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15/08/2020

Hérisson (Dictionnaire des Symboles)

Jean Chevalier/Alain Gheerbrant, Dictionnaire des Symboles, Hérisson, p. 575, aux éditions Robert Laffont/Jupiter, collection Bouquins

 

Cet animal, qui occupait une place éminente dans la mythologie des anciens Iraniens, se rencontre également dans de nombreux mythes d'Asie centrale. Chez les Bouriates, il est considéré comme l'inventeur du feu ; le porc-épic joue le même rôle dans un mythe des Kikuyu d'Afrique orientale. Il est le conseiller écouté des hommes, qui retrouvent grâce à lui le Soleil et la Lune, un temps disparus ; on lui attribue également l'invention de l'agriculture. Il est donc, en résumé, un héros civilisateur, lié au début de la sédentarisation des anciens nomades turco-mongols. La brûlure provoquée par ses piquants est sans doute à l'origine de ce symbolisme igné, solaire, et donc civilisateur.

 

L'iconographie médiévale a fait du hérisson un symbole de l'avarice et de la gourmandise, en raison sans doute de l'habitude qu'on lui prête de se rouler sur les figues, les raisins et les pommes, qu'il rencontre ou fait tomber et, tout couvert de ces fruits au bout de ses piquants, d'aller se cacher au creux des arbres, pour entasser ses richesses et en nourrir ses petits.

 

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13/08/2020

Des Druides en congrès – Une triade païenne et trois saints

Alexis Charniguet/Anne Lombard-Jourdan, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, Chapitre IV Des Druides en congrès, Une triade païenne et trois saints, pp. 108/110, aux éditions Larousse Dieux, mythe & Héros

 

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Au cœur de la Plaine Saint-Denis, au lieu-dit du Lendit, se dressait donc un tumulus. Son occupant aurait été l'ancêtre protecteur du pays. Ce lieu sanctuaire se situait sur le passage de l'une des plus grandes voies commerciales protohistoriques. Nous en déduisons l'existence à l'aide de sources rares qui, souvent, furent déformées, soit par l'oubli, soit par le désir monastique d'adapter les croyances anciennes aux interprétations religieuses et politiques nouvelles. Malgré tout, des informations complémentaires nous sont données par plusieurs documents.

 

Vient en premier lieu un texte latin, bien connu dés lors qu'il s'agit d'approcher la religion gauloise. Il s'agit de quelques passages dans la Pharsale de Lucain, auxquels nous avons déjà fait allusion. Lucain cite nommément les trois principales divinités de la Celtique et de la Belgique : Teutatès le Tribal, Ésus le Bon et Taranis le Tonnerre. Teutatès domine cette triade où la « bonté » d’Ésus ne doit pas nous tromper : il est « bon » par antiphrase, car son pouvoir s'exerce lui aussi dans les inquiétantes profondeurs souterraines. De même les Grecs nomment-ils « Bienveillantes » les furies qui président à la vengeance. Au moins reconnaissons-nous chez lui, comme chez Teutatès, des homologies avec Cernunnos.

 

C'est là qu'il faut reparler de saint Denis. Selon Grégoire de Tours, qui écrit trois siècles plus tard, l'évangélisateur – premier évêque de Paris – avait été envoyé non seulement convertir les Gaulois de la Seine et de la Marne, mais surtout christianiser le haut lieu, comme plus tard Patrick ira affronter le pouvoir druidique à Tara, au cœur de leur territoire symbolique.

 

Contrairement à Patrick, historiquement attesté, nous ne disposons d'aucun renseignement dur Denis. La tradition dit seulement qu'il arrive en Gaule au milieu du IIIe siècle. Rien d'autre. Il aurait été victime soit de la persécution de Dèce (250), soit de celle de Valérien (258), en compagnie du prêtre Éleuthère et du diacre Rustique, dont on ne sait, là encore, que leurs noms et leurs fonctions. L'évêque, selon la tradition, est décapité sur le « mont de Mercure » (mons Mercurii) qui devient alors « mont des Martyrs » (mons Martyrum), notre Montmartre. Ensuite, tenant sa tête coupée entre ses mains il chemine jusqu'au lieu de sa sépulture. Le tumulus tant disputé de Protège-pays est désormais chrétien.

 

Peu de choses, donc, mais chaque détail compte. Auquel s'en ajoute un dernier, qui a son importance. Tout cela nous serait en effet inconnu sans l'intervention de sainte Geneviève (v. 422-v. 502), la noble et pieuse femme dont les prières ont détourné de Lutèce le redoutable Attila.

 

Nanterroise, Geneviève avait une telle vénération pour le saint du Lendit qu'elle aurait obtenu du clergé parisien la constrcution d'une église sur le domaine de Catullius, le vicus Catulliacus (le futur Saint-Denis) déjà cité. La sainte avait bien perçu la dangerosité « païenne » du Lendit et la nécessité d'y élever un « contre-feu » chrétien car, disait-elle, « il n'est douteux pour personne que le lieu même où il se trouve est redoutable ».

 

Ainsi serait née la première église Saint-Denis. Et les premiers récits. Où l'on voit l'importance économique et politique de l'espace reliant Nanterre à la plaine du Lendit, alors que Lutèce n'est encore qu'une ville administrative en voie d'affermissement, élevée sur l'imperturbable plan en rectangles et carrés cher aux Romains : un camp de légionnaires construit en dur.

 

La première Vie de saint Denis (écrite vers 500) évoque elle aussi une triade au Lendit, à savoir les trois saints martyrs, Denis, Rustique et Éleuthère. Les retouches successives apportées au texte ne suffisent pas à masquer l'héritage païen du lieu. Souvenons-nous du triple visage de «  stèle aux trois divinités », trouvée aux Bolards, et de la triade évoquée par Lucain. Cette permanence suggère que le martyre de Denis, Rustique et Éleuthère ne serait pas sans relation avec un « vénérable lieu triple », expression qui désignerait le sanctuaire autrefois dédié à la triade gauloise décrite par Lucain.

09/08/2020

L'Apollon gaulois – Constantin visite le « plus beau temple du monde »

 

Alexis Charniguet/Anne Lombard-Jourdan, Cernunnos, dieu Cerf des Gaulois, Chapitre V L'Apollon gaulois, Constantin visite le « plus beau temple du monde », pp. 123/126, aux éditions Larousse Dieux, mythe & Héros

 

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...Le maintien d'un culte au Lendit n'empêche pas sa relative éclipse au cours des premiers siècles de notre ère. Les Romains n'avaient pas intérêt à renforcer le prestige de ce sanctuaire. La période gallo-romaine préfère au Lendit et à la période des Parisii la nouvelle métropole religieuses des Gaules, Lyon, Capitale des trois provinces (Aquitaine, Lyonnaise et Belgique), la ville est surnommée la « Tête des Gaules ». C'est là d'ailleurs que les chrétiens établiront très logiquement leur tête de pont, avec les deux premiers évêques de la ville, tous deux venus d4asie mineure : Pothin, martyrisé vers 177, puis le grand théologien Irénée, sans doute martyrisé à son tout en 208.

 

La grandiose architecture du temple de Lyon, consacré à Rome et à Auguste, supplante les aménagements du vieux Lendit. Plus question, au demeurant, de poursuivre les anciennes réunions druidiques, dont le caractère « national » déplaisait aux Romains.

 

Mais l'attachement à ce centre religieux des Gaules demeure vivace, ainsi que le prouve l'attitude de deux empereurs romains : tout d'abord le jeune Constantin qui baignait dans le climat religieux de l'Antiquité tardive, combinant culte du Soleil et tendance au monothéisme ; le second empereur n'est autre que Julien, qui sera dit l'Apostat. Au Ive siècle, c'est encore au Lendit que ces deux hommes solliciteront les suffrages des Gaulois.

 

Constantin visite le « plus beau temple du monde »

 

La vie du premier empereur chrétien (mort en 337) nous est connue par les discours honorifiques, les panégyriques, prononcés par des orateurs gaulois, à Trèves et à Rome, entre 310 et 321. En 310, un premier panégyriste évoque le voyage qu'entreprit l'empereur , un mois plus tôt, vers le sanctuaire gaulois qu'il dit dédié à Apollon.

 

A cette époque le futur empereur n'a pas encore officiellement rallié la cause des chrétiens.

 

Au cours de cette visite au « plus beau temple du monde » (ad templum toto orbe pulcherrimum), le dieu solaire rendu un oracle, qui désignait Constantin comme un « élu » d'Apollon.

 

L'empereur voulait se faire garantir une origine divine, à l'instar d'Alexandre visitant l'oracle d'Amon, à Siwa, en Egypte. Le parallèle avec Alexandre était un lieu commun de cette mise en scène « divine » du pouvoir propre à l'idéologie impériale.

 

Où se trouvait le sanctuaire de ce dieu solaire, de cet « Apollon gaulois » ? Les spécialistes n'ont pas fini d'en discuter. La rencontre entre l'empereur et le dieu ne pouvait se produire que dans un sanctuaire reconnu, et pas dans un obscur fanum (« temple »). L'hypothèse du grand historien Camille Jullian (1859-1933) a longtemps prévalu : le temple se serait trouvé à Grand, près de Neufchâteau, dans les Vosges. Les fouilles ont en effet mis au jour un important lieu de culte antique dédié justement à Apollo Grannus (Grannus étant le dieu guérisseur des Celtes). D'autres, toutefois, l'ont placé à Nîmes ou à Aix-la-Chapelle (Aquae Grani). En étudiant longuement les itinéraires suivis par Constantin lors de sa remontée vers Trèves, ainsi que le vocabulaire soigneusement choisi par l'orateur, on peut argumenter valablement en faveur du sanctuaire du Lendit.

 

Cet Apollon-là s'associait fort bien à Teutatès « le Tribal »dans le rôle d'un Protège-pays, désormais romanisé, qui conservait également ses fonctions gauloises. On comprend mieux pourquoi les rédacteurs des Vies de saint Denis donnent progressivement à l'évêque martyr certaines fonctions de l'Apollon gaulois.

 

Les textes assimilent aussi très souvent le martyr au soleil levant.L'idée n'est pas neuve. Les métaphores se multiplient à propos du saint, « rayon éblouissant et oriental du vrai soleil Jésus-Christ » qui « brillera » sur toute la Gaule. Comme saint Jean-Baptiste, auquel il est identifié, Denis symbolise le triomphe du matin. On sait que, dans les premiers siècles, l'adjectif lucifer (« porte-lumière ») désignait le Christ lui-même. Le soleil, écho du Bien, rend visible la présence de Dieu. L'assimilation du fils de Dieu à l'astre solaire fait partie des explications avancées pour justifier la conversion de Constantin.

 

Le territoire parisien requiert l'attention souvent renouvelée des évêques. En 829, se tint dans la cathédrale Saint-Étienne de Lyon (ancienne titulaire de l'actuelle Notre-Dame) un concile condamnant les restes du paganisme dans la région : les « sorciers » devaient être pourchassés et punis d'autant plus sévèrement qu'ils servaient le diable « plus ouvertement avec audace et témérité », cinq siècles après la conversion officielle de l'Empire.