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07/12/2014

Le Projet "Empire" I (Alexandre Douguine)

 

Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique - La Russie et les idées politiques du XXIème siècle, Chapitre X Le projet "Empire", L'empire sans Empereur ; L'empire comme instrument Optimal de création de la société civile, pp. 209-210, aux éditions Ars Magna

 

L'empire sans Empereur

 

Il existe une opinion couramment répandue selon laquelle le concept d'empire présuppose obligatoirement la présence d'un empereur. Cependant, une analyse objective de ce phénomène montre que l'histoire connaît nombre d'empires sans empereur. Certains étaient dirigés par un cercle réduit, choisi au sein de l’aristocratie. D'autres, par un parlement ou un Sénat. Par conséquent, la présence d'un pouvoir monarchique unipersonnel, celui de l'empereur, ne constitue pas une condition indispensable à l'existence de l'empire. De plus, il a existé nombre D’états monarchiques, despotiques, tyranniques, ou encore dictatoriaux dans lesquels le roi ou le chef autoritaire possédait un pouvoir absolu mais qui ne se nommaient pas empire et n'offraient rien de commun avec lui. De cette façon, nous pouvons pleinement examiner le concept d'empire indépendamment de celui d’empereur.

 

L'empire comme instrument Optimal de création de la société civile

 

Une autre opinion erronée considère l'empire comme un phénomène extraordinairement archaïque, vidé de son sens par la civilisation contemporaine, dés l'aube des Temps modernes. Cette affirmation paraît également éloignée de la réalité. Au contraire, les empires, tant anciens que contemporains, constituent une forme d'organisation politique qui, par ses paramètres technologiques, idéologiques, sociaux, économiques, ainsi que par son mode de gouvernance, dépassait de loin les sociétés qui préexistaient à l'apparition de ces empires.

 

L'empire signifiait presque toujours la modernisation des peuples, des sociétés et des États inclus dans les frontières de l'empire. Des formes sociales et juridiques communes se mettaient en place sur d'immenses espaces, des communautés ethniques particulières se voyaient unifiées et ouvertes à un dialogue intensif avec toutes les autres, l'empire facilitait le développement technique, le commerce, ainsi que les autres formes d'échanges culturels, créait les prémices au développement de la société civile.

 

En particulier, l'Empire romain après l'édit de l’empereur Caracalla a reconnu le droit à la citoyenneté romaine de tous les hommes libres qui se trouvaient à cette époque sous l'autorité de Rome, bien qu'auparavant le droit à la citoyenneté ne fût accessible qu'à certains citoyens méritants des élites locales. Ainsi, l'apôtre Paul, dans la vie civile notable juif du nom de Saül, possédait la citoyenneté romaine bien avant l'édit de Caracalla.

 

Les Etas-Nations européens contemporains, bien qu'ils aient été construits sur la négation de l'empire, ont complètement copié ce système de citoyenneté, précisément à partir du modèle impérial. Il n'est pas étonnant que l'on retrouve dans leurs fondements à l'époque actuelle, le droit romain qui reflétait la logique juridique d'apparition de l'empire.

 

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 The Fourth Political Theory: beyond left and right but against the center

La démocratie, sacrée ou laïque ? (4)

 

Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique : La Russie et les idées politiques du XXIième siècle, Chapitre III La démocratie, sacrée ou laïque ?, pp. 57-62, aux éditions Ars Magna

 

LE PARADOXE DE LA RENAISSANCE : «  EN AVANT VERS L'ANCIEN »

 

Comment dans ses conditions comprendre le fait qu'à l'Époque moderne, l'époque des Lumières et du progrès, l'Europe se soit tournée précisément vers la démocratie dont les traces s'étaient perdues dans les sociétés occidentales plus de deux mille ans auparavant ? En effet, entre l'antique démocratie athénienne et les républiques parlementaires européennes contemporaines, de longs siècles d'histoire de l'Occident avaient été marqués par des systèmes politiques monarchies et aristocratiques. La réponse trouve son origine dans l'époque de la Renaissance.

 

Cette période porte la responsabilité de nombreux paradoxes qui se sont manifestés seulement beaucoup plus tard. A l'époque de la Renaissance le génie européen a décidé de rejeter les normes rationnelles de la scolastique et de libérer la dimension humaine. Habituellement, ce fait est considéré comme un pas en avant. Bien peu prêtent attention au fait que les acteurs de la Renaissance eux-mêmes avaient justement pris comme modèle l'homme antique de Platon et avaient rejeté les dogmes du catholicisme non pas pour une scientificité laïque qui n'existait pas encore, mais pour des enseignements magiques, alchimiques, pour le mythique et le mystique. En d'autres termes, ils appelaient à une pratique archaïque, à une pratique extatique du ressenti de la sacralité totale du monde. Tant Marcel Ficin, que Giordano Bruno, ou encore Michel-Ange étaient des adeptes convaincus du platonisme, de la Grèce antique, des chercheurs des mystères égyptiens, et des connaisseurs de la kabbale. Leur intérêt pour la démocratie en Europe vient de cet héritage. La démocratie politique a été retrouvée en même temps que Plotin et Hermés Trismégiste, en même temps que la pierre philosophale et que les dieux qui, semble-t-il, avaient depuis longtemps quitté le monde.

 

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The Fourth Political Theory: beyond left and right but against the center

La démocratie, sacrée ou laïque ? (3)

 

Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique : La Russie et les idées politiques du XXIième siècle, Chapitre III La démocratie, sacrée ou laïque ?, pp. 57-62, aux éditions Ars Magna

 

LA MODERNISATION POLITIQUE : DE LA DÉMOCRATIE A LA TYRANNIE

 

Dans l'histoire de l'Occident ainsi que dans celle d'un certain nombre d'autres civilisations, la modernisation du système politique est passée par le refus de la démocratie, le plus souvent au bénéfice de l'aristocratie et de la monarchie. Et même si dans ce cas le caractère sacré du pouvoir était conservé, le principe rationnel individuel devenait de plus en plus visible. Les décisions politiques étaient prises le plus souvent par des personnalités ou encore des personnalités distinctes et de ce fait comportaient un caractère de plus en plus rationnel et purement humain. En s'éloignant de la démocratie archaïque, la civilisation fuyait le voisinage des dieux du monde où l'humain et le divin sont indissolublement liés. C'est pourquoi Aristote écrivait que « la démocratie donne naissance à la tyrannie ». La tyrannie remplace la démocratie en tant que forme d'organisation politique plus contemporaine où pour la première fois se manifeste très clairement un individu distinct, dans notre cas le tyran. Dans ce processus, « le divin » s'humanise.

 

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The Fourth Political Theory: beyond left and right but against the center