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02/07/2015

RENCONTRES EURASISTES II

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« Si tu n'existes pas, comment veux-tu mener quelque guerre que ce soit ? Il n'est qu'une seule guerre. Depuis la Défaite, jamais le soleil ne s'est plus levé. Plus une seule fois. Ne crois pas qu'il soit simple de faire la guerre. Ni la guerre, ni l'ennemi, ni le faux ami ne suffisent à mener, à déclarer, à combattre une guerre. Ne crois pas non plus qu'il soit si simple que le soleil se lève. Fais que le soleil se lève. Alors seulement, la guerre reprendra. Alors seulement, tu seras invité à danser la danse de la guerre. » Olivier Mathieu, Châteaux de sable, p. 250, aux Éditions des Aprems

05/05/2015

Les prétoriens politiques ou le prix humain de la puissance militante (Jean Thiriart)

 

Source : Voxnr

 

La société ploutodémocratique axée sur les vertus de loisir (facilité) et non sur celles de combat (effort, risque, engagement) fait étalage de toute une série de qualités qu’elle ne possède pas en réalité. La plupart des résistants sont faux, les anciens combattants également, et de l’autre côté il en est de même avec les « héros du Front de l’Est ». Tout cela est en contreplaqué, c’est en fait un demi-millimètre de chêne sur trente millimètres de sapin bon marché.



La puissance de corruption d’une société de loisir est extrême, elle atteint même la vie militante des partis révolutionnaires qui, par définition, se disent en dehors de la collectivité abatardie.



Beaucoup de révolutionnaires sont en contreplaqué. Il existe donc des faux militants comme il existe des faux résistants. Dans la vie civile, il existe tout un rituel de la virilité fausse : les bandes « rallye » dessinées sur les voitures, les tuyaux d’échappement bruyants, les blousons de cuir, les moustaches style « affreux du Katanga ». Enlevez ces ornements et il ne reste que des employés médiocres, des hommes fort incolores, des héros de bistrot.



Dans la vie politique, du moins dans les partis réputés « durs » il en va de même. Les militants en contreplaqué de l’extrême-gauche portent ostensiblement des tenues maoïstes, se taillent des barbes à la Castro, sont crasseux intentionnellement.



Les pseudos militants de l’extrème-droite ont aussi un rituel, les soirées de brasserie, les disques allemands, les Croix de fer achetées au marché aux puces, les casquettes Bigeard. Ceci pour les simples. Pour les intellectuels, la virilité consiste à se ballader avec les poèmes écrits à Fresnes par Brasillach. Je tiens à vous signaler en passant que ma sympathie humaien va à Brasillach et pas à ses bourreaux. Mais les gamins qui quarante ans plus tard jouent aux durs en bouquinant les auteurs fusillés sont, sur le plan révolutionnaire, des imposteurs.



Ainsi donc la technique du contreplaqué atteint même les milieux révolutionnaires para-professionnels.



Secte politique et secte juvénile



Plus loin, je ferai une description de la secte politique et des sources de sa puissance. Ici nous traiterons de la secte juvénile.



L’adolescent doit passer un cap psychologique au cours duquel il est obligé de s’affirmer pour entrer dans le monde des adultes. Dans les société primitives (Afrique et Amazonie par exemple) ce passage est l’objet d’un rituel précis, immuable, formel, indiscutable. Après avoir subi les épreuves (généralement épreuves de courage et/ou mutilations légères), l’adolescent est fait homme. Une fois cela exécuté, son caractère d’adulte n’est plus contesté. Les sociétés primitives sont mieux organisées que les nôtres, sur ce plan précis. Plus tard, dans l’antiquité grecque, par exemple, les rites d’adolescence étaient également bien précisés, bien ritualisés de la façon la plus officielle.



Aujourd’hui, tout cela est laissé à l’initiative personnelle. Les société ploutodémocratiques ne se préoccupent pas de ces importants problèmes. Aussi les adolescents créent eux-mêmes les rites : le baptême étudiant, la pornographie verbale, l’alcoolisme des jeunes, et - c’est ici que notre intérêt s’éveille - l’appartenance à une secte « dure ».



Les phénomènes néo-nazis de l’après-guerre sont étonnament fréquents chez les très jeunes. Il ne s’agit pas ici d’une option philosophique, mais de la captation d’un rituel magique. Tout un merveilleux effrayant s’attache aux souvenirs de la SS et du NSDAP. Ainsi certains jeunes qui traversent l’obligatoire crise d’affirmation vers leur statut d’adulte, créent-ils fréquemment des sectes juvéniles.



La machine de la propagande scientifique américano-sioniste présente ces sectes juvéniles comme des sectes politiques. Cette exploitation est très payante pour les sionistes, pour les milieux fanatiques juifs d’extrème-gauche. C’est la perpétuation du « danger fasciste » mythe justificatif de leur propre action. C’est le prétexte à réclamer quelques centaines de millions de marks de plus à l’Allemagne fédérale. Tous les petits cercles dits d’étudiants « nationalistes » relèvent également de ces sectes juvéniles. C’est pour cela que la population de ces groupes est extrêmement renouvelée. Le jeune y reste en général au maximum un ou deux ans, le temps de faire sa crise. Une fois qu’il a passé le cap, qu’il s’estime adulte, il quitte la secte juvénile et s’intègre très bien dans la société adulte et bourgeoise.



Il arrive qu’on rencontre à la tête de ces sectes quelques rares hommes âgés qui ne les manipulant pas dans le but politique de les utiliser. Mais pour soigner leurs propres problèmes psychiques. L’impuissance sexuelle due à l’âge ou au vice est chez certains quadragénaires ou quinquagénaires surcompensée par des campagnes de presse racistes à caractère sexuel (l’obsession du noir qui a des relations avec une blanche). Ici encore on prend pour action politique, ce qui est un cas qui relève du sexologue ou du psychanalyste.


Il faut donc se garder de confondre la secte juvénile avec une secte politique. La première se caractérise par son indiscipline interne - l’adolescent doit s’affirmer et il estime naïvement que l’indiscipline est une marque de maturité, - et par l’absence d’idéologie politique nouvelle et originale.



La secte juvénile est chahuteuse, sans hiérarchie fonctionnelle et cherche ses éléments magiques dans un passé réputé prestigieux. Elle se fait et de défait constamment, ses membres sont des passagers éphémères.



Source de puissance des sectes politiques



La société au sein de laquelle nous vivons, est politiquement toute relâchée, toute débile du fait de ses préoccupations économistes.



C’est une société sans tension politique. L’énergie étant consacrée à la course aux moyens qui procurent les plaisirs. L’énergie est canalisée vers le make monney. C’est une société de jouissance. Aussi les jeunes préfèrent la voiture de sport au service militaire et les adultes le prestige de « l’avoir plus » à celui de « l’être plus ». C’est la société ploutodémocratique. L’histoire nous a fait connaître autrefois d’autres formes de société militaires ou théocratiques entre autres. Cette société ploutodémocratique est extrêmement vulnérable à l’action de minorités politiques déterminées et organisées.



Elle ne croit pas au pouvoir pur ; elle croit tout pouvoir résoudre par l’argent et tout corriger par la technocratie perfectionnée. Elle se trompe, et si en temps de paix, de telles sociétés sont stabilisées par une sorte d’enlisement général dans les plaisirs, il n’en ira plus de même à l’occasion d’une guerre ou d’une crise grave.



La société bourgeoise ploutodémocratique est donc disponible, passive à l’action politique extérieure faisant irruption avec un groupe organisé de réformateurs déterminés. Ne pas confondre réformateurs et réformistes.



C’est le rapport du couteau de boucher et de la baleine. Avec un petit couteau bien aiguisé, et bien manié par l’écarisseur, un homme peut dépecer une baleine de cinq tonnes.



La source de puissance « du couteau », c’est-à-dire de la secte politique réside dans l’accumulation et l’intensité des vertus qui font précisément défaut à la société bourgeoise débile.


Une de ces vertus est la loyauté. C’est la première condition à la puissance de la secte. Les sectes politiques puisent leurs forces dans la pratique de l’honnêteté interne absolue. Le mensonge, le calcul personnel, la restriction mentale qui affaiblissent tant la société ordinaire ou les vulgaires partis parlementaires ne sont pas de mise dans la secte. La secte tire sa force d’une vertu réelle, d’une vertu pratiquée. Elle a deux morales : une pour la vie intérieure, une autre vis-à-vis du monde extérieur. Ainsi donc les vertus de pureté, de droiture, de loyauté, qui font tant sourire les bourgeois au point qu’ils les nomment « morale de boy-scout » sont précisément la source de la puissance de la secte politique.



Où la société est divisée, la secte est intégrée ; où la société refuse la force, la secte la glorifie ; où la société prône le plaisir, la secte glorifie le sacrifice.



La société ploutodémocratique n’a pas l’usage des cadets ambitieux, des cadets impatients, des énergies trop vives, des dévouements trop grands.



Il existe dans chaque génération une proportion infime mais régulière d’homme qui ont besoin d’une conduite héroïque devant la vie. Il fournissent les soldats qui firent l’Empire des Indes, ils fournissent les père Damien, ils fournissent les Schweitzer. C’est la race des hommes exigeants qui ne peuvent être satisfaits du style veule, hypocrite, débile de la société bourgeoise. Ces hommes deviennent soit des mystiques, soit des révolutionnaires. Le communisme, grâce à sa mythologie de justice et de libération en recueillait un gros contingent. Le communisme a pu le faire car il était seul depuis 1945 à proposer des règles de vie et des buts héroïques (héroïques avec ou sans guillemets). Par opposition à la société bourgeoise libérale, le communisme faisait figure de dame de grande vertu. Aujourd’hui, les PC occidentaux se sont intégrés au système.



Notre irruption sur la scène politique européenne est faite pour inquiéter. Car nous possédons quant à nous un mythe (dans sa sémantique politique j’entends par mythe un but noble, lointain, difficile) puissant : l’Europe puissante, unitaire et communautaire.



Cette génération d’hommes disponibles pour l’héroïsme est, comme je l’écrivais plus haut, abandonnée par le Régime, inutilisée. Le régime s’en méfie. La source de puissance des sectes politiques réside dans l’encadrement de ces hommes disponibles possédant des qualités combatives, des qualités de sacrifice.



Pour éviter d’être contaminée par les faiblesses de la société bourgeoise, la secte doit s’isoler totalement d’elle. La secte doit avoir ses morales propres, dont une très stricte pour l’image intérieur, et d’autres très opportunistes pour miner la grande société. Elle doit avoir son organisation interne vivant en circuit fermé, complet. En style imagé, je dirai que tel l’œuf pondu par certains insectes dans le corps d’un animal d’une autre espèce, œuf qui donnera naissance à une larve qui rongera l’animal-support inexorablement, la secte politique déterminée doit elle aussi être un organisme complet inséré dans un autre organisme. La secte sera intransigeante et évitera les compromissions avec la société, faute de quoi elle s’y dissoudrait et paradoxalement irait renforcer, raviver, l’organisme qu’elle voulait tuer.



Enfin, la secte sera extrêmement complicitée, j’entends par là que sa solidarité interne totale dominera toutes autres préoccupations. C’est la solidarité poussée jusqu'à la complicité. En définitive la densité des comportements héroïques multipliée par une totale complicité crée la secte capable de s’emparer d’une société détendue, veule, apathique. C’est le parti révolutionnaire.



D’une part, il y a une immense société en pleine digestion de plaisirs, prête à toutes les concessions de nature à prolonger cette digestion, et de l’autre la secte déterminée, exigeante.



D’une part des hommes qui ne veulent surtout pas renoncer au moindre de leurs plaisirs, et qui à fortiori ne sont pas disposés à mourir le cas échéant pour défendre ceux-ci, d’autre part des hommes décidés à chercher leur puissance dans le renoncement à toute une série de plaisirs communs, et qui le cas échéant, jetteraient le poids de leur vie dans la balance de l’affrontement.



Il arrive inévitablement que des hommes insuffisamment intégré tentent de dominer la secte, ne se contentant pas de s’y fondre. Bientôt rejetés, ils partent dans ce que la politique désigne du nom de dissidence et l’Eglise du nom d’hérésie. Plus ou moins rapidement ces branches coupées du tronc dépérissent puis disparaissent.


L’explication du phénomène est simple. La secte possède une sorte d’aura qui lui donne des pouvoirs particuliers sur le plan psychologique. Cette aura est insécable. Celui qui quitte la secte emmène parfois avec lui telle ou telle fraction de l’effectif matériel de celle-ci, jamais il ne peut emporter une parcelle de cette aura. Ainsi le dissident, l’exclu, l’ostracisé, le banni, ne disposent jamais de l’élément para-magique qui fait la force de la secte. Que ce soit Trotzky ou Doriot, ils sont malgré leur brillant, restés des exclus et ils ont été enterrés loin de la Terre sainte.



Le prix humain de la puissance militante



Certains hommes peuvent disposer d’un pouvoir, non pas surnaturel car un tel propos nous ferait sourire à juste titres, mais d’un pouvoir supra-naturel, j’entends pas là au-dessus de la moyenne.



L’homme peut dépenser, orienter son énergie vers telle ou telle activité physique ou intellectuelle. C’est le phénomène bien connu du fakirisme élémentaire : on peut dominer la douleur physique à la suite d’un entraînement approprié. Sur le plan intellectuel, on peut également obtenir des résultats supra-naturels. La polarisation de l’énergie vitale, de la volonté, peut donner des pouvoirs, des résistances. Dans la vie courante, à un niveau plus trivial, l’athlète peut obtenir des résultats inaccessibles au commun des bourgeois. Mais au prix d’une discipline spéciale : aliments interdits, distractions interdites, entraînement quotidien. Dans chaque cas précis où il y a accroissement de capacité, il y a eu un prix à payer.



Le surcroît de puissance dans un domaine a été payé par des renoncements dans d’autres.



En aucun cas le surcroît de puissance physique, psychique, intellectuelle n’est venu s’ajouter à la vie ordinaire, banale, triviale.



Dans tous les cas, le surcroît de puissance a été acquis au prix d’amputations sur la vie banale, sur la vie commune. Il en va de même dans le secteur du militantisme révolutionnaire. Il est tant demandé à un militant qu’il lui est matériellement impossible de concilier la « vie amusante » avec la vie militante. La vie militante est inconciliable avec la vie normale. La première se développera au prix de la seconde.



Il existe donc une certaine ascèse politique. C’est ce qui fait croire, à tort, à beaucoup, que les chefs politiques de ces sectes sont des puritains. D’abord, il y a un monde entre l’ascèse et le puritanisme. Ensuite, cette ascèse est non un but en soi mais le moyen d’acquérir la concentration de volonté indispensable à la possession de ces pouvoirs supra-naturels dont je vous parlais plus haut. La vie politique militante, ne permet pas le style de la salle de spectacle permanent où il est possible d’entrer et de sortir à n’importe quel moment. Une révolution vécue et organisée par une minorité déterminée d’ascètes implacables ou de « monstres froids » exige sur le plan chronologique, la durée d’une vie entière.



Le grand public ignore toujours la très longue phase d’incubation car cette phase lui est invisible. Seules les polices politiques voient croître les sectes politiques en période d’incubation. Par exemple, la vocation politico-historique de Lénine était inscrite dans la pendaison de son frère en 1887, soit trente ans avant la Révolution d’Octobre.



Il arrivera dans la vie militante, qu’un homme soit exclu, chassé de la secte. A l’instant même il perd ses amis d’hier. Non seulement le parti révolutionnaire le chasse avec mépris mais encore ses camarades de combat le rejettent instantanément. C’est là un des tests qui permettent de mesurer l’intensité d’une secte. Si elle est faible, l’exclu conservera des liens privés d’amitié en son sein. Si elle est forte, l’exclu le sera deux fois : une fois par la secte et une autre fois par chaque ami en particulier. Rejeté par la secte, il est simultanément et instantanément rejeté par les militants de celle-ci. Dans le militantisme, il n’y a pas de place pour une amitié qui serait en contradiction avec les décisions et attitudes de la secte. Cette contradiction n’est possible que dans les milieux bourgeois où il est possible de « conserver une amitié personnelle » à un exclu, à un ostracisé. Chez les révolutionnaires, le parti est cent fois plus important que l’amitié.



Une des dernières épreuves qui attendent le militant dans son noviciat, c’est l’humilité révolutionnaire qui l’amène, à la différence du monde bourgeois, à s’abstenir de toujours « donner son avis » (acte fréquemment stérile en lui-même, par ailleurs) et à s’obliger à exécuter des ordres qui coûtent cher à son amour-propre formé par son ancienne éducation.



Mais cette humilité est largement payée par la fierté d’appartenir à un groupe élu, élitique.



Enfin, pour terminer, le militant dans son noviciat découvre que la secte est une société égalitaire : en y entrant, il doit accepter que la secte se moque de tous les grades et honneurs acquis ailleurs, dans la vie bourgeoise. La secte ne reconnaît que ses propres références honorifiques, que ses propres références hiérarchiques.



Ainsi donc, le prix humain de la puissance militante est élevé, très cher, ce n’est pas à la porté de tous, nous dirons même que c’est à la portée de très peu d’hommes.



Le militant est une sorte de moine politique, comme autrefois les premiers Templiers furent des moines-soldats. Celui qui peut et qui veut payer le prix humain demandé connaîtra alors des sensations exaltantes, celles de participer à la conquête d’un pouvoir.



La conquête des autres passe obligatoirement et d’abord par la conquête de soi-même. Celui qui se sera dominé lui-même dominera les autres. C’est le premier exercice qui est, de très loin, le plus difficile, le plus âpre : il est la clef de la puissance.

 

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29/04/2015

Juifs contre Juifs (Alexandre Douguine)

 

Alexandre Douguine, Le prophète de l'eurasisme, Partie II Judaïca, Sur la route de l'Eurasie, Deux exemples, pp.  86-89, Avatar éditions ; Collection Heartland

 

A présent, en projetant le schéma découvert sur l'histoire soviétique, nous y découvrirons aussi le rôle des Juifs.

 

Dans son ensemble, le judaïsme à la veille de la révolution était uni dans son opposition au régime existant. Cela concernait les deux secteurs. Les Juifs orientalistes étaient opposés au capitalisme et conservatisme religieux, à l'aliénation et au formalisme dans le domaine de la culture, ils désiraient ardemment un changement révolutionnaire et l'avènement de l'éternité magique du royaume messianique. Les Juifs occidentalistes n'acceptent pas le tsarisme pour des raisons très diverses, incluant son régime arriéré, insuffisamment capitaliste, civilisé et humaniste, appelé à se perfectionner jusqu'au niveau de la civilisation occidentale. Tout le judaïsme dans son ensemble était solidaire quant à la nécessité de renverser la dynastie et de faire la révolution. Pour cela ils avaient des alliés à la fois parmi les nationalistes de la périphérie russes, rêvant de détruire la  « prison des peuples », et parmi les « nationalistes de gauche » russes, percevant le régime des Romanov de Saint-Pétersbourg comme une parodie anti-nationale, anti-patriotique, anti-spirituelle, de l'authentique Russie sacrée. En outre, pas mal d' « occidentalistes » parmi la noblesse et la classe marchande russe complotaient activement en faveur du capitalisme russe contemporain, gâtant les dernières Cerisaie d'une aristocratie irrémédiablement dégénérée.

 

L'action globale de toutes ces forces, dés qu'une situation favorable approcha, accomplit la révolution de Février. Mais immédiatement après, les contradictions non résolues à l'intérieur du camp des vainqueurs surgirent. Après le renversement du régime impérial, une seconde ligne de fracture 'interne cette fois-ci) apparut en pleine lumière, et cela prédétermina tous les évènements ultérieurs. Après la révolution de Février, au premier plan il y eut une opposition entre forces révolutionnaires et réformatrices, qui dissimula une opposition entre orientalistes de gauche et occidentalistes de gauche, entre eurasistes et européistes. Ce dualisme fondamental des types apparut aussi très clairement dans le milieu juif lui-même.

 

Le pôle bolchevik avait rassemblé les représentants de l' « orientalisme juif », le type hassidique-kabbaliste, les juifs-communistes, les juifs-socialistes - ceux qui à la fin du XVIIIème siècle voulaient « vivre du travail de leur bras ». Ce judaïsme du travail, eschatologique, universaliste, généralement russophile, se solidarisa avec le courant russe national-bolchevik des « impérialistes de gauche», qui voyaient dans la révolution d'Octobre non pas la fin du rêve national, mais son commencement, une nouvelle aube rouge, la seconde venue de la Rus', la Kilezh secrète des starobriadetsi, perdue dans le triste bicentenaire de la parodie profane du synode de Saint-Pétersbourg. Petit à petit le bolchévisme avait absorbé non seulement les marxistes orthodoxes, mais aussi un grand nombre de socialistes-révolutionnaires, en particulier les socialistes-révolutionnaires de gauche, qui peuvent être définis comme les homologues russes des nationaux-révolutionnaires. En un mot, pour le vaste milieu juif organique, l'organisation juive à l'intérieur des rangs des bolchéviks représente l'aboutissement logique et triomphal de son voyage historique, dont les racine se trouvent dans les anciens conflit religieux du sombre Moyen-Age.

 

Comme ennemis de cette communauté eschatologique des « juifs orientalistes», il y avait tous les capitalistes du monde, en en particulier le bourgeois juif, séculier, incarnation empirique (selon l'expression de Marx) des anciens rabbinistes. D'où, là aussi, l' « antisémitisme» bolchévik paradoxal, pas d'étranger non plus à de nombreux juifs communistes. Dans son ouvrage, Agursky mentionne un cas très intèressant, dans lequel le juif Vladimir Tan-Borgoraz intercède en faveur d'un bolchévik russe qui s'était permis une grossière tirade antisémite, et non seulement intercède, mais le justifie pleinement. Comme cela ressemble à l'histoire précitée des zoharites ! A ce propos, nous découvrons aussi quelque chose de similaire dans d'autres milieux. Ainsi, par exemple, le célèbre fondateur de la loge bavaroise Thulé qui prépara la naissance du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (NSDAP), le baron von Sebottendorf, fut à l'époque initié à la « maçonnerie égyptienne» en Turquie par un couple de juifs sabbataïstes et reçut d'eux les bases de la science ésotérique. Mais ainsi, il se distinguait de l’antisémitisme manifeste (pour ne pas parler des nazis ordinaires). Une trace juive (en particulier sabbataïste) peut être trouvée dans nombre d'autres organisations fortement nationalistes et parfois ouvertement racistes ou antisémites - aussi bien européennes (maçonniques) qu'orientales (les jeunes Turcs).

 

D'autre part, l'antisémitisme pouvait aussi être dirigé dans le sens opposé, et dans ce cas ses porteurs pouvaient très bien être soit des Juifs, soit des politiciens dirigés contre eux. Ainsi, par exemple,on connaît bien les expressions antisémites de Churchill, qui, se référant à l'origine juive de la majorité des dirigeants bolchéviks, parlait du  « péril juif, menaçant la civilisation à partir de l'Orient ». Ainsi, durant sa carrière politique, Lord Churchill s'appuya sur les milieux sionistes de droite en Grande-Bretagne et aux États-Unis, comme le démontre de façon convaincante Douglas Reed. Donc, tout comme il existe un judaïsme de « droite» et un judaïsme « gauche», il existe aussi un antisémitisme de « droite» et un judaïsme « gauche». Donc dans cette question aussi nous arrivons à une approche plus complexe.

 

De Février à Octobre survint un tournant pour les deux moitiés du monde juif, et à partir d'un certain moment cette opposition acquit ses formes les plus aiguës. Dans les cas extrêmes, les représentants des deux camps eurent recours dans leur polémique à des argumentations pas différente du discours vulgaire et brutal des antisémites. Mais ce n'est pas tout, A l'apogée de la confrontation, le choc acquit une nature de guerre de destruction physique, comme nous le voyons dans l'histoire des purges staliniennes dans les rangs du gouvernement soviétique. (précédent, Deux exemples)

 

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