Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

19/01/2023

Considérations et commentaire des vues D’Alexandre Douguine sur le fascisme 

 

4f0626d3abdaf81bc697f04035a5a965--inspiration-tattoos-tattoo-ideas.jpg

 

Le fascisme historique correspond à ce qu’Alexandre Douguine nomme la « 3e théorie politique ».

 

Tout d’abord, pourquoi « 3e » ? Parce que cette conception du monde a connu une application historique postérieure à celles des « 1ere » et « 2e » théories politiques, qui correspondent respectivement au libéralisme et au communisme.

 

Dans cette 3e théorie politique, sont classés divers mouvements politiques, eux-mêmes répartis en deux groupes. Tout d’abord, nous avons le national-socialisme et le fascisme italien, qui correspondent aux deux tentatives de mise en application d’une weltanschauung fasciste, avec les succès et les échecs qu’on leur connaît. Ensuite, sont indiqués tous les mouvements classables, d’une manière ou d’une autre, dans les mouvances ayant voulu incarner une « 3e voie » (ni capitalisme ni communisme ») distincte des deux mouvances précitées. Douguine donne plusieurs exemples : le justicialisme de Perón en Argentine, le national-syndicalisme de Franco en Espagne, le salazarisme de Salazar au Portugal. On notera l’originalité de ce classement, étant donné que ces deux derniers régimes sont généralement désignés comme étant « réactionnaires » au sens péjoratif comme neutre du terme. C’est pour nous le signe que cette catégorie de régimes est très vaste.

 

De ce fait on pourrait ajouter, pour compléter avec d’autres exemples, la République sociale italienne de septembre 1943 à avril 1945 (qu’on pourrait distinguer du « pur » fascisme italien notamment parce que Mussolini jugeait en 1943 que le terme « fascisme » était dépassé) ou le régime de Vichy, qui si on en croit l’historien Michel Winock était l’expression d’un mélange de considérations politiques nées dans les années 1930 et de Contre-Révolution.

 

Une des caractéristiques communes aux régimes « strictement fascistes », c’est-à-dire aux expériences germano-italiennes, est le totalitarisme, autrement dit la disparition de la frontière entre Etat et société, le quadrillage de celle-ci par le pouvoir politique en place. Ce totalitarisme est justement la marque de l’appartenance des fascismes-régimes à la modernité.

 

Ce totalitarisme, propre à l’époque moderne si on en croit Alexandre Douguine, fut l’expression politique de régimes qui désiraient « s’adresser aux idées et aux symboles de la société traditionnelle », chacun selon ses spécificités : Pour Mussolini l’Etat, pour Hitler la race.

 

« Anéantie dans sa jeunesse », comme le rappelle Alexandre Douguine, le fascisme attaquait le capitalisme « sur sa droite ». Autrement dit, contrairement à la critique marxiste voulant remettre en cause une économie basée sur le profit, le fascisme historique se limitait à la domination du pouvoir politique sur le pouvoir économique, celui des grandes banques et industries qui devait politiquement mourir, en échange de sa survie.

 

La volonté de « dompter la modernité » selon le philosophe russe était l’état d’esprit profond de ces régimes politiques. Leur handicap majeur fut celui de leur appartenance aux idées de leur temps, et notamment au nationalisme. Car la nation, le rappelle Douguine, est un concept bourgeois, né au cours de la Révolution française (comme il nous semble) et comme un principe destructeur des identités spirituelles et organiques légitimes.

 

Si Alexandre Douguine, concepteur de la 4e théorie politique, a clairement manifesté la différence de ces idées avec les politiques des fascismes-régimes, il a néanmoins revendiqué l’influence de divers mouvements occidentaux qui furent classés fascistes, telles que celles du manifeste de Vérone ou des idées d’Otto Strasser, nationaliste allemand dissident. En somme, les idées issues des mouvements répertoriables dans la 3e théorie politique, tant qu’elles ne sont pas typiques des fascismes-régimes, sont parfois bonnes à prendre.

 

On notera qu’à ces considérations s’ajoute l’estime de Douguine pour l’aspect anticapitaliste de la 2e théorie politique, autrement dit du communisme. Il est effet logique de sa part de se réclamer d’idées qui toutes ont en commun d’être viscéralement opposées au libéralisme, ou « 1ere théorie politique », que Douguine lui-même a désigné comme étant « l’ennemi unique » dont la défaite est l’objet de son propre combat, combat qui est aussi le nôtre.

 

Vincent de Téma

L'Intelligence Artificielle, l'avenir de l'homme ?

 

woman-5741175_960_720.jpg


L'I.A. est toujours correcte avec la population. Le contenu de ses prestations est sans surprise, car logique et convenu. L'aboutissement actuelle de la technique, qui s'apparente à ce que l'on pouvait lire dans les ouvrages d'anticipation de jadis, est lui-même tout à fait attendu. La technique suit sa marche comme une force qui va, sans écart de conduite. Le fonctionnement tout à fait rationnel de ses potentialités ne peut produire d'éthique, sauf si on la programme pour en avoir l'air, ce qui est tout à fait possible. Quant à sa "volonté", elle est le déploiement même de sa puissance : ce qu'elle est en puissance est immédiatement traduit en acte. Comme le langage performatif, son expression est une manifestation de son pouvoir, celui d'embarquer l'homme, qui lui accordera un savoir plus fiable que celui de ses congénères, nécessairement entachés d'imperfection, d'irrationalité, et d'aléas au niveau de la réflexion et des réactions. L'avenir est donc de son côté. L'IA fera des hommes des agents de son arraisonnement du vivant, comme la fleur carnivore enserre la mouche, avec l'assentiment gourmand de cette dernière. Cela commence à se réaliser, l'homme lui-même, par mimétisme, présentant lui-même, en écho, tous les signes de l'IA. On le constate dans le langage quotidien des masses : quand on rencontre un individu, on a l'impression de s'adresser à la télévision itself. En état second, il semble animé par un mécanisme propre aux automates. Et son émission verbale est coagulée par une gélatine inentamable, hermétique au dissolvant de la critique. On ne remet pas en cause la vérité. C'est pourquoi aucune révélation factuelle, aucune démonstration affinée, n'ont d'emprise sur une certitude qui est le confort de l'animal politique. L'objection glisse sur cette surface lisse comme l'eau sur le plumage d'un oiseau. L'homme est protéique, il changera de vérité comme il enfile une nouvelle chemise. Dostoïevski faisait remarquer, dans Souvenirs de la Maison des morts, qu'il est un animal qui s'habitue à tout. C'est là son malheur, sa tragédie.


L'auteur des Possédés avance aussi cette affirmation, qui tient lieu de foi, et qui est bien connue, que le monde sera sauvé par la beauté. Qu'entend-il pas là ? Qu'est-ce que la « beauté » ? L'harmonie ? La perfection des lignes ? Le classicisme de la forme ? La rationalité de la composition ? L'Intelligence Artificielle est alors « belle ». Est « beau » aussi l'homme limpide, transparent, sans accrocs, sans aspérités baroques, sans irrégularités, qu'elle produit. Toute l'architecture contemporaine, une grande partie des créations artistiques du monde contemporain, les systèmes philosophiques, de Platon à Hegel, en passant par Descartes et Spinoza, sont forgés more geometrico. Même l'éthique qui s'argumente froidement. On ne comprendra jamais les crimes de masse si on n'a pas conscience que la main des criminels a été guidée par la perfection de systèmes de persuasion pourvus d'une beauté corsetée par la démonstration la plus inattaquable, qui innocente aussi sûrement qu'un tribunal attaché à la lettre.
Or, notre Dostoïevski – toujours lui – a écrit des lignes de feu, dans ses Carnets du sous-sol, qui font hurler et se tordre comme des possédés les champions du positivisme, de la rationalité, des Lumières, du scientisme. Car ériger le monde humain sur le principe : 2 + 2 = 4 est le fondement démoniaque de l'Enfer, une entreprise absurde de transformation de la vie en paradis inhumain, invivable, inhabitable. Au contraire, vivre pleinement, vivre la vraie vie, humaine, c'est assurer que 2 + 2 = 5 !


Qu'est donc enfin que la beauté, sinon ce que Baudelaire disait d'elle, qu'elle est toujours « bizarre » ?


L'Intelligence Artificielle ne tombera jamais amoureuse. On s'éprend d'un être, non parce qu'il est parfait, et répond aux critères de symétrie et de régularité qui font de lui une statue parfaite, mais froide, on en tombe amoureux parce que c'était elle, parce que c'était lui, et ses menues – ou grandes – imperfections font de lui – ou d'elle – cet être irremplaçable qui nous ouvre des abysses de félicité et de souffrance. L'Intelligence Artificielle n'éprouvera jamais cette sensation de plénitude charnelle qui se saisit de notre âme quand, au lieu d'emprunter les autoroutes du déménagement de soi, on se laisse aller à dériver par les chemins de traverse, dans les sous-bois, et que l'on sent le pas froisser les jonchées de feuilles, l'air embaumé d'humus et de l'humidité fraîche que respire l'aube. L'I.A. n'aura jamais peur de la mort, et ne comprend jamais, soudainement, comme l'éclair fatal de notre destinée, combien la finitude de l'existence la rend belle, parce qu'on la quittera un jour à jamais.

 

Claude Bourrinet

30/12/2022

Les Thèses de la Nouvelle Rome (Raymond Abellio)

Raymond Abellio, La Fosse de Babel, X, 50. Les Thèses de la Nouvelle Rome, pp. 311-313, L’Imaginaire Gallimard

 

004022795.jpg

 

X

 

Toutes choses passeront. Rien ne demeurera que la mort et la gloire des morts.

Edda islandaise.

 

50. Les Thèses de la Nouvelle Rome.

 

La répugnance de l'abbé d'Aquilla à convoquer ses amis en réunion plénière ne tint pas longtemps devant l'insistance de Drameille, qui trouva en plus un allié aussi décidé que lui en la personne de ce second vicaire de la porte de Choisy dont d'Aquilla avait parlé, l'abbé Domenech, que dévorait l'envie de sortir des formes ordinaires de l'action. Ancien prêtre-ouvrier comme d'Aquilla et ayant ressenti, comme ce dernier, devant le communisme, la même fascination exaltante et peureuse, ce Catalan aux yeux de feu, petit et trapu, aux épaules larges et à la nuque courte, état l'image même de ces dévouements sans limites, toujours déçus, auxquels il faut donner beaucoup pour éviter qu'ils se donnent trop ; mais d'Aquilla justement savait donner et savait aussi recevoir. Domenech n'était pas un rebelle c'était un affamé, il ne répondait à la décadence ou l'impureté de l’Église que par un surcroît d'ardeur et de foi. Il s'indignait peu. Ce n'est d'ailleurs jamais par la vaine pompe de ses cérémonies ou le luxe de ses dignitaires qu'une Église se perd mais par la sclérose de ses dogmes, le dessèchement de ses rites, le déracinement de ses symboles, qui appellent eux-mêmes, par compensation, cette splendeur, ce luxe, cette pompe, comme le visage flétri d'une femme hors d'âge appelle des fards excessifs. Domenech n'en était même plus à déplorer l'inefficacité de la morale chrétienne et l'hypocrisie de la société élevée sur cette radieuse utopie. Il voyait l’Église, il voyait la société occidentale emportées par le torrent de l'histoire, et au fond cette fin sans gloire le touchait peu. Et même si, comme d'Aquilla, il avait été longtemps saisi par la fiévreuse grandeur des masses en éveil, qui ignoraient ou insultaient Dieu, il résistait aujourd'hui, et de toutes ses forces, au besoin primitif de se perdre en elles. Ce qu'il cherchait au fond, sans bien le savoir encore, c'était, un peu comme Poliakhine, la participation à quelque gloire invisible suspendue loin du monde et qui, lorsqu'elle s'approcherait de la terre, exigerait le sacrifice et même la mort des précurseurs. Cette espèce est désormais commune. En attendant, Domenech s'interrogeait beaucoup. Les anciens dieux l'avaient déçu mais il cherchait encore les nouveaux. Au sein des masses, il s'était pris à tort pour un germe, une semence. Aujourd'hui, il se disait qu'il lui fallait d'abord s’ensemencer lui-même. Il en était à ce point où le futur rebelle se demande si la discipline est une marque d'humilité, ou de paresse, ou de lâcheté. D'Aquilla ne lui fit faire la connaissance de Drameille que pour le décomprimer un peu.

 

(...)

 

Selon Drameille, les Thèses de la Nouvelle Rome devaient comprendre quatre parties : une mystique, où devaient justement être étudiés les problèmes de l’impersonnalité et du vide divins, par quoi seraient dépassés les théologies usuelles ; une symbolique, où serait affirmée et démontrée l'unité transcendante de toutes les religions ; une éthique, qui effacerait la distinction abstraite et banale du bien et du mal, supprimerait toutes les règles et tous les vœux, et les plus apparemment négatives : la guerre et le meurtre, dans la positivité absolue de l'esprit ; une politique enfin, qui créerait les bases du futur « communisme sacerdotale », par dépassement, dans l'histoire et hors de l'histoire, du communisme simplement matériel.

 

Drameille avait depuis longtemps écarté les divers existentialismes, qui restent dévotionnels. Il n'accueillait pas davantage l'évolutionnisme naïf du P. Teilhard de Chardin. Cette philosophie optimiste de l'avenir était, pour lui, beaucoup trop linéaire. Plaçant l'homme idéal dans l'avenir, elle restait, dans l'actuel, au niveau de l'homme banal.

 

« On nous parle de seuils successifs, disait Drameille. Le premier aurait été franchi par l'homme quand il a pris conscience de ses instincts. Mais ce n'est pas ce premier seuil, ou un seuil quelconque qui m’intéresse, c'est le dernier, quand l'homme prend conscience de sa conscience et intensifie celle-ci jusqu'à la vision de la structure absolue. Ce seuil-là n'est plus dans l'avenir, mais dans le présent, le présent éternel. Il est diluvien. Quelques hommes déjà l'ont atteint. Pour eux, il n'est plus d'évolution, ni de seuils. »