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16/02/2023

Le retour du Roi, nécessaire pour l’Europe de demain

 

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crédit photo : Emmanuel Berthier

 

Comment un eurasiste, et plus généralement un authentique citoyen désireux de réfléchir comme de défendre le bien commun, peut-il envisager de rendre l’Europe à ses traditions continentales, tout en négligeant de rendre à son propre pays les siennes ?

 

Si la nécessité d’abattre la funeste Union Européenne tout comme celle d’unifier l’Europe ne pose plus question, il serait néanmoins, et c’est là notre conviction profonde, plus que temps que chaque Nation se réconcilie avec sa propre tradition historique, et en particulier la France.

 

Nous ne soutenons ici rien de moins que la nécessité de rétablir un monarque sur le trône de France. En lieu et place de la République qui aujourd’hui fait encore semblant de gouverner nos destinées.

 

Notre propos ici se veut l’ébauche d’une réflexion plus vaste, et n’est pas une réflexion d’intellectuel déphasé des préoccupations réelles de ses compatriotes, mais au contraire le défenseur de leur intérêt profond, et même de leur volonté réelle.

 

Les Français, dans une large majorité, sont restés profondément monarchistes, au fond de leur âme, dans leur conscience profonde. Leurs colères et leurs haines se dressent bien davantage contre les abus du pouvoir en place que contre des systèmes ou des institutions à proprement parler. La seule institution parvenue à une certaine stabilité politique fut la Ve République, justement considérée comme une « monarchie présidentielle » par de nombreux spécialistes en droit constitutionnel. Nous voyons aussi, de façon plus indirecte, dans le succès d’audience que constituent en France les mariages de familles royales comme celle du Royaume-Uni, un reste inavoué de passion pour la chose monarchique.

 

Ici nous dresserons une liste sommaire des raisons qui nous font soutenir un pareil point de vue, défense qui nous semble unique dans la petite galaxie « NR-eurasiste » qui est la nôtre.

 

La première et la plus importante des raisons qui nous poussent à défendre la restauration monarchique est la nécessité de réconcilier la France, et donc les Français de 2023, avec le principe de ce que nous nommerons la Tradition. Autrement dit, de réconcilier les Français de vieille souche, de souche européenne et même une petite partie des nouveaux venus d’Afrique avec une conception du monde construite pour empêcher la tyrannie des groupes et des individus. Notre conception de la monarchie est celle d’un roi qui serait, non pas une sorte de despote éclairé façon Frédéric II de Prusse, qui s’auto-proclamait « premier fonctionnaire de l’État » ou d’un chef d’Etat totalitaire du XXe siècle. Un monarque traditionnel serait une sorte de gardien des coutumes ancestrales du pays, de chef « choisi de Dieu » pour protéger le royaume en cas de grave danger, de protecteur de la religion (et des religions) et des abus des puissants. C’est aussi un chef des armées et de la diplomatie. Rien de plus, mais rien de moins.

 

La restauration de la monarchie, si elle s’effectue en conformité avec les traditions anciennes du Royaume de France, permettrait aussi, au moins sur un plan symbolique (et c’est déjà beaucoup) de se réconcilier avec son passé catholique, un sens des hiérarchies, du sacré.

 

Elle ferait table rase de la République bourgeoise, mère des faux droits de l’Homme, complice et promotrice du libre-échange, de la déculturation de masse et de la société de marché, autrement dit de tous les facteurs à l’origine, de près ou de loin, des malheurs de l’humanité, et donc de la France.

 

La nation française pourra se reconstruire sur des bases saines, et permettre ainsi de balayer l’ennemi, cet État bourgeois façonné sur la trahison des espérances populaires de la Révolution française. Aussi ce sera l’occasion de rompre avec l’État-nation, et l’idée d’assimilation qui lui est propre. Pourrait alors s’effectuer une réconciliation avec une partie (sans doute modeste) de l’immigration récente, celle respectueuse des traditions de ce pays, et permettre ainsi d’empêcher une guerre entre Européens de souche et immigrés récents. La guerre civile, seule possibilité donnée au Système pour survivre, doit à tout prix être évitée. La victoire du Bien commun est à ce prix, et la monarchie traditionnelle sera un précieux soutien en ce sens.

 

Si l’Ennemi, le globalisme libéral, doit être anéanti, il est bien sûr évident que la restauration monarchique ne sera pas suffisante : la mise à mort du capitalisme financier et un lent processus d’affaiblissement du capitalisme industriel, de remise en cause de la propriété telle que codifiée sous la Révolution, la nécessité de la décroissance et son sens du localisme, ainsi que l’autarcie à peu près totale de l’espace allant de Reykjavík à Vladivostok seront nécessaire. La monarchie ne sera digne de ce terme traditionnel que si elle se fait la défenderesse de ces conceptions, et d’une vision profondément organique de la vie humaine. Pas question pour nous de soutenir une monarchie « people » faisant les délices des lecteurs de Gala.

 

S’il faut nous préoccuper de nos traditions nationales, il ne faut pas pour autant perdre de vue l’échelon européen, et voir dans quelle mesure les nécessités particularistes peuvent soutenir les impératifs européens, voire universels.

 

En ce sens, il faut noter que les Bourbons, descendants de Charlemagne, devront certes jouer le rôle de restaurateurs d’un esprit de Tradition en France, mais aussi celui de fer de lance de la reconstruction de l’Europe, de sa naissance en temps que super-puissance capable de tenir en respect États-Unis comme Chine, sans oublier le sionisme international.

 

Le globalisme libéral trouvera un nouvel ennemi par la restauration d’une monarchie traditionnelle, monarchie qui par nature ne peut qu’être hostile envers toutes les bases intellectuelles et éthiques du « monde moderne » : individualisme, cosmopolitisme, matérialisme.

 

L’esprit traditionnel, qui nous semble encore maintenu par ceux que les médias nomment les « Bourbons d’Espagne » nous oblige à considérer comme nécessaire la restauration de ce rameau de la branche des descendants de Louis XIV, et non leurs cousins de la branche d’Orléans, à qui nous ne reprochons pas grand-chose ci ce n’est de prétendre à une dignité que seule la conformité à l’esprit d’une certaine époque, et non le respect d’un esprit intemporel, la saine Coutume, leur a conféré.

 

Précisons encore que notre but n’est pas réactionnaire : ni la monarchie féodale, ni l’Ancien Régime ne nous intéressent. Il ne s’agit pas de restaurer la monarchie absolue, mais d’essayer de réaliser l’opération périlleuse qui consiste à concilier raison et tradition, autrement dit, le nécessaire, l’idéal, et la réalité de l’Humain.

 

La monarchie française régénérée sera l’alliée des Antilibéraux, contre l’Ogre de la Finance, et au pire une alliée naturelle dans le combat pour la libération de l’Europe, et du monde. Ainsi l’Eurasie de demain s’appuiera sur la force des traditions particularistes pour accomplir son destin universel.

 

Vincent de Téma

20/10/2022

Manifeste de « Réaction » (Avril, 1930)

Jean-Louis Loubet Del Bayle, Les non-conformistes des années 30 – Une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Annexes – Documents, I. « LA JEUNE DROITE », A. MANIFESTE DE « RÉACTION » (AVRIL, 1930), Éditions du Seuil

 

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Jamais l'homme n'avait atteint une telle perfection dans la connaissance des phénomènes, ni une telle puissance dans l'utilisation des forces naturelles et l'accumulation de richesses.

 

Et pourtant il y a une crise du monde moderne.

 

« Crépuscule des nations blanches », « déclin de l’Occident », approche des « derniers jours », avènement d'une « Nouveau Moyen Age », de toutes parts s'élèvent des cris annonciateurs de la fin d'un monde.

 

Les races, les nationalités, les classes sociales possédées d'ambitions sans bornes ont enrôlé les peuples entiers dans les guerres d'enfer.

 

L'industrialisme, faisant du rendement la norme de toute chose, a jeté l'humanité moderne sous l'écrasante loi de la quantité et de la matière : or et machine. La liturgie de l'Homme-Dieu cède à la liturgie de la machine. Courbé sur l'horizon borné de son travail et de son plaisir, sous le prétexte de se libérer de tout autre maître que lui-même, l'homme s'est jeté sous le joug de L’État démocratique, despotique et tentaculaire. L'homme n'est plus que le rouage standardisé d'une gigantesque mécanique qui le broie. Outil à faire des outils, il n'a plus la quiétude où se retrouver dans l'oraison.

 

Les âmes sont incertaines et tout se sent périr. Découvrant avec stupeur notre dénuement spirituel à côté du raffinement extrême de nos sensations et de nos raisonnements, nous nous trouvons saisis d'une tragique inquiétude devant l'indigence de ce que nous offre le monde moderne. Croyant gagner sa vie, l'homme a perdu la part éternelle de lui-même. Immense misère de l'homme sans Dieu ! Tu n'es plus rien que toi, et ce ne t'est point assez.

 

C'est qu'une fois encore l'homme a écouté l'éternel tentateur qui guette inlassablement sa proie : «  Si tu fais de ta volonté la règle de ton action, de ta raison la mesure des choses, tu seras comme un Dieu. »

 

Alors l'homme agit « gratuitement », comme Dieu. Il oublie qu'évadé des lois de la vie et de la pensée, il n'était plus qu'un peu de chair et de terre. Il est entré dans l'esclavage du désir, de l'utile, de l’événement.

 

Pour combler le vide immense de notre âme, on nous propose l'ascétisme équivoque de l'Orient ou l'on nous convie à nous régénérer par la Révolution sociale. Mais cette poésie mystérieuse, ce mythe de l'humanité ne cachent que la vieille hérésie du moi divinisé dont nous mourrons.

 

Faut-il donc nous résigner à n'être que les spectateurs impuissants de ce déclin ? Ou faut-il s'évader, se refuser, comme le murmurent, gidiennes, les Sirènes ?

 

Non ! Ce serait renoncer à notre humanité ! Seules meurent les civilisations qui s'abandonnent et les hommes font leur destin. Ils peuvent se sauver aujourd'hui s'ils retrouvent le principe de l'ordre qui les a écrasés lorsqu'ils ont voulu l'ignorer.

 

Immense question de l'ordre.

 

Il ne s'agit pas ici d'un de ces petits arrangements formels et contingents que l'homme ou les sociétés se donnent à eux-mêmes.

 

L'ordre, ça n'est pas la protection des coffres-forts ni l'union des intérêts économiques, ce n'est pas la défense des hommes en place, mais subordination à ce qui peut les légitimer..., s'ils le servent.

 

L'ordre, c'est la loi de l'être. Reconnaître l'ordre, c'est reconnaître notre double mystère : chair et esprit. Chair, solidarité de la nature et des autres hommes, esprit qui est plus que l'intelligence, qui est âme éternelle, fille de Dieu. C'est reconnaître notre double dépendance : de nos morts et du créateur. C'est reconnaître que nous sommes orientés à des fins plus hautes que nous-mêmes.

 

Tel est le véritable réalisme : perception de la chaîne des causes et de la hiérarchie des désirs et des vouloirs. Il y a une voix de la réalité : c'est le passé qui nous conte la grande aventure humaine. Apprenons à son école à vivre humainement. Retournons aux sources de la vie pour nous guérir. Cela s'appelle réagir.

 

Réaction en politique contre la décadence démocratique, fille du nombre et de la quantité. C'est sur la base certaine de la patrie, à partir de l’élément naturel de la nation, que nous voulons édifier le concert spirituel où l'univers entier aura sa part.

 

Réaction sociale : contre l'individualisme, l'étatisme et la lutte des classes, pour permettre le développement de la personne humaine libre dans ses cadres sociaux naturels.

 

C'est au moment où l'homme est le plus lui-même : dans sa famille, dans sa bourgade, dans son pays, qu'il est le plus universel, car il se trouve alors en correspondance avec tous les autres hommes de la terre dans la reconnaissance de ce qui fonde toute vie : l'ordre humain.

 

« Nous avons eu, nous avons perdu l'unité humaine », dit Charles Maurras. L'accord ne peut renaître si une base n'existe au départ : seul l'esprit peut la fournir, c'est la leçon du XIIIe siècle chrétien. Nous réveillerons cette entende en reprenant le fil de la raison : soumission à l'objet. L'intelligence est réactionnaire. Pesant, critiquant les idées et les faits, elle poursuivra chez tous les erreurs funestes. Mais elle dira aussi les conditions nécessaires d'une renaissance : politique, c'est, en France, la monarchie ; sociale, c'est la soumission de notre vie économique au bien commun ; spirituelle, c'est l'ordre chrétien.

 

Il faut rendre le nécessaire possible. Nous y convions tous ceux que tourmente l’inquiétude et, tous les premiers, les clercs. Leurs méditations exigent la sécurité de la Cité : jusqu'au rétablissement de l'ordre, leur abstention est trahison.

 

Nous ne venons pas pour écrire, mais pour servir ; servir la vérité, nous révolter pour l'ordre, réagir. Ceux qui ont des places, une renommée à sauvegarder, n'ont rien à faire avec nous.

 

La force est une vertu. Le Christ a chassé les vendeurs du Temple.

 

Au service d'une pensée juste, nous voulons agir puissamment.

 

JEAN DE FABREGUES, ROGER MAGNIEZ, RAYMOND DAMIEN, JEAN LE MARCHAND, JACQUES-FRANCOIS THOMAS, RENE VINCENT, PIERRE BURGOS, ROBERT BURON, CHRISTIAN CHENUT, MAURICE CHUZEL, EMILE GIRARD, BERNARD DU HALDA, LOUIS LEMIELS, FELICIEN MAUDET, MARCEL NOEL, ANDRE PIETTRE, J. STE FARE-GARNOT, CH ; DE LA TAILLE, CHARLES VERGNAUD.

 

(Réaction, n° 1.)

05/01/2022

L'eurasisme classique en tant que manifestation du platonisme russe (Alexander Bovdunov)

 

Source : Katheon

 

 
 

L'an dernier, en 2020, cela faisait cent ans que Nikolaï Trubetskoi avait publié le livre "Europe et humanité" dans la capitale bulgare, Sofia. C'est à partir de là que l'on peut parler de la philosophie russe connue sous le nom d'eurasisme.

 

On pourrait dire que l'eurasisme est l'aboutissement de la pensée politique conservatrice russe, c'est-à-dire une forme d'opposition radicale à la modernité incarnée à l'époque par la civilisation européenne. De plus, l'eurasisme est l'héritier direct de la philosophie des slavophiles, de Danilevsky et de Leontiev. Cependant, l'eurasisme se distingue de ces courants antérieurs en ce qu'il a créé une doctrine étatique et politique qui propose une certaine forme d'organisation du pouvoir et de l'État russes.

 

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Cette philosophie est sans aucun doute le résultat d'une expérience traumatisante qui a affecté la vie et la pensée de ses représentants : le déclenchement de la révolution russe, la guerre civile, l'effondrement de la Russie historique et l'émergence d'une nouvelle formation politique connue sous le nom d'URSS. Tous ces événements ont appelé à une réévaluation du passé et à la nécessité de trouver les piliers éternels et intemporels qui permettraient une renaissance de la Russie.

 

Quelle est la manière la plus appropriée de classer la pensée eurasienne ? Si nous partons de la théorie du "sujet radical" d'Alexandre Douguine et de sa Noomachiepour analyser la biographie des fondateurs de l'eurasisme, en particulier Piotr Savitsky (photo, ci-dessous; que Boulgakov considérait comme faisant partie de la "Garde Blanche"), alors nous pouvons conclure que la seule philosophie politique que les Eurasiens pouvaient suivre était le platonisme politique.

 

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Considérer que l'eurasisme était une forme de platonisme politique russe est tout à fait intéressant, mais cela signifie aussi le comprendre sur la base d'une série de formulations, de concepts et de schémas cohérents.

 

Si nous examinons l'eurasisme de près, nous nous rendons compte que ses racines platoniciennes sont tout à fait évidentes et que la structure étatique, politique et sociale qu'ils décrivent est très similaire à celle qui a été réalisée dans l'œuvre Proposition pour une future structure étatique du père Pavel Florensky (photo, ci-dessous), qu'il a écrite à un moment très difficile de sa vie et à l'aube de sa mort.

 

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Structuralisme ontologique

 

Le chercheur suisse Patrick Serriot a avancé la thèse que les piliers idéologiques de l'eurasisme se trouvent dans une forme de structuralisme ontologique ou platonicien (Structure et totalité. Les origines intellectuelles du structuralisme en Europe centrale et orientale) qui sont reprises par le structuralisme français de Levi-Strauss, issu de la linguistique développée par Troubetskoi et arrivé en France par Roman Jakobson. À son tour, Troubetskoi a été grandement influencé par la géographie structurelle de Savitsky.

 

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Rustem Vakhitov, l'un des principaux spécialistes russes de l'eurasisme, a montré que Savitsky a exploré "le concept selon lequel toutes les couches de la réalité étaient imprégnées d'idées organisationnelles (eidos) dans les années 1920-1930, ce qui lui a permis plus tard d'affirmer que l'univers entier participait à un rythme unique". Savitsky considérait que "l'idée était un fragment de l'esprit habitant la matière" et que cela révélait que le monde était gouverné par un esprit divin.

 

Le développement local : l'incarnation de l'idée

 

La théorie eurasienne du développement local est étroitement liée au concept de l'idée organisationnelle.

 

Le développement local est une sorte de synthèse de l'espace et de la culture qui préfigure le particulier. L'idée d'organisation se manifeste parfois dans l'esprit humain, parfois dans les choses. Néanmoins, l'idée précède toujours tout ce qui existe. Savitsky affirme dans son article sur "Le pouvoir de l'idée organisationnelle" que "l'existence de l'idée organisationnelle imprègne la réalité sociale et l'eidos, qui à son tour contrôle les phénomènes et la cognition des phénomènes".

 

D'où la formulation de l'idéocratie non seulement comme un concept abstrait, mais comme une idée au sens platonicien.

 

L'idéocratie, au sens plein du terme, est la capacité de s'élever jusqu'à une idée organisationnelle et de la comprendre. Ce n'est que de cette manière que nous pouvons découvrir la Force de l'Idée qui règne sur l'ordre politique et social. Par conséquent, seuls ceux qui comprennent cette Idée-Force peuvent gouverner.

 

Savitsky considère que les exemples organisationnels de cette Idée-Force en Russie sont l'autarcie ou l'économie mixte, car les Russes ont toujours été enclins à ces formes économiques.

 

Toutefois, l'élite eurasienne doit être consciente de ces idées et les intégrer consciemment, contrairement à la Russie des Romanov ou à l'URSS.

 

Savitsky affirme que "l'autarcie russe n'est possible qu'au sein du système eurasien, car c'est seulement dans ce dernier qu'elle est idéale et nécessaire. La doctrine Russie-Eurasie fait partie d'une forme particulière de "personnalité symphonique" qui correspond pleinement à la thèse eurasiste de la Russie en tant qu'entité géographique, historique, ethnographique, linguistique, etc. particulière".

 

L'idéocratie ou le règne des "gardiens"

 

La philosophie politique de l'eurasisme repose sur des concepts tels que la "sélection eurasienne" et l'"idéocratie". Et comme toute philosophie platonicienne, elle estime que seuls les meilleurs doivent gouverner : il est donc nécessaire d'établir un système qui éduque cette élite sous les slogans de l'abnégation et autres valeurs aristocratiques. Par exemple, Nikolai Troubetskoi, dans son article "Sur le dirigeant d'un État idéocratique", affirme que "la sélection d'une élite idéocratique doit non seulement tenir compte d'une perspective générale, mais aussi de la volonté du dirigeant de se sacrifier. Cet élément de sacrifice, ainsi que sa mobilisation permanente et la lourde charge qu'elle implique, est la compensation des inévitables privilèges liés à l'exercice d'une telle fonction". Troubetskoi souligne également que "l'Idée-Force d'un État véritablement idéocratique doit profiter à la totalité des peuples qui habitent ce monde autarcique".

 

Ces idées platoniciennes se retrouvent également dans la jurisprudence eurasienne développée par Nikolai Alekseev, bien que ce dernier ne parle pas d'idéocratie, mais d'idéologie dans l'intention d'éviter le psychologisme excessif qu'implique le mot "idée". Alekseev soutient que l'eidos n'est pas seulement une idée particulière, mais "la sémantique nécessaire, intégrale, contemplative et mentalement tangible du monde". Elle est la vérité et non une représentation subjective (comme le mot idée le désigne souvent). Ainsi, l'élite "doit révéler la plus haute vérité religieuse et philosophique que nous devons servir comme s'il s'agissait d'un tout. En ce sens, la Force des Idées n'est pas quelque chose d'extérieur ou d'imposé à un peuple particulier, mais quelque chose qui lui est interne. Selon M. Alekseev, l'État et le système doivent être protégés par les "gardiens" : "l'idée approuvée dans la Constitution est le guide et la forme d'action au moyen desquels l'État est gouverné. Elle inspire ses dirigeants, c'est-à-dire ses défenseurs ou "gardiens" (une image platonicienne évidente) qui sont ses serviteurs". Il s'agit de faire en sorte que l'État et l'ensemble de sa constitution servent cet idéal.

 

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Conclusion

 

Ce n'est que dans le cadre de la philosophie politique du platonisme que nous pourrons comprendre l'eurasisme, car ce n'est qu'à partir de ses concepts et de sa méthodologie que son sens est révélé. Sinon, l'eurasisme ne serait qu'un amalgame de théories et de définitions obscures.

 

C'est à partir des thèses du platonisme que nous pourrons séparer notre pensée des développements archéo-modernes ultérieurs.

 

Les Eurasiens doivent comprendre l'eurasisme comme une forme de platonisme et les œuvres de nos prédécesseurs doivent être lues à partir d'une vision platonicienne du monde. D'autres manières d'interpréter l'eurasisme devraient être examinées à la loupe. Néanmoins, des concepts tels que l'idéocratie, la sélection eurasienne, l'État garant ou l'Idée-Force (en tant que principe méthodologique) nous fournissent la base pour construire une philosophie politique platonique pour la Russie et la création d'un État russe platonique.