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07/12/2014

Le Projet "Empire" VII (Alexandre Douguine)

 

Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique - La Russie et les idées politiques du XXIème siècle, Chapitre X Le projet "Empire", L'Union Européenne : L'Empire hésitant, pp. 218-219, aux éditions Ars Magna

 

La voie européenne constitue un autre empire, bien moins défini et plus souple. L'Europe unie possède deux identités géopolitiques : d'un côté elle apparait comme la zone frontière de l'empire américain, servant ainsi de lieu de déploiement de bases militaires américaines, tandis que l'autre, elle est aussi l'embryon d'une formation géopolitique alternative, avec son propre système de valeurs et de priorités qui peuvent tout à fait se distinguer de leurs équivalents américains (quelquefois sensiblement). Voilà pourquoi, il convient de parler non pas d'une Europe mais de deux qui se superposent.

 

On distingue l'Europe atlantiste et l'Europe continentale. L'Europe continentale, également nommée la "vieille Europe", dont la France et l'Allemagne, rappelons-le, constituent le noyau (vers lequel tendent également l'Italie et l'Espagne), représente un projet d'empire indépendant non encore réalisé. Cet empire existant à l'état d'esquisse s'est manifesté lors de l'invasion américaine en Irak lorsqu'un axe Paris-Berlin-Moscou a failli voir le jour en qualité d'embryon de formation politique à part entière, appelée à empêcher l'avènement du monde unipolaire américain.

 

Récemment encore, par ses efforts, l'Europe continentale a ralenti l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN. Trop dépendante des États-Unis du point de vue stratégique et partageant avec les Américains la plupart de ses valeurs (la démocratie, le libéralisme, le marché, les droits de l'homme ainsi que le développement technologique), l'Europe ne parvient pas à se décider à affirmer pleinement ses projets impériaux. On ne peut que les deviner. En outre, l'autre Europe, atlantiste, à laquelle servent de points d'appui le Royaume-Uni et les pays de la "nouvelle Europe", proaméricains, dénués de conscience européenne et entièrement dépendants des États-Unis, s'efforcent de contrarier les plans de l'Empire européen (essentiellement franco-allemand) en maintenant l'Union européenne sous contrôle américain direct.

 

Cette dualité de l'Europe s'exprime sur tous les plans. Ainsi, il apparaît impossible de choissir entre ces deux projets impériaux, le projet américain conformiste et celui, alternatif (révolutionnaire si l'on veut), de l'Europe continentale. Cependant, il convient de prendre en compte le fait que la majorité des Européens a clairement conscience du fait que ces deux ensembles ne peuvent être concurrents, sans même évoquer leur dépendance stratégique, que dans le format de l'Union européenne et en aucun cas en tant qu’États-nations. En d'autres termes, le fait que l'Europe soit contrainte d'évoluer vers des formes d'organisation impériale constitue une question réglée depuis longtemps. Pris isolément, même les plus grands pays de la vieille Europe apparaissent incapables d'affirmer leurs intérêts nationaux. Ainsi, indépendamment du fait de savoir si l'Europe deviendra un jour un empire à part entière ou demeurera la périphérie de l'atlantisme, elle semble condamnée à l'intégration.

 

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The Fourth Political Theory: beyond left and right but against the center

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