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20/03/2018

Du découragement (Cercle Proudhon)

 

Jean Darville - Les cahiers du Cercle Proudhon - Premier cahier : janvier-février 1912 - Proudhon - pp. 201 à 202 - aux éditions Kontre Kulture (Précédé du mémoire de Pierre de Brague Le Cercle Proudhon ou l'existence d'une révolution conservatrice française.)

 

Écoutez plutôt l'accent de ces lignes, que j'extrais d'une admirable lettre écrite à un ami qui se décourageait (Correspondance, t. XIII, p; 217) : "...Seriez-vous donc de ces gens pour qui l'existence de l'homme n'a qu'une fin : produire, acquérir et jouir ? Ni l'un ni l'autre. Il faut travailler, parce que c'est notre loi, parce que c'est à cette condition que nous apprenons, que nous fortifions, disciplinons et assurons notre existence et celle des nôtres. Mais ce n'est pas là notre fin, je ne dis pas transcendante, religieuse ou surnaturelle, je dis même fin terrestre, fin actuelle et tout humaine. Être Homme, nous élever au-dessus des fatalités d'ici-bas, reproduire ne nous l'image divine, comme dit la Bible, réaliser enfin sur terre le règne d el'esprit, voilà notre fin. Or, ce n'est ni dans la jeunesse, ni même dans la virilité, ce n'est point par les grands travaux de la production et les luttes d'affaires que nous pouvons y atteindre ; c'est, je vous le répète, à la complète maturité, quand les passions commencent à faire silence, et que l'âme, de plus en plus dégagée, étend ses ailes vers l'infini... Songez donc que quand je vous parlé de votre rôle dernier, de votre destinée supérieure, de votre fin dans l'humanité, je ne parie pas seulement au point de vue de votre perfectionnement individuel ; j'ai surtout dans l'esprit l'amélioration de notre espèce. Mieux qu'un autre, vous savez combien elle est dure de tête et de cœur ; croyez-vous donc que ce' soit une excuse à votre défaillance ? Non, non, il faut aider cette humanité vicieuse et méchante, comme vous faites pour vos propres enfants ; il faut bien vous dire que votre gloire et votre félicité se composent de la répression des méchants, de l'encouragement des bons, de l'amélioration de tous. C'est la loi de l’Évangile, aussi bien que celle de la philosophie et vous êtes ici responsable devant le Christ et devant les hommes... J'ai vu ma femme, attaquée par le choléra, quérir tout à coup, quand elle me vit frappé de l'affreux mal ; l'idée de sauver son mari l'éleva au-dessus d'elle même et vainquit le fléau. C'est ainsi que tous nous devons être jusqu'à épuisement du fluide vital. Vous vous devez, comme tout homme de bien, à la réforme de vos semblables ; et croyez-vous que je me soucie de la vie d'un tas d'égoïstes et de coquins ! Si vous saviez combien je suis impitoyable pour ces fils du diable ! Combien est faible ma charité pour ces âmes pourries ! Non seulement, je ne demande pas qu'elles vivent, je me réjouis de leur consomption et de leur mort. Écoutez et méditez ce mot : vous croyez sans doute à l'immortalité de votre âme ? Eh bien ! sachez que votre foi doit exercer son influence dés la vie présente, que votre immortalité future ne forme pas scission avec votre passage sur la terre et que si votre âme est vraiment de qualité, elle doit soutenir votre corps. Ceci va vous paraître étrange, mais je suis logique jusqu'au bout. Vous perdrez mon estime, si vous vous laisser aller, je vous en préviens. Au contraire, plus vous durerez, plus je vous aimerai."

 

 

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La peur comme émotion (Alexandre Douguine)

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Décrivant le phénomène du sacré (Le Saint, Das Heilige), l'historien des religions et théologien Rudolf Otto soulignait que toutes les émotions contradictoires de l'homme se fondent dans ce sentiment: l'admiration, l’excitation, l'amour et l'horreur, le frémissement, la panique. De plus, tout cela ne s'analyse pas en composantes, il est impossible de séparer la peur de la joie et du plaisir.

 

Selon la mesure dans laquelle il existe chez chaque peuple une sacralisation du pouvoir, de l’État, de la politique et des institutions sociales, cet ensemble complexe d'émotions violentes s'étend aussi sur lui. Il est impossible de distinguer le facteur de la peur comme quelque chose d'isolé. L'horreur face à l'institution politique sacralisée est inséparable de l'amour et de la vénération/ par conséquent, ce phénomène apparaît particulièrement complexe et pour l'étudier correctement, il est indispensable de d'écrire au préalable la structure du sacré.

 

Indubitablement, le plus souvent, tant le pouvoir politique que l’État dans l'histoire russe ont été ressentis comme quelque chose de sacré, bien que cette sacralité ait pu revêtir des formes différentes à diverses époques. C'est pour quoi la peur du pouvoir se manifestait le plus souvent dans un ensemble complexe comprenant la libération, l'amour et la dévotion. Dans certains cas seulement, par exemple chez les vieux-croyants et d'autres groupes non-conformistes, la structure de la peur est vite apparue quelque peu différente dans la mesure où, après le schisme, l’État a été ressenti par ces groupes comme " pouvoir de l'antéchrist ". Il s'agit là également d'une forme de sacralisation mais, dans ce cas précis, négative.

 

Dans ce livre, nous laisserons de côté la peur liée au sacré et nous nous concentrerons sur un phénomène plus simple : la peur en tant que telle dans le contexte politique, ce que traite habituellement la politologie occidentale qui, de façon traditionnelle opère avec des phénomènes désacralisés et sécularisés."

 

Alexandre Douguine - La Quatrième théorie politique: La Russie et les idées politiques du XXIième siècle - Chapitre XIII Le Léviathan russe - p. 291 à 292

 

 

 

La Nature de la Complexité (Joseph A.Tainter)

 

Joseph A.Tainter, L'effondrement des sociétés complexes, 2 De la nature des sociétés complexes, La Complexité, La nature de la complexité, pp. 26-27, aux éditions Le Retour aux Sources

 

La complexité est généralement comprise comme se rapportant à des notions telles que la taille d'une société, le nombre de ses composants et leurs traits caractéristiques, la variété des rôles sociaux spécialisés qu'elle regroupe, le nombre de personnalités sociales distinctes présentes et la variété des mécanismes pour les organiser en un ensemble cohérent et fonctionnel. L’accroissement de l'une ou de l'autre de ces dimensions augmente la complexité d'une société. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs (en guise d'illustration d'un contraste de complexité) ne contiennent pas plus que quelques dizaines de personnalités sociales distinctes, tandis que les dernières études chiffrées européennes reconnaissent entre 10000 et 20000 rôles professionnels uniques, et les sociétés industrielles peuvent compter plus d'un million de types différents de personnalités sociales.

 

Deux concepts importants pour comprendre la nature de la complexité sont l'inégalité et l'hétérogénéité. L'inégalité peut être considérée comme une différenciation verticale, un rang ou un accès inégal aux ressources matérielles et sociales. L'hétérogénéité est un concept plus subtil. Elle se rapporte au nombre d'éléments ou de composants distinctifs d'une société, et en même temps aux différentes manières dont une population est répartie entre ces éléments. Une population qui distribue de façon égale les professions et les rôles d'une société est répartie de façon homogène ; le contraire implique une hétérogénéité et une complexité croissantes. Une société de grande hétérogénéité  est donc une société complexe. L'inégalité et l'hétérogénéité sont étroitement liées mais répondent en partie à des processus différents et ne sont pas toujours positivement corrélées dans l'évolution socio-politique. Dans les premières civilisations, par exemple, l'inégalité avait tendance à être initialement élevée et l'hétérogénéité s'est accrue au fur et à mesure que se développaient de multiples hiérarchies. Johnson (1978, pp. 91, 94) associe ce processus à l’accroissement de la quantité et de la variété d'informations que doit traiter une société, rendant nécessaire une plus grande complexité sociale.

 

Les sociétés complexes ont tendance à être ce que Simon a appelé "des systèmes presque décomposables". C'est-à-dire qu'elles sont en partie constituées d'unités sociales, elles-mêmes potentiellement stables et indépendantes, ce qui a pu certainement être le cas à un moment. Ainsi, un État nouvellement établi peut inclure divers villages ou groupes ethniques auparavant indépendants, ou, un empire, des États auparavant établis. Dans la mesure où ces États, groupes ethniques ou villages conservent leur potentiel d'indépendance et de stabilité, le processus d'effondrement peut résulter en une inversion (décomposition) vers ces "blocs de construction" de la complexité. 

 

 

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