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26/10/2022

Le Libéralisme comme résumé de la civilisation occidentale (Alexandre Douguine)

Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique – La Russie et les idées politiques du XXIème siècle, Chapitre 2 – Le libéralisme et ses métamorphoses, Le Libéralisme comme résumé de la civilisation occidentale et sa définition, pp. 38-39, Ars Magna Éditions

 

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Pour comprendre adéquatement l'essence du libéralisme, il faut se rendre compte qu'il n'est pas accidentel, que son apparition dans l'histoire des idéologies politiques et économiques se fonde sur des processus fondamentaux à l’œuvre dans toute la civilisation occidentale. Le libéralisme ne constitue pas seulement une partie de l'histoire de cette civilisation, mais son expression la plus pure et la plus raffinée, son résultat. Cette remarque importante exige une définition plus stricte du libéralisme.



Le libéralisme est une philosophie politique, économique et une idéologie incarnant les principales lignes de force des Temps modernes :



  • l'être humain est considéré comme la mesure des choses,

  • le caractère sacré de la propriété privée est considéré comme acquis,

  • affirmation de l'égalité des possibilités comme loi morale de la société,

  • le fondement « contractuel » de toutes les institutions sociopolitiques, y compris l’État est pensé comme certain,

  • l'abolition de toutes les autorités étatiques, religieuses et/ou liées à un groupe social constitué qui prétendent à une « réalité normative »,

  • la séparation des pouvoirs et la création de systèmes sociaux de contrôle de chacune des instances de pouvoir,

  • la création d'une « société civile » sans groupe social constitué, sans nations ni religions en lieu et place des États traditionnels,

  • la domination par les relations de marché de toutes les autres formes de la politique (la thèse « L'économie est un destin »),

  • la conviction qu'historiquement, la voie des peuples et des pays occidentaux est le modèle universel de développement et de progrès pour le monde entier et qu'elle doit impérativement être prise pour étalon et modèle.

Ces principes se trouvaient notamment à la base du Libéralisme historique, développé par les philosophes John Locke, John Stuart Mill, Emmanuel Kant, puis par Jeremy Bentham, Benajmin Constant jusqu'à l'école néolibérale du XXème siècle avec Friedrich Hayek et Charles Popper. Adam Smith, disciple de Locke, se fondant sur les idées de son maître appliquées à l'analyse de l'activité économique, a jeté les bases de l'économie politique qui sont devenues la « Bible » politique et économique de l’Époque moderne.

21/08/2022

Adieu Daria...

J'adresse mes sincères condoléances à Alexandre Douguine et sa famille en ce moment de deuil.

 

Je ne la connaissais pas et n'aurai eu la grâce de la rencontrer, mais c'est une sœur d'âme et de combat que nous perdons.

 

Vive l'Empire eurasiatique de la Fin!

 

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08/09/2021

La fin du monde unipolaire plutôt que la fin de l'histoire (Alexandre Douguine)

(Source : Katheon)

 

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Francis Fukuyama a récemment écrit un article assez objectif et équilibré sur la fin de l'hégémonie américaine.

Au début des années 90, Fukuyama s'est empressé d'annoncer la victoire mondiale du libéralisme et la fin de l'histoire. Il a ensuite corrigé sa position. Au cours de mes conversations personnelles avec lui, j'ai acquis la conviction qu'il comprend de nombreux processus mondiaux de manière assez réaliste et qu'il peut admettre des erreurs dans ses prévisions - un trait rare chez les politologues, généralement narcissiques, qui se trompent tous les jours et sont encore plus arrogants à cause de cela.

Maintenant, ce que Fukuyama dit est ceci. Le retrait d'Afghanistan n'est pas seulement la cause de l'effondrement de l'hégémonie américaine, mais seulement son point final. Cette hégémonie a commencé à s'effilocher il y a dix ans, lorsqu'il est devenu évident que la stratégie américaine au Moyen-Orient, mise en oeuvre au début des années 2000, avait échoué, et que la crise financière a sapé la confiance dans la stabilité de l'économie américaine.

Mais la chose la plus effrayante pour les États-Unis, ces derniers temps, a été le profond clivage public sur la politique intérieure, et surtout sur Trump. Cette fois, non seulement le transfert pacifique du pouvoir des républicains aux démocrates n'a pas eu lieu, mais la polarisation des partisans et des opposants de Trump a amené le pays au bord de la guerre civile. Par conséquent, selon Fukuyama, ce qui fait peur, ce n'est pas le retrait des troupes d'Afghanistan, qui était attendu depuis longtemps, mais la situation dans laquelle il s'est produit sur fond de processus politiques intérieurs aux États-Unis.

Biden, qui, à l'origine, n'était pas considéré comme un président légitime par les républicains, apparaît désormais comme un parfait perdant et un idiot impuissant. À cela s'ajoutent les critiques des néoconservateurs, qui fondaient de grands espoirs sur Biden, critiques suivies de celles formulées par les alliés britanniques. Aujourd'hui, il est considéré, même par ses partisans, comme un vieil homme dément à qui tout échappe - mêmes les Afghans cachés dans les trains d'atterrissage des avions américains.

    Fukuyama déclare : les Etats-Unis ne sont plus l'hégémon de la politique mondiale. La multipolarité est un fait accompli.

Cependant, Fukuyama propose de ne pas peindre le tableau en des tons trop criards. Les États-Unis sont toujours la plus grande puissance mondiale. Mais désormais, elle doit chercher des alliés et compter avec d'autres puissances.

Il convient d'examiner ce que le conseiller de l'administration Fukuyama conseille à l'administration Biden en matière de politique étrangère. Le tableau est le suivant: le monde unipolaire est passé entre 1989 à 2008 à une nouvelle bipolarité, et maintenant le déclin de l'unipolarité en direction de la multipolarité a commencé.

Et maintenant, les principaux adversaires de l'Occident ne sont pas tant les extrémistes islamiques (bien que Fukuyama lui-même, au moment de la montée de l'unipolarité, ait formulé une thèse plutôt idiote sur l'islamo-fascisme comme principal ennemi), mais les nouveaux pôles que sont la Russie et la Chine. Pour les combattre - c'est nous ! - Fukuyama invite à se concentrer sur ces deux môles de puissance tellurique. Tout est de retour à la case départ, mais dans de nouvelles conditions et de nouvelles proportions.

Et par conséquent, comprend Fukuyama, sans la finaliser, nous devrions revenir à la pratique consistant à opposer les radicaux islamiques à la Russie et à la Chine. Par conséquent, il ne considère pas le fait même du retrait de l'Afghanistan comme une grande tragédie. Elle libère les mains de Washington pour retourner l'agression des talibans (hors-la-loi en Russie) contre la Russie et la Chine.

Les militants pachtounes ne seraient pas vraiment intéressés par la construction d'une nation (par un "nation building"). Cela ne fait pas partie de leurs objectifs historiques. Les Pachtounes sont un peuple de guerriers. Presque personne ne les a jamais maîtrisés, sauf brièvement. D'ailleurs, nos Cosaques russes nous rappellent cela: campagnes militaires, attaques, avancées et retraites rapides, utilisation parfaite du paysage pour la guérilla - voilà la vie des Cosaques russes. La guerre comme vocation. Un travail paisible pour les autres.

    Les Pachtounes sont les cosaques afghans, mais multipliés par un million. Et si oui, quel genre d'état...

C'est sur cela que Fukuyama et apparemment Biden comptent. S'ils réussissent à nouveau, comme à l'époque du monde bipolaire, à opposer les radicaux islamiques à la Russie et à la Chine, les États-Unis auront encore un peu de temps pour exister historiquement. Ils espèrent se reconstruire pendant cette période, consolider leurs positions et panser leurs plaies.

La conclusion est simple : l'essentiel pour la Russie est de ne pas laisser cela se produire. Et ici - parce que c'est une question de vie ou de mort - tous les moyens sont bons. Si Moscou et Pékin élaborent une stratégie efficace pour faire face à la nouvelle réalité de l'Afghanistan et du monde islamique en général, nous pourrions non seulement garantir nos intérêts, mais rendre irréversible l'effondrement de l'hégémonie occidentale.

Fukuyama lui-même n'écrit rien sur ce sujet, bien sûr, espérant que nous ne lisons pas assez attentivement son texte qui s'adresse aux stratèges de la Maison Blanche. Mais nous l'avons lu assez attentivement. Et nous sommes d'accord avec lui : l'Occident s'effondre. Ce qui signifie qu'il faut pousser ce qui tombe (Nietzsche: "Was fällt soll man noch stossen"). Et mettre en exergue certaines des faiblesses que Fukuyama lui-même nous a suggérées.