Brouillon et et premières pages d'un roman qui ne verra jamais le jour... (15/02/2025)

De la Fidélité – Journal d'une trahison

 

PICT0245.JPG

 

Introduction à la mise-au-jour ; la mise-à-nu, de la patiente attende d'un pardon qui soulève le voile isiaque de notre propre trahison intérieure et antérieure envers Elle

 

« (189) Je conçois fort bien qu'il puisse y avoir des aveux comme intrinsèquement suspects, des aveux paraissant inviter à des compromissions des plus honteuses, entachés de je ne sais quel sentimentalisme bas et comme souillé d'avance, d'une fracture triviale, romantique et féminisante, réputée non-supérieure, déchirante, et tout à fait suicidaire (…), je sais que je me place de moi-même dans une posture intenable, je me sens coupable, et pourtant sans trop le reconnaître, d'une sorte de crime obscur, indéchiffrable et singulièrement malsain contre l'esprit du temps. Mais c'est ainsi. » Gué des Louves, p. 107

 

Tous les hommes attendent un pardon.

 

Le pardon absolu de l'unique amour.

 

Revivre cette dernière inspiration de leur existence à bout de souffle dés lors qu'ils croisèrent, pour l'unique fois, ce regard d'éternité. Cet instant où leur destin avait choisit sa voie, et où, à partir de là, leur libre arbitre ne serait plus qu'épreuve du feu contre le mensonge à soi-même.

 

Ce visage immobile et regard perçant, émouvante image de leur paradis retrouvé, aperçu l'histoire de quelques instants au moment de la rencontre, à jamais fixé dans la mémoire du rappel et ressouvenir de la Fin...

 

Enfer à raz-de-terre, du souffre dans un air d'oubli. Et puis, avant même de retenir cette rencontre, le chronos reprend sa course : la trahison est consumée et toutes les forêts de l'âme dévorées par ses flammes...

 

Les affranchisceux qui ont « franchis la ligne » – attendent, patiemment, de l'autre côté, sans espérer la possibilité d'une marche arrière – d'une « marche-en-avant à contre-courant ».

 

Le moindre « espoir » condamnerait leur patience, jugerait ses « multiples états » à une minable et méprisable « espérance » pour les réduire en miettes, au détriment de leur plus grande fidélité.

 

De la Fidélité forme supérieure de leur patiente attende qui se nourrit avidement de l'absence ; de rien.

 

Une patience qui n'attend plus.

 

L'absence impose alors sa discipline de fer, celle du silence, de l'impitoyable retour sur soi.

 

Un « retour sur soi » qui ne regarde plus le je ou le moi, mais l'être en nous.

 

Seul le « pardon » peut désormais les sauver. Le pardon providentiel et miraculeux émanant de sa grâce et qui n'arrive jamais. Le « miracle » du pardon ne s'accomplira pas ici...

 

Tous les hommes, sans exception, attendent donc, patiemment, sans plus l'attendre, par ce pardon, le retour de l'amour absolu. De l' « amour absolu » aimé une unique fois d'un absolu amour. D'un amour anxieux et jaloux. Un amour dont on ne peut soutenir le regard quelques secondes au risque de se brûler la rétine à vif. C'est l'amour de la rencontre originelle ; celle d'avant la chute dans la matière...

 

Remémorons-nous ces temps fleuris ! Le temps des chaotiques origines que l'on ne peut retoucher du bout des doigts qu'à cette instant précis, peau douce... Des origines qui reparaissent à la surface de la terre comme revient le printemps, avant de retomber dans la matière, fanée comme la rose, triste comme les pierres. Ces jours où Elle accompagnait nos joies et nos peines dans le mystérieux silence de l'attende et des bruits du retour... Nous avons passer notre vie à l'attendre. Attendre de la rencontrer. Attendre qu'elle rentre. Attendre son pardon.

 

Comprendront-ils avant de trépasser que « toute leur vie » s'est jouée là ; une fraction de seconde qui a décidé de tout ?

 

Le murmure d'une porte de garage qui annonce la bonne nouvelle !

 

Un paysage étrange, une odeur d'herbe fraîche, des arbres révérant et inquiets qui se courbe sur des lignes blanches, un chant lointain que l'on rejoint à tire d'ailes, lorsque, autour, tout s'éteint sur un couché rose. La route... Et, à l'horizon, une voûte de briques rouges. Les longs retours vers le foyer, une maison vide plaisante comme un bouge. Ses cheveux et sa moue. Le temps qui se roule. Le bitume qui mange le soleil ; la fumée par la fenêtre. Et sa main posée sur la mienne le temps du voyage... Où d'autre rencontrer Dieu que dans ce défilé de paysages muets où il n'y avait qu'elle et moi ? Rien ici ne pouvait plus nous atteindre, ne pouvait plus me la ravir. Le mouvement de ce temps suspendu, de cet amour silencieux s'enfonçant dans la nuit, nous offrait une sécurité amoureuse et absolue. La division ni la séparation ne pouvaient se joindre à cette réunion momentanée, s'embarquer dans cette sphère protectrice traçant comme une étoile filante ; implorant un vœux au Ciel. Le doute ne s’immisçait dans ce silence intime et complice que grimé de certitudes... Il faut avancer, ne jamais s'arrêter dans l'immobilité des bruyantes habitudes. Dieu que je l'aimais ; jusqu'à l'oubli de moi-même...

 

J'avais vingt-huit ans et des prières quand je l'ai rencontré ; elle est venue à moi et je l'ai reconnu. Il paraît que l'on ne connaît jamais vraiment quelqu'un ?... Ou, peut-être, connaissons tout de lui depuis le début ?... Le secret de la trahison à venir fut bien gardé.

 

Nous n'étions pas d'ici.

 

Atteint de la folie passagère de l'écriture de survie, ou de ne rien faire que de digérer une déception faussement amoureuse – dont nous ne parlerons pas ici ; ou peut-être plus loin –, j'étais pauvre de tout. J'avais faim. J'ai véritablement connu la faim. Rarement. Je n'ai jamais compris l'argent et la vie fût généreuse. Les poches trop pleines ou trouées. Elle est venue, soir tombé, m'apporter un plat de Reine. Maigre et gracieuse. Singulière et paradoxale. Affirmée !... et pourtant pas très sûre d'elle. Je ne la connaissais pas tout-à-fait ; je désirais qu'elle reste avant même qu'elle arrive. Toujours elle avait été là. Elle est restée.

 

Elle avait trente-six ans et des lumières. Cette « dernière nuit » fut la première. Nous ne nous sommes jamais quittés ; déchirés.

 

Le 21 juin 2021, jour du solstice boréal, au zénith d'un soleil noir, je me suis brusquement réveillé, sorti de ce rêve, extirpé par les entrailles d'un sommeil mortel après une douzaine d'années d'un mariage céleste. Depuis 9 mois nous faisions chambre à part et je dormais avec des ombres.

 

Je suis parti.

 

Mort.

 

Elle n'était pas là ; avait fuit mon départ quelques minutes avant à la Fin. Je ne la connaissais pas lâche. Je la découvrais indigne de tout ce que nous avions été. Nous ne nous sommes jamais revus. J'ai vu la beauté.

 

J'ai quarante-trois ans aujourd'hui, voilà bientôt deux ans que je patiente, que j'attends son pardon, sans aucun espoir.

 

Affranchi.

 

Le pardon. Tout ce qui manque. Tout ce qui a sans doute manqué ; par trop de fierté. Il ne manquait pas d'amour. La fierté inflige à l'amour des tortures d'intransigeance. La fierté endurcit les cœurs, et, alors que nous désirons absolument aimer, nous abandonnons l'être aimer, nous martelons, comme nous avons abandonné et enterré Dieu, à coup de marteau, interdisant toute renaissance, tout renouveau, tout recommencement. Il ne reste plus alors qu'à mourir dans les mensonges à elle-même de notre fierté et dans la sienne. La fierté est orgueilleuse, menteuse, hypocrite. Petite salope ! Nous voulons accueillir l'être chéri dans nos bras pour le consoler de nos outrages et nous fuyons vers nul part.

 

Que fuyons-nous si ce n'est nous-même ?

 

La fierté que l'orgueil redoute empêche la prière du pardon et les adieux de s'accomplir, de se séparer comme des êtres humains ; s'il le faut et il le fallait. La fierté est une tueuse d'âme. Je ballade le cadavre de la mienne comme Dali son tamanoir.

 

Elle m'avait souvent prévenu que l'amour ne suffit pas et qu'il n'y a que des preuves d'amour... J'étais amoureusement et absolument d'accord. Elle était, de fait, prévenue elle aussi...

 

J'ai perdu, sans m'en rendre compte, en ces années naïves et innocentes où je n'avais Dieu et qu'elle, le goût de tous les sels et sucres de l'existence.

 

Le temps de la vie ; que seule la mort mesure, n'est le recueil que de quelques battements de cœur dont elle a écrit l'essentiel avec ses mains de crocheteur.

 

J'existais, quelque part, avant de faire l'expérience du vivant et de N. Je ne suis descendu sur terre que pour la rencontrer – pour quoi d'autre ?

 

Je n'ai vécu qu'à travers elle. Avant elle, je n'étais qu'une ombre. Après elle, je n'ai plus d'ombre. Plus rien d'obscur ou d'occulte ne traîne derrière moi. Mon ombre est plus noire que la Nuit. Légère et translucide. Suivez-là !

 

 

C'est l'ombre de moi-même qui écrit sa peine que d'autre mot ne pourrait peindre, une ombre absente à elle-même ; menaçante, comme je suis absent de mon propre chagrin ; un danger pour moi-même, et je serais bien en peine de mentir cette réalité. De mentir sur ce que je suis devenu d'ombre sans ombre. Je ne le cache jamais. Cela me coûte. Les spectres qui n'ont pas connu l'amour vous reproche de l’étreinte à travers eux.

 

Mon ange...

 

On ne trébuche, ne chute, ne tombe, que pour aimer ? J'ai retrouver l'autre part de moi-même en toi et me suis rassembler.

 

Aux confins de l'univers, je poursuivais ton étoile tombée sur terre, fine poussière, depuis les origines, et nous sommes nés pour nous retrouver. Un peu tard, trop tard sans doute, plus jamais. Se retrouver, se rencontrer et se reconnaître est une grâce accordée par le Destin, par le plus grand des hasards et fortuite coïncidence. Le genre de hasard qui fait rougir les coïncidences et pâlir les intuitions les plus élevées. Ah !... ces orgueilleuses intuitions des prophètes et des poètes, qui les rongent de l'intérieur, puis ils s'enflamment pour ne pas mourir de froid. « Qui les rongent de l'intérieur » car ils ne pourront jamais savoir d'où vient cette plus grande intuition de l'amour absolu. Je te vois en rêve. Tu me sermonnes et m'en veux.

 

Elle naquit pour sauver le monde et fit l'expérience de la vie avant que mon âme ne s'effondre en elle ; que mon corps ne la recherche en-dedans de son existence. J'hésitais à m'y glisser, dans cet peau d'homme ; irrésistiblement attiré vers cette planète bleue où elle grandissait sans moi. J'étais libre en Dieu, elle était le mien, je regrette d'avoir entamé cette descente pour ne trouver que néant. L'expérience du vivant, à sa recherche, et celle de l'immortalité terrestre par notre réunion, ne m'inspire plus que le dégoût. Mon Dieu ! Tu avais décidé pour nous deux. Je ne pouvais que descendre, me détacher et chuter dans cette matière d'une « terrible beauté ».

 

Ma sœur, je t'ai cherché, je ne t'ai jamais abandonné. Durant vingt-huit années, je t'ai cherché.

 

Ce temps fut pénible, et le temps d'après, de nouveau sans toi, est indicible, je ne pourrais en décrire la noirceur et l'amertume de la lie.Vin et vent noirs. La Nuit est trop claire pour moi. Tout le mal que je te souhaite...

 

Tu leur diras que je n'étais pas un faible ni un vaincu. Que j'étais bien le seul à pouvoir moi-même me vaincre et que je n'ai pas lésiné sur les moyens pour m’anéantir... Effondré en toi. Invaincu.

 

Je sais qu'il le faudrait. Il faut commencer par soi-même se pardonner pour pouvoir blabla. Mais j'ai décidé, puisque c'est le seul choix dont je dispose, de ne m'accorder ce premier pardon. Tu parles d'un choix !

 

Je préfère te pardonner que de moi-même me pardonner.

 

Tu es moi. Je ne suis plus rien.

 

***

 

Ce récit, quoique que vous pouvez d'ors et déjà en penser, n'est pas celui de la défaite mais celui d'une victoire, d'une grâce et d'un miracle.

 

Je crois en la mort du roman et aux hommes qui arrêtent d'écrire. Mes prétentions d'écrivain de la fin du roman sont modestes ; cette première épreuve s'est forgée dans l'épreuve du feu.

 

Je n'écris pas un roman ni une confession, un essai ni un testament... J'écris mes heures sans elle.

 

J'écris sur l'amour et la mort avec et sans elle, sans étude, sans autre référence que ma pathétique expérience, de ma rencontre amoureuse avec Dieu.

 

Cette imprudence révélera pour les uns de la naïveté, pour d'autres quelque chose de plus abjecte. De l'impudeur peut-être. L'hérésie la plus complète. Je l'entends. Je perçois toute l'insignifiance de mes mots simples pour des cerveaux compliqués. Toute la complainte derrière. Et pourtant, je ne me plains pas.

 

Bien entendu, il faudra aux lecteurs lire entre les lignes de ce mélodrame sentimental parfois fort prosaïque. Votre serviteur ne prétend pas être un écrivain. C'est le silence, celui de la patiente attende du pardon, haute discipline de l'absence, qui écrit nos jours et qui s'exprime ici. Ces mots sont l'écho de ceux que nous ne prononçons pas, que nous ne prononcerons plus, de lettres que nous n'envoyons pas, pour taire tout ce que nous ne dirons plus. Le silence, et rien que le silence.

 

Tout a été écrit. Nous décrivons. Tout a été dit. Nous décrions. Pour mieux taire ce silence.

 

Je n'ai trouvé d'autre moyen de me taire que d'écrire.

 

Ce texte, celui d'une vie intérieure, est la tentative imposée d'un – à unessayiste pris dans les tumultes de la médiocrité postmoderne qui se reflète dans nos interactions, nos relations et nos réalisations. Dans d'énigmatiques expériences qui contrebalancent, contrastent, cette médiocrité des temps à laquelle nous sommes soumis, dans laquelle nous sommes emprisonnés, internés, le rêve comme dernier refuge, le vert recours aux forêts de l'Esprit. Des expériences au-delà de la réalité qui, irréversiblement, l'espace du rêve, nous rendent libres de conspirer contre le réel, de comploter d'imaginaire contre cette réalité invertébrée que nous avons imaginé, créé, provoqué. Dont nous sommes responsables.

 

Seule la vérité de la « seconde existence » dans les continents engloutis du monde idéel et imaginalqui n'est pas dans notre langue synonyme de l' « arrière-monde » nietzschéen – peut combattre la réalité d'une vie primaire, enfuie à la surface des eaux froides du monde réel et virginal, des déserts de glace, brûlants de froid, sans mirage ni oasis, sans espoirs.

 

Le temps du rêve, nous sommes avec Elle.

.

Elle est notre intuition. Il faut partir.

 

Cloîtrés dans le confort de nos cellules capitonnées de mensonges molletonnés, le retour à la réalité du non-sens et du non-être, qu'est devenue l'absurde quotidien ; un quotidien sans présent, d'hommes qui pourtant vivent dans la permanence de la matière solidifiée sans exister, est mollement douloureux, durement acceptable. C'est trop ou pas assez. Une guerre sourde, muette et aveugle. La pire des guerres. L'avantage, dans l'asile cybernétique des fous-à-lier de la postmodernité, c'est que nous pouvons nous taper la tête au mur sans nous ouvrir le crane. C'est la ouate ; même pas mal. Je mourrais de soif au bord de la fontaine qui remplissait mon présent d'éternité, obsédé par l'instant.

 

Le mensonge s'est donc mis à se mentir à lui-même... Le faux de la vie gagne sur la mort elle-même. La mort ne meurt plus. N'en finit plus de mourir. Les hybrides veulent prendre cette chose précieuse aux derniers hommes vivants. Cette chose qui éprouvait leur souffrances, apaisait leurs fureurs passagères, réduisait la violence de leurs habitudes et ses vices, en bref, la seule raison qui rendait les dieux jaloux et donnait du sens à la vie sur terre était violée... Je parle de la mort. Qui nous offrait l'immortalité. Il ne s'agit pas d'inutilement souffrir et d'avoir peine pour mourir et devenir immortel, de se faire plus malheureux qu'on ne l'est, mais d’accepter de se faire et d'avoir mal comme nous faisons le mal ou faisons mal. Autrement dit, d’accepter de commettre et apprendre de nos erreurs, de nos erreurs qui deviennent fautes, de nos fautes qui deviennent pêchés.

 

Ce n'est pas un homme qui va mourir, c'est un genre humain...

 

Il ne nous ne reste que l'arme de l'écriture qui ne cherche plus à être littérature. Mais à décrire le présent au réel et le réel au présent pour signer cet acte de révolte ultime. Jour pour jour. Au présent du rêve et réel de l'imaginaire. Rédigé par les grands notaires d'une haute rationalité, d'une moralité à toute épreuve : l'inutilité de la vie se rend à l'existence et dépose les armes au pied du Destin pour mieux l'approcher, l'atteindre et l'assassiner puisqu'il est seul Roi en ce bas monde et qu'il préside à nos volontés.

 

Le Diable lui-même ; qui s'est penché sur mon cas, petit prince capricieux et têtus de cette terre, y est soumis.

 

Le mot de « suicide » est insuffisant, celui de « sacrifice » est excessif. Rendre l'existence au vivant et la vie à l'être – Ne se suicident que les optimistes, les optimistes qui ne peuvent plus l’être. Les autres, n’ayant aucune raison de vivre, pourquoi en auraient-ils de mourir ? Emil Cioran

 

Ce « roman » proposera peu de descriptions de lieus et de paysages, de détails sur les formes et les objets. Nous ne vivons que de nerveuses et chimiques sensations, à l'intérieur d'un corps dont les intelligences de l'âme et de l'esprit ne remuent que très rarement – nous allierons donc l'effort au doute pour situer l'endroit et l'envers de notre petite tragédie.

 

L'illusion du mouvement, animée par la divine magie de l'onde primordiale ; ordonnatrice d'une nature cosmique et universelle que les sens ne peuvent totalement concevoir, est la réalité des comédies dramatiques et des tragédies humaines.

 

Tout est invisible.

 

Nous prétendons voir et avoir le pouvoir de décrire notre condition ; nous nous réfugions dans la description des images et des souvenirs pour ne pas affronter l'éventualité de la Nuit. D'une Nuit plus noire que la nuit. De l’éternelle nuit du présent, des instants de ténèbres qui se succèdent pour former une belle histoire. Une histoire douteuse et hésitante, vécue comme une incompréhension de chaque instants mais que nous essayons, malgré tout, de rendre intelligible. Si nous ne pouvons nommer et décrire Dieu, il en va de même pour tous les beaux restes de sa création.

 

C'est la Nuit.

 

Rien ne vous sera montrer que vous ne voudriez pas voir ; vous n'y verrez que ce que vous avez envie de voir ou ce que vous pouvez. Et, un auteur ne devrait par dire ceci : mais ce que le lecteur va trouver là-dedans m’intéresse peu. Je ne suis pas là pour séduire ni convaincre personne. Même pas pour me faire plaisir. Je n'ai rien à vendre. Je témoigne. Je franchis la ligne. Je meurs.

 

Vous descendrez abruptement dans les souterrains d'un homme par ses organes fatigués, épuisés d'attendre un pardon ; de la même manière qu'il attendait chaque jour le retour de sa vandale. Blonde sauvageonne, blonde d'un feu d'automne. Blanche sicilienne aux yeux verts lacérés d'argent, au regard strié d'or. Enchaîné au sommet de cette attende ; dévoré. Une attente qui attendait déjà dans une prison dorée ; et qui aujourd'hui n'attend plus. On pourrait alors penser au dénouement et à la rédemption ?... Mais c'est mal connaître l'amour. Il n'en serait rien sans son pardon qui ne viendra pas. Il ne suffit pas d'ouvrir la porte de cette prison, n'y même d'en sortir pour pouvoir s'en évader. Le pardon est la clef qui ouvre la porte de la trahison...

 

Cependant, dans l'imperfection de cette humble littérature de combat, la présence médiumnique du concept absolu « Jean Parvulesco », avec qui nous entretenons un rapport particulier, n'est pas feinte.

 

Dans le récit de nos anciennes et récentes aventures, intérieures, ici romancées, entre rêve et réalité de ce qu'elles furent pour ne pas être, l'apport magique, celui-là bien réel, central, polaire, magnétique, pendulaire qui rythme notre vie – et notre obligation d'écriture au carrefour de celle-ci – s'est imposé à travers l'œuvre de « Jean Parvulesco »essentiellement par la voix du Gué des Louves, qui s'est entremêlée à notre expérience somnambulique, hypnagogique, mediumnique. La présence que nous évoquons n'y figure pas pour donner des lettres de noblesse à un récit que nous considérons pour ce qu'il est et qu'il ne nous appartient pas de nous-même qualifier. Nous ne possédons le style, la puissance littéraire, pour retranscrire l'intensité de ces minutes en dehors du temps tel que nous les avons vécu, mais nous nous y serons employés au maximum de nos capacités.

 

Une étoile tombée de nuit, pluie de lune, de blanc feu, d'incandescentes scories : quelques pages manuscrites, écrites dans un état second, semi-éveillé et semi-conscient, réminiscence et remontée en puissance d'une intuition ancienne.

 

Des pages volantes et tournevirantes dans lesquelles nous avons dû remettre de l'ordre, citer les extraits qui ont rythmé cette correspondance intérieure pour souligner ce rêve, ce cauchemar, les songes de midi, alternance et concordance de lecture ténébreuse et d'écriture nerveuse. Bibliomancie, instinctive, intuitive, suractivée par la volonté de ne pas mourir. Des pages exaltées écrites hors du temps, que nous avons eu grande peine à déchiffrer, à remettre chronologiquement dans leur contexte vécu pour en produire un objet littéraire (à peu près cohérent). Nous n'étions que le réceptacle d'une rencontre entre un rêve et une vision, creuset d'une transmutation médiumnique. D'une épreuve nous empêchant de mourir d'une insondable mélancolie.

 

Voilà le sujet de ce récit crucifié qui est à lui-même sa propre expérience littéraire tout-à-fait intérieure, souterraine, abyssale, pour paraphraser « Jean Parvulesco ». Cher Jean...

 

Nous détestons habituellement et publiquement nous épancher, exposer notre vie privée, et ne l'avons jamais fait auparavant sinon à titre justificatif et discret, par respect pour nos rares lecteurs, afin d'expliquer nos retards sur telle promesse que nous ne pouvions tenir sans vos soutiens. Nous le faisons ici, ultimement – et égoïstement –, pour nous adresser à une femme que nous aimerons fidèlement jusqu'à la fin, une femme que nous aimons fraternellement dans les confins d'une rencontre qui n'a pas eu lieu et une femme que nous aimions amoureusement contre toute attente. Et, sans doute, pour interpeller une femme que nous aurions du aimer ou que nous ne connaissons pas encore... Mais, à travers ces actes, nous ne nous adressons qu'à une seule et même femme qui n'est à seule que cette seule et même femme.

 

Nous l'avions en point de mire. Nous l'avons perdu ; ne la verrons plus.

 

Que la fin soit proche est notre seule et unique, notre grande et absolue ambition, notre seule espoir, ce qui, dans une joyeuse mélancolie, nous rassure. Bientôt.

 

Comme premier roman, que romancer d'autre que notre petit drame ? Un drame personnel qui, certes, ne peut atteindre la dignité des grandes œuvres et tragédies...

 

S'il s'agit d'une vision romancée, expressément naïve, de notre sordide réalité sentimentale, nous tenterons d'approcher fidèlement une certaine vérité sur notre expérience amoureuse. Nous « luttions » contre ce faire et avons longuement hésité à publier cet écrit. Il nous a semblé devoir le faire. Nous le ferons donc avec pudeur et retenue, autant que faire se peut lorsque s'exprime ce genre d'état d'âme. Nous parlerons donc d'amour ; si Dieu le veut. Peut-être aussi nous cherchons-nous quelques excuses pour justifier notre honte, notre humiliation, et le déshonneur, pour aller au bout de ce qui a « toujours déjà été trop loin ».

 

« Je n'écris donc que pour mourir, pour mourir à moi-même qui, pourtant, je suis mort depuis je ne sais même plus quand, pour mourir à la mort qui n'en finit plus de se mourir en moi et avec moi. (…) Comment ai-je dit, des aventures sentimentales ? Bien sûr, des aventures sentimentales et rien d'autre. » Gué des Louves, pp. 179-180

 

(...)

 

Je n'ai jamais envoyé ces « lettres d'amour » de la Fin, d'amours impossibles. Des « lettres » qui ne s'adressait qu'à N. et ne paralit que d'Elle, conclu de poltrons adieux.

 

Des lettres écrites simultanément ce mois d'avril 2022, entre deux rêves. Et plus tard, pour le « Lettre à C. » venant clore le chapitre...

 

J'aurai apporté quelques précisions à la « lettre à V. », ce mois d'avril 2023. 

 

Ces lettres étant devenues les « lettres ouvertes » d'une histoire romancée, N. les lira peut-être ; elle n'aurait pu que les lire si j'avais été plus courageux... Et elle moins lâche.

 

L'honneur et la Fidélité déjà loin. La Trahison a gagné.

 

J'étais déjà mort, la tête posée sur elle, ce 21 juin 2021. Elle a fuit. Je suis parti. Rien de plus à ajouter.

 

***

 

« Qu'ai-je à dire d'autre ? Toute une vie de honte, de désespoir et de malheur absolu, et aussi abject qu'absolu, toute une vie de déchirement et de ténèbres et d'impuissance, toute une vie de mort au bord de la mort, sur la bordure délictueuse et la plus écœurante de la mort, soudain n'est plus rien devant la seule joie de cet instant, de cet instant seul, où il m'est donné de savoir ce que peut vouloir dire ce rêve, la seule joie de me dire à moi-même que je comprends, au réveil, quel peut bien être le sens du message qu'il véhicule à mon intention, ou qu'il véhicule même pas si, après tout, un rêve peut aussi n'être qu'un rêve.

 

Fidèle, elle m'aura été fidèle au-delà de tout, et elle m'aura donc amoureusement attendu au-delà de toute attente concevable, au-delà de toute trahison et de tout oubli, fidèle, dans son sommeil, au de-là même de sa mort et de la mienne, confiante et certaine et limpide en elle-même comme seule sait l'être la lumière intérieure du cristal de roche emprisonnée, pour des millénaires chaotiques et nuls, dans les ténèbres de sa propre attente, oublieuse, éternelle, heureuse attente du retour du jour le plus ancien qui l'aura connue.

 

La vie, désormais, ne m’intéresse plus, ni ma vie, ni rien. La seule chose qu'il m'avait importé d'avoir, à présent je l'ai. Je sais de quoi l'éternité est faite, et la joie de cette science secrète me brûle l'être comme le feu même du centre du soleil glaciaire des libérés dans la vie. La liberté absolue, cette nuit, moi, je l'ai connue. Comment la conquérir ? Elle n'est donnée, et pour rien. Mais dans le rêve seulement, et non dans la vie. Une tristesse m'en vient, et le cœur de cette tristesse, son cœur noir, est fait de la mort elle-même, de cette mort que l'on sait faite d'une éternité de ténèbres sans mémoire ni fin. » Gué des Louves, pp. 79

 

Fin.

 

Lien permanent | Commentaires (0) |  Imprimer | | |