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19/01/2023

L'Intelligence Artificielle, l'avenir de l'homme ?

 

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L'I.A. est toujours correcte avec la population. Le contenu de ses prestations est sans surprise, car logique et convenu. L'aboutissement actuelle de la technique, qui s'apparente à ce que l'on pouvait lire dans les ouvrages d'anticipation de jadis, est lui-même tout à fait attendu. La technique suit sa marche comme une force qui va, sans écart de conduite. Le fonctionnement tout à fait rationnel de ses potentialités ne peut produire d'éthique, sauf si on la programme pour en avoir l'air, ce qui est tout à fait possible. Quant à sa "volonté", elle est le déploiement même de sa puissance : ce qu'elle est en puissance est immédiatement traduit en acte. Comme le langage performatif, son expression est une manifestation de son pouvoir, celui d'embarquer l'homme, qui lui accordera un savoir plus fiable que celui de ses congénères, nécessairement entachés d'imperfection, d'irrationalité, et d'aléas au niveau de la réflexion et des réactions. L'avenir est donc de son côté. L'IA fera des hommes des agents de son arraisonnement du vivant, comme la fleur carnivore enserre la mouche, avec l'assentiment gourmand de cette dernière. Cela commence à se réaliser, l'homme lui-même, par mimétisme, présentant lui-même, en écho, tous les signes de l'IA. On le constate dans le langage quotidien des masses : quand on rencontre un individu, on a l'impression de s'adresser à la télévision itself. En état second, il semble animé par un mécanisme propre aux automates. Et son émission verbale est coagulée par une gélatine inentamable, hermétique au dissolvant de la critique. On ne remet pas en cause la vérité. C'est pourquoi aucune révélation factuelle, aucune démonstration affinée, n'ont d'emprise sur une certitude qui est le confort de l'animal politique. L'objection glisse sur cette surface lisse comme l'eau sur le plumage d'un oiseau. L'homme est protéique, il changera de vérité comme il enfile une nouvelle chemise. Dostoïevski faisait remarquer, dans Souvenirs de la Maison des morts, qu'il est un animal qui s'habitue à tout. C'est là son malheur, sa tragédie.


L'auteur des Possédés avance aussi cette affirmation, qui tient lieu de foi, et qui est bien connue, que le monde sera sauvé par la beauté. Qu'entend-il pas là ? Qu'est-ce que la « beauté » ? L'harmonie ? La perfection des lignes ? Le classicisme de la forme ? La rationalité de la composition ? L'Intelligence Artificielle est alors « belle ». Est « beau » aussi l'homme limpide, transparent, sans accrocs, sans aspérités baroques, sans irrégularités, qu'elle produit. Toute l'architecture contemporaine, une grande partie des créations artistiques du monde contemporain, les systèmes philosophiques, de Platon à Hegel, en passant par Descartes et Spinoza, sont forgés more geometrico. Même l'éthique qui s'argumente froidement. On ne comprendra jamais les crimes de masse si on n'a pas conscience que la main des criminels a été guidée par la perfection de systèmes de persuasion pourvus d'une beauté corsetée par la démonstration la plus inattaquable, qui innocente aussi sûrement qu'un tribunal attaché à la lettre.
Or, notre Dostoïevski – toujours lui – a écrit des lignes de feu, dans ses Carnets du sous-sol, qui font hurler et se tordre comme des possédés les champions du positivisme, de la rationalité, des Lumières, du scientisme. Car ériger le monde humain sur le principe : 2 + 2 = 4 est le fondement démoniaque de l'Enfer, une entreprise absurde de transformation de la vie en paradis inhumain, invivable, inhabitable. Au contraire, vivre pleinement, vivre la vraie vie, humaine, c'est assurer que 2 + 2 = 5 !


Qu'est donc enfin que la beauté, sinon ce que Baudelaire disait d'elle, qu'elle est toujours « bizarre » ?


L'Intelligence Artificielle ne tombera jamais amoureuse. On s'éprend d'un être, non parce qu'il est parfait, et répond aux critères de symétrie et de régularité qui font de lui une statue parfaite, mais froide, on en tombe amoureux parce que c'était elle, parce que c'était lui, et ses menues – ou grandes – imperfections font de lui – ou d'elle – cet être irremplaçable qui nous ouvre des abysses de félicité et de souffrance. L'Intelligence Artificielle n'éprouvera jamais cette sensation de plénitude charnelle qui se saisit de notre âme quand, au lieu d'emprunter les autoroutes du déménagement de soi, on se laisse aller à dériver par les chemins de traverse, dans les sous-bois, et que l'on sent le pas froisser les jonchées de feuilles, l'air embaumé d'humus et de l'humidité fraîche que respire l'aube. L'I.A. n'aura jamais peur de la mort, et ne comprend jamais, soudainement, comme l'éclair fatal de notre destinée, combien la finitude de l'existence la rend belle, parce qu'on la quittera un jour à jamais.

 

Claude Bourrinet

30/12/2022

Les Thèses de la Nouvelle Rome (Raymond Abellio)

Raymond Abellio, La Fosse de Babel, X, 50. Les Thèses de la Nouvelle Rome, pp. 311-313, L’Imaginaire Gallimard

 

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X

 

Toutes choses passeront. Rien ne demeurera que la mort et la gloire des morts.

Edda islandaise.

 

50. Les Thèses de la Nouvelle Rome.

 

La répugnance de l'abbé d'Aquilla à convoquer ses amis en réunion plénière ne tint pas longtemps devant l'insistance de Drameille, qui trouva en plus un allié aussi décidé que lui en la personne de ce second vicaire de la porte de Choisy dont d'Aquilla avait parlé, l'abbé Domenech, que dévorait l'envie de sortir des formes ordinaires de l'action. Ancien prêtre-ouvrier comme d'Aquilla et ayant ressenti, comme ce dernier, devant le communisme, la même fascination exaltante et peureuse, ce Catalan aux yeux de feu, petit et trapu, aux épaules larges et à la nuque courte, état l'image même de ces dévouements sans limites, toujours déçus, auxquels il faut donner beaucoup pour éviter qu'ils se donnent trop ; mais d'Aquilla justement savait donner et savait aussi recevoir. Domenech n'était pas un rebelle c'était un affamé, il ne répondait à la décadence ou l'impureté de l’Église que par un surcroît d'ardeur et de foi. Il s'indignait peu. Ce n'est d'ailleurs jamais par la vaine pompe de ses cérémonies ou le luxe de ses dignitaires qu'une Église se perd mais par la sclérose de ses dogmes, le dessèchement de ses rites, le déracinement de ses symboles, qui appellent eux-mêmes, par compensation, cette splendeur, ce luxe, cette pompe, comme le visage flétri d'une femme hors d'âge appelle des fards excessifs. Domenech n'en était même plus à déplorer l'inefficacité de la morale chrétienne et l'hypocrisie de la société élevée sur cette radieuse utopie. Il voyait l’Église, il voyait la société occidentale emportées par le torrent de l'histoire, et au fond cette fin sans gloire le touchait peu. Et même si, comme d'Aquilla, il avait été longtemps saisi par la fiévreuse grandeur des masses en éveil, qui ignoraient ou insultaient Dieu, il résistait aujourd'hui, et de toutes ses forces, au besoin primitif de se perdre en elles. Ce qu'il cherchait au fond, sans bien le savoir encore, c'était, un peu comme Poliakhine, la participation à quelque gloire invisible suspendue loin du monde et qui, lorsqu'elle s'approcherait de la terre, exigerait le sacrifice et même la mort des précurseurs. Cette espèce est désormais commune. En attendant, Domenech s'interrogeait beaucoup. Les anciens dieux l'avaient déçu mais il cherchait encore les nouveaux. Au sein des masses, il s'était pris à tort pour un germe, une semence. Aujourd'hui, il se disait qu'il lui fallait d'abord s’ensemencer lui-même. Il en était à ce point où le futur rebelle se demande si la discipline est une marque d'humilité, ou de paresse, ou de lâcheté. D'Aquilla ne lui fit faire la connaissance de Drameille que pour le décomprimer un peu.

 

(...)

 

Selon Drameille, les Thèses de la Nouvelle Rome devaient comprendre quatre parties : une mystique, où devaient justement être étudiés les problèmes de l’impersonnalité et du vide divins, par quoi seraient dépassés les théologies usuelles ; une symbolique, où serait affirmée et démontrée l'unité transcendante de toutes les religions ; une éthique, qui effacerait la distinction abstraite et banale du bien et du mal, supprimerait toutes les règles et tous les vœux, et les plus apparemment négatives : la guerre et le meurtre, dans la positivité absolue de l'esprit ; une politique enfin, qui créerait les bases du futur « communisme sacerdotale », par dépassement, dans l'histoire et hors de l'histoire, du communisme simplement matériel.

 

Drameille avait depuis longtemps écarté les divers existentialismes, qui restent dévotionnels. Il n'accueillait pas davantage l'évolutionnisme naïf du P. Teilhard de Chardin. Cette philosophie optimiste de l'avenir était, pour lui, beaucoup trop linéaire. Plaçant l'homme idéal dans l'avenir, elle restait, dans l'actuel, au niveau de l'homme banal.

 

« On nous parle de seuils successifs, disait Drameille. Le premier aurait été franchi par l'homme quand il a pris conscience de ses instincts. Mais ce n'est pas ce premier seuil, ou un seuil quelconque qui m’intéresse, c'est le dernier, quand l'homme prend conscience de sa conscience et intensifie celle-ci jusqu'à la vision de la structure absolue. Ce seuil-là n'est plus dans l'avenir, mais dans le présent, le présent éternel. Il est diluvien. Quelques hommes déjà l'ont atteint. Pour eux, il n'est plus d'évolution, ni de seuils. »

14/12/2022

Des visitations charitables (Jean Parvulesco au sujet de la conversion de René Guénon à l'Islam)

Jean Parvulesco, Le Soleil Rouge de Raymond Abellio, Raymon Abellio et la montée planétaire d'un nouveau terrorisme, le terrorisme métapolitique, Des visitations charitables, pp. 109-, Guy Trédaniel Editeur

 

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Chaque saison spirituelle et théosophique du monde conçu comme une spirale assomptionnelle en marche vers le soleil occulte de son propre centre, toujours en élévation, chaque saison spirituelle et théosophique du monde compris, de par cela même, suivant le cours de son plus grand dessein cyclique, dispose, les anciens philosophes le savaient aussi, d'une sorte de préfiguation énigmatique propre.

 

Quelle serait donc cette préfiguration énigmatique des temps d'incertitudes nihilistes, de désir secret d'auto-anéantissement et d’horreur apocalyptique finale qui sont les temps de notre génération ? Dans l'espace de plus en plus crépusculaire où semblent s'accomplir aujourd'hui les dernières destinées européennes du monde, cette préfiguration énigmatique apparaît, je crois, et se déclare – à supposer que l'on fût en état de lire, de s’approprier les signes ultimes – avec le mystère de ce qu'il est convenu d'appeler le passage de René Guénon à l'Islam et, d'autre part, avec les implications générales, métahistoriques et plus élevées encore, et plus cachées, de cette conversion qui, en tout état de cause et quoi qu'il en est, n'en fut pas une. En effet, on se souvient que, dans une correspondance désormais célèbre, René Guénon confessait très clairement qu'il ne s'était jamais converti à rien. Je cite : « Nous n'avons jamais été converti à quoi que ce soit ». René Guénon nierait-il ainsi son incursion notoire dans l'Islam, son rattachement à celui-ci ? Absolument pas. Ce que René Guénon voulait dire, c'est que des grands spirituels ayant franchi certains degrés ultimes de la spirale occulte qui régit toute montée initiatique majeure parviennent, un jour, à des hauteurs où les appartenances spécifiantes ne signifient plus rien, et d'où la visitation ultérieure des logis prophétiques des uns et des autres relèvent exclusivement de la charité sacrificielle, de ce que l'on appelle, aussi, la réalisation descendante.

 

Encore une fois donc : certains spirituels engagés, par choix providentiel, dans la spirale des plus exceptionnelles montées initiatiques et dépassant, ainsi, l'étage des appartenances spécifiantes, peuvent envisager d'entreprendre la visitation missionnaire des demeures traditionnelles de leur choix, ou du choix qu'on leur imposerait, car, eux-mêmes déjà hors de toute spécifications trouveraient alors, dans la redescente vers le monde de la séparation, matière à donation charitable soit de l'ordre de l'enseignement secret soit de celui des conspirations théologales, cosmologiques ou métahistoriques dont les sens échappe d'avance à toute appréciation extérieure au domaine de leur action propre.

 

En tout cas, c'est la dialectique de cette visitation descendante qui doit arrêter, définir le statut le plus juste du passage à l'Islam, de la soi-disant conversion islamique de l'homme plus ou moins appelé René Guénon : sur les sommets de la déspécification, le mystère de ce qui s'est fait avec René Guénon dans les couloirs d'influence de l'Islam le plus haut devra rester dans doute à jamais non-dévoilé, un mystère sans faille et ne concernant que ce qu'il y avait eu à faire quand cela s'est fait, dans les conditions et à l'heure majeure où il fallait que cela se fasse.

 

Mais la si mystérieuse visitation descendante de l'Islam charitablement assumé par René Guénon ne saurait en aucun cas être prise pour modèle, ni suivie donc, ni imitée, ni surtout envisagée comme le signe de je ne sais quelle entreprise de grand glissement religieux à venir, où l'Occident se devrait de rejoindre, d'une manière ou autre, les hautes terres spirituelles de l'Islam. L'aventure spirituelle de René Guénon à l'ombre de l'Islam ne concerne que René Guénon lui-même et certains groupes de ses témoins directs, et c'est à travers René Guénon et ces groupes de témoins directs, exclusivement – je pense aux groupes de travail spirituel polarisés par Michel Vâlsan – que la station islamique du grand spirituel de Blois se trouve appelée à influencer, dans les temps prévus pour cela, les destinées profondes du monde occidental à sa fin.

 

Le salut spirituel et la délivrance du monde de l'Ouest plongé, actuellement, dans le mystère de sa plus grande nuit antarctique, le reconditionnement cosmologique et métapsychique profond de l'Occident à sa fin devront se faire par d'autres voies et, en attendant que l'heure suprêmement décisive émerge des ténèbres, se poursuivent par d'autres voies encore, clandestinement. En attendant donc le prochain grand réveil des confréries ésotériques occidentales, les tous petits groupes, voire même les éléments séparés, plongés dans la plus profonde clandestinité ontologique et spirituelle, qui, aujourd'hui, en Europe et à l'intérieur des espaces continentaux de prédestination européenne, se gardent en état d'éveil et n'en finissent plus de faire la volonté occulte de l'Esprit et de l'Imperium d'embrasement que celui-ci entretient dans l’invisible, reçoivent leur nourriture vivante par la voie des trois derniers canaux de conduction souterraine, nocturne, illégale et secrète, conduction que j'appellerai celle des dernières voies polaires. Quelles sont celles-ci ?...