Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/11/2024

Gauche/Droite, tentative de définition - avec Ugo et Laurent

 


 

 

J'avais préparé cette introduction pour me présenter ; ainsi que mes « postulats de départ » concernant le clivage Gauche/Droite, mais sa lecture aurait été quelque peu laborieuse et ennuyante pour les auditeurs. Néanmoins, je la restitue intégralement ici.

 

Gauche/Droite, tentative de définition :

 

Je remercie Pierre-Yves pour son invitation et suis ravi de la présence d'Ugo.

 

Je remercie également Pierre-Yves pour sa confiance et de s’intéresser ; je dirais, à ma « vision du monde ».

 

Mon actualité se résume à la volonté de créer une revue métapolitique et à l'écriture d'un essai sur le prométhéisme.

 

Je n'ai pas l'habitude de prendre la parole et remercie d'avance les auditeurs pour leur bienveillance.

 

***

 

Je me définirais avant tout partisan de la Quatrième théorie politique et du Monde multipolaire plutôt qu' « eurasiste » même si, en effet, la lecture de Jean Parvulesco et d'Alexandre Douguine ont fortement influencé ma pensée.

 

Il n'existe de toutes façons pas d' « eurasisme français » ni d' « eurasisme européen », pour la bonne raison que les divers oppositions au globalisme ont précisément « raté le tournant eurasiste » ; préférant à cette orientation soit le souverainisme soit l'occidentalisme, il serait donc incongru de se définir « eurasiste » en tant qu'européen et occidental, et particulièrement dans la sphère française et dans le monde francophone.

 

Comme j'ai coutume de l'affirmer : Vous n'avez pas voulu de l'Eurasisme, vous aurez l'Occidentalisme !

 

Mon domaine de compétence ; si je peux l’appeler ainsi, est celui de la Métapolitique au sens que lui donnait Joseph de Maistre, je cite :

 

« J'entends dire que les philosophes allemands ont inventé le mot métapolitique, pour être à celui de politique ce que le mot métaphysique est à celui de physique. Il semble que cette nouvelle expression est fort bien inventée pour exprimer la métaphysique de la politique, car il y en a une, et cette science mérite toute l'attention des observateurs. »

 

Mon point de vue se borne donc à une approche métapolitique et se cantonne à la question :

 

Qu'entendons-nous aujourd'hui par « Métapolitique » ?

 

Et nous verrons que cette première question est intimement liée au sujet qui nous intéresse aujourd'hui. C'est, selon moi, le réel enjeu pour une redéfinition claire de la Droite.

 

Avant de tenter de définir (ou de redéfinir) la Droite, rétablissons la fonction première de la métapolitique dans le contexte actuel.

 

En effet, la réduction de la métapolitique à l'application des « méthodes gramsciennes » d'analyse et d'action, essentiellement d'entrisme culturel, explique le problème psychologique de la « Droite française » qui se pense comme une « Gauche » qui n'a pas réussit. Il y a déjà un premier biais dans la réflexion des droites alternatives, pour le moins celles se revendiquant de Gramsci.

 

Résumons rapidement les grandes théories de Gramsci : hégémonie culturelle, parti médiatique, intellectuel organique, éducation des travailleurs, distinction entre la société politique et la société civile, historicisme absolu, critique du déterminisme économique, critique du matérialisme.

 

Je trouve naïf de diminuer l'exercice et de rabaisser la fonction même de la métapolitique à l'expression de « guérilla culturelle » (qui se limite la plupart du temps à du journalisme ou du commentaire d'actualité, dans les deux cas, par des applications qui participent directement au spectacle et au divertissement).

 

La fonction de la métapolitique ne devrait-elle pas être celle de remporter cette première bataille pour la redéfinition de la Droite pour la dépasser, avant même de prétendre affronter la Gauche sur son terrain ?  

 

Le thème de ce soir est donc celui de la « Droite » davantage que celui de la Gauche.

 

Thème d'autant plus difficile à traiter que nous assistons actuellement – et ce de façon marquée depuis les années 30 – à une guerre idéologique et doctrinal pour la redéfinition de la « Droite » que se mènent les « tiers partis », les « avants-gardes » et « groupuscules » identifiés « à Droite » de grès ou de force.

 

Avants-gardes et groupuscules parfois, et même souvent, radicalement opposés sur les principes qui qualifient ou disqualifient une théorie et une pratique politiques comme étant « plutôt de droite » ou « plutôt de gauche » sur des critères historiques de légitimité. Ces « principes » et « critères » existent pourtant bel et bien, mais la démocratie d'opinion et les réseaux sociaux, qui permettent à tout le monde de donner son avis, rendent compliqué quelque chose qui pourrait être simple.

 

Aussi, c'est un exercice périlleux que d’interpeller un sujet au centre de toutes les attentions des plus bruyantes et, à cause de ce vacarme des modérés autour de lui, sourd à tous les murmures qui voudraient se faire entendre... Se faire entendre pour prévenir du triomphe du Libéralisme et de sa première conséquence qui est d'avoir éradiqué le clivage traditionnel entre la Gauche et la Droite.

 

Je diffuse ; sur mon blog et sous forme d'articles, un essai : La grande trahison métapolitique de la Droite, qui traite spécifiquement des droites alternatives et tente principalement à démontrer que le « mouvement occidentaliste » et la « tendance prométhéenne », à défaut d'autres propositions, représentent actuellement la « Droite » idéologique et doctrinale.

 

Je pars du postulat qu'il n'existe de « Droite » que les différents courants et mouvements qui partagent, à minima, une vision réaliste de l'Europe, non seulement en tant que civilisation mais également, dans un monde globalisé, en tant que puissance continentale potentielle entre les États-Unis et la Russie.

 

Ce que nous désignons ici de « civilisation » serait cet imperium indo-européen mouvant et intemporel dont le centre spirituel nomade se déplace sur le grand continent eurasiatique originel. Ce qui, de très longue mémoire, perpétue les « traditions » de plus ancienne civilisation des pierres levées à nos jours...

 

Sans cette volonté de dépasser les « nationalismes », il me semble difficile de parler de « Droite » aujourd'hui ; il faut bien mettre le curseur quelque part.

 

La « Droite » ne peut se contenter du Nationalisme westphalien ou du Souverainisme postmoderne « comme volonté et représentation » ; la questions de l'identité (et, par extension, celle de l'immigration) ne se suffit pas à elle-même ni ne permet de définir la « Droite ». Quelle identité pour quelle Droite ?

 

Les droites partisanes et électoralistes – autrement dit, ce que j'appelle les « extrêmes-centres de la subversion » ; « extrême-droite » et « extrême-gauche » comprises –, qui s'inscrivent exclusivement dans le cadre démocratique, républicain et laïque m'intéressent finalement très peu, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de refaire ici l'historique de ce qu'est la Droite et de ce que sont les divers droites franco-françaises à travers l'Histoire.

 

La diversité n'est pas quelque chose de négatif en soi mais il doit exister une certaine cohérence entre ses différentes parties idéologiques et doctrinales qui s'opposent pour maintenir un certain équilibre des forces au sein de la « Droite » et au sein de l'arc démocrate et républicain de la France comme royaume, nation et empire.

 

Ce qui rassemble ces « divers droites » est uniquement et exclusivement le fait d'être : « critique de » ou « contre » l'immigration. C'est une proposition négative et insuffisante pour justifié et qualifié une quelconque Droite sur la base de « grands principes ». Les incompréhensions entre ces « divers droites » commencent dés l'instant où la question de l'identité est évoquée, ce qui est un comble lorsque l'on parle de « Droite »... Et il n'est même pas nécessaire de la posée clairement pour que les problèmes commencent ; et que la Droite disparaisse comme par enchantement. Mais la malédiction de la Droite se trouve ailleurs encore...

 

Finalement, en France, les « royalistes » ou « monarchistes » sont sans doute les seuls à témoigner de certains principes traditionnels dans leur pratique politique, essentiellement spéculative, et peut-être les seuls à porter légitiment le titre de « Droite » au sens français et historique du terme. Il est à noter que le terme philosophique et idéologique de « Libéralisme » n'a pas exactement le même sens dans le monde latin que dans le monde anglo-saxon. Mais opérer cette distinction n'aurait, en effet, plus de sens, à l'heure de la globalisation et dans l'ère postlibérale.

 

Selon moi, la compréhension de la Tradition des royalistes et catholiques traditionalistes est littéraliste et profane ; davantage liée à une nostalgie de certaines traditions précises et particulières – je dirais folkloristes, historicistes et figées –, et que, par conséquent, leur « théorie politique » est inopérative – je fais la faute volontairement, il aurait fallu dire « inopérante », cela est un « élément de langage » relatif à l'opposition opératif/spéculatif et, par extension, à la question de la théorie et de la pratique.

 

Quant au Souverainisme, il est pour nous l'expression politique du complotisme et du puritanisme ambiants – « ces deux plaies de la postmodernité » comme le dit Laurent James –, la quintessence même de la subversion à Droite. Ce qu'il y a de pire à Gauche – la vision civique de l'identité et l’assimilationnisme paternaliste (qui est selon moi la forme la plus vicieuse de « racisme ») – et de ce qu'il y a de pire à Droite – le « chauvinisme » dans ce qu'il a de plus « jacobin » et « collaborateur ».

 

Pour rappel, le Souverainisme est historiquement un courant de pensée qui nous vient du Québec et sa traduction fhexagonale revient à une « haine de soi » en tant que nous sommes et restons des européens et des occidentaux en Europe avant d'être des français, des allemands ou encore des italiens... Il n'y a rien de plus mortifère que cette « haine de soi », d'autant plus quand elle se cache derrière le masque du « patriotisme ».

 

Ce néo-souverainisme, que Parvulesco qualifiait d' « opposition nationale de pure frime » et que Thomas Ferrier qualifie de « chauvino-mondialisme », est le premier ennemi sur notre route et donc le premier à abattre. Certes, les résultats souverainistes aux élections sont faibles mais le souverainisme pèse dans l'opposition idéologique au globalisme où aucune opposition politique ne peut naître, ou renaître. Si nous devions faire un choix immédiat, nous ferions le choix de l'orientation occidentaliste si celui-ci permettait d'en finir avec le souverainisme et tout ce qu'il véhicule de « tiersmondisme ». Les souverainistes rabaissent la perspective eurasiste à un tiersmondisme ; ce que l'eurasisme n'est pas.

 

De plus, les positions pro-russes, tiersmondistes, activement complotistes et honteusement puritaines de la plupart des souverainistes brouillent les cartes concernant le rôle de la France, voir de sa mission métahistorique, et dénature la « position eurasiste » qui n'est pas une allégeance idiote et crétine au Kremlin !

 

Je citerai Parvulesco pour bien me faire comprendre sur ce sujet du « souverainisme », qui n'est pas nouveau :

 

« Et il n'est même pas impossible que l'épreuve de force entre la social-démocratie au pouvoir et les forces de contestations qui vont s'élever alors contre l'état de fait puisse prendre aussitôt les allures d'une guerre civile, les choses apparaissant ainsi d'autant plus étranges que les forces de contestations se levant contre la dictature à la fois sournoise et totalitaire de la social-démocratie seront tout à fait inconnues, n'ayant encore fait état, ouvertement, de leur existence, et ne manifestant donc aucune relation avec ce que l'on appelle, sans doute par dérision, l' « opposition nationale » soi-disant « gaulliste » et autres formations de la même frime, salement complice, à la traîne, et dans l'imitation honteuse du pouvoir en place « opposition nationale » dont les positions affichées font ouvertement  assaut d'allégeance aux mot d'ordre de la conspiration mondialiste se tenant présente dans l'ombre. » (Jean Parvulesco, La confirmation boréale, La Stratégie contre-mondialiste de l'Axe Paris-Berlin-Moscou, Une « opposition nationale » inexistante, de pure frime, pp. 307 à 308, aux éditions Alexipharmaque)

 

Nous arrivons ici à ce qui est, selon moi et actuellement, le problème fondamental de la Droite  : l'impossibilité de se définir (?). Parce ce qu'elle est tout et rien en même temps et ne se situe que par rapport à la Gauche ou pour l'exprimer plus subtilement : aux différents centres globalistes.

 

Je m'explique :

 

Nous conviendrons pour dire que nous parlerons aujourd'hui de la Droite avec un grand « D » et des grandes tendances qui se dégagent des droites dites « alternatives », des « idées en mouvement », pour avoir une vision dynamique de la « Droite ».

 

De la même manière, la « Gauche », le gauchisme ou encore le wokisme ne sont pas du tout mes sujets. J'entends parler de « guérilla culturelle » – sur la base des travaux marxistes et communistes de Gramsci – mais je ne vois pas grand chose qui ressemble à de la « guérilla » ni à de la « culture » à Droite. Les « droitards » devraient relire « Pour une critique positive » de Dominique Venner qui a beaucoup inspiré mes propres travaux.

 

En somme, il y a autant d'idéologies que d'idéologues, autant d'idéologues que d'influenceurs, autant d'influenceurs que de multitudes anonymes hyperconnectées aux écrans superposés du Spectacle de la marchandise et du Faux omniprésent mais, finalement, d'aucun ne peut démontrer son influence supposée.

 

En effet, il n'existe, à ma connaissance, aucun instrument pour mesurer l' « influence réelle». L' « influence » reste un concept très vague d'un point de vue métapolitique.

 

Les « droites alternatives » sont enfermées dans le commentaire d'actualité comme divertissement ; entre complotisme et puritanisme. Certes, quelques associations et instituts – comme l'Institut Iliade –, mènent un certain combat « métapolitique » par les formations et conférences qu'ils proposent mais je pense que, malheureusement, leurs choix éditoriaux ne permettent pas de sortir de l'action spéculative et virtualiste pour se diriger vers une action opérative et réaliste. De faire ce que j'appelle de la « métapolitique appliquée » ou du « terrorisme métapolitique » pour paraphraser Abellio. Quand je parle d'action, je ne parle pas d'action illégale mais d'action coercitive au sens légal du terme.

 

La métapolitique c'est de la « métaphysique appliquée » au monde triste et froid des idées.

 

De toutes façons, je dirais que nous avons davantage besoin d'ingénieurs – je pense à des codeurs en informatique (hacking, astroturfing, etc) et d'artistes ou d'artisans que d'essayistes et que de « futurs cadres » d'hypothétiques partis politiques...

 

D'ailleurs, « futurs cadres » de quoi ? Pour quel grand Parti européen ? C'est précisément à ces questions que les intellectuels de Droite alternative ne répondent jamais. Et ça n'est pas la faute de leur avoir posé.

 

Et « Civilisation européenne » ou « Monde blanc » ne sont pas des réponses acceptables : pour aller où ?

 

Je veux dire que la réponse ne se justifie que par les « prises de position » et les « grandes orientations » que nous jouent les différents acteurs de ce Grand Jeu, pas par la théorie ou encore la transmission de concepts philosophiques d'un autre siècle.

 

Encore une fois, la construction d'une colonne vertébrale et un minimum de culture générale sont évidement nécessaires mais nous voyons bien que la Droite est incapable d'elle-même se définir et donc tenue en échec malgré son travail de mémoire. Puisqu'elle ne sait plus se définir que par rapport à la Gauche. Bref. Je citerai un extrait de Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke :

 

« Le temps, ici, n'est pas une mesure. Un an ne compte pas : dix ans ne sont rien. Être artiste, c'est ne pas compter, c'est croître comme l'arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, aux grands vents du printemps, sans craindre que l'été puisse ne pas venir. L'été vient. Mais il ne vient que pour ceux qui savent attendre, aussi tranquilles et ouverts que s'ils avaient l'éternité devant eux. »

 

Une remise en contexte est sans doute nécessaire avant de poursuivre et de poser la question telle que je l'entends :

 

La démocratisation d'internet a radicalement changé notre rapport à la politique et, surtout, à notre pratique du Politique (ou de la Politique) avec un grand « P ». Le militantisme ou l'activisme se limitent ; à quelques exceptions près, à des expressions virtualistes et se résument à de la communication sans réel recherche de sens.

 

Généralement, les « droitards » donnent trop d'importance au rôle actuel de l’État et ont une vision réductrice et caricatural de ce qu'ils appellent « État profond »exprimant une continuité et une intervention de l’État dans tous les domaines de l'existence. Nous nous dirigeons vers une société globale dirigée par des Corporations et de grands monopoles (GAFAM). Le pouvoir de la Banque lui-même ni résistera pas (cryptomonnaie) et la face du Capitalisme va lui-même radicalement changé (Great Reset).

 

D'ailleurs, à ce propos, petite digression : On dit de Marx qu'il est le grand penseur du Communisme. Je pense qu'il est le grand penseur inavoué du Capitalisme, que sa « critique » du Capitalisme et l'anticipation de ses crises, sur la base d'un raisonnement essentiellement « matérialiste » et lié à l'aspect socio-économique du Capitalisme (démonie de l'économie), participe de la « pensée mondialiste » (messianisme politique) et du système économique mondial qui est une forme hybride de capitalisme et de communisme (et, plus précisément, de libéralisme et de collectivisme). Je pense la même chose au sujet de Gramsci dont les leçons servent la « métapolitique du postlibéralisme » (NetFlix, etc) davantage qu'elle n'a servit aucun « Grand Soir ».

 

Je vais avoir un problème pour me faire comprendre aujourd'hui, c'est que nous ne partageons pas de définition commune de l'idéologie ; ou de la philosophie-politique, du globalisme.

 

Premièrement, ce que beaucoup appellent « mondialisme » nous l’appelons « globalisme ». Cela est important et regarde les « métamorphoses du Libéralisme ». C'est ici que la notion de « postlibéralisme » entre en jeu.

 

Je ne vais pas pouvoir définir ce que Douguine et les eurasistes entendent exactement par « postlibéralisme » dans cette émission. Plusieurs extraits de la « Quatrième théorie politique » d'Alexandre Douguine sont disponibles sur mon blog à ce sujet, je vous y renvoie.

 

Deuxièmement, je citerai rapidement Laurent James (ainsi j'aurai terminé mon petit exposé et aurai posé ce que j'estime être les deux problématiques principales « pour une redéfinition de la Droite ») :

 

« Il est encore trop tôt pour que se lève le combat définitif, celui qui réglera tout car il touchera au nœud du problème, et qui n'aura pas lieu entre droite et gauche (évidement), ni entre patriotes et mondialistes (ce que pense Soral), mais entre nationalistes (de gauche comme de droite) et impérialistes. L'histoire du monde montre que la naissance des nations s'est faite avec celle de la modernité. L'effondrement des empires – ET DONC des spiritualités authentiques – est le corollaire de ce mouvement historique. Il n'y avait que 80 pays en 1920, et aujourd'hui plus de 200 ! ».

 

Voilà.

 

F4xoYodXUAAYgj4.jpeg

15/09/2024

Le Mystère des mystères (Ferdynand Ossendowski)

 

Ferdynand Ossendowski, Bêtes, hommes et dieux, Cinquième Partie – Le Mystère des mystères : Le Roi du Monde, XLVI Le Royaume souterrain, pp. 293/299, Éditions Phébus, Libretto

 

811dl62yEAL._AC_UF894,1000_QL80_.jpg

 

- Arrêtez ! Murmura mon guide mongol un jour que nous traversions la plaine près de Tzagan Luk. Arrêtez !

 

Il se laissa glisser du haut de son chameau, qui s'était couché sans qu'il n’eût besoin de lui en donner l'ordre.

 

Le Mongol éleva ses mains devant son visage en un geste de prière et commença à psalmodier la phrase sacrée : Om ! Mani Padme Hung ! Les autres mongoles avaient eux aussi arrêté leurs chameaux et s'étaient mis à prier.

 

« Qu'est-il arrivé ? » me demandais-je tout en contemplant autour de moi l'immensité de la plaine , couverte d'une belle herbe grasse et tendre, sous un ciel sans nuage dans lequel s'attardaient, rêveurs, les derniers rayons du soleil vespéral.

 

Les Mongols prièrent ainsi pendant un bon moment puis, après s'être murmuré quelques paroles les uns aux autres, ils refirent les sangles de leurs chameaux, prêts à repartir.

 

- Avez-vous vu, me demanda le guide, comme nos chameaux remuaient les oreilles de frayeur, comme le troupeau de chevaux sur la plaine restait immobile et attentif, comme les moutons et le bétail se couchaient sur le sol ? Avez-vous remarqué que les oiseaux avaient cessé de voler, les marmottes de courir et les chiens d'aboyer ? L'air s'est mis à vibrer doucement, apportant de très loin la musique d'un chant qui pénètre dans le cœur des hommes, des bêtes et des oiseaux. La terre et le ciel ont retenu leur haleine ; le vent s'est arrêté de souffler ; le soleil a interrompu sa course. En un moment comme celui-ci, le loup qui s'approche des moutons à la dérobée fait halte dans sa marche sournoise ; le troupeau d'antilopes apeurées retient son élan éperdu ; le couteau du berger prêt à trancher la gorge lui tombe des mains ; l'hermine rapace laisse aller le perdrix salga. Tous les êtres vivants sont saisi par la peur. Une force qui les dépasse les pousse à la prière. Ils attendent leur destin. Cela vient de se produire : c'est le Roi du Monde, en son palais souterrain, qui prie et sonde la destinée des peuples de la terre.

 

Ainsi parla le vieux Mongol, simple berger et homme sans culture.

 

La Mongolie, avec ses montagnes dénudées et terribles, ses plaines infinies où reposent, épars, les ossements des ancêtres, a donné naissance au mystère. Un mystère dont le peuple, qu'il soit pris dans le tumulte des orages qui secouent la nature ou plongé dans la léthargie d'un monde immobile sur lequel plane l'ombre de la mort, ressent à tout moment la profondeur, un mystère que les lamas rouges et jaunes conservent, poétisent. A Lhassa et à Ourga, il est en la possession des pontifes qui en gardent jalousement le secret.

 

C'est en Asie centrale que j'entendis pour la première fois parler du mystère des mystères, que je ne puis appeler autrement. Je n'y attachais d'abord qu'une très faible attentions, mais je fus amené par la suite, après avoir médité les témoignages sporadiques et contradictoires qui m'avaient été donnés, à reconnaître toute son importance et toute sa valeur.

 

Les vieillards des rives de l'Amyl me racontèrent une ancienne légende selon laquelle une tribu mongole, qui cherchait à échapper aux exigences de Gengis Khan, se cacha dans une contrée souterraine. Près du lac de Nogan Kul, un Soyote me montra plus tard une excavation d'où se dégageait un nuage de fumée : c'était l'entrée du royaume d'Agharti. C'est par cet orifice qu'un chasseur pénétra autrefois dans le royaume ; après son retour, il commença à raconter ce qu'il avait vu. Alors les lamas lui coupèrent la langue pour l'empêcher de parler du mystère des mystères. Dans sa vieillesse, il revint à l'entrée de la caverne, et disparut dans le royaume souterrain dont le souvenir avait ornée et réjoui son cœur de nomade.

 

J'obtins des renseignements plus détaillés de la bouche de Jelyb Djamsrap, houtouktou de Narabanchi Koure. Il me conta l'histoire du puissant Roi du Monde, sorti du royaume souterrain ; comment il était apparu, quels furent ses miracles et ses prophéties. Je compris alors que derrière cette légende, cette chimère, cette vision collective, quels que soient le nom et le sens qu'on lui prêtait, se cachait non seulement un mystère, mais une force réelle et souveraine, capable d'influer sur le cour des événements politiques en Asie. Je voulus donc en savoir plus.

 

Le gelong favori du prince Choultoun Beyli et le prince lui-même me livrèrent la description du royaume souterrain :

 

- Dans le monde, me dit le gelong, tout est constamment en état de transition et de changement : les peuples, les religions, les lois et les coutumes. Combien de grands empires et de brillantes cultures ont péri ! Cela seul qui reste inchangé, c'est le mal, instruments des mauvais esprits. Il y a plus de six mille ans, un saint homme disparut avec toute une tribu dans les profondeurs de la terre. Depuis, jamais il n'a reparu à la surface du monde, mais plusieurs personnages ont pu visiter son royaume : Cakya-Mouni, Undur Gheghen, Paspa, Baber et d'autres encore. Nul ne sait véritablement où il se trouve. L'un dit en Afghanistan , d'autres aux Indes. Dans cette région, tous les hommes sont protégés contre le mal ; le crime n'existe pas à l'intérieur de ses frontières. La science s'y développée dans la paix, rien n'y est menacé de destruction. Le peuple souterrain a atteint le plus haut degré du savoir. A présent, c'est un grand royaume qui compte des millions de sujets sur lesquels règne le Roi du Monde. Ce dernier connaît toutes les forces de la nature, lit dans toutes les âmes humaines et dans le grand livre de la destinée. Invisible, il règne sur huit cents millions d'hommes, prêts à exécuter ses ordres.

 

Le prince Choutoun Beyli ajouta :

 

- Ce royaume est Agharti. Il s'étend à travers les passages souterrain du monde entier. J'ai entendu un savant lama chinois dire au Bogdo Khan que toutes les cavernes souterraines de l'Amérique sont habitées par le peuple ancien qui disparut jadis sous la terre ; quelques traces de son existence subsistent encore à la surface du pays. Tous les habitants de ce monde souterrain sont gouvernés par des chefs qui reconnaissent la souveraineté du Roi du Monde. Rien de cela n'est explicable : vous n'ignorez pas qu'au milieu des deux plus grands océans de l'Est et de l'Ouest se trouvaient autrefois deux continents. Ils furent engloutis sous les eaux, mais leurs habitants passèrent dans le royaume souterrain. Les cavernes profondes où ils vivent sont éclairées par une lumière particulière qui permet la croissance des céréales et des végétaux et protège les êtres de la maladie.

» Il y a là-dessous de nombreux peuples qui vivent en tribus. Un vieux brahmane bouddhiste du Népal, qui accomplissait la volonté des dieux et se rendait en pèlerinage dans l'ancien royaume de Gengis, le Siam, rencontra un jour un pêcheur qui lui ordonna de prendre place dans sa barque et de voguer avec lui sur la mer. Le troisième jour ils atteignirent une île où vivaient une race d'hommes ayant deux langues avec lesquelles ils parlaient deux langages différents. Ces hommes montrèrent au brahmane des animaux bizarres, des tortues cyclopes à seize pattes, de monstrueux serpents à la chair extrêmement savoureuse, des oiseaux dotés de dents qui attrapaient du poisson pour leurs maîtres. Ils lui dirent qu'ils étaient venus du royaume souterrain et lui en décrivirent certaines régions.

 

Le lama Turgut qui fit le voyage d'Ourga à Pékin avec moi me donna d'autres détails :

 

- La capitale d'Aghartiest entourée de villes où habitent des grands prêtres et des savants. Elle rappelle Lhassa, la ville où le palais du Dalaï-Lama, le Potala, se dresse au sommet d'une montagne recouverte de temples et de monastères. Le trône du Roi du Monde est entouré de deux millions de dieux incarnés. Ce sont les saints panditas. Le palais lui-même est entourés des palais des goros qui maîtrisent toutes les forces visibles et invisibles de la terre, de l'enfer et du ciel, et qui ont tout pouvoir sur la vie et la mort des hommes. Si notre humanité dans sa folie osait leur faire la guerre, ils seraient transformer en déserts. A leur commandement, les arbres, les herbes et les buissons se mettent à pousser ; des hommes ressuscitent. Dans d'étranges chariots, inconnus de nous, ils sillonnent à toute vitesse les étroits corridors qui déroulent leurs méandres à l'intérieur de notre planète. Quelques brahmanes indiens et des dalaï-lamas du Thibet ont réussi à gravir des pics montagneux où nul autre pied humain ne s'était jamais posé ; ils y ont trouvé des inscriptions taillées dans le roc, des traces de pas dans la neige et des marques laissées par les roues d'engins mystérieux. Le bienheureux Cakya-Mouni trouva au sommet d'une de ces montagnes des tablettes de pierre sur lesquelles se trouvaient gravés des mots qu'il ne réussit à déchiffrer qu'à un âge avancé de sa vie. Il pénétra alors dans le royaume d'Agharti, d'où il rapporta les miettes de savoir sacré que sa mémoire avait conservées. C'est là, dans de féeriques palais de cristal, qu'habitent les chefs invisibles des fidèles, le Roi du Monde, Brahytma, qui peut parler à Dieu comme je vous parle, et ses deux assistants, Mahytma, qui connaît les événements de l'avenir, et Mahynga, qui règne sur les causes de ces événements.

» Les saints panditas étudient le monde et ses forces. Parfois les plus savants d'entre eux se rassemblent et envoient des délégués vers les endroits qu'aucun œil humain n'a jamais contemplés. Ceci nous a été décrit par le Tashi Lama qui vivait il y a huit cent cinquante ans. Les plus hauts panditas, une main sur les yeux et l'autre à la base du cerveau de prêtres plus jeunes, les endorment profondément, lavent leurs corps avec une infusion de plantes, les immunisent contre la douleur, gardent les yeux ouverts ; ils voient tout, entendent tout et n'oublient rien de ce qu'ils ont observé. Un goro s'approche d'eux et les fixe longuement du regard. Lentement leurs corps se soulèvent et disparaissent progressivement dans les airs. Le goro reste assis, les yeux fixés sur l'endroit où il les a envoyés ; des fils invisibles les retiennent à sa volonté. Quelques-uns d'entre eux voyagent parmi les étoiles, observent ce qui s'y passe * les peuples, inconnus des terriens, la vie, les lois. Ils épient les conversations, lisent les livres, connaissent la fortune et la misère, la sainteté et les péchés, la piété et le vice... Quelques-uns se mêlent à la flamme, voient la créature de feu, vive et féroce, combattant sans trêve, fondant et martelant des métaux dans les profondeurs des planètes, faisant bouillir l'eau des geysers et des sources thermales, faisant fondre les rochers et déversant par les orifices des montagnes des flots en fusion sur la surface de la terre. D'autres se mêlent aux créatures de l'air, infiniment petites, évanescents et transparents, et pénètrent les mystères et le but de leur existence. D'autres encore glissent dans les profondeurs de la mer et observent le royaume des sages créatures de l'eau, qui transportent et répandent leur bénéfique chaleur sur otue la terre, gouvernent les vents, les vagues et les tempêtes. Au monastère d'Erdeni Dzou vivait autrefois Pandita Houtouktou qui était venu d'Agharti. En mourant, il parla du temps où il avait vécu, selon la volonté du goro, sur une étoile rouge à l'est du firmament, puis sur l'océan couvert de glace, enfin parmi les feux orageux qui brûlent les entrailles de la terre.

 

Telles sont les histoires que j'entendis raconter dans les yourtas des princes et dans les monastères lamaïstes. Le ton des récitants interdisait qu'on fît planer sur ces récits le moindre doute.

 

Mystère...

16/02/2024

Gilles (Pierre Drieu la Rochelle)

Pierre Drieu la Rochelle, Gilles, pp. 110-112, Folio
 

Gilles.jpg

 
(...) Il savait qu'aux yeux de Myriam, l'argent qu'elle lui apportait, c'était la facilité de travailler à sa guise. Elle ne savait pas ce que serait ce travail. Le savait-il ? S'il se livrait à son penchant naturel, il n'imaginait pas des actes ou des oeuvres contrôlables par le succès ; il sentait en lui un penchant infini à l'immobilité, à la contemplation, au silence. Il s'arrêtait souvent au milieu d'une rue, au milieu d'une chmabre pour écouter. Ecouter quoi? Ecouter tout. Il se sentait comme un ermite léger, furtif, solitaire, qui marche à pas invisibles dans la forêt et qui se suspend pour saisir tous les bruits, tous les mystères, tous les accomplissements. Il souhaitait de se promener pendant des années dans les villes et dans les forêts, de n'être nulle part et d'être partout. Le rêveur a le goût divin de l'omniprésence.
 
Pouvait-on appeler cela : travail? Certes non, dans le langage ordinaire des hommes. Ils veulent des manifestations qui tombent sous le sens.
 
Il avait adoré la lecture, maintenant il la rejetait un peu comme une drogue qui absorbe tous les charmes de la vie. En tout cas, ç'avait été une étude qui l'avait préparé aux études intimes, originales, aux expériences. Il reprenait parfois cette étude liminaire ; au milieu d'un bar il sortait un livre de sa poche. Il n'ignorait pas que sa conduite se cherchait à travers le désordre des tâtonnements. Quand il s'était mis à écrire à l'hôpital, il avait été étonné. Il avait tenté de considérer ce geste fortuit comme un aboutissement, d'en faire un achèvement. Mais il avait secoué la tête, méfiant. Quand il avait relu, au bout de quelque temps, ce qu'il avait écrit, il n'y avait pas trouvé cette contradiction essentielle qui fait la poésie, seule vraie littérature. C'est pourquoi il avait froncé les sourcils quand Myriam lui avait dit : "Vous écrirez." Non, faute de génie, il se tairait et se contenterait de contempler, de méditer. Cela ferait une prière lumineuse qui capterait plus que les bavardages du talent et qui serait en plus sûr accompagnement aux rares voix de ceux qui ont le droit de parler. Il écouterait, il regarderait les hommes. Il était leur témoin le plus actuel et le plus inactuel, le plus présent et le plus absent. Il les regarderait vivre avec un oeil aigu dans leurs moindres frémissements de jadis et de demain, et soudain il prenait du champ et ne les apercevait plus que comme une grande masse unique, comme un grand être seul dans l'univers qui traversait les saisons, grandissait, vieillissait, mourait, renaissait pour revivre un peu moins jeune. Il sentait avec angoisse, et avec volupté dans l'angoisse, l'aventure humaine comme aventure mortelle... à moins qu'elle ne se renonce, se désincarne et, avouant son épuisement, se rejette en Dieu.
 
A quelques instants, pendant la guerre, il avait senti la vie, non plus comme une plante ou un animal qui croît, puis décroît avec de ravissantes inflexions, mais comme un frémissement spirituel prêt à se détacher, immobile, mystérieux et désormais indicible. C'était à ces instants-là qu'il avait été le plus tenté par la mort comme plus secrètement vivante que la vie. Au delà de l'agonie l'appelait une vie intime. Il avait eu, dans les tranchées, des heures d'extase ; il avait fallu les plus terribles convulsions pour l'en réveiller. Lors des premières permissions, il n'avait eu envie ni des femmes, ni de Paris. Comme hébété, chez son tuteur, en Normandie, il regardait la mer ou bien il marchait interminablement dans l'église du village, jetant de temps à autre un coup d'oeil sur la vierge, mère du Dieu, sur le Dieu qui se fait homme pour prendre par la main l'homme et l'emmener dans les profondeurs infernales. Il se sentait entraîné dans le cycle divin de la création et de la rédemption. C'était, plus exquise, sa béatitude des tranchées : le soupir imperceptible de l'éternel au sein de l'être.
 
Mais, maintenant, il était repris par le séduisant mouvement de hanche de la vie charnelle. Il avait revu le Louvre, la place de la Concorde, les Champs-Elysées, Versailles. Il entrevoyait les trésors de plasticité qui gisent au sein de la femme, le déchirant jeu de la politique, mille et mille choses. Mille. Je vivrai mille minutes, je respirerai cette touffe de fleurs dans ma main.