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03/11/2021

La Religion du Tournesol (Saint-Pol-Roux)

Saint-Pol-Roux, La Rose et les épines du chemin (Les Reposoirs de la procession I), La Religion du Tournesol, pp.80/83, aux éditions Gallimard

 

A Antoine de La Rochefoucauld.

 

Tout à virer d'après le Soleil qu'ancillairement il admirait, jamais ce Tournesol, fervent comme un coup d’encensoir figé en l'air, n'avait daigné m'apercevoir, malgré ma cour de chaque heure et de chaque sorte.

 

Œil du Gange en accordailles avec le nombril du Firmament, la fleur guèbre ne voulait se distraire de son absolue contemplation.

 

L'indifférence de cet héliotrope me rendit jaloux de l'astre.

 

Naine au début tant que superficielle fille de ma vanité, cette jalousie, foncière dés qu'adoptée par ma raison, prit désormais une envergure énorme.

 

Mes moindres appétits de rival convergèrent vers ce mystérieux pétale à conquérir : un regard de la fleur.

 

Pour une telle victoire je mis au vent, l'un après l'autre, tous les moyens de stratégie possibles.

 

*

 

Vêtu d'étoffes somptueuses, comme taillées dans un songe de poète pauvre, une grappe adamantine à chaque oreille, les phalanges corselées de bagues, pontifié de l'idée sous la tiare ou prince de la matière sous le diadème, j'allai promener autour de la fleur ma braverie de guêpe humaine.

 

Le Tournesol ne me regarda mie.

 

Longtemps je m'appliquai à parfaire ma force ainsi que ma beauté, conjuguant la course, le bain, les poids, luttant avec la corne ou la crinière ou le chef-d’œuvre ; une fois, très fort et très beau, je vins, un essaim de vierges pâmées à mes flancs, produire à l’œil incorruptible de l'inexorable idole le verger de ma forme.

 

Le Tournesol ne me regarda mie.

 

Jugeant nécessaire de joindre à l'argument du corps celui de l'âme, je lavai dans mes vagues de repentir le corbeau prisonnier en ma personne, puis on me vit parader devant la spéculative avec un roucoulement de colombe aux lèvres.

 

Le Tournesol ne me regarda mie.

 

Traversé de la baroque hypothèse que cet œil pouvait n'être qu'une extraordinaire oreille de curiosité, je m'environnai de harpes, de violes, de buccins, et, comme au mitan d'un harmonieux brasier, je m'avançais saluer d'une strophe divine l'inflexible.

 

Le Tournesol ne me regarda mie.

 

Sa rude margelle en guise de pupitre, je m'abreuvai si bien à tous les seaux jaillis de la Science que les pygmalions copièrent ma renommée et que les édiles votèrent d'épaisses semelles de granit à mes statues sollicitées par les forums.

 

Le Tournesol ne me regarda mie.

 

Espèrant décisif le moyen de patrie, je fondis sur la multitude étrangère, saccageai ses lois, brisai ses symboles, brûlai ses bibliothèques, pour finalement m'asseoir sur le trône du roi vaincu, dont la langue coutumière de l'ambroisie léchait mes orteils d'apothéose.

 

Le Tournesol ne me regarda mie.

 

Si la fleur était simplement étrange malsaine ? Complotai-je un jour d'exaspérée lassitude, – et vite d'assassiner une très vieille femme en train d'éplucher des carottes.

 

Le Tournesol ne me regarda mie.

 

Découragé, rageusement j'imaginais des combinaisons, inutiles d'avance, – lorsque passèrent sur la route trois Mendiants...

 

Évangélique, je m'avance.

 

– Je suis la Semaille.

 

Dit le premier, aux membres de terre et cheveux de fumier.

 

Je baisai ses cicatrices, desquelles soudainement vagit un avril d'arc-en-ciel.

 

– Je suis le Chagrin.

 

Dit le second, drapé de feuilles mortes.

 

Je l'enchantai d'espoir, à telles enseignes que sa bouche verdâtre s'ouvrit en grenade et montra des grains de rire.

 

– Je suis la Vieillesse.

 

Dit le troisième, couleur de givre et de faiblesse.

 

Je jetai mon manteau sur ses épaules, lui cueillis un sceptre de houx dans la lande et lui remis les fruits jolis de ma besace avec le sang rose de ma gourde, si bien qu'il partit la jambe gaillarde et les pommettes riches.

 

Alors, me prenant sans doute pour le Soleil, le Tournesol tourna vers moi son admiration, – et dans cet œil je m'aperçus tout en lumière et tout en gloire.

 

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01/11/2021

Le « secret foncier de Pierre Laval » (Jean Parvulesco)

Jean Parvulesco, Un Retour en Colchide, L'aigle à trois têtes, pp. 190/192, aux éditions Guy Trédaniel Éditeur

 

(595) Je me demande si d'autres que moi ont été amenés à soupçonner le « secret foncier de Pierre Laval », secret vraiment enfoui au plus profond de lui-même, d'où il s'entendait à régir subversivement le cours extérieur de son existence. On peut en effet considérer une première figure de Pierre Laval, sa figure la plus « conventionnelle », comme celle d'un politicien retors de la Troisième République, l'homme des douteuses intrigues de couloir et des options changeantes, attaché au pouvoir sans trop se soucier des implications idéologiques en jeu, prêt à toutes les compromissions exigées par le le pouvoir parlementaire dépravé qui était celui de son temps. Mais, pour un regard vraiment avisé, habitué à pénétrer, dans les régions occultes de la conscience, il y a aussi « un autre Pierre Laval », le conspirateur de haut vol, l'homme de la vraie « grande politique », dissimulé pour pouvoir agir à sa guise, derrière ses propres apparences diversionnelles et factices ; car la « grande politique » ne saurait être que subversive.

 

Pierre Laval a été un des plus grands conspirateurs politiques du XXe siècle, ayant directement participé à l'immense projet révolutionnaire européen du roi Édouard VIII d'Angleterre, qui avait tenté de mettre en place une « Nouvelle Europe » fédérale, mobilisée contre l'URSS et le danger de la « révolution mondiale » du communisme soviétique, qui aurait compris l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, l'Espagne, la France, la Belgique, etc. Une « Nouvelle Europe » dont Pierre Laval eût représenté la France en tant que président de la République nationale française (c'est Paul Claudel, on le sait maintenant, qui, ambassadeur à Londres, assurait le relais entre Edouard VIII et Pierre Laval).

 

Il y a plus encore. Pendant les quatre années de l'occupation militaire allemande de la France, de 1940 à 1944, c'est Pierre Laval qui a mené l'ensemble de la politique souterraine d'une certaine « France autre », s'appuyant sur l'Allemagne pour mettre clandestinement en place sa propre révolution européenne national-socialiste des profondeurs. Dans cette perspective, Pierre Laval avait veillé dans l'ombre à la mise en œuvre du seul mouvement authentiquement révolutionnaire de la collaboration, le Mouvement social révolutionnaire (MSR). Ayant soutenu la prise du pouvoir par Raymond Abellio contre Eugène Deloncle à l'intérieur du MSR, Pierre Laval était devenu le patron caché de ce mouvement aux destinées confidentielles, mal connues encore aujourd'hui.

 

Raymond Abellio, qui avait gardé une fidélité ardente à la mémoire de Pierre Laval, me racontait vingt ans après comment, chaque 1er du mois, il faisait discrètement un aller-retour Paris-Vichy pour rapporter une valise bourrée de l'argent nécessaire au fonctionnement de son mouvement, argent que lui fournissait, en liquide, Pierre Laval lui-même. On n'a pas idée de la formidable machine de guerre révolutionnaire que Pierre Laval et Raymond Abellio ont essayé de monter pendant la guerre pour faire de la France, au cas où l'Allemagne l'aurait emporté, et même dans le cas contraire, une superpuissance à part entière, dans la « Grande Europe » de l'après-guerre.

 

Laval avait été le premier homme politique français entièrement gagné à la cause suprapolitique de la « Grande Europe » continentale, « eurasiatique », et, tout comme le général de Gaulle, il comptait lui aussi sur un renversement à terme du régime communiste soviétique, de manière à ce que la Russie puisse être ensuite intégrée au sein de la plus « Grande Europe » continentale. Laval avait sans interruption œuvré dans ce sens – avant et pendant le guerre – à la tête d'un important appareil supérieur ultra-secret, opérativement actif, derrière la face diversionnelle qu'il avait toujours su dresser comme couverture à ses activités hautement subversives. Un « appareil supérieur » dont personne, à aucun moment, ni en France ni ailleurs, ne soupçonnait l'existence, encore moins les activités de fond.

 

Certains le pensent, la cravate blanche qu'il portait toujours était le « signe de ralliement » convenu d'une organisation contre-révolutionnaire supranationale, ultra-secrète, abyssale, « hors d'atteinte », que dans cercles de la contre-information stratégique allemande on appelait Geheime Frankreich. Aussi l' « autre Pierre Laval », le Pierre Laval « secret », est-il resté « secret » au-delà de sa fin. Après la guerre, Raymond Abellio aurait pu en parler, mais il ne l'a pas fait. Ni personne du tout petit nombre de ces « quelques autres » ayant accompagné, plus ou moins en pleine connaissance des choses, la grande aventure « suprahistorique » de Pierre Laval. Entre autres, Jean Jardin, dont la récupération ultérieure par le général de Gaulle me paraît singulièrement significative.

 

J'ai eu moi-même à me rendre à plusieurs reprises à la Tour de Peilz, en Suisse, où j'étais reçu par Jean Jardin dans sa propriété romantique au bord du lac. Nous étions préoccupés tous les deux par la nécessité de transmettre au Général notre commune obsession concernant le grand avenir politique de l'Inde et d'une politique française aux dimensions à la mesure de ce continent, inspirée par une vision finale de la plus Grande Europe continentale, « eurasiatique ». Jean Jardin travaillait à un vaste projet de relations économiques et industrielles franco-indiennes qu'il voulait immédiatement opérationnel, et pour lequel il ne cessait d'entretenir des contacts stratégiques majeurs avec New Delhi, du côté français, mais aussi en Allemagne et en Espagne. ; Et il me disait qu'il voulait m'amener avec lui, en Inde.

 

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13/10/2021

Axe Grand-Continental II (Jean Parvulesco)

Jean Parvulesco, Un Retour en Colchide, pp. 52/54, aux éditions Guy Trédaniel Éditeur

 

(430) Evgueni Maximovitch Primakov vient d'être nommé Premier ministre. Le chaos s'installe en Russie, soudain tout semble sur le point de basculer dans le vide sanglant des recommencements antérieurs, le spectre du communisme refait sournoisement surface.

 

La catastrophe politico-économique de la Russie est organisée, dans l'ombre, depuis l'extérieur : en s'attaquant à la Russie, la puissance des ténèbres à l’œuvre dans l'histoire actuelle du monde s'attaque au concept en marche de la grande Europe et aux visées impériales grand-continentales eurasiatiques de celle-ci. C'est en effet la Russie qui assure, géopolitiquement aussi bien qu'en termes de « grand destin », le pont de passage et d'intégration du pôle carolingien franco-allemand en direction de la Grande Sibérie, de l'Inde et du Japon, et la présente tentative de neutralisation politico-économique de la Russie est destinée à empêcher, à bloquer la marche en avant du processus de mobilisation impériale et polaire européenne grand-continentale, la constitution à terme de l'empire eurasiatique de la Fin pour lequel nous combattons, nous autres « travailleurs de minuit » de l'achèvement révolutionnaire, de la mise en situation immédiatement eschatologique de l'actuelle histoire du monde, entrée en son cycle terminal ultime.

 

C'est à l'Allemagne que doit être imputée aujourd'hui, en premier lieu, la présente catastrophe de la Russie, parce que c'est à l'Allemagne qu'était échue la charge d'organiser et de promouvoir, après l’effondrement du communisme soviétique, les forces national-révolutionnaires émergentes en Russie, de les soutenir et de les armer, doctrinalement aussi bien qu'en termes d'action politique immédiate, de manière à ce que le front intérieur national-révolutionnaire puisse s'occuper réellement d'activer le démantèlement des derniers foyers en place de la conspiration soviétique, ainsi que de faire face – en même temps – à l'offensive extérieur du capitalisme mondial, sous lequel se cache l'action subversivement permanente de l'impérialisme planétaire des États-Unis.

 

Pourquoi l'Allemagne n'a-t-elle pas été en situation d'accomplir la tâche spéciale qui était la sienne à l'égard de la Nouvelle Russie ? Parce que, sur le plan interne, l'Allemagne elle-même s'est trouvée neutralisée, politiquement bloquée par l'assaut permanent de la subversion socialo-communiste et gaucho-trotskyste souterrainement toujours e place, assaut auquel le régime du chancelier Helmut Kolh n'a pas su ni sans doute pu opposer la contre-stratégie qui eût pu contenir et finalement anéantir le travail négatif de l'opposition marxiste. Et cela à cause de cet extraordinaire état d'hémiplégie progressive dont l'Allemagne se trouve si dramatiquement affligée, à la suite de l'impuissance d'une classe politique inepte et corrompue jusqu'à l'os, aliénée par la culpabilisation qu'on lui fait subir et assumer depuis 1943, et qui a fini par devenir une condition fondamentale de l'actuelle conscience politico-historique allemande.

 

Cependant, cette culpabilisation abyssale de sa conscience politique et historique nationale n'est pas seulement propre à l'Allemagne ; l'Europe dans son entier – et plus particulièrement, depuis quelques années, la France – s'est trouvée contrainte à la même aliénation, subversivement concertée en vue de la neutralisation de ses pouvoirs de décision, d'affirmation politique offensive propres.

 

Aussi l'auto-déculpabilisation révolutionnaire de la conscience politique et historique de l'Allemagne et de l'Europe devient-elle aujourd'hui la condition absolument fondamentale de tout recommencement d'un destin autre de l'Europe, la condition fondationnelle même d'une Nouvelle Europe conforme à son ultérieure prédestination grand-continentale eurasiatique.

 

Les faits sont en train de le prouver : l'histoire de la décadence politico-historique de l'Europe, sa marche suicidaire vers la démission totale et l'impuissance irréversible s'identifie ouvertement avec l'histoire de la montée au pouvoir du socialisme européen en Allemagne, en France, en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas. Le socialisme, c'est le sida en phase terminale de l'histoire actuelle de l'Europe.

 

Car c'est le socialisme qui se trouve à l'origine de la mise en culpabilisation de l'Europe et, encore une fois, l'auto-déculpabilisation révolutionnaire de l'Europe constitue la condition première de sa libération, de la mise en marche du processus de ses retrouvailles avec son destin propre, avec son nouveau destin impérial révolutionnaire de la fin.

 

Cela ne servirait à rien de se le dissimuler : l'arrivée au pouvoir, en Allemagne, de la coalition socialiste du nouveau chancelier Gerhard Schröder constitue une défaite apocalyptique pour l'Europe de la ligne grand-continentale eurasiatique, l'équivalent, dans les circonstances actuelles, de la défaite politico-historique de 1945. Ce terrible revers du destin de la liberté européenne dont Gerhard Schröder devient aujourd'hui le symbole et l'axe de renversement, comment le dépasser ? Quelle contre-stratégie opposer à cette soudaine rupture des digues ? Que Faire ?

 

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