07/12/2014
La démocratie, sacrée ou laïque ? (3)
Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique : La Russie et les idées politiques du XXIième siècle, Chapitre III La démocratie, sacrée ou laïque ?, pp. 57-62, aux éditions Ars Magna
LA MODERNISATION POLITIQUE : DE LA DÉMOCRATIE A LA TYRANNIE
Dans l'histoire de l'Occident ainsi que dans celle d'un certain nombre d'autres civilisations, la modernisation du système politique est passée par le refus de la démocratie, le plus souvent au bénéfice de l'aristocratie et de la monarchie. Et même si dans ce cas le caractère sacré du pouvoir était conservé, le principe rationnel individuel devenait de plus en plus visible. Les décisions politiques étaient prises le plus souvent par des personnalités ou encore des personnalités distinctes et de ce fait comportaient un caractère de plus en plus rationnel et purement humain. En s'éloignant de la démocratie archaïque, la civilisation fuyait le voisinage des dieux du monde où l'humain et le divin sont indissolublement liés. C'est pourquoi Aristote écrivait que « la démocratie donne naissance à la tyrannie ». La tyrannie remplace la démocratie en tant que forme d'organisation politique plus contemporaine où pour la première fois se manifeste très clairement un individu distinct, dans notre cas le tyran. Dans ce processus, « le divin » s'humanise.
The Fourth Political Theory: beyond left and right but against the center
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La démocratie, sacrée ou laïque ? (2)
Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique: La Russie et les idées politiques du XXIième siècle, Chapitre III La démocratie, sacrée ou laïque ?, pp. 57-62, aux éditions Ars Magna
LA DÉMOCRATIE EST FONDÉE SUR L’INÉGALITÉ
La démocratie ne reconnaît aucunement l'égalité des individus. Elle comporte une limite très stricte qui sépare ceux qui ne le peuvent pas. C'est pourquoi, seuls quelques groupes sociaux déterminés étaient reconnus comme participants aux procédures démocratiques. Leur structure est très différente en fonction des sociétés mais le principe d'acceptation de certains dans le processus démocratique et le principe d'exclusion d'autres groupes de ce même processus apparaît comme une caractéristique fondamentale de tous les types de démocratie. Dans les tribus germaniques guerrières, seuls les guerriers libres te les prêtres avaient le droit de participer au thing mais dans la mesure où presque tous les membres de ces tribus (y compris les prêtres) étaient des guerriers, la démocratie militaire germanique apparaît vraisemblablement comme la plus direct et la plus large. Seuls les esclaves capturés lors des attaques, les femmes, les enfants, et naturellement, les étrangers, en étaient exclus.
Dans les cités grecques, on avait adopté un modèle démocratique. A Athènes par exemple, pour participer à la démocratie, il était nécessaire d'être citoyen de la cité, outre la possession d'une certaine richesse matérielle et l'observation d'un certain modèle moral. Les pauvres, les esclaves et les femmes étaient exclus des procédures démocratiques tandis que les étrangers, même les notables d'autres cités étaient nommés idiotes (« exclu », « non-citoyen »). De là, le terme médical contemporain idiot qui trouve son origine dans le concept politique qui désigne celui qui était strictement écarté de la participation à la démocratie.
Dans tous les types de démocratie le choix de ses membres de plein droit était censé garantir la possibilité pour l'esprit des dieux d'intervenir sans obstacles dans le destin de la société.
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La démocratie, sacrée ou laïque ? (Alexandre Douguine)
Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique: La Russie et les idées politiques du XXIième siècle », Chapitre III La démocratie, sacrée ou laïque ?, pp. 57-62, aux éditions Ars Magna
Il existe concernant la démocratie de nombreux mythes erronés. La plupart des gens considèrent qu'elle constitue la forme d'organisation politique le plus contemporaine, la plus développée, la plus civilisé et qu'elle est fondée sur le principe de l'égalité politique de tous les individus appartenant à une société donnée. Tout ceci apparaît, et c'est peu dire, infondé.
LA DÉMOCRATIE EN TANT QUE PHÉNOMÈNE ARCHAÏQUE : L'EXTASE COLLECTIVE
La démocratie constitue la forme d'organisation politique la plus ancienne, la plus archaïque, la plus primitive et, si l'on veut, la plus barbare. Les sociétés antiques que l'on rencontre au cours de l'histoire étaient organisées précisément selon le principe de la démocratie. Les décisions fondamentales concernant le destin de la tribu et même de groupes ethniques entiers étaient toujours prises de façon collective en se fondant sur l'avis général des membres de plein droit de la société. Les anciens du clan, les guerriers, les prêtres, les maîtres du feu (les propriétaires de foyers) constituaient un véritable parlement pour les peuples anciens. Chez les Germains il s'appelait thing, chez les slaves, viétchié, et même l'expression romaine res publica porte en elle l'écho des antiques assemblées des tribus latines qui abordaient les « choses » fondamentales pour la vie de la communauté. (En latin res signifie « chose », ce qui est proche par le sens du russe viétchié, et également de l'allemand thing ou Ding, signifiant également chose en allemand).
Le principe de prise de décisions collectives constitue le fondement de la démocratie, ce faisant la procédure doit prendre un spectre de représentants de la société aussi large que possible. Et ce principe apparaît précisément comme une constituante essentielle des sociétés archaïques dans lesquelles l'individu ne s'était pas encore constitué en unité indépendante et dans lesquelles le rôle historique principal appartient à l'esprit du groupe ethnique, le plus souvent compris comme un totem, comme un esprit, ou encore comme une divinité ethnique. Les procédures démocratiques ont été introduites précisément pour permettre à cette instance supra-individuelle de s'impliquer directement dans le destin du groupe. Et on attendait de l'assemblée qu'elle prenne une décision qu'aucun des participants n'aurait pu prendre de façon individuelle. Cette décision était considérée comme celle de l'instance transcendante se manifestant à travers l'assemblée. C'est pourquoi, toutes les assemblées débutaient par des rituels au cours desquels on invoquait les dieux et les esprits. Et en effet, ils prenaient les décisions, agissant à travers les individus. C'est là tout le sens du proverbe romain vox populi vox dei, « voix du peuple, vois de Dieu ».
La démocratie a donc pour fondement une mystique de l'extase collective archaïque au cours de laquelle la communauté « sort » d'elle-même et va à la rencontre de l'esprit collectif, (à la rencontre de Dieu) qui, au contraire, « vient » à elle."
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