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08/05/2015

Vers un lien privilégié avec la Russie ? (Georges Feltin-Tracol)

 

Georges Feltin-Tracol Réflexions à l'Est, Si près de l'Ours, L'Ukraine, un État par défaut ?, Vers un lien privilégié avec la Russie ? , pp. 94-96, aux éditions Alexipharmaque

 

Depuis l'éclatement de l'Union Soviétique en 1991, certains Russes nostalgiques du soviétisme regrettent surtout la perte des frères européens (Moldavie) et slaves (Bélarus, Ukraine) et aimeraient les réintégrer dans un ensemble russo-centré. Or une majorité d'Ukrainiens  veulent pas revenir à une dépendance envers Moscou. Ils préfèreraient que la Russie acceptât l'émancipation ukrainienne et nouât avec ce voisin si proche de nouvelles relations franches et amicales.

 

Les frontières russo-ukrainiennes n'ont toujours pas été reconnues par la Russie si bien que la délimitation entre les deux États n'est que purement administrative. Le Kremlin verrait bien en Ianoukovytch une sorte de gouverneur du pays à son profit. Or il est peu plausible que l'actuel président le soit, suivant le principe qu'on préfère toujours "un petit chez soi qu'un grand chez les autres". Même sous la férule du Parti des Régions, l'Ukraine ne se russifiera pas.

 

Il serait plutôt ingénieux que la Russie accepte définitivement l'existence de l’État Ukrainien et s'inspire des rapports anglo-étasuniens du début du XIXe siècle. Contrainte d'approuver le traité de Versailles de 1783 accordant l'indépendance des États-Unis D'Amérique, l'Angleterre n'admit pas l'existence de la jeune république américaine si bien qu'au cours des Guerres de la Révolution et de l'Empire (1792 - 1815), les navires de la Royal Navy arraisonnaient les bâtiments étasuniens qu'elle considéraient toujours comme des sujets de Sa Gracieuse Majesté en rébellion. Ces enlèvements et la restriction du commerce maritime entre les États-Unis et la France indisposèrent le gouvernement étatsunien et furent à l'origine de la Seconde Guerre d'indépendance (1812 - 1814) entre Washington et Londres. Cette guerre se termina par la victoire des États-Unis. Les deux puissances anglo-saxonnes conservèrent des relations glaciales jusqu'à la convention de 1818 en vue de définir la frontière entre les États-Unis et le Canada britannique. Leur rivalité fut définitivement enterrée le 15 juin 1846 par le traité de l'Orégon et le tracé de la frontière américano-canadienne à l'Ouest des Montagnes Rocheuses, dans ce qu'on appelait alors le "pays de l'Orégon". A partir de cette date allait s'établir un "lien spécial", transatlantique, ente la City et la Côte Est bientôt réclamé par des cercles d'influences londoniens.

 

Fort de ce précédent, l'Ukraine et la Russie négocieraient leurs derniers contentieux et établiraient ensuite un lien privilégié entre elles au nom d'une histoire partagée sans nuire aux souverainetés étatiques. L'Ukraine sait qu'elle n'est ni une Europe plus orientale, ni une Russie plus méridionale. Cette double identité qui peut être quadruple (ukrainienne, russophone, ruthène et tatare), constitue pour Kyiv un défi et une chance à notre époque liquide. Car, si l’État Ukrainien n'existe que par défaut du fait de sa faiblesse politique, l'Ukraine en tant que pays ne doit pas son existence au hasard, mais à une histoire, une géographie et une volonté précises qui en font encore un territoire en maturation, une nation en devenir (7).

 

Notes :

7 : Le lecteur intéressé par les questions ukrainiennes et désireux d'approfondir le sujet peut se rapporter aux articles de Pascal G. Lassalle mis en ligne sur Europe Maxima, "Equivoques russes et réflexes post-impériaux", "Russie, les impasses d'une mémoire blessée : complexe post-impérial et perspective alter-européenne", "Stepan Bandera (1909 - 1959)" ; de Mykola Riabtchouk, "La controverse autour de Stepan Bandera et l'avenir de l'Ukraine", un entretien de ce auteur sur "Contentieux Russie - Ukraine : le point de vue d'un intellectuel ukrainien" ainsi qu'un entretien dense avec un nationaliste autonome ukrainien, "A la découverte des nationalistes autonomes d'Ukraine" précédé d' "Ukraine, un rapide état des lieux" par Pascal G. Lassalle.

 

(Lire l’article précédent La "Révolution Orange" et ses conséquences chaotiques)

 

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