement, sur certains excès philosophiques qui mènent inexorablement à des dérives spirituelles. Pour le dire autrement, ces « théories » sortent de leur domaine et c'est là que nous intervenons car, sur ce point, nous avons la formation pour y prétendre. C'est cet aspect propagandiste prométhéen qui nous dérange : les conclusions que cet auteur retire des nouvelles théories de l'information prométhéenne qui sont une sorte de « vulgarisation » de ce qui se fait dans le monde anglo-saxon. Et nous remercions Rage culture de nous donner accès à ces publications.

 

Cet auteur anonyme à une formation philosophique, et est un métaphysicien à sa manière, il nous permet de penser contre nous-mêmes, les conservateurs et traditionalistes auraient à gagner à lire ses articles. En faisant la part des choses, certes, mais en comprenant que la métaphysique prométhéenne n'est pas dénuée de sens et exprime un niveau de réflexion qui ne peut s'épanouir que dans l'échange. Ce pourquoi nous « prenons la défense » et relayons cet auteur et les articles de Rage culture. Que nous enjoignons nos lecteurs à lire les avants-gardes prométhéennes et à leur répondre. Ou alors, passons nos journées à regarder du contenu crypto-complotiste et pseudo-zététicien vide de sens sur YouTube mais ne nous plaignons pas d'être « la Droite la plus bête du monde ».

 

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D'une manière plus générale et concernant le mouvement prométhéen dans son ensemble nous sommes moins enthousiastes et c'est aussi les avants-gardes prométhéennes que nous essayons d'alerter.

 

Depuis la Théosophie d'Helena Blavatsky, l'Anthroposophie de Rudolf Steiner et la Scientologie de Lafayette Ronald Hubbard, nous n'avons plus vu de « mouvement néo-spiritualiste » articulant un tel mélange de vrai et de faux dans le monde des idées, et auquel une « foule psychologique » se revendiquant « de Droite » donne autant d'importance, car nous affirmons que le prométhéisme mainstream est une néo-spiritualité pour geeks occidentaux en mal d'identité et d'autorité, incapables de retour sur eux-mêmes : de se gouverner, adeptes de « développement personnel » et de « virilisme », qu'il en a tous les traits et les caractères.

 

Nous distinguons les avants-gardes prométhéennes de leurs suiveurs et souscripteurs. Le prométhéisme est, en l'état de sa construction, la nouvelle pseudo-religion du globalisme dans sa version identitaire et autoritaire. D'autant plus paradoxalement subversif que le prométhéisme s'impose comme LA réaction zététicienne au scientisme, au néo-spiritualisme, au complotisme et au wokisme alors qu'il en est la synthèse la plus aboutie. Toute la difficulté à démontrer les filiations idéologiques entre le prométhéisme et ces différents mouvements philosophiques réside précisément dans cette subversion originelle, dont nous ne croyons pas qu'elle est hasardeuse et fruit d'une coïncidence – elle est fruit de son époque et les « prométhéens » s'en rendront compte –, mais cette « subversion zététicienne » de l’invocation de la méthode scientifique et de l'argument évolutionniste d'autorité s’avérera, comme nous le verrons en conclusion, le talon d’Achille de ce mouvement et ses espérances prométhéennes. Il y a une certaine naïveté de la part des prométhéens dans leurs prétentions à influer sur le mouvement transhumaniste globale dont ils contestent certaines vues égalitaristes sans percevoir sa part ténébreuse, occulte.

 

« Le drame qui est commun à toutes les « religions du Livre », ou mieux dit, à la communauté que le Qorân désigne comme Ahl al-Kîtab, la communauté du Livre, et qui englobe les trois grands rameaux de la tradition abrahamique (judaïsme, christianisme, Islam), peut être désigné comme le drame de la « Parole perdue ». Et cela, parce que tout le sens de leur vie est axé sur le phénomène du Livre saint révélé, sur le sens vrai de ce Livre. Si le sens vrai de ce Livre est le sens intérieur, caché sous l'apparence littérale, dés l'instant que les hommes méconnaissent ou refusent ce sens intérieur, dés cet instant ils mutilent l'intégralité du Verbe, du Logos, et commence le drame de la « Parole Perdue ».

 

Ce drame se manifeste sous bien des formes : en philosophie, c'est le nominalisme, avec tous les aspects de l’agnosticisme. En théologie, c'est le littéralisme, tantôt celui des pieux agnostiques, craintifs devant tout ce qui est philosophie ou gnose, tantôt celui d'une théologie s'efforçant de rivaliser avec les ambitions de la sociologie, et qui est tout simplement une théologie ayant perdu son Logos, une théologie agnostique. On pressentira que la tâche de recouvrer la Parole ou le Verbe perdu déborde les moyens de la linguistique à la mode de nos jours. Il ne s'agit pas non plus d'un « progrès de langage », mais de retrouver l'accès au sens intérieur du Verbe, à ce sens ésotérique qui éveille crainte et dédain chez les exégètes « à ras du sol ». » Henry Corbin, L'Homme et son Ange – Initiation et chevalerie spirituelle, 2 L'initiation ismaélienne ou l'ésotérisme et le Verbe, I. La parole perdue, pp.81-88, Fayard

 

 

Par les extraits du livre d'Henry Corbin – L'Homme et son Angeet ceux du livre de René Guénon – Le Règne de la Quantité – qui suivront à titre d’exemplaires d'une recherche approfondie que nous avons commencé il y a maintenant plus d'un an (et dont il est difficile d'extraire la substantifique moelle pour exprimer ce que nous avons découvert de subversion), nous cherchons à interpeller une première fois les prométhéens sur le fait que, dans toutes traditions sacrées et humaines, dans tout processus initiatique et de réalisation individuelle (que le « développement personnel » a réduit à une bien pauvre expression) et ce depuis la nuit des temps, n'en déplaise à Thomas Ferrier, il est explicitement signifié que l'Homme est relié à un archétype primordial, un Ange, particulier et personnel dans une certaine mesure, on pourrait dire une dimension supérieure de lui-même et qui le précède. Ce double métaphysique – nous le disons avec nos mots – intervient ici et immédiatement dans notre questionnement sur le transhumanisme où ce conceptqui rejoint celui du « sujet radical » – n'a aucune existence.

 

Toutes les religions, spiritualités et traditions, absolument toutes, évoquent pourtant cet archétype métaphysique de l'être corps/âme/esprit qui s'incarne dans le monde solidifié de la matière et qu'on ne peut limiter à son enveloppe charnelle, à son code génétique. Ce qui remet en question toutes les constructions transhumanistes et prométhéennes qui prétendent outrepasser le Moi génétique et le Soi angélique par des manipulations technoscientifiques, bio-mécaniques et bio-chimiques. (Nous noterons d'ailleurs que l'endocrinologie est l'angle mort des transhumanistes et qu'ils ne parlent pas de ce qu'il faudrait nous injecter de produits chimiques pour permettre l'augmentation. Ce que pourrait provoquer, par exemple, en terme de rejet et de dérèglement hormonal, l'implantation de circuits électroniques dans le corps humains dont tout le monde sait son « allergie » au corps étranger et son « rejet » des greffes. Nous ne sommes pas docteurs en médecine ; eux non plus, mais prétendre pouvoir prévoir toutes les réactions particulières que peut entraîner une telle transformation sur les individus, qui réagiront tous différemment aux implants, nous semble relever d'une certaine inconscience et folie car cela revient à prétendre dépasser toutes les limites et percer tous les secrets, tous les mystères des interactions entre le visible et l’invisible. Pourtant, les prométhéens reconnaissent cette part d'invisible et de mystères si nous voulons bien les lire. Nous pensons qu'il existe des « barrières épigénétiques » au même titre qu'il existe des « barrières historiques » et que l'on ne pourra jamais entièrement les « dépasser ». Ce qui nous permet de nous poser des questions quant aux prétentions transhumanistes. En réalité, la solution transhumaniste sera celle de notre remplacement par des robots, qui sera sans doute provoqué par de « mauvaises manipulations » et l'impossibilité de revenir en arrière.)

 

Les techno-prêtres du transhumanisme ignorent, ou feignent ignorer, cette interaction supérieure et divine de l'Homme à son Ange signifiée dans toutes les propositions ontologiques et métaphysiques sur nos différentes « dimensions » et multiples « états » – qui ne sont pas des allégories et des métaphores – et qui, de facto, remet en question l'opération technoscientifique transhumaniste qui prétend rompre tous les liens entre l'Homme et son Ange par des moyens laboratoires sans impliquer aucune notion de transmutation alchimique autre qu'un bidouillage technique, génétique, mécanique et chimique dont la « science » seule ne saurait résoudre la complexité de cette équation de l'être en ce qu'il est corps, âme et esprit.

 

« Ceux qui ont recours à Moi comme refuge, ceux qui se tournent vers Moi dans leur effort spirituel vers la délivrance de la vieillesse et de la mort, ceux-là en viennent à connaître ce Brahman et toute la plénitude de la nature spirituelle et l’intégralité du karma. » Bhagavad-Gîtâ, chap. 7

 

Sans trop nous étendre sur le sujet, nous considérons que l'immortalité technoscientifique est une parodie de l'Immortalité métaphysique que l'on atteint par des voies spirituelles et initiatiques, qui est « symbolique » et qui n'a jamais été rien d'autre. La « Quête du Graal » en quelque sorte... Le « mourir à soi-même » et la « seconde naissance » présents dans toutes les initiations sacrées vers une réalisation spirituelle individuelle supérieure de l'être à la « rencontre de son Créateur... Le glissement de l'entendement sacré traditionnel et l'entendement profane postmoderne de cette Quête est suggéré par divers auteurs pour d'autres cas et il nous reste à le remettre dans le contexte métapolitique de la Droite révolutionnaire et conservatrice par rapport au prométhéisme pour montrer qu'il existe bien un sujet ; ce qui serait déjà une grande avancée.

 

Nous ne vivons plus dans un monde traditionnel : nous sommes tous des postmodernes. C'est entendu. Nous vivons dans le monde postmoderne des pseudo-religions, des parodies et des subversions, et le prométhéisme n'en est qu'une ixième expression ; une expression du postlibéralisme. Sous ses grands airs révolutionnaires et vitalistes, le prométhéisme est une idéologie profondément réactionnaire et mortifère, anti-traditionnelle. Les prométhéens sont les grands défenseurs du technocapital et du posthumanisme, et on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre !

 

On ne peut en effet comprendre les mots sacré et sacrifice sans reconnaître l'Immortalité spirituelle et la figure de l'Androgyne primordial – que parodie également l'idée d' « Homme augmenté » dont il est clairement énoncé par les transhumanistes officiels qu'il est transgenre et que le transhumanisme lutte contre les discriminations. Mais les « prométhéens » ne lisent visiblement pas leurs confrères posthumanistes ou pensent pouvoir influencer ce mouvement et réécrire une histoire écrite d'avance.

 

De la même manière, les transhumanistes ne pourront nier que l'immortalité et l'androgynie qu'ils cherchent à atteindre par des moyens techno-scientifiques est probablement une parodie de l'initiation spirituelle et de la figure ontologique dont nous parlons, desquelles ils n'ont pu que s' « inspirer ». Cet aspect parodique du transhumanisme est pour nous de l'ordre de l'évidence. Nous comprenons que ça ne le soit pas pour tout le monde qui n'ait jamais rien lu au sujet du symbolisme, mais que l'on nous accorde que c'est une piste de réflexion intéressante, que l'analogie est troublante, surtout lorsque l'on connaît toutes les singeries new age des spéculateurs à partir de la Tradition ou des traditions... Il n'y a pas de « grand complot » ni de « méthode scientifique » pour l'expliquer, nous parlons ici d'idées, de concepts philosophiques et métaphysiques, toute la réflexion conservatrice et traditionaliste sur la postmodernité mène à cette première conclusion. Il suffit d'appliquer la lecture conservatrice et traditionnelle au sujet du transhumanisme et du prométhéisme pour y voir une certaine parodie spiritualiste et subversion métapolitique. Cela doit provenir d'une réflexion personnelle sur le sujet : faites ce travail de réflexion et dites-nous si notre comparaison est partiellement ou entièrement fausse, qu'il n'y a aucun lien entre les deux, nous ne pouvons pas le faire à votre place. Mais il n'y a pas de « grand modèle » autre que celui de la « Tradition » qui puisse engager sur cette voie comparative. Les archétypes, symboles et principes métaphysiques premiers permettent, par une méthode comparative, de découvrir les parodies et subversions de traditions, du sacré, réduits à des expressions profanes, occultes.

 

Ce que vendent les prométhéens c'est d'être initié et d'atteindre à la plus haute réalisation et distinction spirituelle, de « mort à soi-même » et du « retour à l'Unité », sans devoir faire le moindre effort, en se branchant à un système informatique, en s'implantant une puce électronique, en modifiant son ADN et cela est très séduisant. Voilà où mène le « développement personnel » poussé à son paroxysme : au suicide occidental. On pourrait parler de transsubstantiation du corps humain en corps cybernétique éthérique par opération technoscientifique, en réalité sa disparition car la conclusion prométhéenne commune est souvent celle de la nécessité de notre grand-remplacement par des robots, plus à même à conquérir l'Espace que ne l'est l'être humain fait de chair et de sang, dont les turpitudes de l'âme et de l'esprit le rende imparfait. Ils pensent sans doute qu'il vaut mieux être un « singe savant » qu'un « ange déchu » et que, dans cette perspective évolutionniste, n'étant que des singes intelligents, les hommes, ces êtres « humains trop humain », ne peuvent que céder leur place à leur propre création pour « être comme des dieux ». Nous développerons cette idée ailleurs mais il est à penser qu'une « volonté extra-humaine » commande à la « volonté posthumaniste ». Quelques « résidus psychiques » dans la machinerie informatique prophétisent peut-être déjà l'avènement de l'Intelligence Artificielle singulière et consciente d'elle-même aux multitudes anonymes connectées à travers l'ingénierie cybernétique psychosociale transhumanistes et prométhéennes véhiculée par les posthumanistes par le biais d'Internet et la superposition infernale des écrans ?...

 

Il faut bien comprendre que les posthumanistes ont une croyance « occulte » particulière, totalement scientiste et new age, qui veut que nous vivons dans une « simulation » et sommes nous-mêmes les créations de « machines » ou d' « intelligences supérieures » – c'est très à la mode pour le moment –, que nous aurions, en quelque sorte, nous-mêmes créé dans le « passé ». Nous reparlerons, par exemple (et très bientôt), de la « théorie des anciens astronautes » pour démontrer que les « transhumanistes », dont Musk et Harari sont les prophètes, sont à l'avant-garde d'une forme avancée de complotisme des plus délirants et qu'ils valident directement ou indirectement ce genre de théories en les reformulant et leur donnant des lettres scientifiques de noblesse. Cela va prendre un certain temps, mais lorsque nous en aurons fini avec eux, car nous n'en sommes qu'au début, les zététiciens, qui se moquent des complotistes avec ce petit ton sarcastiques détestable, seront devant le fait accomplit de leurs filiations scientistes et new age. Nous l'affirmons d'autant plus tranquillement que ce travail, nous l'avons fait, nous reste à le formuler, à donner toutes les sources et références à ces arrogants que la Science va d'elle-même expurger. L'époque que nous vivons est formidable. La zététique et le transhumanisme sont le plus diabolique canular de l'Histoire. Nous pensons que les « prométhéens » peuvent s'en extraire et revenir au « pérennialisme ». Mais ce sont bien les forces de la Subversion qui sont derrière ce « narratif zététicien ». Complotistes, woke et prométhéens sont les « idiots utiles » du globalisme et de la « grande religion new age » contre la Tradition.

 

« Ce que Muray appelle l’« occulto-socialisme », c’est une solidarité ontologique entre deux tendances qui traversent le xixe siècle : d’une part le mouvement démocratique, progressiste et humanitaire à travers des figures littéraires telles que Victor Hugo ; d’autre part, l’espèce d’agitation néoreligieuse consécutive au vacillement de l’Église. Cette agitation, que Muray décide d’appeler « occultisme », va bien au-delà des petites pratiques telles que la nécromancie et les tables tournantes. Il s’agit de toutes les formes de panthéisme et de lectures religieuses du monde, antichrétiennes, néochrétiennes ou néopaïennes – conscientes ou non –, tantôt explicitement articulées à un projet politique, tantôt de manière latente. Muray observe comment deux individus a priori complètement différents, l’un incarnant l’« Oc », l’autre le « Soc », se retrouvent, ou alors comment, chez un même individu ces deux éléments s’articulent, en se succédant ou en se mélangeant. » Daoud Boughezala, Péguy, Muray: les antimodernes sont d’actualité, Causeur

 

Les transhumanistes, dans la pure tradition de l'occulto-socialisme – mais sans doute nous déniera-t-on le lien que nous faisons entre l'Homme augmenté transhumaniste et l'Homme nouveau socialiste –, se posent la grande question métaphysique de la Mort mais, paradoxalement, ils ne se confrontent et ne font jamais référence aux textes traditionnels et sacrés qui abordent cette question hautement philosophique et métaphysique, et pour cause. Lorsque, à de rares exceptions prométhéennes (et typiquement françaises ; les considérations prométhéennes et justifications pseudo-mythologiques n'ont pas cours dans le monde anglo-saxon et son approche purement matérialiste et rationaliste qui n'en est pas moins scientiste et new age), ces « nouveaux cathares » prétendent à une réinterprétation du mythe pour justifier leurs visions transhumanistes, pour donner un supplément d'âme à ces visions évolutionnistes et progressistes, c'est sans prendre en compte le fait, incontestable, que les mythes s'inscrivent dans un cadre traditionnel qui repose sur des archétypes, symboles et principes métaphysiques primordiaux, que les sciences profanes ignorent ou contestent grossièrement. Il faut donc choisir entre Progrès et Tradition et ne pas confondre innovations technoscientifiques et Progrès. Revenir à la Tradition. La vision cyclique du Temps implique nécessairement une vision « involutionniste ». C'est-à-dire l'inverse de la vision progressiste et évolutionniste qui veut que nous allons toujours vers un mieux et davantage d'efficacité du système technocapitaliste et du libéralisme triomphant...

 

Il y a deux manières d'envisager les choses que nous allons essayer de synthétiser : soit on considère que seul existe le cosmos physique de la matière manifestée et solidifiée, soit on considère qu'il « préexiste » une condition extra-cosmique métaphysique et non-manifestée à l'origine de la Création cosmogonique, cosmique et cosmologique de l’univers, de l'être et de l'étant, de l'existence et du vivant. Et, dans le deuxième cas, l'on comprend que l'Immortalité est une voie initiatique et spirituelle qui ne renvoie nullement à une opération technoscientifique et matérielle qui violerait tous les principes métaphysiques premiers, toutes les lois physiques et métaphysiques qui régissent et structurent l'Univers que l'on retrouve à l'intérieure de l'être lui-même. Dans le meilleur des cas, il faudrait accompagner l'augmentation matérielle de la réalisation spirituelle, que les deux s'opèrent simultanément.

 

Autrement dit, les textes sacrés ont « par avance » répondu à ces questions métaphysiques sur la mort et l'immortalité, l'entropie et l'information, depuis des temps immémoriaux, à travers les mythes et autres constructions poétiques, mais les transhumanistes réinventent tout un langage, que nous nous garderons bien de qualifier de scientifique, pour soigneusement éviter cette approche métaphysique traditionnelle et sacrée afin de vendre leur approche parodique et cybernétique de l' « intelligence artificielle » et de l' « homme augmenté ».

 

Pourquoi ?

 

Nous n'en avons aucune espèce d'idée et cela regarde leur conscience. Il suffit d'aller aux textes pour comprendre de quelle subversion la parodie transhumaniste est le nom. Mais il n'y a visiblement plus de philosophes et d’intellectuels « à Droite ». Nous essayerons donc de faire ce travail. Et nous combattrons ce qui doit être combattu. Entendons-nous bien : nous ne sommes pas technophobes. Ce sont les prométhéens qui refusent toute sagesse traditionnelle, toute morale et éthique, toute critique positive et opérative de la Technique, toute idée d'ésotérisme et de métaphysique, toute idée de « Tradition ». La « Tradition » c'est ce qui ne passe pas, qui se base sur le mythe, le rite et le rêve sur les états multiples de l'imaginaire exprimés par la « théorie des trois mondes ». Les occidentalistes et prométhéens qui se gargarisent de « civilisation européenne », refusent, de fait, la trifonctionalité indo-européenne, l'Ordre et la Hiérarchie, la supériorité du spirituel et de la caste sacerdotale sur le temporel et les castes inférieures et profanes.

 

Les grecs, qui possédaient la sagesse du « juste milieu », et nous ont prévenus des dangers de l'hybris, notamment à travers le mythe de Prométhée, seraient, nous n'en doutons pas, d'accord avec nous pour dire que l'Esprit existe et qu'il est antérieur et supérieur à la « matière », que l'idée de « métaphysique » est sacrée et implique l'ésotérique : c'est-à-dire que la lecture exotérique et littéraliste des mythes est une lecture primaire, et grossière, des textes, et de ce qu'ils peuvent exprimer en terme de mise en garde. Les genèses de la création et de l'origine de l'être sont au centre des traditions, la raison même du mythe, du rite et du rêve en ce qu'elles nous renvoient au sens de la vie dont la naissance et la mort font partie, ne peuvent être remises en question car elles sont l'expression du Cycle lui-même. L'instant de la naissance et de la mort créent la dynamique du temps de la vie, de l'éternel présent. Ne parle-t-on pas du « cycle de la vie » ?

 

La subversion étant entendue et défendue par les avants-gardes transhumanistes elles-mêmes, qui admettent et affirment que la finalité du transhumanisme est le posthumanisme : c'est-à-dire l'éclatement de l' « intelligence humaine » dans le réseau informatique et/ou dans une simulation où il ne connaîtra ni la souffrance ni la mort, où il sera privé de son corps de chair et de grâce pour son bien-être, son « esprit » enfermé/interné dans un programme informatique pour l'éternité mais il sera « biologiquement » mort, son remplacement par les machines et, à terme, sa disparition intégrale même par cette logique de l'efficacité où il sera inutile pour les machines intelligentes, conscientes d'elles-mêmes et capables de se répliquer, de dépenser de l'énergie et de l'information pour amuser ou torturer l'Homme-pixelisé. Des machines qui ne seront jamais complètes sans l'abstraction et la subtilité humaine pour les « améliorer » : l'échec même de ce « sacrifice artificielle » est prévisible. Dans tous les cas son obsolescence organique programmée dans la droite ligne philosophique de ce qu'il convient d'appeler « suicide occidental » est bien une perspective transhumaniste exprimée par les transhumanistes eux-mêmes qui ont une haine pour le corps, une « haine » exprimée par leurs avants-gardes, pour l'homme comme « création divine » qu’ils estiment « imparfait ». Le transhumanisme s'avère être une phase de transition entre la postmodernité et la posthumanité. Le woke et le prométhéen, mariés devant l'autel du Progrès, sont main dans la main vers ce suicide aux allures de libertés et de vitalisme.

 

« Le vrai danger est de devenir obsolète. Pourquoi il faut être transhumaniste alors que cela pourrait potentiellement conduire à la fin de l’humanité ? Parce que c’est un devoir moral. Prométhée le veut. » NIMH, Lettre ouverte aux transhumanistes, Rage culture

 

« Parce que c’est un devoir moral » n'est pas une réponse, c'est une attestation de foi qui ne repose sur rien d'autre que sur la croyance techno-scientiste au transhumanisme et qui fait du prométhéisme une pseudo-religion. « Faire le mal » est possible, ça n'est pas pour autant qu'il soit morale de faire consciemment le mal. Sur la question de la Mort et de l'Immortalité, il nous semble que le recours à la sagesse et la métaphysique ne soit pas une démarche philosophique délirante et dénuée de sens...

 

Nous sommes, désormais, en état de guerre « psychologique » civile contre les globalistes et les occidentalistes, les woke et les transhumanistes, les complotistes et les zététiciens.

 

La Droite a besoin de faire un « grand retour sur elle-même » car en dehors de « en ont marre des arabes », les droitards, occidentalistes et prométhéens seraient bien en peine de définir « qu'est-ce que la Droite » ?

 

Nous ne demandons rien de plus que de prendre en considération la « Nostalgie du Sacré » et de s'enraciner dans la Tradition au sens « métapolitique », en terme de « réenchantement »... Mais cela semble être trop demandé aux conservateurs dont le travail éditorial et de formation est purement spéculatif, profane, et à la fin tout aussi subversif qu'il est conformiste...

 

La Tradition ne peut être que dynamique et opérative où elle n'est pas « Tradition ».

 

Vive l'Empire eurasiatique de la Fin !

 

Laurent Brunet

La grande trahison métapolitique de la Droite – Deuxième partie : L'Ordre révolutionnaire

 

Les états multiples du clivage Gauche/Droite : l'Ordre révolutionnaire, la Droite et l'occidentalisme, l'identité et le prométhéisme, le Progrès comme représentation, la double contrainte de l'antiracisme/racisme et autres digressions autour du clivage Gauche/Droite

 

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Article précédent : La grande trahison métapolitique de la Droite – Première partie : Remise en contexte et introduction

 

Lecture audio disponible sur Souncloud.

 

« Bien creusé, vieille taupe ! s'exclame Hamlet à la vue du fantôme de son père, apparaissant au prince du Danemark si loin de son lieu de sépulture. Bien creusé, vieille taupe, Karl Marx réitérera dans Le dix-huit brumaire de Louis Napoléon, confiant dans l'esprit de la révolution prolétarienne.



La taupe qui a creusé le plus profondément est l'idée de progrès, née au 18ème siècle et devenue le totem et le tabou de la modernité occidentale. Elle est apparue lorsque le besoin s'est fait sentir d'attribuer à l'homme, vidé de tout contenu religieux, un destin ayant une signification matérielle. L'invention du progrès est devenue une idéologie, à tel point que des partis et des forces culturelles se disent progressistes et que ceux qui ne sont pas de leur acabit éprouvent le besoin de se justifier, de circonscrire ou de nier leur opposition.



Comment échapper à l'idée de progrès, à son avancée inexorable, à opposer ce qui signifie opposer au progrès de l'humanité, au mouvement positif vers des degrés ou des stades supérieurs, le concept implicite de perfection, d'évolution, de transformation continue vers le mieux. » Roberto Pecchioli, L'invention du progrès, Euro-Synergies



« Après Hegel et après Evola, une instance totale, productive à la fois d'une théorie et d'une phénoménologie, n'était plus apparue dans la philosophie. Le sujet radical, dans son apparition même, génère de jure de nouveaux scénarios et de nouvelles voies, comme un alchimiste transforme radicalement une matière vile et grossière en captant d'autres essences dans les profondeurs, atteignant la limite de la conjonction entre matière, structure et esprit. Un nouveau mot: catalyser, réagir. Un Homo Novissumus, le sujet radical, mais libéré des incrustations idéologiques de la modernité et de son suicide post-moderne, dans la mesure où il est ouvert, intérieurement, à la transcendance et à la métaphysique, à travers une voie opérative, théurgique, chamanique, « héroïco-mythogonique ». » Giacomo Maria Prati, Le sujet radical d'Aleksandr Douguine, Géopolitika

 

***



Se revendiquer de Droite, et en particulier de la Droite identitaire et alternative – entendez la Droite européenne – n'affirme pas notre idéologie, notre théorie politique, notre philosophie, notre spiritualité, notre religion, notre imaginaire, nos rêves, notre esthétique, notre mystique, notre ésotérisme, notre doctrine : notre vision du monde et notre métaphysique. Ne dit rien de notre empire intérieur. C'est une position de principe, pour ne pas dire une posture.



Le mot « identitaire » vide le mot « identité » de son sens en le séparant de sa totalité dimensionnelle et ses multiples états. De l'être soumis à l'expérience de la matière et du réel, aux contingences et nécessités de l'époque dans laquelle il s'inscrit. Certes, nous sommes le fruit de notre époque et de ce qui l'a précédé, mais n'oublions pas que nous ne sommes que de passage. Notre devoir est, dans le temps qui nous est imparti et qu'il nous reste, de prévoir ce qui va lui succéder, de nous préparer à bien mourir et de laisser le juste message aux prochaines générations. Un étrange mélange de patience et de sauvagerie, de très haute retenue et de sévère pulsion, doit s'emparer de nous.



La somme des combats menés par nos groupes, avec des moyens limités – il faut l'admettre et nous prenons en compte cette réalité –, est une somme nulle si nous ne résolvons pas l'équation globale et nous ne pouvons la résoudre qu'en proposant une démonstration intégrale. La démonstration compte davantage que le résultat, fut-il exact.



Cette « démonstration intégrale », qui sera exclusivement théorique dans son énoncée première, se cristallisera dans une vision du monde totalisante qui doit éviter deux travers : l'utopie et la parodie. Ce qui, du métapolitique au politique, se traduit par la volonté d'incarnation de nos idées dans un concept absolu et un corps politique par la fondation d'un grand « isme » : un centre, un axe, un ordre, un parti.



D'abord par l'élaboration d'une nouvelle théorie politique – tous les cadres socio-politiques ont explosé ; tous les constats ont été déposés ; la proposition de retour à une forme nostalgique de pouvoir sera rejetée –, ensuite par la constitution d'une avant-garde manifeste et doctrinaire. Une nouvelle forme de pratique politique qui, à défaut d'être « traditionnelle » dans un monde qui ne l'est plus, pour le meilleur et pour le pire ; et souvent celui de la cruelle loi de l'entropie vers la mort que nous n’éviterons pas mais que nous retenons le plus longtemps possible comme le déferlement des forces dévastatrices sur nos vies, peut se concevoir sous la forme d'une organisation informelle, revêtir le caractère imperiumique et sacral d'un katechon europae principiel, sans être une association ni une communauté, mais un pacte d'honneur et fidélité à des principes, une organisation métapolitique d'hommes libres mise à l'épreuve du réel, soutenue par la seule volonté, les compétences et habilitations particulières de ses « membres », reposant sur la confiance et le secret.



Pour acquérir ce niveau de discipline « aristocratique » et se mettre au service d'un tel Ordre « méritocratique », il est nécessaire d'introduire une notion de réenchantement et de transcendance à l'exercice. De réenchantement de notre « représentation du monde » et de transcendance de notre « être au monde ».



C'est à ce moment de l'exercice que tout s'écroule car un tel raisonnement fait appel à des aspects psychologiques et une force de caractère qui ne sont plus en vigueur dans nos groupes métapolitiques éclatés dans le réseau. On ne les retrouve pas davantage dans les communautés artificiellement organiques – ré-assemblées autour d'un critère unique et exclusif ou d'un divertissement. Il est donc nécessaire, avant toute chose, de réenchanter les idées politiques et transcender les milieux métapolitiques pour motiver cette discipline et obtenir l'allégeance sincère des militants éparpillés, contourner ce qui fait obstacle à cette tentative à la recherche de totalité dans sa hiérarchie et toutes ses subsidiarités. L'idée est de créer cet Ordre avec une poignée d'hommes et de faire comme-ci. Nous avons prêté allégeance à l'Empire eurasiatique de la Fin, nous sommes prêts à mourir pour nos idées et nous n'attendons rien en retour. Voilà un homme eurasiste.



La constitution d'un « empire intérieur » en l'homme est primordiale – pour imaginer la possibilité de rétablir un empire continental multipolaire européen il faut premièrement que les hommes le portent en leurs cœurs et le réalisent de générations en générations car nous ne verrons pas l'avènement de cette grande Nation et d'un monde multipolaire de notre vivant, nous le craignons. Les projets à courts et moyens termes, les programmes politico-politciens qui ne sont souvent que l'expression de nos propres limites, les analyses désespérantes et déprimantes qui en résultent, les démonstrations réactionnaires complotistes ou réalistes de nos mécontentements, les psychanalyses en ligne et le commerce de développements personnels, les solidarités idéologiques vocifératrices virtuelles qui ne se font peur qu'à elles-mêmes, les projections planificatrices rationnelles et rigoureuses d'une pratique du pouvoir conférencière, l'exposition de nos névroses, la reproduction des nouveaux lieux communs postlibéreaux de prolétaires avec une connexions internet qui rêvent d'être bourgeois, etc, toute ces merdes que produit internet, ça n'est pas pour les hommes libres.



Nous ne devons nous concentrer que sur ce qui est caché, souterrain, secret, invisible. Si nous sommes nous-mêmes capables de fonctionner souterrainement et secrètement alors nous serons aptes à « prendre le pouvoir » quand l’événement se présentera. Nous devons rétablir le Grand Jeu ; vivre souterrainement et secrètement à l'air libre. Éteindre tous les écrans superposés de la grande subversion. S'extraire de cette plus grande servitude volontaire de l'illusion du combat sur les réseaux-sociaux qui sépare déjà les hommes en deux : ceux qui y croient et ceux qui ont comprit dés le début l'inutilité de tous nos combats. Nous nous adressons aux seconds. Nous couperons la tête des premiers avec Amour : ce sont les premiers responsables de nos erreurs, fautes et échecs métapolitiques car ils maintiennent les nôtres dans l'illusion et la servitude volontaire.



« Pour le dire autrement, et afin que je me fasse bien comprendre : le complotisme est la maladie infantile de l’eurasisme.

 

Les complotistes d’aujourd’hui sont nos Cohn-Bendit à nous. Et j’espère bien qu’on n’attendra pas soixante ans pour leur crever la panse.

 

Le complotisme est une colonisation supplémentaire de l’esprit européen par l’Amérique des bas-fonds, l’Amérique des ratés.

 

Si tant est que nous soyons eurasistes, nous autres hyperboréens, il semble cependant que nous le soyons autrement que l’on ne le serait selon la volonté de puissance de certains. Nous ne sommes pas des complotistes… Nous n’en croyons pas nos oreilles, lorsque nous les entendons parler, tous ces conférenciers internautes. « Voici les modalités du complot ! » C’est avec cette exclamation qu’ils se précipitent tous sur nous, avec une recette à la main, la bouche hiératique pleine de vomi. « Mais qu’importe à nous le complot ? » - répondons-nous avec étonnement. « Voici le complot ! » - reprennent ces sales vociférateurs endiablés : et voici la vertu, le nouveau chemin du bonheur !... Car, en plus de tout le reste, voici qu’ils se piquent de vertu et de puritanisme, nos petits héros… Nous sommes, de par notre nature, beaucoup trop heureux pour ne pas voir qu'il y a une petite séduction dans le fait de devenir eurasiste ; c'est-à-dire immoraliste et aventurier... Nous avons pour le labyrinthe mégalithique de nos ombilics limbesques une curiosité particulière, nous tâchons, pour cela, de faire connaissance de monsieur le Minotaure dont on raconte des choses si dangereuses. Chut ! Écoutez ! Le Taureau trépigne sur les parois de nos grottes antédiluviennes, il revient à la vie, ses naseaux frémissent et crachent de l’air chaud. Que nous importe votre corde à complots qui, prétendez-vous, nous aiderait à sortir de la caverne ! Vous voulez nous sauver au moyen de votre corde ! Et nous, nous vous supplions instamment de vous pendre avec !

 

A quoi sert tout cela en fin de compte ! Il n'y a pas d'autre moyen pour remettre l’eurasisme en honneur : il faut d'abord pendre les complotistes. » Laurent James, Le complotisme, cet anaconda dont nous écraserons la tête à coups de talon, Parousia



Et les occidentalistes et prométhéens de par leur occultisme scientiste n'en sont pas moins « complotistes » ! Comme les complotistes, leur deux cible sont l'Eurasisme et la Tradition.



« Leur mot d’ordre : tous contre la Sainte-Baume ! »



L'épanouissement et l'accomplissement de ces hommes de principes au sein d'une structure métapolitique qui, à terme, pourrait devenir une force politique, est la démonstration par l'exemple que notre pratique politique est fonctionnelle sur la base de quelques principes. Une nouvelle pratique politique principielle et sacrale, le rétablissement d'une verticalité organique par le redressement individuel des hommes de leur propre initiative.



Une organisation où une grande part de liberté individuelle se révèle créatrice et réalisatrice sans même avoir besoin de communiquer, de proposer des formations, d'imposer des réunions, de donner des instructions, de reproduire des entre-soi, car les projets collectifs sont voués à l'échec – notre doctrine doit devenir naturellement organique : à partir du moment où des hommes partagent une « vision du monde totalisante », défendent les mêmes principes et portent le même combat, ils n'ont même pas besoin de se connaître, de se parler, de s'auto-congratuler et se rassurer du bien fondé de ce combat pour vivre et « savoir quoi faire ». Nous faisons appel aux hommes vivants et libres. Des hommes que nous n'avons pas besoin de convaincre sur le fait que, avant de prétendre combattre le système politicomédiatique, nous devons attaquer frontalement les idéologies subversives à l'intérieur de nos propre camp qui sont là pour empêcher, bloquer, pourrir, tuer toute pulsion de vie et de révolution.



Il est important de faire société et d'appartenir à une communauté, cela va sans dire, mais cela ne regarde pas notre « organisation métapolitique ». L'homme adulte et libre d'accomplir ses devoirs fait société et appartient à la communauté qui lui correspond et lui ressemble, fait partie de toutes les associations qu'il veut, même et surtout celles de l'adversaire, tant qu'il porte au fond de lui cette vision supérieure et totalisante du monde nous pouvons compter sur lui sans même qu'il se fasse connaître avant que la nécessité se fasse sentir. Le besoin d'appartenir à un groupe et de reconnaissance, d'attirer et de recevoir de l'attention, doit s'accomplir dans sa vie personnelle : l'homme qui vient à la politique pour ses raisons, pour combler un vide, n'est pas fiable... Il ne s'agit plus de produire du constat et de la réinformation, de convaincre et de rassurer, de vendre des modèles économiques et des produits de consommation...



Vivre leur propre chaos, être en capacité de reconnaître les signes, se tenir prêts, se rallier et s'aligner à la nécessité, ne pas avoir besoin de réfléchir pour agir, être une meute de « loups solitaires », voilà ce que nous attendons de nos lecteurs.



Des héros, ça s'exhorte et s'exalte sur le champ de bataille ; nous n'en sommes pas là, mais la seule confiance doit résister à toutes les tentations postmodernes de reproduire de la Gouvernance et du calcul froid. Une littérature de combat et des mots d'ordre, seulement des mots d'ordre et la liberté. Un « Empire sans empereur » de cœurs ardents et d'âmes qui brûlent. Une grande revue ; qui suscite une littérature de combat ordonnatrice, et un réseau librement organique ; de petites cellules ou d'électrons libres, vivant localement, nationalement et à l'échelle continentale européenne, suffisent pour former une « avant-garde » et un « réseau ». Notre premier combat est celui contre des mentalité, notre guerre est psychologique et spirituelle, d'abord à l'intérieur de nos groupes. Nous pouvons nous rencontrer mais notre premier mot d'ordre serait : les principes avant le Prince.



Les organisations qui cherchent à retenir les hommes dans leur girond socio-économique sont celles qui n'ont pas confiance en elles-mêmes et leurs idées, qui n'aiment pas la liberté, qui veulent faire vos fonds de poche, qui ne sont pas européennes, qui ne sont pas eurasistes !



Elles ne rassembleront que des hommes qui n'ont pas confiance en eux et ressentent le besoin d'être dirigés ; qui ne se sont pas encore libérés de leurs droits démocratiques à posséder pour être des hommes d'honneur et de fidélité : de devoir être et n'être que devoir. Des hommes de devoir et de vouloir, voilà les hommes que nous attendons.



De nombreuses associations prennent le problème à l'envers. Elles considèrent que l'argent est le nerf de la guerre. Ce qui, en l'état actuel des choses, tient du délire car personne, à notre connaissance, n'a nommer la guerre. Quelle guerre ?



Ça n'est pas en finançant des journalistes et quelques divertissements ça et là, qui ne font que retenir les hommes dans l'angoisse de l'information/désinformation/réinformation qui ne fait que semer le doute et la confusion, qui éloigne du combat, que nous pourrions devenir une force organisationnelle, institutionnelle ou partisane de type classique suffisamment importante que pour rivaliser avec les milliards déversés contre nos groupes. Cette logique d'auto-financement est la première erreur métapolitique et une première preuve de défaillance de nos groupes qui veulent reproduire des modèles économiques qui ne correspondent pas aux échelles des combats que nous menons pour, enfin, combattre la guerre. Pour le dire autrement, nous ne finançons que pauvrement des individus qui, premièrement le demandent et qui deuxièmement pensent le mériter...



Nous ne sommes pas une entreprise et ne sommes pas la pour entretenir qui que cela soit. Nous considérons que les critères méritocratiques sont forts mal établis, qu'il n'y a aucun moyen de calculer l'influence réelle des initiatives personnelles, que sans une juste contribution et redistribution efficace des peu de moyens dont nous disposons, nous ne pouvons construire une véritable et charitable œuvre métapolitique. Si le « camp identitaire et européen » s'en donnait les moyens il existerait depuis longtemps un grand Parti et il existe des personnes compétentes pour gérer une telle structure. Elle n'existe pas parce qu'il n'y a aucune volonté qu'elle existe.



Dans ces conditions, chacun doit se donner les moyens de fonctionner individuellement et nous serons collectivement fonctionnel sans avoir besoin de financer des fonds de caisse inconséquents pour entretenir l'un plutôt que l'autre. Souvent pour financer du divertissement qui enferme les multitudes anonymes connectées dans l'illusion des écrans superposés. S'il y avait moins d' « influenceurs », de « lanceurs d'alertes », de « libres penseurs » notre silence aurait certainement davantage d'influence et cela fait bien longtemps que les forces seraient libérées...



« Il existe une opinion couramment répandue selon laquelle le concept d'empire présuppose obligatoirement la présence d'un empereur. Cependant, une analyse objective de ce phénomène montre que l'histoire connaît nombre d'empires sans empereur. Certains étaient dirigés par un cercle réduit, choisi au sein de l’aristocratie. D'autres, par un parlement ou un Sénat. Par conséquent, la présence d'un pouvoir monarchique unipersonnel, celui de l'empereur, ne constitue pas une condition indispensable à l'existence de l'empire. De plus, il a existé nombre D’états monarchiques, despotiques, tyranniques, ou encore dictatoriaux dans lesquels le roi ou le chef autoritaire possédait un pouvoir absolu mais qui ne se nommaient pas empire et n'offraient rien de commun avec lui. De cette façon, nous pouvons pleinement examiner le concept d'empire indépendamment de celui d’empereur. » Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique - La Russie et les idées politiques du XXIème siècle, Chapitre X Le projet « Empire », L'empire sans Empereur, pp. 209-210, aux éditions Ars Magna



Amour du Secret et secret de l'Amour. Principe de fidélité et Fidélité aux principes.



Notre combat n'est pas l'actualité et le développement personnel, le fichage et la « fête du pays réel » imaginaire ! Des hommes libres et des hommes libres seulement. Une organisation sans membres ne peut être montrée du doigt, diffamée, accusée, démantelée, emprisonnée, écartelée avant d'émerger. On ne peut enfermer des principes et il n'y a pas besoin de se revendiquer d'une organisation pour porter des principes... Seul son noyau actif et éditorial, il en faut bien un, est en prise direct avec les ennuis administratifs, la censure et les cabales. Chacun décide de son niveau d'implication et fera ce qu'il aura à faire au moment où il faudra le faire et où il sera à ce moment puisqu'il est impossible de prévoir où, quand et comment vont se produire les événements qui permettront de faire émerger un Ordre.



Complotons, conspirons, soyons partout et nul part !



Soyons un culte à mystères, une franc-maçonnerie, une mafia.



Notre vision idéale du monde ne se réalisera pas totalement ni parfaitement dans la matière mais il faut en avoir une vision imaginale et accepter l'épreuve de la réalité et du présent comme seul réel. Trouver l'infini et l'éternité dans ce « présent toujours déjà présent » : car c'est là que réside l' « éternel retour » et nul part ailleurs. Il nous faut trouver cet essor ; cette « volonté de puissance », dans la « nostalgie du Sacré » et les joyeuses mélancolies qui l'accompagnent.



Un Ordre politique ?



Non !



Un Ordre poétique et épique. C'est l'Ordre qui devient le poème épique...



Un Ordre de l'esprit.



Nous faisons entièrement et totalement confiance aux hommes libres qui comprennent ce que nous exprimons ici et il n'y a pas besoin d'en dire davantage.



Sinon, ils ne nous restent que le renoncement et l'alignement à la parodie occidentale vers l'utopie chinoise, autrement dit la dystopie globaliste dans toute sa splendeur.



Le modéré qui voit un mal dans la totalité que nous évoquons et tremble de ce qu'elle pourrait supposer de « totalitarisme » ne pourra combattre le globalisme totalitaire et s'inquiète d'un changement qui s'opère essentiellement à l’intérieur des hommes. Et c'est un risque à prendre. C'est le réel et les événements qui créent les conditions de la « prise de pouvoir » puisqu'il n'est question que de ça. Nous pouvons perdre le contrôle de cet égrégore, de cette volonté de puissance supérieure, que nous mettons toutes nos forces à former, mais nous n'en perdrons le contrôle que par un manque de maîtrise, que par le mépris des principes et de l'éthique qui en découle. Le « génie européen » a le défaut de l'hybris et tout ce qui sous-estime ce défaut doit être violemment écarté. La courtoise grivoiserie ou la grivoise courtoisie des fidèles d'Amour est une façon d'exprimer le comportement « pagano-chrétien » que nous essayons d'incarner pour éviter toute vulgarité et tout puritanisme, retrouver la notion de panache qui caractérise notre civilisation sans tomber dans ses excès.



Quand on a prit toute la mesure et l'ampleur du Mal, on le défie.



La grande guerre spirituelle sera totale ou nous disparaîtrons dans la modération.



Quant à la guerre géopolitique, sur laquelle nous n'avons aucune prise, tous les moyens diplomatiques et multipolaires de la paix doivent être déployés pour combattre les guerres mais nous devons accepter l'éventualité de l'affrontement pour qu'il n'ait pas lieu. Le seul moyen d'éviter la guerre totale c'est de la préparer férocement, de dire non. Car nous devons faire avec la réalité telle qu'elle est et déjà les va-t-en-guerre de salon nous y plongent. Peut-être faudrait-il commencer par s'occuper de ceux-là...



La métapolitique n'est pas là pour remplir une fonction cathartique par le divertissement et le spectacle, nous faire oublier la présence de l'Adversaire que pourchasse le Grand Veneur dans l'immense forêt de l'autre côté de la Nuit. Le Grand Jeu des diplomaties souterraines s'est transformé en jeu vidéo mais le réel se réinvite dans le présent quand il le souhaite, pour le moment de façon aléatoire, et bientôt d'une manière permanente.



Il a déjà installé son ambiance, son temps et la qualité de l'air qui lui convient pour que lui et ses légions sortent de nous-même et survivent à la surface de la terre. L'enfer c'est les autres ? Voilà qu'il longe et renifle nos murs chaque nuits, traquant la moindre odeur de peur et de sympathie, d'ouvertures à lui ou, plutôt, de portes de sortie... Nous sommes les portails de l'Enfer, c'est la même porte qui mène à l'Enfer ou au Paradis.



La peur, ça n'est pas la méfiance ou la crainte, c'est l'ignorance, l’insouciance et l'inconscience de ce maraudeur qui traîne ses ombres et les installe où sa présence est ignorée, déniée.



Sonnons le cor et reprenons la grande chasse !



L'ambiance ! On ne prend pas suffisamment en compte l'importance de l'ambiance et de ce qu'elle dit de l'échange subtil d'un monde à l'autre, de la superposition du visible et de l'invisible. L'actualité des faits divers n'est rien comparé à la permanence malsaine de l'ambiance de derrière l'ambiance, au mal aise et au mal être qui planent d'ombres menaçantes dans l’atmosphère, ce climat mortifère qui voile notre Soleil, ce temps de chien que bravent les loups « à la vision d'aigle » de l'autre côté de la ligne...



« – Quelle logique ? Demanda-t-il d'un air mécontent... Le propre de notre action est justement de ne pas avoir de logique. C'est déjà beaucoup que nous ayons à nous mettre d'accord sur les précautions. Il n'y a pas entre nous de lien organique. L'idée de départ est de mon ami. Les moyens viennent de moi. La réalisation vous incombe. C'est tout. Notre solidarité joue sur les fins, non sur les moyens. Mais, avec des types comme vous, qui avez si longtemps vendu vos âmes à la politique et fait du double jeu une vertu, c'est une gageure peu confortable... Voici même la question que je me pose depuis que je vous connais, fit-il d'un ton dépourvu de toute amitié : Avez-vous réellement racheté votre âme ? » Raymond Abellio, La fosse de Babel, 15. Le dernier des Séphardim prophétiques provoque la colère d'un junker., p. 82, L'imaginaire Gallimard



Vous voulez un manuel de combat métapolitique ? Lisez La fosse de Babel.



La Fosse de Babel la littérature de combat d'une manière générale nous a plus apporté que tous les audios et vidéos que nous avons pu écouter et regarder ces vingt dernières années...

 




Vive l'Empire eurasiatique de la Fin !