19/12/2014
Sermon de l’abbé Iborra : Requiem pour les rois d’Araucanie-Patagonie
Source : Le Rouge et le Noir
SERMON DE M. l’ABBÉ ÉRIC IBORRA
Vicaire de la paroisse Saint-Eugène-Sainte-Cécile à Paris (IXe),
Lors de l’office le samedi 13 décembre à l’occasion d’une messe chantée de requiem en forme extraordinaire à la mémoire des rois de Patagonie et d’Araucanie.
Un observateur extérieur, venu non peut-être de Sirius mais tout simplement d’un cabinet ministériel et d’une instance européenne, ne pourrait que sourire à notre cérémonie de ce matin devant un catafalque, c’est-à-dire devant un cercueil vide, symbole de l’irréalité de ce qui vous rassemble. Nous voici en effet réunis pour commémorer des princes qui n’ont jamais régné, un royaume qui ne fut jamais reconnu en droit international public – le seul qui compte aux yeux des doctes – et dont le fondateur fut interné comme fou par l’État que ses ambitions dérangeaient. C’est dire qu’il ne fut guère pris au sérieux aussi bien dans son royaume éphémère que dans sa propre patrie où il ne suscita que l’ironie. Espéré comme sauveur par des tribus indiennes qui défendaient leur autonomie face à des États voraces issus de vice-royautés espagnoles, il ne tarda pas à les décevoir, se comportant plus en juriste qu’en chef de guerre.
Le plus étonnant peut-être n’est pas tant la geste de cet aventurier que la lignée improbable, pas même héréditaire, dont il est la souche. Car depuis ces lointains parages du siècle pénultième des princes se sont succédé à la tête ce royaume absorbé par l’oubli, de cet État qui a quitté la scène de l’histoire pour entrer dans celle du mythe, faute de Pikkendorff pour tirer l’épée à son service, devenant ainsi l’un de ces mondes parallèles chers à tant de romanciers mythopoiètes. Oui, ce qui nous interroge n’est peut-être pas tant l’histoire d’Antoine de Tounens, pour le repos de l’âme de qui nous prions tout de même ce matin, que la survivance de ce qu’il avait espéré fonder.
En effet, des aventuriers qui réussissent et d’autres qui échouent, il y en a toujours eu dans notre histoire et bien des lignées respectées, finalement, sont issues d’un ancêtre chanceux. Notamment à l’époque où dans son esprit l’Europe était jeune, c’est-à-dire sûre d’elle et entreprenante. Pensons à Hernan Cortez qui défia un empire et conquit pour l’Espagne le Mexique à la tête d’une poignée d’hidalgos, de lansquenets et de moines. Pensons à ce sous-lieutenant d’artillerie qui, trois siècles plus tard, conquit pour lui-même un trône, la France et la moitié du continent. La voie était ouverte et il me souvient que quelques officiers de la défunte Grande Armée tentèrent de se tailler un royaume là où Alexandre avait posé les limites de son empire.
Mais ce qui m’interroge, c’est qu’il y eut des hommes – et même des femmes – ceux pour qui nous prions ce matin – qui acceptèrent de relever ce défi perdu d’avance et de s’attacher au destin d’un peuple qui aujourd’hui est soumis à deux puissances dont on voit mal qu’elle puisse desserrer leur étau. Autrement dit, des hommes et des femmes qui, par-delà leurs motivations réelles, peut-être très prosaïques, nous apparaissent comme les héritiers du héros de Cervantès, de cette figure tragi-comique qui se rattache aux héros de l’Edda ou de l’Iliade. En ce sens qu’ils persévèrent dans l’accomplissement de leur tâche alors même qu’ils la savent impossible. Ils sont l’image de l’homme debout face à la nécessité décrétée par les dieux. Ils savent qu’ils ont pour horizon l’incendie de Troie ou l’embrasement du Ragnarök. Et pourtant ils ne renoncent pas. En étant plus attachés à leur idéal qu’au prosaïque du réel ils témoignent à leur insu, par leur résignation, de la grandeur de l’être humain, plus grand que ce qui l’abat.
En misant leur existence pour des mondes sortis de l’histoire, ils nous invitent à ouvrir les yeux sur des mondes devenus parallèles, gagnant en idéal ce qu’ils perdaient en réalité. Des mondes où l’homme peut devenir ce qu’il aurait dû être, des mondes qui par là-même jugent en la surplombant notre terne histoire. Il y a certainement plus de poésie et de grandeur d’âme à s’engager aujourd’hui pour d’obscurs peuples indiens sous la fiction d’un royaume imaginaire à la Milton que de faire des affaires au pays de Friedman et de ses Chicago Boys.
Ces mondes parallèles, sortis de l’histoire, à la réalité efflanquée, à l’idéal démesuré, ne font pas que surplomber l’histoire, ils la jugent aussi. Leur présence est une dénonciation de l’homme quand, matérialiste, il se fait l’idolâtre de ce dont il devrait être le maître, quand il révère ce qui devrait le servir, bref, quand il se fait plus petit qu’il ne devrait être. Ces mondes parallèles ne font pas que juger, ils inspirent aussi. Loin d’être des évasions hors du réel, ils y ramènent, à une plus haute altitude cependant. Ils sont, comme l’avaient compris Tolkien et Lewis, autres mythopoiètes, des idées régulatrices qui rappellent qu’ici-bas rien de ce qui est réel n’est dénué, au-delà de sa visibilité matérielle, d’une âme spirituelle. L’univers de la chevalerie, aujourd’hui disparu, et auquel se rattachent tant de grandes aventures, de la quête du Graal à la délivrance de Jérusalem, nous invite à voir dans les choses de ce monde toujours de plus haut. Aujourd’hui détachés de leur contingence matérielle, idéalisés, ils sont à même d’inspirer celui qui agit dans l’épaisseur de ce réel qui nous apparaît si souvent banal, prosaïque, et en un mot d’en bas.
Par-delà ces jalons visibles de l’invisible pour qui nous prions ce matin, en demandant au Seigneur de leur pardonner toutes ces lourdeurs que nous partageons avec eux, puissions-nous apprécier à sa juste mesure ce qu’ils nous lèguent : ce supplément d’âme qui doit inspirer l’action humaine et au suprême degré cet art si délicat qu’est la politique ; cette fantaisie si bienvenue en ces temps toujours plus menacés par le règne de la machine, artefact qui rampe à l’assaut de nos sociétés et de nos âmes ; le rappel de cette légèreté qui nous renvoie à notre humble condition de créature. Tout n’est-il pas jeu pour la Sagesse divine, à l’œuvre depuis les origines, depuis que Dieu en son Fils a pris sur lui le sérieux de la Croix pour faire éternellement de nous ses enfants ?
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La démocratie, voilà l’ennemi ! (Julius Varuna)
Ou le retournement in-extremis d’une incantation laïcarde
Je sais, je sais. Voilà qui paraîtra incongru à bon nombre de lecteurs. Il est clair que depuis 1945, nous avons écopé de « démocratie à perpétuité » (Bardèche) et ce sans le moindre espoir de remise de peine. Impossible de penser le monde en dehors de la démocratie. On peut la penser libérale, socialiste, libertaire, conservatrice, bourgeoise, chrétienne, islamique… bref, elle peut être tout, donc elle n’est rien. Nous-mêmes, avons eu du mal à changer de paradigme. La démocratie est bien « le meilleur des régimes à l’exception de tous les autres » (Churchill) pas vrai ? Tous les autres régimes ne sont-ils pas affreux ? Pourquoi ? Parce que !
Ainsi, dès nos premières amours putschistes nous heurtions nous à des réticences d’amis, de connaissances, d’inconnus croisés lors de manifestations. « Nous ne mangeons pas de ce pain-là ! » nous dit-on. Ah ? Bon. Préférez-vous celui de l’américanisation, de l’immigration de masse, de l’ultra-libéralisme, de la délocalisation, du judaïsme politique avec des pépites de société du spectacle pour relever le tout ? Le tartinerez-vous d’une margarine de pédocriminalité de réseau ou d’une confiture d’indifférenciation de genre ? Bon appétit messieurs-dames ! Et n’en laissez pas une miette ! Nous n’avons pour notre part plus très faim. « Le putsch ? et après cela la dictature militaire ?! », « Il faut sauver la République, avec une démocratie directe/réelle/véritable/tirée au sort/populaire » nous en passons, et des meilleures. Au moins, les deux dernières relèvent-elles d’un réel souci de bien faire.
La dictature, terme qui dans le vocable usuel couvre un spectre allant du régime autoritaire fasciste ou socialiste à la monarchie en passant par l’Imperium, louons la précision de nos contemporains, fait peur, très peur. Confondue allègrement avec la tyrannie, forme du pouvoir injuste, illégitime et oppressive –qu’il est parfaitement possible de vivre en démocratie !-, éloignée de sa définition primordiale d’une magistrature d’exception réservée aux cas de crise grave dans la République romaine, elle hante les cauchemars des français de tous bords. Soyons honnêtes, en réalité ce qui fait peur, c’est la « non démocratie ». Tout régime qui ne fait pas participer l’individu à sa propre aliénation ne saurait être acceptable. Eh bien, au risque de surprendre, nous osons affirmer qu’en ce qui nous concerne, nous considérons que la démocratie est à craindre de façon primordiale !
Avant toutes choses, évacuons l’idée saugrenue selon laquelle nous ne vivons pas en démocratie. En effet, une déviance commune consiste à confondre deux conclusions d’une même observation :
- La plus répandue consiste à dire que le fonctionnement actuel des institutions n’est pas démocratique en cela que le « peuple » serait finalement tenu à l’écart du pouvoir effectif par des oligarques technocrates non-élus. Ainsi nous ne serions pas dans une « vraie » démocratie, celle-ci ayant été « confisquée » par l’élite. Certains vont même jusqu’à regretter la troisième la quatrième ou les deux premières républiques. En c’temps-là, tout était bien différent, pas vrai ? L’affairisme, les réseaux maçonniques, le lobbysme, la politique politicienne, l’oligarchie, le mondialisme, tout cela a poussé comme par magie à la mort du Général de Gaulle !
- La seconde conclusion consiste à déduire que tout cela est parfaitement normal, logique et cohérent, que depuis 1789 que l’on parle de démocratie en France les choses en sont toujours allé ainsi, que l’idée même de démocratie au sens moderne est intrinsèquement libérale, bourgeoise, maçonnique, oligarchique, et que la République a toujours été un instrument de subversion au service du capital international et apatride. Sub sole nihil novi est !
Le lecteur s’en doutera, nous tendons à adhérer à la seconde conclusion. Il n’y a pas de vraie-fausse démocratie, de fausse-vraie démocratie, il n’y a que la démocratie, que nous jugeons à ses conséquences, comme l’arbre à ses fruits. La démocratie est ce qu’elle est. Y aurait-il eu une erreur de parcours, elle a eu droit à pas moins de cinq tentatives pour montrer un autre visage. Vous en faut-il une sixième ? Nous affirmons que la France –qui n’est pas la République- ne survivra pas à une sixième, ou à une prolongation indéfinie de la cinquième République.
Ce papier n’a pas vocation à effectuer une réflexion théorique sur le concept de démocratie. D’autres l’ont fait bien mieux que nous le ferions nous-mêmes, et ce qui nous intéresse, ce sont les avatars concrets de la démocratie, et leur action réelle sur les sociétés.
Et justement ! Nous l’affirmons, une nouvelle fois, la perspective de la sortie de la démocratie parlementaire, de marché et d’opinion ne nous empêche nullement de dormir. C’est sa prolongation indéfinie qui suscite chez nous l’inextinguible angoisse !
Car,
C’est la démocratie qui a bradé la souveraineté de la France à la technocratie européiste anti-européenne. A référendum (2005), référendum et demi (traité de Lisbonne 2007).
C’est la démocratie qui nous lie à l’alliance atlantique ad vitam aeternam, contre nos intérêts géopolitiques fondamentaux.
C’est la démocratie qui nous a vendu à la Banque, par la fameuse loi de 1973. Certes, la Banque n’a pas été élue, mais Pompidou ne l’a-t-il pas été ?
C’est la démocratie qui signera finalement le traité transatlantique, afin que l’Etat puisse directement être attaqué par une firme transnationale, afin que nous ne soyons plus qu’une énième étoile informelle sur le drapeau des Etats-Unis.
C’est la démocratie qui a accompagné le déchaînement du libéralisme économique, arraché les paysans de leurs terres pour travailler dans l’industrie, pris le parti du capital contre le travail, a fait tirer sur les grévistes, réprimé la Commune, abandonné la social au profit du sociétal, délocalisé, et signé le « pacte de stabilité ».
C’est la démocratie qui a massacré les Vendéens, préparé les mécanismes totalitaires, affirmé le « droit [des races supérieures] vis-à-vis des races inférieures » (Jules Ferry), prolongé le colonialisme au nom des droits de l’Homme, charcuté la carte de l’Europe au point de provoquer la plus grande guerre mondiale, lancé deux bombes atomiques sur des populations civiles, rasé la ville de Dresde et tant d’autres, toujours au nom de ces mêmes droits de l’Homme.
C’est la démocratie qui a accouché du patriot act, de la loi Gayssot, et de centaines d’autres lois liberticides.
C’est la démocratie qui a encouragé l’immigration extra-européenne transformant des nations millénaires en grand fourre-tout interethnique, accompagne le métissage forcé et le grand remplacement par un discours faux-cul et béat afin de masquer la violence de ce processus et de ses conséquences.
C’est la démocratie qui a légalisé l’absurde mariage « pour tous » en refusant au peuple français tout référendum sur la question, bien qu’inoffensif, si cette même démocratie avait été sure de répondre aux aspirations légitimes de son peuple, ouvert par là même une boite de pandore annonçant d’autres extensions du « pourtousisme » dans les années à venir, toutes aussi absurdes et malsaines les unes que les autres.
C’est la démocratie qui a divisé la nation : partis, communautés, ethnies, sexes, âges, religions.
C’est démocratiquement que la masse, démocratiquement inculte, hédoniste, individualiste et déracinée, réclame toujours plus de droits, accepte d’en donner sans y penser à toutes les minorités, pourvu que s’en soit, et qu’elles aient la salutaire impression de les persécuter.
C’est démocratiquement que fut votée une loi autorisant le meurtre de centaines de milliers de futurs français sous prétexte que personne ne désirât leur venue, quand bien même tout le monde acceptât l’esprit qui a permis qu’il soit conçu !
C’est démocratiquement que l’on abrutit des peuples entiers à coup d’évènements sportifs de masse, de jeux télé ineptes, de musique pauvre et débilitante, de séjours à l’école-garderie, où l’on apprendra, bien sûr, la gloire de la démocratie.
C’est démocratiquement que l’on détruit des nations pour leurs insoumissions au Système : Afghanistan, Syrie, Irak, Lybie, Mali, Centrafrique, Yougoslavie, Ukraine, en armant au besoin des terroristes, et que du même coup, l’on envoie des soldats français mourir sans que leur sacrifice n’ait une quelconque influence sur notre inexorable chute.
C’est démocratiquement que toute forme de spiritualité et d’intégrité supérieure fut rangée au rang de vieilleries ringardes et obscurantistes, scellant l’Homme à la boue rance du matérialisme.
Nous pourrions poursuivre, mais estimons en avoir assez dit. Nous nous doutons bien, de toutes manières que cela ne changera rien. Le démocrate saura même se réjouir de certains de ces faits. Notre objectif était de clarifier un point capital : Il n’y a pas eu de confiscation de la démocratie. La démocratie moderne (nous excluons les formes antiques de démocratie de notre opprobre), est, a toujours été, et sera ce qu’elle est intrinsèquement : une absurdité, un non-sens, un instrument de la subversion libérale et moderne contre la Tradition.
La démocratie, voilà l’ennemi !
Julius Varuna
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Loup (Dictionnaire des Symboles)
Jean Chevalier/Alain Gheerbrant, Dictionnaire des Symboles, Loup (louve), pp. 672-674, aux éditions Robert Laffont/Jupiter, collection Bouquins
Le loup est synonyme de sauvagerie et la louve de la débauche. Mais le langage des symboles interprète ces animaux, on s'en doute, d'une façon infiniment plus complexe, du fait, tout d'abord, qu'à l'instar de tout autre vecteur symbolique, ils peuvent être valorisés positivement autant que négativement. Positif apparaît le symbolisme du loup, si l'on remarque qu'il voit la nuit. Il devient alors symbole de lumière, solaire, héros, guerrier, ancêtre mythique. C'est la signification chez les Nordiques et chez les Grecs où il est attribué à Belen ou à Apollon (Apollon lycien).
Le créateur des dynasties chinoise et mongole est le loup bleu céleste. Sa force et son ardeur au combat en font une allégorie que les peuples turcs perpétueront jusque dans l'histoire contemporaine , puisque Mustapha Kemal, qui s'était nommé lui-même Atatürk, c'est-à-dire Père des Turcs, avait reçu de ses partisans le surnom de loup gris.
Le peuple turc qui, rassemblé autour de lui, menait le combat pour retrouver son identité, menacée par la décadence de l'Empire ottoman, reconduisait ainsi une très ancienne image : celle de l'ancêtre mythique de Gengis Khan, loup bleu, cratophanie de la lumière ouranienne (foudre) et dont l'union avec la biche blanche ou fauve, représentant la terre, plaçait à l'origine de ce peuple la hiérogamie terre-ciel.
Les peuples de la Prairie nord-américaine semblent avoir interprété de la même façon la signification symbolique de cet animal : Je suis le loup solitaire, je rôde en maints pays, dit un chant de guerre des Indiens de la Prairie (ALEC, 233).
La Chine connaît également un loup céleste (l'étoile Sirius) qui est le gardien du Palais céleste (la Grande Ourse). Ce caractère polaire se retrouve dans l'attribution du loup du Nord. On remarque toutefois que ce rôle de gardien fait place à l'aspect féroce de l'animal : ainsi, dans certaines régions du Japon, l'invoque-t-on comme protecteur contre les autres animaux sauvages. Il évoque une idée de force mal contenue, se dépensant avec fureur mais sans discernement.
La louve de Romulus et Rémus est, elle, non pas solaire et céleste, mais terrienne, sinon chthonienne. Ainsi, dans un cas comme dans l'autre, cet animal reste associé à l'idée de fécondité. La croyance populaire, en pays turc, a jusqu'à nos jours conservé cet héritage. Parmi les bézoards appréciés par les Yakoutes, en Sibérie, celui du loup est considéré comme le plus puissant ; en Anatolie, c'est-à-dire à l'autre extrémité de l'extension géographique des peuples altaïques, on voit encore des femmes stériles invoquer le loup pour avoir des enfants. Au Kamchatka à la fête annuelle d'octobre, on fait une image de loup en foin et on la conserve un an pour que le loup épouse les filles du village ; chez les Samoyèdes on a recueilli une légende qui met en scène une femme qui vit dans une caverne avec un loup (ROUF, 328-329).
Cet aspect chthonien ou infernal du symbole constitue son autre face majeure. Elle semble restée dominante dans le folklore européen, comme en témoigne, par exemple, le conte du Petit Chaperon rouge. On le voit déjà apparaître dans la mythologie gréco-latine : c'est la louve de Mormolycée nourrice de l'Achéron, dont on menace les enfants, exactement comme, de nos jours, on évoque le grand méchant loup (GRID, 303 a) ; c'est le manteau de peau de loup dont se revêt Hadès, maître des Enfers (KRAM, 226) ; les oreilles de loup du dieu de la mort des Étrusques ; c'est aussi, selon Diodore de Sicile, Osiris ressuscitant sous forme de loup pour aider sa femme et son fils à vaincre son frère méchant (ibid.).
C'est aussi une des formes données à Zeus (Lykaios), à qui on immolait en sacrifice des êtres humains, aux temps où régnait la magie agricole, pour mettre un terme aux sécheresses, aux fléaux naturels de toute sorte : Zeus déversait alors la pluie, fertilisait les champs, dirigeait les vents (ELIT, 76).
Dans l'imagerie du Moyen Age européen les sorciers se transforment le plus souvent en loups pour se rendre au sabbat, tandis que les sorcières, dans les mêmes occasions, portent des jarretelles, en peau de loup (GRIA). En Espagne, il est la monture du sorcier. La croyance aux lycanthropes, ou loups-garous, est attestée depuis l'Antiquité en Europe ; Virgile en fait déjà mention. En France, à peine commençait-on à en douter sous Louis XIV (PLAD). C'est une des composantes des croyances européennes, un des aspects sans doute que revêtent les esprits des forêts.
Selon Collin de Plancy, Bodin raconte sans rougir qu'en 1542, on vit un matin cent cinquante loups-garous sur une place de Constantinople.
Ce symbolisme de dévorateur est celui de la gueule*, image initiatique et archétypale, liée au phénomène de l'alternance jour-nuit, mort-vie : la gueule dévore et rejette, elle est initiatrice, prenant, selon la faune de l'endroit, l'apparence de l'animal le plus vorace : ici le loup, là le jaguar*, le crocodile*, etc. La mythologie scandinave présente spécifiquement le loup comme un dévorateur d'astres (DURS, 82), ce qui peut être rapproché du loup dévorateur de la caille*dont parle le Rig-Veda. Si la caille est, comme nous l'avons noté, un symbole de lumière, la gueule du loup est la nuit, la caverne, les enfers, la phase de pralâya cosmique ; la délivrance de la gueule du loup, c'est l'aurore, la lumière initiatique faisant suite à la descente aux enfers, le kalpa (CHRC, DANA, DEVA, GUED, GUES, MALA, MASR, RESE, SOUN).
Fenrir, le loup géant, est un ennemi les plus implacables des dieux. Seule la magie des nains peut arrêter sa course, grâce à un ruban fantastique que nul ne peut rompre ou couper. Dans la mythologie égyptienne, Anubis, le grand psychopompe, est appelé Impou, celui qui a la forme d'un chien sauvage (ibid.) ; on le révère à Cynopolis comme dieu des enfer (voir chacal*).
Cette gueule monstrueuse du loup, dont Marie Bonaparte parle dans son auto-analyse, comme étant associée aux terreurs de son enfance consécutive à la mort de sa mère, n'est pas sans rappeler les contes de Perrault : Grand-Mère, comme tu as de grandes dents ! Il y a donc, observe G; Durand, une convergence très nette entre la morsure des canidés et la crainte du temps destructeur. Kronos apparaît ici avec le visage d'Anubis, du monstre dévorant le temps humain ou s'attaquant même aux astres mesureurs de temps.
Nous avons déjà parlé du sens initiatique de cette symbolique. Ajoutons qu'elle donne au loup comme au chien un rôle de psychopompe.
Un mythe Algonquins le présente comme un frère du démiurge Menebuch, le grand lapin*, régnant à l'Ouest, sur le royaume des morts (MULR, 253). Cette même fonction de psychopompe lui était reconnue en Europe, comme ne témoigne ce chant mortuaire roumain :
Paraîtra encore
Le loup devant toi
...
Prends-le pour ton frère
Car le loup connaît
L’ordre des forêts
...
Il te conduira
Par la route plane
Vers un fils de Roi
Vers le Paradis
(Trésor de la poésie universelle, par R. Caillois et J.-C; Lambert, Paris, 1958)
Notons pour conclure que ce loup infernal, et surtout sa femelle, incarnation du désir sexuel, constituent un obstacle sur la route du pèlerin musulman en marche vers La Mecque, et plus encore sur le chemin de Damas, où elle prend les dimensions de la bête de l'Apocalypse.
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