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26/10/2022

Les paradoxes de la Liberté – La métaphysique de la machine à laver (Alexandre Douguine)

Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique – La Russie et les idées politiques du XXIème siècle, Partie II – La fin des idéologies classiques et leurs métamorphoses, Chapitre V – Qu'est-ce que le conservatisme ?, Les paradoxes de la Liberté, pp. 85-86, Ars Magna Éditions

 

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Ainsi arrive le postmoderne. Que peut-on lui opposer ? Et peut-on lui dire non ? Il s'agit d'une question de fond.

 

 D'ailleurs, en partant de cette même thèse libérale selon laquelle l'homme est libre, on sous-entend qu'il est toujours libre de dire non  à tout ce que à quoi il souhaiterait dire non.

 

 Or, ici, se trouve un moment dangereux de la philosophie de la liberté qui, sous l'égide de l'absolutisation de la liberté; commence à retirer à la liberté elle-même la liberté de dire non.

 

 Le modèle libéral occidental répond alors: vous voulez vous opposer à nous ?  Faites-le, vous en avez le droit, mais vous ne pourrez pas désinventer la machine à laver. La machine à laver constitue l'argument absolu des partisans du progrès.

 

 En fait, tout le monde veut en posséder une, les Africains, les Indiens, les conservateurs, les orthodoxes. Les communistes aussi, en vertu d'une autre logique, évoquaient la nécessité et le caractère irréversible du changement des formes de production. Ils estimaient que le socialisme arriverait après le capitalisme. Le socialisme est arrivé bien que nous n'ayons pas eu de capitalisme, est resté un certain temps, a anéanti une grande quantité d'individus avant de disparaitre.  Il en est de même avec les machines à laver.

 

 Et si on réfléchit à la métaphysique de la machine à laver, si on pense à quel point elle se trouve en accord avec les véritables valeurs d'un système philosophique, alors on arrive à la conclusion que, dans l'ensemble la vie humaine est possible même sans machine à laver et peut même être tout à fait heureuse. Mais pour la société occidentale il s'agit d'une situation horrible, presque sacrilège.

 

 On peut tout comprendre, mais comment vivre sans machine à laver ? Il s'agit d'une véritable affirmation antiscientifique: la vie sans machine à laver est impossible. Elle n'existe pas. La machine à laver est la vie. Voilà en quoi consiste l'action de la force de l'argument libéral qui affiche son côté totalitaire.

 

 Dans toute libération il y a toujours un élément de contrainte, c'est là le paradoxe de la liberté. Il y a contrainte ne serait-ce qu'à penser que la liberté constitue la valeur suprême. Imaginez qu'un individu dise : la liberté est la valeur suprême. Un autre réplique : pas du tout. Alors le premier répond : Tu es contre la liberté ? Je suis prêt à tuer pour la liberté.

 

 Le libéralisme comporte l'idée selon laquelle il ne peut y avoir d'alternative à lui-même. Il y a ici une certaine vérité. Si le logos, la rationalité, a pris le chemin de la liberté, si le logos social s'est lancé dans l'aventure de la libération totale, où le premier mouvement dans cette direction a-t-il eu lieu ?

 

 Il convient de le chercher non pas à l'époque où sont apparus Descartes, Nietzsche, ou au XXe siècle mais quelque part chez les présocratiques. Heidegger a vu ce moment dans la conception de la physis, ainsi que de façon plus marquée dans l'enseignement de Platon sur les idées. Mais l'important est ailleurs : le mouvement du logos vers la liberté n'est pas dû au hasard et malgré tout, il est possible de lui dire non.

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