Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

17/02/2019

Le chamanisme et la transe (Jean Clottes/David Lewis-William)

 

Ras.jpg

 

Jean Clottes/David Lewis-William, Les chamanes de la préhistoire ; Transe et Magie dans les grottes ornées (Texte intégral, polémiques et réponses), Après Les Chamanes, polémique et réponses, 3. Une conception erronée du chamanisme ?, Le Chamanisme et la transe, pp. 194-198, La maison des roches éditeur, éditions Points, collection Histoire

 

Serait-il fautif de se référer à une conception globale du chamanisme ? Certains auteurs parlent effectivement de chamanismes, au pluriel, mais ils sont rares (Atkinson, 1991). Par là, ils préfèrent insister sur l'indiscutable diversité des manifestations sociologiques et culturelles dans des milieux divers plutôt que sur ce qui lie ces chamanismes entre eux, liens qu'ils ne nient pas. C'est l'histoire éternelle du vase à moitié vide ou à moitié plein, selon le point de vue. S'il ne s'agissait pas à la base d'un phénomène universel, on n'emploierait plus depuis longtemps le même terme, qui fit récemment le titre d'un "Que sais-je ?" (Perrin, 1995). Or, les ethnologues modernes l'utilisent toujours, non seulement pour les peuples sibériens pour lesquels il fut créé (Hamayon, 1990), mais également pour ceux de l'arctique (Robert-Lamblin, 1996, 1997), des Amériques (Chaumeil, 1999), du sud de l'Afrique ou encore de l'Asie (Walsh, 1989) et ils reconnaissent à la fois "sa déconcertante diversité et paradoxalement l'impression de profonde unité de ce phénomène plusieurs fois millénaire" (Vazeilles, 1991, p.71).

 

" Le mot chamanisme désigne des phénomènes de même type dans toutes les régions du monde" (Hultkranz, 1995, p.166). Selon Vitebsky (1995, p.46), les ressemblances frappantes entre le chamanisme sud-américain et celui de la Sibérie "apportent peut-être la meilleure preuve de la constance fondamentale des idées chamaniques dans une immense variété d’environnements, de structures sociales et de périodes historiques". Certes, "les croyances chamaniques ne constituent pas une religion ou un système doctrinal unique", toutefois "partout dans le monde, les traditions chamaniques approchent la réalité et l'expérience humaine de manières similaires" (Vitebsky, 1997, p.34 ; la même idée exprimée chez Walsh, 1989, p.4). C'est cette globalité qui permet d'envisager, après bien d'autres, que les concepts et attitudes du chamanisme aient pu avoir une origine extrêmement ancienne et remonter au Paléolithique.

 

Dans la définition que nous en avons donnée, nous avons insisté sans ambiguïté sur la complexité de ce concept, de ses rites et de ses pratiques : "Il faut noter que le chamanisme est en soi un système de croyances à composantes multiples. il comprend des techniques de guérison, le contrôle des animaux, des rites pour influer sur les éléments, des prophéties, des recherches de visions, des pratique de sorcellerie, des voyages extra-corporels et autres activités. Chacune possède ses rituels, symboles et mythes appropriés. A certaines périodes du Paléolithique supérieur, une ou plusieurs de ses composantes ont pu prédominer, tandis qu'à d'autres moments les chamanes se focalisaient sur des activités différentes" (cf. supra, p.131-132 ; cf. aussi 1997a, p.31-32).

 

Quant à la notion de "cosmos étagé", que Roberte Hamayon conteste chez les chasseurs-collecteurs, elle existe bien, y compris pour des sociétés de ce type, puisque la phrase incriminée s'appliquait explicitement aux San, pour lesquels les témoignages probants sont connus. Pour le reste, nous avons dit que "dans le monde entier, le cosmos chamanique est généralement étagé", et nous en avons donné quelques exemples. Nous avons également émis l'hypothèse que cette structure, que l'on retrouve partout - et pas seulement dans les sociétés à religion chamanique -, puisse provenir des réactions du système nerveux humain lors des états de conscience altérée. Postérieurement à la parution de notre livre, un spécialiste du chamanisme, Pietr Vitebsky (1997, p.34), a donné les précisions suivantes : "Les voyages de l'âme des chamanes ont lieu, pense-t-on, dans un cosmos étagé où la terre est au centre de divers mondes supérieurs et inférieurs." Qui qu'il en soit, et que ces mondes divers, que personne ne conteste, aient été superposés, parallèles ou juxtaposés pour les gens du Paléolithique supérieur, cela ne changerait rien à notre argument de base, à savoir que le monde souterrain était très vraisemblablement perçu comme l'un d'eux.

 

Beaucoup plus grave serait notre assimilation supposée du chamanisme à la transe, avec laquelle, selon R. Hamayon, il "n'a rien à voir". Ces deux propositions, sont, par exagération, aussi erronée l'une que l'autre. Notre définition, citée ci-dessus, est suffisante pour montrer que cette lecture de notre livre est abusive et caricaturale. Quant au chamanisme, il ne se réduit certainement pas à la transe, mais celle-ci est à la base de ses traditions et elle y joue un rôle primordial.

 

D'autres ethnologues contemporains, sans aller jusqu'à invoquer Mircea Eliade et ses successeurs, insistent toujours, et pour cause, sur l'importance des états de conscience altérée. Ainsi, pour Vitebsky (1995, p.64), la transe est-elle l' "essentiel de l'activité chamanique dans le monde". "Le chamanisme est surtout caractérisé par le voyage du chamane à la poursuite des Esprits dans un autre monde. (...) Le chamane agit par le moyen d'une transe, ou du moins d'un état de conscience altéré" (Vazeilles, 1991, p.10 ; cf. aussi Hultkranz, 1995). Les chamanes du Groenland connaissaient des transes de divers sortes (Robert-Lamblin, 1997, p.285). De nos jours, "l'un des traits saillants du chamanisme amazonien tient dans l'utilisation d'un large éventail de plantes hallucinogènes" pour induire la transe (Chaumeil, 1999, p.43).

 

Remarquons que dans ce dernier article, paru après notre ouvrage, la description des visons ainsi causées est très voisine du "modèle" de Lewis-William et Dowson (1998), repris dans notre travail. "Il convient de distinguer entre deux catégories de visions, distinction qui apparaît d'ailleurs clairement dans les récits chamaniques. L'une - d'origine neuropsychologique - consiste en sensations lumineuses (chandelles ardentes, étincelles, etc) aux motifs géométriques et non figuratifs, désignées techniquement sous le nom de phosphènes. Ce type de dessins géométriques  joue par exemple un rôle très important dans le chamanisme des Indiens Shipibo d'Amazonie péruvienne. (...). L'autre catégorie de visions hallucinogènes consiste en images figuratives" (Chaumeil, 1999, p.45).

 

Bien entendu, les chamanes des sociétés traditionnelles, pas plus que les mystiques qui se livrent au jeune et à la macération, n'ont conscience qu'ils cherchent "à altérer leur états de conscience" (Hamayon 1997, p.66), puisqu'ils sont persuadés qu'ils rentrent ainsi en contact avec un autre monde. pourtant, c'est bien ce qu'ils font (Lemaire, 1993). Quant à ceux qui jouent un rôle et font semblant d'être en transe, leur existence ne saurait être niée, mais cela n'enlève rien à la réalité du phénomène. Si, dans notre société, certains prétendent être amoureux alors que ça n'est pas vrai, cela n'implique nullement que le véritable amour n'existe pas.

 

Quant à la remarque de R. Hamayon sur le refus supposé des "neurologues sérieux" d'étudier ce type de phénomènes, elle est très curieuse. Les phénomènes de visions recherchées ou accidentelles, c'est-à-dire la transe, sont attestés à toutes les époques et dans toutes les cultures. Ce qui différencie le chamanisme des autres religions, c'est qu'il les instrumentalise eten fait la base des "voyages" vers les autres mondes. La recherche de ces processus est donc loin de relever du truisme. Les états de conscience altéré ont fait l'objet d'innombrables travaux et publications dans divers pays (cf. récemment en France, Lemaire, 1993 ; cf. bibliographie in Lewis-William et Dowson, 1988). Il paraît difficile de croire que tous ceux qui en ont traité ne sont pas sérieux, et que, pour l'être, il faudrait se refuser à étudier un phénomène, quel qu'il soit, en vertu d'idées préconçues : un tel refus n'aurait évidemment rien de scientifique.

 

R. Hamayon, citant Atkinson (1992), nous accuse de voir le chamanisme à travers la transe, ce qui serait "comme analyser le mariage seulement en tant que fonction biologique de reproduction". ce n'est pas ce que nous avons fait, mais, tout de même, la comparaison est excellente, car elle insiste sur un aspect majeur, à proprement parler fondamental. Le chamanisme n'est pas que la transe (cf. supra), mais celle-ci y joue un très grand rôle, de même que le mariage n'est pas que la fonction sexuelle, bien que cette dernière soit à la base de l'institution qui, sans elle, n'existerait pas.  

22/12/2018

Marx et les Gilets Jaunes (Francis Cousin)

Nous avons rassemblé ici les interventions de Francis Cousin sur le mouvement des Gilets Jaunes, que vous pouvez également découvrir sur le site Guerre de Classe et la chaîne YouTube du même nom.

 

Francis Cousin est un marxiste non-dogmatique, nous avions lu attentivement son ouvrage « L’Être contre l'Avoir » à sa sortie et découvert une approche quasi mystique du marxisme, étonnante à bien des égards.

 

Pour ceux qui connaissent le style particulier et les envolées stupéfiantes de Francis Cousin, nous avions adopté un tic d'écriture imitant ce style dans nos premiers essais et qui revient involontairement de temps à autres... Cela dans un esprit amicale, de second degré (que certains ont prit au sérieux), pas pour nous moquer grossièrement de Francis Cousin mais pour essayer, sur un ton légèrement ironique, de pousser à bout ce style et l'augmenter de « grivoiserie »...

 

Bien entendu, nous ne sommes en désaccord avec Francis Cousin sur sa vision de la « tradition » et son « communisme primitif ». Pour la bonne et simple raison que la théorie de la « tradition primordiale », antérieure aux théories de Francis Cousin, explicite, à travers de nombreux auteurs pérennialistes, ce « communisme des origines » dans des dimensions qui dépassent le matérialisme marxiste de Francis Cousin aussi vivant soit-il. Parce que oui, Francis Cousin est un homme vivant et sa pensée est radicale, ça n'est pas une pensée molle, une nature morte, une matière inerte, c'est une pensée en mouvement perpétuelle. Francis Cousin fait pour son « communisme de combat » ce que les eurasistes européens ne font pas pour une littérature de combat non-conforme ; il faut tout de même le souligner. Nous admirons également sa culture greco-latine et son recours aux présocratiques. Francis Cousin peut clasher des personnages qui existaient il y a deux mille ans ; notre camarade Thomas Ferrier est aussi coutumier du clash à mille ans de distance. Ce qui fait aussi la beauté du geste de Cousin.  Pour résumer, Francis Cousin combat le globalisme et c'est une très bonne raison de l'écouter. Dans l'absolu nous lui opposerions Alexandre Douguine. Mais « opposer » ne convient pas, « nous contrebalançons le marxisme par l'eurasisme » est plus précis, mais cela est ici un détail et un autre débat.

 

La Guerre des classes existe. Mais l'approche de Francis Cousin et des marxistes d'une manière générale – dont les travaux peuvent converger avec les nôtres – est, selon nous, insuffisante. Nous y répondons par défaut dans nos essais et nous l'énonçons directement ça et là, sans nous comparer à Francis Cousin qui est, dirons nous, un intellectuel respectable et accomplit dans son domaine. Nous précisons tout cela pour éviter que l'on nous reproche de « récupérer » le travail de Francis Cousin. Notre démarche est tout autre. Nous le lisons, l'écoutons et respectons son travail. Nous nous sentons parfois plus marxistes que certains qui se revendiquent marxistes mais qui ne sont que des gauchistes qui, visiblement, n'ont pas lu Francis Cousin...

 

Les interventions de Francis Cousin – qui ne vont pas toujours dans notre sens – sont incontournables pour un Gilet Jaune qui inscrit sa « lutte » dans une longue durée. Chacun jugera de la distance critique qu'il doit mettre entre ses idées et celles de Francis Cousin, ça n'est pas à nous d'en décider. Le mouvement des Gilets Jaunes a besoin de recul sur lui-même et de faire son auto-critique, Francis Cousin permet d'appréhender cette phase critique inhérente à tous les mouvements de combat social. Des « mouvements » et des « militants » qui ont davantage intérêt à être « marxistes » selon une lecture de Marx bien comprise que de finir sur les voies de garage du « gauchisme » et du « marxisme culturel ».

 

Nous vous conseillons de commencer par la dernière vidéo où Francis Cousin commente son dernier ouvrage paru : « Critique de la société de l'indistinction » avant d'écouter les autres, ainsi que nous vous conseillons de le lire si vous en avez l'occasion.

 

Bonne découverte, ou redécouverte à vous.

 

« Quant à moi, j’attends les Cosaques et le Saint-Esprit ! Tout le reste n’est qu’ordure. » Léon Bloy

 

 

Gilets jaunes, mystifications étatiques et luttes de classes radicales

 


 

Gilets Jaunes, mensonges du capital et impostures citoyennes

 


 

Débat entre Étienne Chouard et Francis Cousin - Extraits Choisis

 


 

Discussion avec Francis Cousin : De la Commune de Paris aux Gilets Jaunes

 


 

Francis Cousin : Gilets Jaunes - Bilan et perspectives

 


 

Gilets Jaunes, ce n'était qu'un début ! (Discussion entre Francis Cousin et une GJ Constituante)

 


 

Gilets Jaunes : Contre tous les flics du Capital - Vive l'insurrection sociale !

 


 

Francis Cousin : La Guerre Civile en France

 


 

Francis Cousin présente : Critique de la société de l'indistinction

 


 

 

mj.png

06/12/2018

Jaune (Dictionnaire des Symboles)

 

Jean Chevalier et Alain Gheerbrant - Dictionnaire des Symboles - Jaune - pp. 618, 620 - Éditions Robert Lafont/Jupiter, collection Bouquins

 

Intense, violent, aigu jusqu'à la stridence, ou bien ample et aveuglant comme une coulée de métal en fusion, le jaune est la plus chaude, la plus expansive des couleurs, difficile à éteindre, et qui déborde toujours des cadres où l'on voudrait l'enserrer.

 

charte.png

 

Les rayons du soleil traversant l'azur des cieux, manifestent la puissance des divinités de l'au-delà : dans le panthéon aztèque de Huitzilopochtli, le Guerrier triomphateur, Dieu du Soleil de Midi, est peint de bleu et de jaune. Le jaune, lumière d'or, a une valeur cratophanique et le couple d'émaux Or-Azur s'oppose au couple Gueule-Sinople comme s'opposent ce qui vient d'en bas. Le champ de leur affrontement, c'est la peau de la terre, notre peau, qui devient jaune elle aussi, aux approches de la mort.

 

Dans le couple Jaune-Bleu, le Jaune, couleur mâle, de lumière et de vie, ne peut tendre qu'à l'obscurcissement. Kandinsky l'a bien vu et écrit : le jaune a une telle tendance au clair qu'il ne peut y avoir de jaune très foncé. On peut donc dire qu'il existe une affinité, physique, entre le jaune et le blanc (KANS). Il est le véhicule de la jeunesse , de la force, de l'éternité divine. Il est la couleur des dieux : Zoroastre, selon Anquetil, signifier astre d'or brillant, libéral, astre vivant.

Le Om, verbe divin des Tibétains, a pour qualitatif zéré qui veut dire doré (PORS, 68). Vishnu est le porteur d'habits jaunes, et l’œuf cosmique de Brahma brille comme l'or.

 

La Lumière d'Or devient parfois un chemin de communication à double sens, un médiateur entre les hommes et les dieux. Ainsi Frazer souligne qu'un couteau d'or était employé en Inde pour les grands sacrifices du cheval parce que l'or est lumière et parce que c'est au moyen de la Lumière dorée que le sacrifice gagne le royaume des dieux (FRAG, 2, 80, n. 3 d'après The Sathapata Brahmana).

 

Dans la cosmologie mexicaine, le jaune d'or est la couleur de la peau neuve de la terre, au début de la saison des pluies, avant que celle-ci reverdisse. Il est donc associé au mystère du Renouveau. Pour cette raison Xipe Totec Notre seigneur l'écorché, divinité des pluies printanières, est aussi dieu des orfèvres. Lors des fêtes de printemps, ses prêtres se revêtaient des peaux peintes en jaune des victimes que l'on suppliciait pour se concilier cette divinité redoutable (SOUM). Et le jaune d'or était bien l'attribut de Mithra en Perse et d'Apollon en Grèce.

 

Étant d'essence divine, le jaune d'or devient sur terre l'attribut de puissance des princes, des rois, des empereurs, pour proclamer l'origine divine de leur pouvoir. Les lauriers verts de l'espérance humaine se recouvrent du jaune d'or de la puissance divine. Et les rameaux verts du Christ, dans son séjour terrestre, sont remplacé par une auréole dorée lorsqu'il retourne auprès de son Père. Le dimanche des Rameaux en Espagne, ce sont des palmes jaunies que les fidèles brandissent sur les parvis des cathédrales.

 

Le jaune est la couleur de l'éternité comme l'or est le métal de l'éternité. L'un et l'autre sont à la base du rituel chrétien . L'or de la croix sur la chasuble du prêtre, l'or du ciboire, le jaune de la vie éternelle, de la foi, s'unissent à la pureté originelle du blanc dans le drapeau du Vatican.

 

C'est aussi au milieu de ces ors, de ces jaunes, que les prêtres catholiques conduisent les défunts vers la vie éternelle. Tous les psychopompes ont aussi peu ou proue le jaune à leur service : Mithra ; mais aussi, dans bien des traditions orientales, les chiens infernaux, dont celui du Zend Avesta, qui a les yeux jaunes - pour mieux percer le secret des ténèbres - et les oreilles teintes de jaune et de blanc.

Dans les chambres funéraires égyptiennes la couleur jaune est la plus fréquemment associée au bleu, pour assurer la survie de l'âme, puisque l'or qu'elle représente est la chair du soleil et des dieux.

 

Cette présence du jaune dans le monde chtonien, sous prétexte d'éternité, introduit le deuxième aspect symbolique de cette couleur terrestre.

Le jaune est la couleur de la terre fertile, ce qui faisait conseiller, dans la Chine ancienne, pour assurer la fertilité du couple, que l'on mette en complète harmonie le yin et le yang, que les vêtements, les couvertures et les oreillers de la couche nuptiale soient tous de gaz ou de soie jaune (VANC, 342). Mais cette couleur des épis de murs de l'été annonce déjà celle de l'automne, où la terre se dénude, perdant son manteau de verdure.

 

Elle est alors annonciatrice de déclin, de la vieillesse, des approches de la mort.

A la limite le jaune devient un substitut du noir. Ainsi pour les indiens Pueblo, Tewa, c'est la couleur de l'Ouest ; pour les Aztèques et les Zuni, c'est celle du Nord ou du Sud, selon qu'ils associent l'une ou l'autre de ces deux directions avec les mondes inférieurs (SOUM, 23).

Dans le tantrisme bouddhique le jaune correspond à la fois au centre-racine (Mulâdhârachakra) et à l'élément terre, et Ratnasambhavap, dont la lumière est la lumière solaire. Noire ou jaune est aussi pour les Chinois la direction du Nord, ou des abîmes souterrains où se trouvent les sources jaunes, ou le yang qui s'y réfugie l'hiver, aspirent à la restauration cyclique dont le solstice hivernal est l'origine. Si le Nord, si les source jaunes sont d'essence yin, ils sont aussi à l'origine de la restauration du yang. Par ailleurs, le jaune est associé au noir comme son opposé et son complémentaire. Le jaune se sépare du noir à la différenciation du chaos : la polarisation de l'indifférenciation primordiale se fait en jaune et noir - comme en yang et yin, en rond et carré, en actif et passif (Lie-tseu). noir et jaune sont, d'après le Yi-king, les couleurs du sang du dragon-démiurge. Il ne s'agit toutefois là que d'une polarisation relative, d'une coagulation première (CHOO, ELIF, GRAP, GRAR, GRIH).

 

Le jaune émerge du noir, dans la symbolique chinoise, comme la terre émerge des eaux primordiales. Si le jaune est en Chine la couleur de l'empereur, c'est effectivement parce qu'il s'établit au centre de l'Univers, comme le soleil est au centre du ciel.

 

Quand le jaune s'arrête sur cette terre, à mi-chemin du très haut et du très bas, il n'entraîne plus que la perversion des vertus de foi, d'intelligence, de vie éternelle.

Oublié l'amour divin, arrive le souffre luciférien, image de l'orgueil et de la présomption, de l’intelligence qui ne veut s'alimenter qu'à elle-même. Le jaune est associé à l'adultère quand se rompent les liens sacrés de l'amour divin, rompus par Lucifer, avec cette nuance que le langage commun a fini par renverser le symbole, attribuant à la couleur jaune au trompé, alors qu'elle revient originellement au trompeur, comme l'attestent bien d'autres coutumes : la porte des traîtres était peinte en jaune pour les signaler à l'intention des passants, aux XVIe et XVIIe siècles. Dés le concile de Latran (1215), il était ordonné que les juifs portent une rouelle jaune sur leurs vêtements. Le Dictionnaire de Trévoux (1771) assure qu'il est coutume de safraner les demeures des banqueroutiers (DIRG). Ce dont il ressort que les syndicalistes traitant de jaune l'ouvrier qui se désolidarise de sa classe ne se doutent pas qu'ils recourent ce faisant aux mêmes sources symboliques que les nazis appliquant l'étoile jaune aux juifs. Mais peut-être que les juifs, renversant la valorisation du symbole, voyaient dans cette étoile, non pas une marque d'infamie, mais la glorieuse lumière de Yavhé.

 

La valorisation négative du jaune est également attestée dans les traditions du théâtre de Pékin, dont les acteurs se maquillent de jaune pour indiquer la cruauté, la dissimulation, le cynisme, tandis qu'ils indiquent par le rouge la loyauté et l'honnêteté. Toutefois, dans ce même théâtre traditionnel, les costumes des princes et empereurs - indiquant non la psychologie mais la condition sociale des personnages - sont également jaunes. Cette utilisation de la couleur jaune dans le théâtre chinois rend assez bien compte de l'ambivalence qui lui est propre, et qui en fait la plus divine des couleurs en même temps que la plus terrestre, selon le mot de Kandinsky.

 

Cette ambivalence se retrouve également dans la mythologie grecque. Les pommes d'or du jardin des Hespérides sont symbole d'amour et de concorde. Qu'Héraclès les vole, elles n'en reviennent pas moins au jardin des dieux. Elles sont les véritables fruits de l'amour puisque Gaïa, la Terre, les a offertes à Zeus et Héra comme présent de noces : elles ont ainsi consacré la hiérogamie fondamentale dont tout est issu. Mais la pomme de discorde, pomme d'or elle est aussi, qui est à l'origine de la guerre de Troie, est symbole d'orgueil et de jalousie. Toujours dans la mythologie grecque, les deux faces du symbole se rapprochent dans le mythe d'Atalante, la Diane grecque, Vierge agressive : alors qu'elle lutte à la course contre Hippoménès - qu'elle à l'intention de tuer ensuite comme elle a fait de tous ses autres prétendants -, elle cède à l'irrésistible convoitise qu'éveillent en elle des pommes d'or que le jeune homme lance devant elle sur le sol. Elle est donc vaincue et trahit ses vœux - mais par cette trahison elle arrive à l'amour.

 

Certains peuples ont cherché le clivage du symbole dans les notions de matité et de brillance de la couleur - ce qui n'est pas s'en rappeler la distinction symbolique du blanc mat et du blanc brillant, notamment en ce qui concerne les chevaux infernaux et célestes.

C'est notamment le cas de l'islam où le jaune doré signifiait sage et de bon conseil, le jaune pâle trahison et déception (PORS, 88).

 

La même distinction se retrouve dans le langage du blason qui valorise l'or-métal aux dépends du jaune-couleur.