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06/07/2025

Réflexion sur le « temps politique » et le « temps métapolitique » (Brouillon)

 

Nous remettons en ligne quelques unes de nos prises de note et autres brouillons à défaut de pouvoir tous les corriger et les remettre en forme. Certaines de nos idées peuvent variées ou s'être aujourd'hui affinées mais ces textes restent relativement fidèles à notre pensée. Ici, une rédaction de 2022. 

 

Wolf’s Head Helmet, c. 6th-5th century BC..jpg

 

 

« Or, quand le Père qui l'avait engendré comprit qu'il se mouvait et vivait, ce Monde, image née des Dieux éternels, il se réjouit et, dans sa joie, il réfléchit aux moyens de le rendre plus semblable encore à son modèle. Et de même que ce modèle se trouve être un Vivant éternel, il s'efforça, dans la mesure de son pouvoir, de rendre éternel ce tout lui-même également. Or, c'est la substance du Vivant-modèle qui se trouvait être éternelle, nous l'avons vu, et cette éternité, l'adapter entièrement à un Monde engendré, c'était impossible. C'est pourquoi son auteur s'est préoccupé de fabriquer une certaine imitation mobile de l'éternité et, tout en organisant le Ciel, il a fait, de l'éternité immobile et une, cette image éternelle qui progresse suivant la loi des Nombres, cette chose que nous appelons le Temps. En effet, les jours et les nuits, les mois et les saisons n'existaient point avant la naissance du Ciel, mais leur naissance a été ménagée, en même temps que le Ciel a été construit. Car tout cela, ce sont des divisions du Temps : le passé et le futur sont des espèces engendrées du Temps, et lorsque nous les appliquons hors de propos à la substance éternelle, c'est que nous en ignorons la nature. Car nous disons de cette substance qu'elle était, qu'elle est et qu'elle sera. Or, en vérité, l'expression est ne s'applique qu'à la substance éternelle. Au contraire, était, sera sont des termes qu'il convient de réserver à ce qui naît et progresse dans le Temps. Car ce ne sont que des changements. Mais ce qui est toujours immuable et inchangé, cela ne devient ni plus vieux, ni plus jeune, avec le temps, et oncques cela ne fut, ni ne devient actuellement, ni ne sera dans le futur. Bien au contraire, une telle réalité ne comporte aucun des accidents que le devenir implique pour les termes qui se meuvent dans l'ordre sensible, mais ces accidents sont des variétés du Temps, lequel imite l'éternité et se déroule en cercle suivant le Nombre. » Platon, Timée

 

« (…) la vision nietzschéenne, puis locchienne de l'Histoire, que Locchi nommait sphérique, s'éloigne de la conception linéaire du progrès comme de la conception cyclique.

 

De quoi s'agit-il ?

 

Imaginons une sphère, une boule qui avancerait de manière chaotique sur un plan, ou bien mue par la volonté (nécessairement imparfaite) d'un joueur de billard. Fatalement, au bout de plusieurs rotations, le même point de la boule se retrouvera au contact du tapis. C'est l'éternel retour de l'identique, mais non pas du « même ». Pourquoi ? Parce que la boule n'est pas immobile : si le même point de la sphère n'est plus au même endroit. Il y a donc retour d'une situation « comparable », mais en un lieu différent. La même image vaudrait avec le retour des saisons ; et pour la vision de l'histoire de l'archéofuturisme : le retour des valeurs archaïques ne doit pas se concevoir comme un retour cyclique au passé (ce passé ayant échoué puisqu'il a donné la catastrophique modernité), mais comme une réémergence de configurations sociales archaïques dans un contexte nouveau. Autrement dit, l'application de très anciennes solutions à des problèmes totalement inédits, ou la récurrence d'un ordre oublié, mais transfiguré par un contexte historique diffèrent. » Guillaume Faye, L'Archéofuturisme – Techno-science et Retour aux valeurs ancestrales, Chapitre 2 – Sur un concept subversif : l'archéofuturisme, comme réponse à la catastrophe de l'éternité et alternative au traditionalisme, IV – Le contenu : l'archéofuturisme, pp. 99-100, aux éditions Iliade/ L'Æncre (Collection Agora)

 

Le Futur dépend de notre « vision du Temps »

 

Nous sommes fascinés par les partisans de la grande Europe, parfois païens revendiqués, qui, par leur engagement dans le « temps politique », propagent, malgré eux, une vision évolutionniste et progressiste du Temps.

 

Du « temps historique » qu'ils réduisent à l'actualité et la flèche moderniste tirée par les « religions abrahamiques » ; essayant de donner un sens matérialiste à l'Histoire à partir de ce présupposé progressiste et cette donnée linéaire du temps. L'actualité étant l'antithèse du présent. Un présent fabriqué de toutes pièces par les médias.

 

(Nous préciserons que lorsque nous parlons de « vision évolutionniste », nous ne rejetons pas l'idée de « sélection naturelle », génétique et héréditaire, ni quelconque phénomène d'adaptation à un environnement local sur un temps long, mais nous distinguons radicalement le « règne hominal » du « règne animal ». Ce que nous rejetons principalement est l'idée d'apparition et d'évolution « hasardeuses » de l'Homme, sur des millions d'années, et l'évolutionnisme comme « théorie sociale ». L'évolutionnisme anthropologique devenu science sociale est d'une stupidité d'évocation qui confine à la bêtise monologique typiquement « anglo-saxonne » et « judéo-protestante » si on se réfère aux définitions encyclopédiques et classiques dont se revendiquent tous les extrêmes-centres de l'idiotie et du crétinisme – pour ceux d'entre eux qui, sur une île de l'esprit, réussirent l'exploit de manquer d'iode à ce point de non retour intellectuelle. Alors que les modernes rejettent le mythe comme élément imaginal fondateur du langage par le symbole et l'image, par extension, de notre structure mentale intuitive particulière, qui diffère de celle instinctive de l'animal, il ne voit aucun problème au fabuleux hasard des millions d'années... Cependant, notre préférence va aux travaux de Hugo de Vries plutôt qu'à ceux de Darwin. Nous aurons l’occasion d'y revenir. Notre domaine n'est pas celui des sciences mais de l'imaginaire et des divers constructions philosophiques autour des origines de l'humanité qui conditionnent nos idées sur la formation idéelle et imaginale du futur. Nous pourrions même aller plus loin en disant que l'essence de notre « volonté de puissance » et la « vision du monde » qu'elle favorise sont strictement définies par ce prémisse métaphysique des origines et de la vision du Temps qui s'en déduit. Et, en cela, Nietzsche ne nous donne pas tord puisque que comme nous – ou nous comme lui –, il rejette cette vision linéaire, évolutionniste et progressiste du Temps. La Tragédie procède toujours et sans exception d'une réalité involutive du temps et du présent, par l'effet d'une accélération au service d'un recommencent. Nous rajouterons que pour nous cyclique, hélicoïdale, conique, ou encore sphérique signifie une vision du Temps dans tous les cas « archaïque ». Les efforts de Faye pour absolument se distinguer du « traditionnalisme » est d'une autre polémique davantage sur le fait orientaliste et tiersmondiste que sur la vision traditionnelle...)



Pourtant, nos ancêtres enseignaient une vision involutionniste et cyclique du Temps historique. Autrement dit, une vision traditionnelle du Temps qui ne souffre ni évolution ni progrès, qui a existé des temps archaïques jusqu'au beau Moyen Age.



« ...une civilisation ou une société est « traditionnelle » lorsqu'elle est gouvernée par des principes métaphysiques qui transcendent tous les facteurs humains, sociologiques, et même religieux ; lorsque l'origine de tous les pouvoirs qui s'y exercent réside en un plan supérieur et immuable directement issu du plan divin ; enfin lorsque l'individu peut s'y insérer dans une hiérarchie sociale harmonieuse qui lui permet de s'accomplir pleinement et de donner carrière aussi bien à l'exercice efficace d'un métier que d'une réalisation spirituelle effective. » Jean Phaure, Le cycle de l'humanité adamique : Introduction à l'étude de la cyclologie traditionnelle et de la fin des temps, Chapitre 1 Le Temps qualifié, p. 29, aux éditions Devry



Nous ne savons par quelle dialectique sophistiquée nos camarades réconcilient ces deux visions diamétralement opposées du Temps dans un même mouvement métapolitique vers l'arché: ils ne s'en expliquent jamais et esquivent la question du Temps pour des raisons de temps politique qui retarde sans cesse le moment du temps métapolitique que nous justifions comme « temps qualifié », autrement dit par la vision involutionniste et cyclique du Temps – et, en surplus, de la vision guénonienne de la solidification du monde ; s'il on veut faire le lien entre involution et solidification.



Un « temps métapolitique » – « qui se situe au-delà des affaires publiques » – tributaire d'un temps partisan et politique qui est essentiellement le temps de la « démonie de l'économie » (cf. Evola). Pour ne rien vendre et ne rien gagner. On ne peut certes pas les accuser d'être des « marchands du Temple » mais ce sont les meilleurs clients du grand marché démocrate et libéral des idées politiques – réactionnaires et conservateurs du postlibéralisme jusqu'à la caricature en affirmant être à l'avant-garde européenne... Ceci n'est aucunement une attaque gratuite ; nous avons traité cette question ailleurs. Les occidentalistes s'associent au virage sécuritaire et autoritaire du globalisme en y percevant une dimension identitaire inexistante.



Ainsi des intellectuels brillants se retrouvent à faire du bénévolat et accomplir de basses besognes politiciennes. Leur qualité de conseil n'est même pas reconnue par les partis politiques qui, de fait, les écartent de la vie politique. Il n'y a pas d'échange de bons procédés entre temps politique et temps métapolitique. Les partis politiques ne concèdent jamais une part de leur temps à la métapolitique et ses œuvres. La métapolitique n'a pas vocation à influencer ni à se faire influencer par le politique, son temps et ses partis.



Ça n'est pas le fait qu'ils participent au temps politique qui les force à propager la vision évolutionniste du Temps mais bien que, dans ce cadre exigu, ils n'expriment pas, par opposition aux visions postmodernes, la vision involutionniste du Temps qui est celle de notre immuable tradition européenne. Qui ne dit mot consent disent les muets. Et ça n'est pas comme si cette question de la vision du Temps n'était pas une question métapolitique et politique par excellence, d'une certaine importance, et qui détermine notre vision totale et finaliste du monde. Ils ne prennent pas en compte la vision traditionnelle dans leurs analyses politiques et matérialistes, ni dans leurs réflexions métapolitiques d'ordre philosophique. La question du Temps est l'angle mort de la « pensée européenne » et des agitateurs.



Cette « vision » place pourtant le temps politique, qui est celui de l'actualité politicomédiatique et de la gestion économique ponctuelle de la dette, des pensions, de la crise, etc, dans une phase descendante de notre cycle et cette façon de voir les choses impacte directement l'importance que nous donnons à ce temps politique contractuel qui nous fait perdre beaucoup : de temps !...



Le nouveau narratif du système politicomédiatique, ou plutôt son sous-texte, est de permettre un discours sur le racisme antiblanc et sur la critique de l'islamisme... Si vous ne critiquez pas Israël et soutenez la géopolitique étasunienne. Complotisme ? Non. Il s'agit d'autocensure, de suggestion. Il n'y a aucun complot.



Peut-on penser le Politique en dehors du Temps et comme si celui-ci n'exprimait pas toute l'impuissance politique à la « fin des temps » ?



Certains intellectuels ou philosophes de nos milieux parlent de kairos pour se donner des airs érudits et inspirés mais dans quelle vision du Temps cette idée grecque de « kairos » s'inscrit-elle si ce n'est dans la conception d'un « temps qualifié » ?



« Le kairos (καιρός) est un concept qui, adjoint à l'aiôn et au chronos, permet, sinon de définir le temps, du moins de situer les événements selon cette dimension. Faire le bon acte au bon moment participe au Kaïros. Pour ce qui est de la pensée occidentale, le concept de Kaïros apparaît chez les Grecs sous les traits d'un petit dieu ailé de l'opportunité, qu'il faut attraper quand il passe (saisir une opportunité). » (Wikipédia)



Si nous n'avons pas une vision éclairée de ce que signifie « Temps qualifié » en tête, la notion de kairos ne prend pas tout son sens. Et définir ce « Temps qualifié » pour ce qu'il signifie réellement n'est pas inutile pour penser les idées politiques qui traversent nos milieux...

 

Quelle action politique pour quel temps ?

 

Mais aujourd'hui, rien n'a d'autre de valeur, strictement romantique et morale, que l'influence supposée par une mesure quantitative abstraite de la "création de contenu", considérée comme plus ou moins subversive, et qui rapporte plus ou moins d'argent de poche à des titres individuels, autoproclamés, et les acclamations anonymes de l'espace commentaire, tribune d'une arène où des ombres sont applaudies par des fantômes. Il suffit à l'ennemi, au propriétaire de l'arène et l'organisateur du spectacle, de promouvoir les créateurs et influenceurs ; combattants de l'arène, qui perpétuent le statu quo spectaculaire postlibéral. Ainsi, la nouvelle Droite alternative ne peut être qu'occidentaliste, libérale et progressiste. Les créateurs et influenceurs de la Droite alternative nonconformiste et situationniste sont devenus les intermittents occidentalistes et libéraux de la scène globale. Pauvrement rémunérés pour vendre le virage sécuritaire et autoritaire du nouvel ordre globaliste en phase de transition vers la grande réinitialisation. Il va sans dire qu'ils seront sacrifiés sur l'autel du double grand remplacement lorsque l'ordre global n'aura plus besoin d'eux.     



Manipuler des concepts traditionnels et les mettre aux services d'idées politiques est une chose, leur redonner du sens en est une autre. Si c'est pour en inverser le sens, les faire mentir par omission, et ne prenant pas en compte le temps dans lequel ils s'inscrivent, il est sans doute préférable de ne pas les manipuler ou de se référer à concepts modernes qui correspondent au temps politique du Progrès. D'un temps politique qui nie toute tradition. Découpler les concepts traditionnels de la conception traditionnelle du Temps c'est participer à cette perte de sens que les mêmes intellectuels et philosophes s'empresseront de dénoncer entre la poire et le dessert.



Revenir aux fondamentaux traditionnels ; dont cette la vision cyclique du Temps fait primordialement partie, est un « jeu d'enfants » et nous apparaît comme une évidence pour espérer un redressement conservateur de la société, sinon en décadence ou en dégénérescence, en déliquescence. Peut-on alors exprimer cette déliquescence civilisationnelle sans revenir aux fondamentaux traditionnels ? Revenir aux principes qui ont fondé notre civilisation européenne en ignorant la pensée traditionnelle ?



Exprimer la vision traditionnelle du Temps qualifié est l'acte fondateur pour reformer une cohésion métapolitique et une coalition politique contre la postmodernité et le globalisme qui inversent le sens des mots, des principes et des valeurs. La tâche est ardue. Mais sans repartir de cette notion primordiale et fondamentale de Temps qualifié pour articuler concepts métapolitiques et idées politiques dans un ensemble cohérent, rien ne nous semble possible.



Inverser une inversion ne remet pas l'objet inversé à l'endroit ; nous devons rétablir l'objet inversé dans son état initial et non pas retourner son inversion auquel cas c'est l'inversion elle-même que nous remettons à l'endroit mais elle reste en l'état de la subversion initiale. Déconstruire la déconstruction c'est toujours déconstruire, autrement dit détruire ce qui l'est déjà.



La vision traditionnelle du Temps, si nous la faisons nôtre, change radicalement la vision que nous avons du monde et donne à voir toute la superficialité et l’artificialité ; toute la trivialité, du temps politique imposé par les globalistes. Sinon, nous nous acharnons à perdre notre énergie dans cette trivialité du temps politique et son spectacle.



C'est aux intellectuels et aux philosophes que la charge de rétablir cette vision traditionnelle du Temps incombe.



Nous connaissons d'avance leur réponse embarrassée au sujet de la Tradition et sur la difficulté de vulgariser cette pensée pour une société qui ne s’intéresse et ne croit plus en rien. Ils ne veulent pas relever le défi. La métaphysique est l'angle mort de leur métapolitique de « guérilla culturelle » au service bénévole d'un temps politique ingrat. Ils disserterons jusqu'à la fin des temps au sujet des grandes idées politiques et philosophiques qui traverse la société déconstruite de la même manière que leurs homologues byzantins discutaient du sexe des anges facilitant la prise de Constantinople. Ce sont des théologiens de la religion du Progrès.



Nous nous demanderons alors comment, à partir de là, ils espèrent un redressement politique ; et pourquoi ils se mettent au service bénévole des éphémérides électorales globalistes, avant même d'avoir essayé de rétablir les principes fondamentaux de la pensée traditionnelle qu'ils cachent au profit de la pensée postmoderne... que pouvons-nous opposer au postmoderne si ça n'est la pensée traditionnelle ?



« Il y a un temps pour tout » ; et c'est bien en cela qu'il est qualifié.



La Révolution conservatrice à voix basse



Il était une fois la pensée conservatrice qui avait honte de dire tout haut ce qu'elle pensait tout bas...



Mais est-ce une nouveauté des fables conservatrices ?



Les européanistes, à défaut d'être constitués en parti politique émancipé des partis postnationaux de la droite souverainiste, se mettent donc aux services d'hommes et de partis politiques plus ou moins conservateurs, autrement dit et aujourd'hui, plus ou moins souverainistes, qui ne défendent pas l'idée européenne ni la pensée traditionnelle.



Nous ne pouvons même pas parler d'entrisme européaniste et, dans cette configuration d'un rapport du métapolitique au politique à sens unique, qui n'est même pas celle d'un soutien intéressé, l'idée européenne n'a qu'une faible résonance à l'intérieur de ces partis – le Rassemblement National ou Reconquête pour ne pas les nommer.



Le « camp européen » ne sort pas du girond du « camp national » et du joug souverainiste. D'un « camp national » qui n'est plus que l'ombre souverainiste de lui-même et les européanistes se retrouvent donc aux services d'appareils qui soit sont franchement anti-européens soit ne portent la pensée européenne authentique que marginalement.



L'européanisme ; dont il est peut-être inutile de lui attribuer un superlatif pour le qualifier, est confondu avec l'européisme technocratique des globalistes par un « camp souverainiste » qui, avec son frexit et autres chauvinismes inconséquents, est l'idiot utile du globalisme. Par extension, les européanistes sont aux services des idiots utiles du globalisme. Apport de cette mise à disposition et cet entrisme au sein du « camp national et souverainiste » : zéro.



La vision à court terme du « camp européen » n'est-elle pas liée à la vision traditionnelle du Temps que les penseurs europeanistes se refusent de défendre pour ne pas être écartés d'une vie politique de laquelle ils sont écartés par un « camp souverainiste » qui a déjà refoulé le nationalisme à sa plus petite expression civique et pseudo-patriotique ?



Certes, il y a un spectacle de la marchandise propre à nos milieux métapolitiques révolutionnaires et conservateurs. Nous ne le nierons pas. D'un point de vue traditionaliste comme d'un point de vue situationniste le gramscisme de « guérilla culturelle » de la Droite plonge nos sphères métapolitiques dans le spectacle virtualiste de la marchandise.

 

Un « spectacle » tantôt complotiste tantôt dissident, tantôt marxiste tantôt situationniste, tantôt nationaliste tantôt royaliste, tantôt tercériste tantôt nonconformiste, tantôt occidentaliste tantôt européaniste, tantôt traditionaliste tantôt anarchiste, tantôt pérennialiste tantôt eurasiste qui animent, tour à tour, nos sphères métapolitiques déboussolées.

 

Nos « sphères métapolitiques » qui sont autant de familles élargies de l'opposition au globalisme, de la plus grande Droite, selon les modes idéologiques et les tendances doctrinales du moment, qui n'opèrent jamais de distinction entre ces idéologies et doctrines politiques incarnées par des avant-gardes et des groupuscules qui portent des visions du monde différentes ; espérant une union transcourante de ces avant-gardes métapolitiques qui ne vient jamais à cause de ce « narcissisme des petites différences » (cf. Freud) qui n'a jamais été aussi vrai qu'en politique, n'ont aucune prise sur le temps politique.

 

Cependant, et malgré nos « guerres de chapelle » – qui ont aussi leurs bons côtés et nous permettent de penser contre nous-mêmes –, on ne peut pas collectivement nous accuser de ne pas y sacrifier une vie tranquille. Nous autres, eurasistes, nous incluons dans cette plus grande Droite et ne prétendons pas mieux faire que nos camarades : que cela soit bien clair. Nous pensons avec la Droite et non contre elle. Si nous sommes parfois « vindicatifs » envers nos camarades, car nous les aimons fraternellement, notre seule volonté est que l'idée européenne trouve sa voie.

 

Ce « spectacle » n'est, dans nos sphères métapolitiques, qu'un outils et qu'un moyen, il ne représente pas une fin en soi. Peut-être est-ce le cas pour quelques influenceurs pour qui la métapolitique est un objet spéculatif, mais nous ne sondons pas les cœurs et les reins.

 

Néanmoins, nous pouvons douter de l’efficacité du spectacle qu'offre ce divertissement métapolitique pour convaincre les multitudes anonymes connectées.

 

Quoiqu'il en soit, aucunes des avant-gardes métapolitiques antiglobalistes ne sont exemptes de la responsabilité de porter et diffuser une vision du monde et, par là, d'influencer peu ou proue leurs auditoires composites vers une métapolitique opérative. En effet, les avant-gardes ne peuvent se laver les mains d'influencer ces différentes sphères interconnectées par les contenus qu'elles diffusent, se rincer les doigts des choix de programmation idéologique et doctrinale qui orientent ou désorientent les militants et que personne ne leur impose.

 

Plus facile à dire qu'à faire mais nous devons « collectivement » désenclaver le temps métapolitique du temps politique.

 

Le temps du « terrorisme métapolitique » est venu

 

Nous devons médiatiquement faire feu sur les hommes et partis politiques sans retenue.

 

Le fanatisme métapolitique et la violence politique sont nécessaires et obligatoires.

 

Nous ne parlons pas de violences et d'agressions physiques de personnes mais d'un « terrorisme métapolitique » contre tout ce qui combat l'idée européenne et, en priorité, l'européisme globaliste.

 

Ne nous cachons plus derrière les petits doigts des intellectuels, idéologues et philosophes. N'ayons plus peur de notre ombre et de la terrible beauté de « Notre Dame d'Europe », selon l'expression de Thomas Ferrier dont nous soulignons ici la puissance de l’intuition de cette très belle et terrible imprécation qui ferait presque profession de foi pagano-chrétienne et annonce prophétiquement le changement impériale de religion de la grande Europe. Ce qui pour un païen endurcit dépasse sa pensée. Cependant, il est le géniteur de cette projection et, en bon chrétien, nous rendons à César ce qui lui revient.

 

Si « temps politique » et « temps métapolitique » ne sont pas sur le même plan et ne s'opposent pas à première vue, il s'agit de rétablir la primauté du « temps métapolitique » sur le « temps politique » qui est éphémère et qui a prit le pouvoir par l'effet de l'information continue qui ne laisse plus de répit aux idées politiques.

 

Réintégrer la philosophie-politique aux questions socio-économiques que pose le « temps politique » chronophage. Soumettre cette démonie au Politique.

 

Un « temps politique », avec son agenda et son information continue, dans lequel nous sommes englués et duquel, nous le voyons, il n'y a plus rien à attendre et espérer.

 

Nous sommes tragiquement enfermés et enferrés dans des formats cybernétiques politicomédiatiques stroboscopiques et épileptiques qui ne correspondent pas à l'état de notre pensée conservatrice profonde (qui dépend directement de notre vision du Temps).

 

Cette écologie idéologique profonde qui constitue la terrible beauté de nos littératures de combat et de notre métapolitique en son corps de grâce nous la repoussons outrageusement dans l'exercice et l'action politique pour la laideur de l'actualité et nous attrapons toutes les syphilis politicomédiatiques qui passent... nous nous sentons obligés de réagir à chaque démangeaisons. Il y a comme une couille qui gratte dans le potage.

 

Cette incohérence et goujaterie ne nous offre pas l'invisibilité que nous espérons ni ne fait la promotion de l'idée européenne. D'un Européisme fondamental et authentique.

 

Guerre fratricide et petits meurtres entre amis

 

Nous ferons ici l'économie de revenir sur ce que la vision du monde engendre d'incompétence métapolitique du camp européen à prendre une position ferme par rapport au conflit russo-ukrainien.

 

En effet, nous avons développé ce point d'une façon pamphlétaire et définitive dans une publication à venir.

 

Mais il est clair que l'on peut parler de trahison de la Droite qui n'a pas été capable de soutenir inconditionnellement la Nouvelle Russie de Vladimir Poutine contre l'OTAN jouant d'une position de neutralité favorable au statu-quo globaliste.

 

Cette « trahison » est le fruit d'une pensée européenne confuse qui, sous influence néo-occidentaliste, s'invente une civilisation occidentale et un monde blanc.

 

Ce postulat néo-occidentaliste va à l'encontre de toute la pensée européenne nonconformiste qui a cours depuis l'effondrement de l'URSS.

 

Nous ne ferons pas une liste exhaustive de toutes les mises-à-jour de la pensée européenne que nous pourrions datées du manuel de combat métapolitique « Pour une critique positive » de Dominique Venner, publié en 1962, et nous renverrons amicalement les néo-occidentalistes aux trois tomes « Europa » de Robert Steuckers qui synthétisent cette pensée européenne fondamentale, à suivre...

Vision du temps égale vision du monde

 

Nos camarades européanistes indistincts cherchent des réponses et des solutions dans l'actualité politique tout en connaissant la question métapolitique du temps long et du Temps qualifié.

 

En effet, nous prendrons garde d'affirmer que les sphères métapolitiques « européanistes » ignorent la notion de Temps qualifié (cf. Jean Phaure) et celle du temps long (que nous attribuerons de mémoire militante au « samouraï d'Occident » Dominique Venner) ; c'est-à-dire la vision traditionnelle et classique du Temps.

 

Une « vision » cosmique, symbolique, mythologique et héroïque du Temps.

 

Et si tout le problème de la Droite européenne du « Logos » ne résidait pas dans ce trouble « spatio-temporel » et cette double vision du Temps ?

 

Notre vision du Temps est notre vision du Monde. Vision du temps et vision du monde sont une seule et même vision.

 

Nous devons réaligner ces deux visions différentes du temps et de l'espace

 

Nous louchons donc entre deux temps et, par conséquent, notre vision du monde est utopique car nous la basons sur l'exemple culturel momentané et non sur un principe civilisationnel dynamique.

 

Cette inversion est celle entre culture et civilisation, qui est typique des droites alternatives qui confondent allègrement valeur et principe, voir mœurs et principe.

 

Les « valeurs » étant plus instables que les « principes » et les « mœurs » davantage instables que les « valeurs » encore – quoique cela soit discutable et que l'on pourrait parfois penser que les mœurs ont la peau plus dure que les valeurs ; dans tous les cas le principe est supérieur aux deux. Faisant des mœurs sociétales leur objet politique prioritaire, valeurs (culturelles) et principes (civilisationnels) passent à l'as, pour ne pas dire l'arme à gauche.

 

Société, culture et civilisation sont à remettre dans le bon ordre et, ensuite, nous pourrons articuler une pensée où culture et société sont soumises à des principes métaphysiques et civilisationnels supérieurs.

 

Divers penseurs de la Droite alternative interprètent le mouvement populiste de réaction « ni gauche ni droite » que nous pouvons effectivement observer, mais qu'il reste à orienter, comme un mouvement dextrogyre. Un « mouvement dextrogyre » qui ne trouve étrangement aucunes traductions politiques dans les urnes mais qui, selon eux, existe...

 

De notre côté, nous observons plutôt un mouvement lévogyre ; puissions-nous inverser le cours de ce « mouvement », de la Droite de concessions faites au globalisme. Dans le même ordre d'idée, nous ne croyons nullement à la théorie de la « fenêtre d'Overton » que l'on raconte aux petits enfants de Droite le soir pour les endormir.

 

La « Droite » n'a de cesse de baisser ses standards conservateurs dont certains sont effectivement basés sur des principes métaphysiques immuables pour séduire un public plus large et perd donc de sa substance. Les influenceurs de Droite se pensent alors comme des « coach en séduction » de masse critique. Malgré les concessions idéologiques, qui dépassent le champ de l'idéologie, nous n'observons pas ce fameux « mouvement dextrogyre » mais plutôt le débordement d'idées progressistes dans le champ idéologique conservateur.

 

Nous opposerons, sur ce terrain, « révolution » et « progrès », pour être bien compris.

 

Et nous parlons d'accomplir une « révolution conservatrice » au sens où, la Droite, doit revenir à l'état initial de ses fondamentaux et principes métaphysiques.

 

La « Droite alternative », quant à elle, prône un « progrès » du conservatisme vers les idées postmodernes pour « séduire » : l'idée utopique et dystopique de « transhumanisme » en tête de ses doléances progressistes envers la plus grande Droite révolutionnaire et conservatrice.

 

La seule question de l'immigration ne suffit pas à déterminer la Droite et justifier un mouvement vers elle ; ou qui irait dans son sens, d'une masse critique.

 

Cette illusion d'optique est, elle aussi, directement liée à la vision du Temps des droites alternatives en mouvement de subversion qui zooment toujours plus sur la ligne droite du Progrès et de l'actualité politique pour y voir une tendance favorable et s'inventer un futur archéofuturiste – le penseur transhumaniste Romain d'Aspremont trouve l'archéofuturisme de Faye encore « trop conservateur » pour la Droite.

 

Au lendemain des élections démocratiques et la victoire du globalisme, nous constatons toute l'illusion de leur influence métapolitique sur le temps politique.

 

Une partie de la Droite se revendiquant encore du national-socialisme ou du fascisme déguisée en populisme ou en souverainisme, voir en complotisme, démontre que la question du Temps n'est pas inutile à poser à notre camp.

 

Nous nous sommes toujours revendiqués du « Fascisme » dont l'idée a participé à notre formation militante.

 

Premièrement, ça ne nous gênait pas de marcher dans la boue et de manger à la table de nos camarades authentiquement fascistes et, deuxièmement, qu'est-ce que l'Eurasisme sinon une autre forme de la « Révolution conservatrice » ?

 

Dans cet ordre d'idée, nous proposions d'ailleurs une lecture croisée de Parvulesco et de Faye, une synthèse de l'eurasisme et de l'archéofuturisme, pour penser un « eurasisme européen ». Nous ne pouvons pas faire plus explicite quant à nos intentions eurasistes.

 

Me ne frego...

 

On ne peut pas défendre une vision du monde différente de notre vision du temps sans embrouiller notre esprit et, par extension, embrouiller l'esprit des militants, en défendant la position du statu-quo entre vision traditionaliste et vision postmoderne Temps donc du Monde. On ne peut pas comprendre que « tout ce qui revient est autre » si on a pas une vision cyclique et involutionniste du Temps.

 

Défendre la vision évolutionniste et progressiste du Temps revient à défendre la position globaliste du statu-quo et, en se réclamant à la fois de « Droite » et de la vision évolutionniste du Temps, nous voyons double.

 

Voyant double, nous voyons trouble.

 

Et cette double image du temps rend notre vision du monde utopique, voir dystopique.

 

Cette « vision syncrétique », à la fois traditionaliste et postmoderniste du Temps, est une vision d'alcoolique, une vision sous acide. C'est ce que nous reprochons principalement à nos camarades tercéristes, c'est d'être ivres de nostalgie et drogués de futurisme, alcool et drogue idéologiques qui font mauvais mélange.

 

Nous ne pouvons pas nous opposer au globalisme sans nous opposer au statu-quo. Le statu-quo globaliste repose sur la vision postmoderne du temps et du monde, c'est-à-dire et finalement, une vision évolutionniste et messianique du monde et du temps ; vision judéo-protestante s'il en est, à laquelle nous opposons une vision involutionniste et eschatologique.

 

Quand nous parlons de « néo-occidentalisme » – que nous avons défini dans d'autres essais : De l'Occidentalismepour désigner l'idéologie objective de la Droite alternative ou européaniste ; à la fois conservatrice et libérale, de la même manière que nous pourrions parler de « néo-conservatisme », nous ne nous trompons pas et comprenons précisément pourquoi nous avons forgé ces éléments de langage à travers nos travaux critiques militants. En effet, le problème de distinction entre les différentes idéologies qui animent et dominent les droites alternatives s'est vite posé. Il fallait essayer de le résoudre puisque les intellectuels de nos milieux ne s’intéressent pas à nos milieux. Ne pas voir de différence entre européanisme et occidentalisme est un problème pour penser une grande Europe en même temps « eurasiatique » et « occidentale ».

 

Paradoxalement, le néo-occidentalisme, qui est né à la fois d'une rupture avec la dissidence et d'une fracture avec le souverainisme d'une nouvelle génération de penseurs nationalistes et européanistes, a été un bol d'air métapolitique pour nos milieux.

 

Pour faire un peu d'actualité interne à « nos milieux », le paradoxe réside dans le fait que nous autres, eurasistes, nous sentons plus proches des néo-occidentalistes que de l'ancienne école de la Nouvelle Droite qui ne veut pas regarder en face le phénomène de cette nouvelle Droite alternative occidentaliste. Ce qui est pour le moins suspect quand on s'intéresse aux idées politiques de ne pas reconnaître les innovations idéologiques des nouvelles générations dans son propre camp. Le symptôme de cette cécité étant, par exemple, le fait qu'un Daniel Conversano ne soit pas invité à TV Libertés ni sur Méridien Zéro tandis qu'un Baptiste Marchais ; professionnel de la levée de fontes et spécialiste du cigare, s'improvise idéologue, et en appelle désormais à la Reconquête par une Sainte guerre civile sur les plateaux médusés de TV Libertés... Bref. Le débat que réclame à corps perdu le « camp conservateur » au système politicomédiatique n'est pas son fort en ce qui concerne ses mouvements internes.

 

Repartir de la question du Temps et de la vision implicite du monde qu'elle décline, nous semble être une approche métapolitique qui pourrait refonder une plus grande Droite. Conservatisme et archéofuturisme se réconcilient dans la vision pérennialiste du Temps, qui est également la vision eurasiste. Nous distinguerons gauche et droite à partir de cette vision du monde et non à partir de vagues positions politiques au sujet de l'immigration...

 

Dis-moi ta métaphysique, je te dirai ton chaos

 

Le conservatisme tente toujours à sauver ou recycler le dernier rejeton que le matérialisme a abandonné à la décharge idéologique et conceptuel pour passer à autre chose : à une nouvelle forme de liquidation de l'ancien monde. Et c'est à ça qu'on le reconnaît. C'est le particularisme du conservatisme plus royaliste que le Roi, à la charité devenue folle.

 

Nous comprenons que cette propension conservatrice puissent exaspérer les archéofuturistes ou les transhumanistes – s'il est possible d'être « transhumaniste » et de « Droite » ? – qui, en effet, souhaitent se projeter dans le futur : ce qui est le propre de l'esprit européen. (Nous-mêmes qualifions notre perspective eurasiste d' « archéofuturiste », nous ne voyons même pas comment, en tant qu'Européen, il pourrait en être autrement.)

 

Mais il y a une subtilité à cette opposition « divers droites » superficielle...

 

Même dans les franges les plus avant-gardistes et futuristes du conservatisme français, dans les droites prétendument « libérales » ou « archéofuturistes », on défend un « transhumanisme positif » alors même que cet « appel d'offres globaliste » qu'est l'idée transhumaniste n'est qu'un élément publicitaire, l'argument de vente du chaos posthumaniste vers l'avènement et le règne des robots : le plus grand « Grand Remplacement » que les néo-occidentalistes n'ont pas vu.

 

La métapolitique archéofuturiste actuelle est une métapolitique positiviste et scientiste de science-fiction. Cet archéofuturisme néo-occidentaliste n'est pas conforme à la vision qu'avait le concepteur idéologique de l'archéofuturisme : Guillaume Faye.

 

L'archéofuturisme tel qu'il est vendu par les néo-occidentaliste est une version « grand public » de l'idée de Guillaume Faye et son « esprit fusée », et qui, selon nous, trahi sa pensée originale et originelle – nous reviendrons sur ce point dans un article à paraître : La métaphysique du grille-pain.

 

Les idéologues globalistes de premier plan ont abandonné l'idée d'homme augmenté ; sinon à vue élitiste et portée militaro-industrielles, et préfèrent à cette idée prométhéenne, où l'homme a encore sa place, les idées posthumanistes d'hybride et de robot. L' « homme augmenté » est une idée réservée à une toute petite élite dont les critères d'appartenance restent à définir. Mais l'idée d'un « transhumanisme pour tous », d'une démocratisation de l'augmentation méliorative et positive de l'humanité par la techno-science, n'existe que dans la tête de quelques boomers et autres éveillés de la nouvelle grande religion new-age du développement personnel et du transhumanisme.

 

Les avant-gardes transhumanistes et leurs théoriciens ; qui ne sont autres que les conseillers avisés des globalistes décisionnaires et les plus influents, sont très clairs sur l'obsolescence programmée du corps humain et d'une bonne partie inutile de l'humanité dans leur perspectives transhumanistes qui ne souffrent pas d’ambiguïtés ni de mystères à ce sujet.

 

D'une robotique animée par une intelligence artificielle émancipée qui ne sera « humanisée » qu'à titre de divertissement (et services sexuels). Et, l'idée infernale d'une hybridation par nature « chimérique » – mélange génique d'homme et d'animaux, conception d'un nouveau genre humain via des utérus artificielles, transformation des cadavres humains en nourriture standardisée (normalisation du cannibalisme), etc.

 

La récréation transhumaniste est finie

 

« Le modèle libéral occidental répond alors: vous voulez vous opposer à nous ?  Faites-le, vous en avez le droit, mais vous ne pourrez pas désinventer la machine à laver. La machine à laver constitue l'argument absolu des partisans du progrès. » Alexandre Douguine, La métaphysique de la machine-à-laver

 

Le métavers est la nouvelle prothèse préfigurative d'un homme diminué, trempé dans le virtualisme jusqu'aux os. On ne peut, en aucun cas, suggérer une augmentation des capacités cognitives humaines à partir de cette perspective de séparation de l'homme de son corps ; d'activité physique et de sa vie sociale, plongé dans un monde virtuel et qui résume parfaitement la métaphysique du transhumanisme. Le transhumanisme c'est le métavers, et lycée de Versailles.

 

La métaphysique du métavers constitue l'argument de ce glissement idéologique du transhumanisme au posthumanisme. En réalité « transhumanisme » et « posthumanisme » sont synonymes dans les théories et littératures transhumanistes. Le transhumain est le corps transitoire du posthumain. Autrement dit, le transhumanisme est le moyen terme du posthumanisme.

 

Il ne s'agit plus d'augmenter ou de transformer l'homme mais de le remplacer, à terme, par des robots tandis qu'on le plonge dans un monde entièrement virtualisé pour qu'il ne s'aperçoive pas de la nouvelle réalité du monde posthumain. Dans le meilleur des cas de l'hybrider totalement à la machine ou de génétiquement le modifier ; le mélanger à de l'adn non-humain, afin de créer un posthumain, une espèce chimérique, voir de le recycler en nourriture : en énergie.

 

En outre, par les questions éthiques, philosophiques et métaphysiques que pose l'immortalité comprise comme l'abolition transhumaniste de la mort, on se rend vite compte que, pour les théoriciens du transhumanisme, l'abolition de la mort passe par l'abolition du corps. On découple le corps humain de son esprit. Corps et esprit sont deux entités à part entière dans la pensée transhumaniste avancée. Mais qu'est-ce un Homme si ce n'est un esprit attaché à un corps ?

 

Il n'est même pas utile de faire intervenir l'âme pour comprendre la supercherie du transhumanisme. Dans la pensée transhumanisme, la question métaphysique du l'être et du souffle de vie ne se pose pas. Ātman et Prāṇa sont absents de la philosophie et de la métaphysique transhumaniste. Le transhumanisme n'est pas une transformation ni une métamorphose de l'être mais bien la négation de tout ce qui le constitue. La pensée transhumaniste ; qui évitent soigneusement de répondre à toutes ces questions liées aux « états multiples de l'être », résout tous les problèmes philosophiques et métaphysiques qu'elle pose par le remplacement pur et simple de l'être par une nouvelle forme de vie posthumaine.

 

Toute la limite de la théorie transhumaniste est contenue dans cette incongruité de séparer l'esprit du corps. Ce détachement de l'esprit du corps est nécessaire dans la pensée transhumaniste accomplie. C'est la véritable fonction du transhumanisme qui apparaît entre les lignes de toute sa littérature. Cette fonction métaphysique du transhumanisme est cachée au grand public et nous comprenons que cette fonction ressemble étrangement à la fonction évangélique du Diable dans sa vocation à collecter les âmes des hommes qu'il a tenté et détourné de Dieu. Ici, il ne s'agit pas de « collecter les âmes » ; qui est une « opération métaphysique postmortem », mais d'extraire l'esprit et l'âme du corps du vivant de l'homme, comme on extrait une dent, pour faire du corps humain le véhicule mort-vivant d'une intelligence artificielle.

 

Le nouveau genre humain, l'ancien Homme nouveau du christianisme, du communisme et du fascisme réifié par le transhumanisme est un hybride, une chimère, un posthumain. Et, à la fin, l'être humain se confond totalement à la machine voir disparaît dans les limbes du réseau cybernétique, l'espèce humaine disparaît de la surface de la terre pour laisser sa place aux machines et aux robots, l'esprit est remplacé par l’intelligence artificielle. Voilà où mène, in fine, la pensée transhumaniste qui est, en quelque sorte, la pensée de la machine émancipée de la main de l'homme.

 

« L'hybride? C'est le mélangé, l'hétéroclite, l'insaisissable, le pas de côté, c'est tout ce qui n'entre pas dans nos cases, c'est tout ce sur quoi il est impossible de coller une étiquette. » Gabrielle Halpern, Tous centaures ! Éloge de l’hybridation

 

L'immortalité promise par le transhumanisme n'est que l’appât publiciste et l'hameçonnage virtualiste d'une cybernétique globaliste posthumaniste et la disparition programmée de l'espèce humaine telle que nous la connaissons, c'est-à-dire avec un corps, un esprit et une âme.

 

« L'idée que les humains ont une âme ou un esprit et qu'ils ont le libre arbitre. C'est fini. » Yuval Noah Harari (conseiller de Klaus Schwab, leader du Forum économique mondial)

 

C'est le Diable qui ne va pas être content.

 

Ça n'est pas tant à Dieu qu'au Diable lui-même que les transhumanistes s'attaquent. En ça, cette phénoménologie transhumaniste du mal est une première dans l'histoire de l'humanité. Ce qu'il y a de « magique » c'est que cette défiance ultime de l'homme, à la fois de son Créateur et son Tentateur, laisse entrevoir une paradoxale réconciliation ou nouvelle entente entre Dieu et le Diable. Autrement dit, « Dieu » va donner les pleins pouvoirs au Diable qui, comme chacun le sait, est le « Prince de ce monde ». Une sorte de trêve entre Dieu et le Diable pour combattre un nouvel Ennemi est à envisager. Une trêve où le logos n'a plus cours et où deux formes de chaos s'affrontent : ce qui rejoint la « métaphysique du chaos » développée par Alexandre Douguine et lui donne un corps à travers la provocation transhumaniste qui semble être une diablerie typiquement humaine qui provoque le Diable lui-même sur son propre terrain de jeu.

 

Nous nous emploierons, dans les remises-en-ligne de nos essais, de fournir toutes les sources nécessaires à nos entrées au sujet de l'avènement des robots, de l'hybridation et du posthumanisme, et sur lesquelles nous nous basons. Ça n'est pas ce qui manque dans la littérature globaliste messianique.

 

« L’imaginaire millénariste de délivrance du corps grâce à l’ordinateur est aujourd’hui largement partagé. Songeons à la communauté virtuelle américaine des Extropiens qui, rêvant de s’affranchir du corporel, veulent prolonger à l’infini l’existence grâce au perfectionnement de la technique et travaillent à transférer leurs esprits dans le réseau afin de mener une vie virtuelle et éternelle. Quitter la prison du corps et entrer dans un monde de sensations digitales, tel était le vœu de Marvin Lee Minsky. Il poussait à son terme sa mystique de l’Intelligence artificielle et son mépris du corps, prenant date pour le téléchargement de l’esprit dans l’ordinateur.

 

Pour Hans Moravec, spécialiste de la robotique, l’obsolescence du corps humain est un fait acquis. La chair limite le déploiement technologique d’une humanité en pleine métamorphose. Nous sommes entrés dans « une ère post-biologique » et « l’homme (est) en re-création », comme le titrait Claude-Louis Gallien dès 1983. Le discours sur la fin du corps a des relents religieux. Dans le monde gnostique de la haine du corps, que préfigure une part de la culture virtuelle, le paradis est nécessairement un monde sans corps rempli de puces électroniques et de modifications génétiques ou morphologiques, où un scanner à haute résolution transpose en une fraction de seconde toutes les données intellectuelles et affectives de l’homme dans un nouvel habitacle plus approprié que l’ancien corps. On voit se profiler à l’horizon des créatures vivantes étrangères et technogènes. Le privilège ontologique de notre corps premier, individuel, est, dans les faits comme dans la tendance, aboli. » Claude Fintz et Véronique Costa, Le corps contemporain : entre mutation et archétype



Nous pourrions alors produire une analogie originale, afin d'illustrer notre propos, sur la base de l'étude de la Mort dans la littérature mythologique et féerique. La mort qui donne accès à l'immortalité par une réalisation métaphysique ou un acte héroïque de bravoure. Nous retrouvons cette idée de « mort féerique » dans les mythes et dans la littérature médiévale : contes, légendes, lais, chanson de geste, roman. La mort féerique est l'élément central des mythes et légendes. La littérature médiévale elle-même basée sur la mythologie antique et ce qu'elle dévoile de principes philosophiques et métaphysiques.

 

Une analogie entre la fonction métaphysique parodique et la fonction métaphysique ambiguë du « rapt aliénant » dans les récits féeriques, étendue au récit transhumaniste et à la « mort prématurée » de notre civilisation occidentale par sa fuite-en-avant techno-scientifique transhumaniste nous semble être une analogie intéressante à effectuer.

 

En quelque sorte, le transhumanisme « ravi » l'être humain à sa quête de réalisation spirituelle et métaphysique ultime qu'est la « mort à soi-même », ou qui s'accomplit à travers la mort, en parodiant la voie initiatique de la mort à sois-même et la quête de l'immortalité qui, dans la mythologie indo-européenne est une immortalité symbolique de la même manière que l'on retrouve, dans toutes initiations spirituelles traditionnelles, la mort et la renaissance symboliques de l'initié.

 

Cette dégradation et aliénation postmoderne de la qualité immatérielle et symbolique de l'initiation spirituelle en opération matérielle et « techno-biologique » est directement liée, et est permise, par l'incompréhension habituelle de la théorie évolutionniste ; rationaliste et scientiste, au sujet de l'origine métaphysique et « divine » de l'Homme, et par la conception progressiste du Temps qui découle de cette incompréhension sur la substance et l'essence véritables de l'être.

 

Dans les enseignements philosophiques et spirituelles ; traditionnels et sacrés, il ne s'agit nullement d'une immortalité matérielle mais bien d'une immortalité métaphysique et symbolique qui se passe précisément à l'intérieur de l'être ou dans un « monde imaginal ». Le transhumanisme cherche donc à extérioriser cette immortalité métaphysique et symbolique. Et, en voulant « extérioriser », nous voyons qu'il veut surtout « dissoudre ». Ce pourquoi nous parlons de « parodie » du concept métaphysique d'immortalité que l'on retrouve dans nos mythes symboliques fondateurs. Ce qui fait bien du transhumanisme une religion new-age matérialiste et scientiste dont la soi-disant « rationalité scientifique » nous échappe.

 

Premièrement, où loge l'esprit ? Est-ce que les transhumanistes ont une théorie de la localisation de l'esprit humain ? Peut-on penser le transhumanisme (qui prétend tout de même pouvoir « télécharger » l'intelligence humaine d'un corps à l'autre ou dans un réseau informatique), sans penser l'esprit ? Où siège donc l' « intelligence humaine » ? Sans répondre à cette question primordiale ; qui n'a pas de réponse autre que « métaphysique » – qui est la raison même de la réflexion métaphysique –, le « transhumanisme » ne peut exister et toute discussion au sujet du « transhumanisme » est vaine puisque la Technique ne peut capturer l'esprit et le mettre en cage. Le « transhumanisme » est une spéculation sans fondements philosophiques et métaphysiques sérieux dés que l'on introduit la question de l'esprit et de sa localisation corporelle. Nous parlons bien d'un transhumanisme effectif et opératif qui, à l'avant-garde des théories transhumanistes, est celui de la double négation de la mort et du corps.

 

« Ces nouveaux gnostiques, ainsi que les nomme Le Breton, dissocient le sujet de sa chair périssable et veulent l’immatérialiser au profit de l’esprit. Le corps est « surnuméraire » pour certains courants de la cyberculture qui rêvent de sa disparition (Le Breton, 1999, p. 18). La science-fiction qui, selon lui, prend souvent le relais de la sociologie et de l’anthropologie pour dire sous une forme narrative les tensions du contemporain, prône l’humanisation de la machine, la réification de l’homme, la digitalisation de l’esprit humain, la dissémination des composantes corporelles. La forme humaine y est très souvent inadéquate si elle n’est pas supprimée ou remodelée en se mêlant à l’informatique. Pour nombre d’adeptes de l’Intelligence artificielle, la machine sera sans doute un jour pensante et sensible. Cette cyborgisation progressive de l’humain brouille les frontières de l’identité humaine et corporelle. 

 

Ne sommes-nous pas dès lors face à un « risque anthropologique majeur » ? Les frontières du corps, qui sont simultanément des limites identitaires de soi, volent en éclats et sèment le trouble. « Ces limites du corps dessinent à leur échelle l’ordre moral et signifiant du monde. Penser le corps est une autre manière de penser le monde et le lien social : un trouble introduit dans la configuration du corps est un trouble introduit dans la cohérence du monde. » (Le Breton, 1993, p. 315-316) On pourrait même ajouter que « si le corps n’est plus la personne, s’il est tenu à l’écart d’un individu au statut de plus en plus indécidable […], alors c’est toute l’anthropologie occidentale et tout l’humanisme (implicite et explicite) qu’elle soutient, qui est mis en question » (Le Breton, 2002, p. 174). » Claude Fintz et Véronique Costa, Le corps contemporain : entre mutation et archétype (Iris)

 

Ainsi, la pensée transhumaniste, dans son rapport ambigu à la mort et l'immortalité, est, selon nous, une parodie conceptuelle de la fonction littéraire et métaphysique ambiguë du « rapt » dans la mythologie européenne – principalement grecque – et la littérature médiévale « féerique » qui sont deux sources structurantes de notre philosophie et métaphysique, pour le moins des reflets culturels et spirituels de cette philosophie et métaphysique. (Nous travaillons à reformuler cette piste de réflexion dans de meilleurs termes mais nous trouvons intéressant d'édifier nos lecteurs sur cette découverte...)

 

Appuyons-nous sur l'analyse astucieuse de Laurent Guyénot au sujet de la fonction mythique et métaphysique du « rapt » (et de son ambiguïté) dans la littérature médiévale qui nous permet de faire cette analogie et de souligner les aspects parodiques de la « pensée transhumaniste ».

 

« Les récits de rapt constituent des discours antiphrastiques sur la mort, une façon d'imaginer la mort prématurée comme son contraire, une vie ailleurs, une « vie paradoxale », pour reprendre l'expression de Francis Dubost. Le motif du rapt a pour fonction de nier la mort, ou de raconter la mort en la niant, ou encore de dire la face cachée et véritable de la mort. Il ne s'agit pas de nier la mort en général, mais seulement dans certains cas spéciaux. Les morts sont la règle, les ravis (ou raptés) sont l'exception : ce sont des personnes « disparues » subitement à un age précoce. Le rapt féerique est le contre-discours mythique que l'on oppose à la tragédie de la mort prématurée : les ravis sont des gens qu l'on croit morts mais qui ne le sont pas. La mort est donc l'arrière-plan implicite du rapt, sa possible vérité cachée, même lorsque le narrateur invite ses lecteurs ou auditeurs à suspendre leurs doutes. Mais l'implicite est volatile, et il disparaît aisément lors de la transmission d'un récit. C'est pourquoi une histoire de rapt peut aisément s'émanciper de l'imaginaire de la mort avec lequel elle est tacitement lié.

 

Le rapt est donc une forme secondaire du mythème funéraire. Ganymède fut ravi selon L'Iliade : « Les dieux le ravirent, comme échanson de Zeus, à cause de sa beauté, pour qu'il vécût parmi les Immortels ». Élie fut pareillement « enlevé » au début du Second Livre des rois. De Lanval parti pour Avalon, Marie de France dit : la fu raviz li dameiseals. Cette façon de penser la mort prématurée comme un rapt est fort ancienne. Selon l’helléniste Jennifer Larson, « l'idée que les jeunes défunts ont été emportés par les nymphes est devenue une formulation populaire dans l'art et la poésie funéraires des mondes hellénistiques et romain. » S'agissant d'art funéraire, il est évident que le rapt par les nymphes n'est pas tant ici une manière de nier la mort qu'une façon conventionnelle d'affirmer sa nature mystérieuse et paradoxale. Le rapt par les nymphes est la version miniature du rapt divin des mythes héroïques ; c'est une forme de petite héroïsation liée à un culte funéraire familial.

 

Le rapt est un motif ambigu. Il peut être une expression narrative de l'héroïsation, désignant le ravi comme immortel. Mais lorsqu'il suppose une captivité, le rapt s'apparente plutôt à la malemort (c'est alors le sauveur, celui qui libère la captive en pénétrant vivant dans l'autre monde, qui est héroïque). Il n'y a pas de solution de continuité entre ce que l'on peut appeler le « rapt immortalisant », qui confère une dimension héroïque, et le « rapt aliénant », qui arrache l'individu aux siens pour son malheur. Pensons, d'ailleurs, à l'immortalité d'Arthur, qui s'apparente à une captivité par la blessure inguérissable l'immobilisant au lit. Le motif du rapt aliénant est souvent associé à l'idée que les morts prématurée demeurent dans un état intermédiaire, entre la vie et la mort, jusqu'au terme normal de leur vie. Guillaume d'Auvergne, évêque de Paris dans la première moitié du XIIIe siècle, évoque cette croyance à propos des apparitions des guerriers fantômes. L'explication commune, dit-il, est que les âmes des hommes occis par le fer « continuent à être actives tout le nombre de jours, ou tout le temps qui leur était donné de vivre dans leur corps, si elles n'en avaient été expulsées de force ». Cette idée que Tertullien s'était déjà donné la peine de critiquer, a traverser le Moyen Âge, et Anatole Le Braz le trouve encore chez les Bretons de son temps. Le rapt, comme l'errance avec laquelle il se confond ici, peut s'assimiler à une version laïque du Purgatoire, une période transitoire et inconfortable. Dans ce contexte, la délivrance d'un ravi par l'intercession d'un héros peut signifier son admission dans la bonne mort.

 

Le rapt couvre donc tout le spectre de l'imaginaire de la mort, entre ces deux pôles que sont la mort héroïque et la malemort... » Laurent Guyénot, La mort féerique – Anthropologie du merveilleux (XIIe-XVe siècle), Chapitre VII Les captifs de Fairyland, Ambiguité du Rapt, pp. 215-217, Éditions Gallimard, nrf

 

Nous comprenons assez rapidement l'utilité d'un Métavers pour justifier la parodie transhumaniste de l'immortalité comme « malemort » ; pour combler le manque de sensations humaines dans cette « immobilisation » d'un corps « mort-vivant » dans l'autre monde transhumaniste virtuel, cette suspension ou désintégration du corps dans un réseau informatique où toute sensation devient artificielle. L'idée d'augmentation cache l'idée de suppression même du corps et, par extension, de toute activité physique. Mais est-ce que l'activité intellectuelle peut-elle découpler de l'activité physique ?

 

Comment alors l'esprit peut survivre sans activité physique réelle et privé de corps pour ressentir les pulsions électriques susceptibles d'imiter les sensations que procurent cette activité dont on ne peut scientifiquement nier l'importance dans toutes réflexions philosophiques et métaphysiques ?

 

Il est communément admis que l'on pense et réfléchit mieux en marchant dans la campagne où la forêt ; dans les « espaces verts »... ce qui comprend un climat, des odeurs saisonnières et toutes une panoplie de sensations offertes par la Nature qu'il est illusoire de prétendre imiter et parodier à une perfection telle que l'esprit privé de son corps ne le remarque pas. Il y a la théorie et la pratique.

 

Sur le papier, tout est toujours plus ou moins possible. Hors, la pensée transhumaniste ne respecte même pas les bases métaphysiques ni les règles de la physique les plus élémentaires. Le schéma narratif du récit transhumaniste est uniquement et exclusivement spéculatif sur bien des points et présuppose davantage qu'il ne propose. Nous construisons ici une sorte plan et nous donnerons de multiples exemples dans nos prochains travaux. Nous nous limiterons ici à quelques exemples sur ce que le transhumanisme dit de lui-même. Nous vous encourageons également à faire vos propres recherches car ce sujet est un sujet à tiroirs et à multiples entrées. Nous nous contenterons de prendre ce sujet sous un angle « métapolitique » et nous laisserons chacun répondre à la question transhumaniste dans son domaine de prédilection. Il nous semble avoir posé des questions fondamentales qui appellent des réponses de la part des « transhumanistes » ? Cette réflexion ne pouvant exister que dans l'échange et le dialogue, mais nous pouvons vous affirmer dés maintenant et sans suspens que vous ne verrez aucun débat entre transhumanistes et traditionalistes.

 

En réalité, les « transhumanistes » ne croient pas à leur propre « science-fiction » qui n'est, encore une fois, qu'une façon détournée d’appâter le chaland et faire accepter la posthumanité à l'espèce humaine, autrement dit, son extinction volontaire et programmée pour le confort éternelle d'une élite qui rêve d'immortalité et de régner sur un peuple d'hybrides et de robots dociles. Mais, est-ce que la « pensée transhumaniste » est réellement théorisée par des êtres humains ?

 

Est-ce que le transhumanisme n'est pas la vision prophétique d'un esprit global de la Technique ou de la Machine déjà virtuellement et potentiellement émancipée de son créateur et qui souffle à quelques humains sa volonté de puissance propre ?

 

Cette dernière question ne nous semble pas plus excentrique que la pensée transhumaniste profonde...

 

Quand nous observons des prolos se piquer de « transhumanisme » au coin de la rue, nous nous disons que la « servitude volontaire » a de beaux jours devant elle. Et nous ferons remarquer que lorsque les quidams se mettent au service de la « pensée transhumaniste » ils n'en fournissent qu'une version très édulcorée qui ne reflètent la pensée des théoriciens transhumanistes, tous les arguments employés sont de l'ordre d'arguments fallacieux, de syllogismes frauduleux et d'analogies plus que douteuses, en bref, une somme de « biais cognitifs » – Argumentation : chassez les biais. Ces toxicomanes et marchands itinérants d'un transhumanisme mainstream répètent un discours apprit par cœur. Nous voyons que leur discours, parfaitement new-age dit en passant, n'est pas le fruit d'une réflexion ou d'une recherche personnelle. Nous vous renvoyons à cette émission : Le transhumanisme : Utopie ou dystopie avec Marc Roux sommité dans son domaine pour que vous constatiez l'ampleur des dégâts. Nous passerons sur les diatribes égalitaristes et antiracistes qui accompagnent ce discours autant prétentieux que naïfs...

 

Nous avons cherché, rien dans la « pensée transhumaniste » ne répond à la question du rejet potentiel de cette virtualité absolue par notre cerveau et notre esprit. « Rejet potentiel » qui est évoqué et déjà présent en risque et précaution d'usage en ce qui concerne l'utilisation des casques de réalité virtuelle. L'on sait que l'utilisation de casques de réalité augmentée peut même, théoriquement, causer des dommages au cerveau, avec de graves séquelles voir irréversibles, puisque, fondamentalement, le l’œil et le cerveau humain sont conçus et structurés pour percevoir les différents niveaux harmonieux de la réalité et non pour accepter toutes les erreurs de calculs, les incongruités géométriques et géographiques, d'un monde virtuel fruit d'une programmation humaine où la plupart des structures et textures inventées s'effondreraient si elles étaient soumises aux lois de la physique et de la métaphysique car la réalité et le rêve ; autant les « êtres vivants » que les « objets », ne sont pas un jeu vidéo et l'imagination humaine est, « en vérité », incapable de reproduire le monde du rêve et de la réalité dans toutes ses subtilités et dimensions autant macrocosmiques que microcosmiques. Nous insisterons sur la fonction fondamentale du rêve ; encore mal connue, mais dont tous les spécialistes s'accordent à souligner l'aspect constructeur et réparateur. L'imagination humaine ne peut reproduire qu'une « parodie » des « trois mondes » qui se superposent à l'être. Le virtualité transhumaniste prétend faire cohabiter et rassembler ces « trois mondes » en un. Si nous allons au bout de cette réflexion, le transhumanisme prétend reproduire l'Unité divine de façon virtuelle et artificielle.

 

Il n'y aucun mal à s'imaginer et représenter les « trois mondes » ; les artistes et philosophes ne s'en sont pas privés, quant à les parodier et appeler cette « parodie » réalité, rêve et vérité virtuelles dans lequel l'homme pourrait vivre et échapper artificiellement à la mort il y a là une prétention qui dépasse bien celle de Prométhée ou de Lucifer.

 

Vision du monde et géopolitique

 

Nous avons pu observer les dégâts de la double vision du temps et du monde à travers le conflit russo-ukrainien où la Droite européenne à maintenu le statu-quo « par défaut ». Exemple frappant et marquant de cette défaillance qui prend des formes contradictoires multiples. Les européanistes veulent faire l'Europe mais ne soutiennent pas la fronde russe contre l'OTAN. Cachez ce dasein que je ne saurais voir !

 

Ce qu'est le camp national de « machine à perdre », nous en retrouvons le caractère utopique dans la Droite postnationnale et alternative à cause de cette double vision contradictoire du temps et, par extension, du monde.

 

Du Monde, de l'Europe et de l'Occident

 

Les européanistes ne savent pas exactement quelle vision de l'Europe ils défendent. Chacun à sa petite Europe et son grand Occident personnels. C'est l'Europe et l'Occident pour tous ; à portion individuelle et à usage unique. L'européen et l'occidental sont devenus des genres sociétaux. Autant d'Europe et d'Occident que de militants selon les différentes sociologies qu'abritent nos groupes métapolitiques et les intérêts égoïstes qu'ils défendent selon leur classe sociale respective. Des « classes sociales » que l'on peut aujourd'hui décliner à l'infini sous l'effet de la théorie du genre qui ne s'applique qu'au « genre sexuel » comme les droitard le pensent. Les droitards acceptent volontiers le concept de « classe sociale » qui est une parodie des castes traditionnelles mais rejettent précisément ce concept de « caste » qui limite la propagation et contagion des « classes sociétales » à l'infini.

 

Et, bientôt, ces mots, idées et concepts ; voir principes fondamentaux, ne voudront plus rien dire. Leur sens en est déjà inversé. Notre grande Europe n'est pas celle des occidentalistes. Notre Occident n'est pas celui des occidentalistes. De la même manière que Notre « Troisième Rome » n'est pas celle de Philippe Fabry, pour donner un exemple analogique parlant au sujet de la vision géopolitique du monde qui détermine également notre « idéologie objective ». Pour Philippe Fabry, les États-Unis sont la « Trosième Rome », c'est la « Troisième Rome » des néo-occidentalistes.

 

D'ailleurs, à défaut d'une vision européenne du monde, les néo-occidentalistes se sont réfugiés dans le dénominateur commun unique et exclusif de la « race blanche » comme critère fondamental. Fourrant dans ce critère tout et son contraire ; pour ne pas dire tout et n'importe quoi. Hors, le critère racial, si l'en constitue la substance quantitative, ne constitue pas l'essence qualitative permettant de penser une métapolitique européenne opérative. Les dirigeants globalistes et de nombreux gauchistes sont, aux dernières nouvelles, des « hommes blancs » qui ne veulent pas de la France française ni de l'Europe européenne.

 

La question de la race biologique, ne peut pas se substituer à la question de la race intérieure ; métaphysique. Encore une fois, c'est une question d'inversion entre un critère supérieur et un critère inférieur pour déterminer un plus grand dénominateur européen commun. Evola a précisé ce point dans Le fascisme vu de Droite que devraient relire les « occidentalistes » et autres « identitaires » qui sont aussi occidentalistes et identitaires que nous sommes chinois.

 

Nous assumons entièrement cette affirmation et attendons depuis les calendes grecques que nos camarades « européanistes » nous disent quelle position métapolitique et quelle vision politique de l'Europe ils défendent au bout du compte ?...

 

Nous autres, cœurs sauvages de l'Empire, défendons la position eurasiste et la vision pérennialiste du Temps ; et du Monde. Chez nous, les choses sont dites et sont claires.

 

Globalement, le camp européen s'arrange d'une position souverainiste postnationale « par défaut » ; un « nationalisme de pure frime » (cf. Parvulesco) ou « chauvino-mondialisme » (cf. Thomas Ferrier), teinté d'Europe sans être totalement convaincu par la vision et la position qui permettent de réaliser le « grand œuvre » de cette grande Europe à l'intérieure et à l'extérieur de Soi.

 

Nous prétendons que le manque d’intérêt pour la « pensée eurasiste » relève de cette « paresse intellectuelle » des penseurs européanistes qui ne pensent pas réellement l'Europe mais se veulent plutôt une alternative nationale de Troisième voie française.

 

Plus nous avançons dans notre réflexion européenne, plus nous comprenons qu'il n'est pas possible de penser l'Europe avec les français qui se considèrent comme un empire et une civilisation à part entière.

 

Nous devons repenser l'Europe sans la France

 

Ceci va à l’encontre de notre propre pensée qui disait que « c'est la France qui fera l'Europe », mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis et nous reviendrons plus largement sur ce point dans notre prochaine publication.

 

Laissons la France être cet empire archipélagique « qui ne dit pas son nom » et les européanistes français être ces nationalistes avec un « supplément d'âme européen » si ça leur fait plaisir.

 

Le « chauvino-mondialisme » des européanistes et occidentalistes français ne doit plus nous empêcher de penser une grande Europe sans la France.

 

Les européanistes français ne s'expatrient pas pour fuir la France mais pour apporter la France américanisée et occidentalisée partout, en bon petit soldat du globalisme qui s'ignore et infoutu de s’intéresser à autre chose qu'à son nombril.

 

La « pensée eurasiste » tend la main à l' « européanisme français » depuis dix ans et malgré son échec sur tous les plans, les européanistes font l'économie de la « pensée eurasiste ».

 

Qu'ils soient souverainistes ou européanistes les français restent des français.

 

L' « Empire eurasiatique de la Fin » n'est pas une vue de l'esprit, une idée, un concept, c'est l'expression de l'empire eschatologique et parousial européen qui prendra forme avec ou contre notre volonté. Ça n'est pas quelque chose qui va « se faire » comme nous voulons « faire l'Europe ». C'est quelque chose dont la mise-en-marche en avant à contre courant est déjà en cours dans les coulisses de la métahistoire et de la géopolitique transcendantale. Mais sans une vision mythique et tragique du Temps, on ne peut pas comprendre qu'est-ce l » « Empire eurasiatique de la Fin ».

 

Choisi ton Temps camarade !

 

De la même manière que l'on ne peut pas opposer le logos et l'ordre politique au chaos et au désordre globaliste ; et pour paraphraser simplement Alexandre Douguine, on ne peut pas opposer le logos au chaos et on ne peut pas sauver le logos de lui-même. Vouloir sauver le logos de lui-même ou opposer le logos au chaos est « utopique ». Nous le constatons à toutes les échéances démocratiques et sur le temps long métapolitique.

 

« Le Chaos donne éternellement naissance à l’autre, et donc aussi au Logos. » Alexandre Douguine, La métaphysique du chaos.

 

Nous ne voulons pas l'admettre. Mais nous sommes nous-mêmes des « troupes d'occupation mentale » de l'opposition contrôlée quand nous défendons ce statu-quo pour des raisons politiques et politiciennes contingentes, et assez minables, il faut le dire. Et sans la moindre importance quand nous regardons droit dans le soleil des grands enjeux de Civilisation qui ne s'arrêtent pas aux portes closes des élections démocratiques nationales et républicaines françaises.

 

Tout repose donc sur notre vision du Temps. Quelle position « temporelle » et « spirituelle » défendons-nous à la Fin ?

 

Nous l'avons affirmer à plusieurs reprises : on ne peut pas être nationaliste et européaniste en même temps. Sauf, peut-être, dans une perspective authentiquement multipolaire où le royaume ; la nation, s'inscrit dans une subsidiarité impériale bien comprise au même que la région ; la province, et le communal ; le local.

 

En effet, nous opposons l'Europe impériale à l'idée d'une Europe fédérale. Seul le principe d'Imperium est le garant d'une Souveraineté et Subsidiarité authentiquement « multipolaire ».

 

Deux métaphysiques s'affrontent

 

Nationalisme et Européanisme sont, en théorie et sur le papier, deux idéologies distinctes. L'une défend que le principe supérieure de Souveraineté réside dans l'espace nationale selon la conception westphalienne de Nation, l'autre qu'il réside dans la conception impériale ou fédérale d'un ensemble de nations selon une conception traditionnelle et ethnique de Nation. Des camps de l'esprit qui ne séparent bien évidemment pas les hommes mais qui séparent radicalement ces deux idées politiques qui révèlent deux conceptions et visions diamétralement opposées du monde. Une opposition entre deux formes conservatrices de la Nation empêchent les hommes de faire Parti et de faire Front contre le globalisme.

 

Notre remarque sur le Temps n'est pas idéologique ni conceptuelle pas plus qu'elle n'est doctrinale. Elle est d'abord métaphysique et spirituelle. Car il n'y a qu'un moyen de dépasser le problème idéologique des différentes écoles doctrinales et camps politiques postnationaux en matière de Souveraineté et de Nation, c'est de devenir une opposition métaphysique et spirituelle au globalisme en terme de Civilisation. « Civilisation » régie par des mythes fondateurs d'origines « surnaturelles » ou « suprarationnelles » cosmiques et métaphysique qui s’inscrivent dans l'idée d'un temps long et qualifié tandis que la conception moderne de Nation est justifié par l'idée de « roman national » ; que nous pourrions opposer à la notion de « mythes fondateurs », qui s'inscrit dans un temps politique et historique où le « nationalisme » n'est plus un moment du Politique et de l'Histoire mais devient une conception indépassable de la Souveraineté.

 

Il nous reste pour réconcilier ces deux visions de la Nation et de la Souveraineté de reformer notre opposition métapolitique autour d'un ordre supérieur qui transcende les idéologies et les doctrines politiques du siècle passé. Défendre la même position et la même vision du Temps, et donc du monde, serait déjà une espèce de victoire politique contre le globalisme. C'est à partir de là, de la défense d'une vision qualifiée du Temps qui s'oppose à la vision évolutionniste et progressiste du Temps, que nous commencerions à repenser la Souveraineté sur la base des principes métaphysiques dynamiques et à réactiver une opposition radicale au postmoderne qui nous ferait glisser vers ce que Raymond Abellio appelait : terrorisme métapolitique. Nous ne pouvons nous opposer au globalisme sans contester la vision évolutionniste du Temps à l'intérieur duquel le Progrès est incontestable. Nous ne pouvons gagner contre le postmoderne sur son propre terrain de jeu spatio-temporel.

 

Le monde des idées et des concepts est ce monde métapolitique imaginal qui nous permet de rêver et de nous projeter dans l'avenir. De réenchanter les militants. Nous n'avons rien contre le fait de réfléchir et de penser – bien que nous voyons les limites de réfléchir des stratégies électorales qui ne trouvent jamais d'aboutissement ; que cela soit par l'entrisme ou la propagande – ni contre notre plus grande littérature de combat métapolitique. Mais qu'en faisons-nous ?

 

Il devient acceptable, en ces temps incertains de transition et de chaos, de renverser « réfléchir avant d'agir » en « agir puis réfléchir » et d'expérimenter le chaos.

 

En effet, nos milieux ne font que « réfléchir » depuis la défaite ; ils s’observent perdre. Nous ne pouvons que perdre. Constater que nous perdons depuis que nous avons perdu n'est pas « réfléchir ».

 

Nous réenchantons le militant grâce à une métapolitique nonconformiste – royaliste ou impériale – et une littérature de combat pour aussitôt le désenchanter par l'actualité du temps politique. Et nous nous demandons ce qui cloche quand les couperets électoraux tombent de sanglantes guillotines sur nos têtes tremblantes. Par Toutatis !

 

Ce qui réenchante le militant au départ de sa quête métapolitique est de l'ordre du mythique et de l'héroïque ; du champ épique des possibles.

 

Le militant politique qui n'est pas un « fanatique » n'est plus un militant, c'est un spectateur et un consommateur de contenus nationalistes, dissidents, européanistes, etc... appelez-les comme vous voulez.

 

Ça n'est pas la réinformation ou le divertissement de Droite qui réenchante le militant.

 

C'est le rêve.

 

La portée légendaire, merveilleuse, fantastique du Politique. La fonction de la métapolitique est de réenchanter et « fanatiser » des militants politiques, de porter une vision du monde radicalement opposé au globalisme.

 

Ça n'est certainement pas l'analyse politique pantouflarde et les ronrons qui forme un militant. Le désintérêt de nos milieux pour le militantisme politique provient de leur désenchantement métapolitique. Nous n'avons pas de mythe fondateur et de prophéties littéraires propres a réenchanter le militant et en faire un fanatique métapolitique.

 

Tout notre logos européaniste basé sur l'analyse politique ; le constat de faillite et le bilan d'échec, est en échec idéologique, doctrinal, conceptuel, philosophique, spirituel et donc Politique. Nous manquons de cohérence métapolitique. Et les avant-gardes européennes ont le devoir de se mettre en retrait de l'actualité politique ; en mise-en-marche en avant à contre-courant du temps politique, de se remettre en question et se poser des questions philosophiques et spirituelles profondes sur ce qu'elles proposent aux militants de miroir aux alouettes. De double contrainte.

 

L'ère cybernétique a défiguré le visage du militantisme métapolitique nationaliste et nonconforme. Le temps métapolitique du Logos ; de la réinformation et du gramscisme de Droite, est terminé.

 

Les petites rentes de survie socio-économique des intellectuels et influenceurs de Droite – au profit de survie individuelle et aux dépends de la survie collective –, que nous le leur reprochons pas, ne justifient pas pour autant ; et pour pas grand chose, qu'ils enferment les militants dans une métapolitique utopique. Le pseudo-pragmatisme métapolitique des nouvelles droites alternatives fortes de leurs constats qui n'ont pas variés depuis Spengler ne se suffit pas à lui-même pour former et réenchanter le militant. Et les niches économiques qui permettent à quelques uns de survivre et de tirer leur épingle du jeu ne les protégeront pas de l'embrassement totale de la société vers laquelle nous semblons nous diriger de façon accélérée et de manière exponentielle. On a beau jeu de critiquer l'égoïsme des « boomers » mais on remarquera le caractère individualiste de la métapolitique des « niches économiques ». De toutes façons, l'apport économique que constitue les contributions et dons éparpillés dans ces niches métapolitiques « divers droites » ne permet pas de nous constituer en groupes de pression ou en Parti. Les commentaires et nos quelques productions audio-visuelles ne pèsent rien contre la puissance des lobbys et groupes de pression économique financés à renfort de milliards par les globalistes. Ce système de niches métapolitiques enferment le militant dans l'illusion que par son activité chronophage sur les réseaux-sociaux et ses commentaires indignés il s'oppose au globalisme. Factuellement, il enrichit davantage Big Data et fournit gratuitement toutes les informations qui permettent à Big Brother de se retourner contre lui plus qu'il ne combat le globalisme. En effet, il n'existe pas d'unité qui permettent de mesurer l'efficacité de notre métapolitique d'indignation et de propagandes virtuelles...

 

D'Oswald Spengler à David Engels, l'utopie de la petite maison conservatrice dans le terrain vague postmoderne n'a pas changé d'un iota.

 

Nos milieux métapolitiques ont besoin de recourir à une critique radicale pour se connaître impitoyablement eux-mêmes, de faire le constat qui s'impose et d'en tirer les conclusions qu'il convient sur notre métapolitique du logos. D'un logos défaillant. Trop de discours tue le discours, pour le dire de façon « populaire ».

 

Les Gilets Jaunes étaient le canari dans la mine. La rentrée politique s'annonce chaotique. Les avant-gardes métapolitiques de « Droite » partiront sans doute en vacances plutôt que d'organiser ce « chaos » tandis que la « Gauche » va mailler le territoire et s'accaparer ; à l'avance et par les méthodes trotskystes qu'on lui connaît, la rentrée sociale. La Droite toute nue et toute bronzée n'aura, encore une fois, que ses yeux pour pleurer.

 

Plus personne ne croit au « temps politique », mais pour des raisons pratiques et de confort intelectuel, tout le monde fait encore semblant de croire au ronron d'un logos révolu et qui n'a plus aucune prise sur la réalité.

 

Nous n'avons pas de philosophie-politique ni de métaphysique à opposer au globalisme. Pas davantage que nous n'avons de métapolitique autre qu'une métapolitique du divertissement qui ne regarde qu'un petit entre-soi. Nous sommes une opposition nécessaire au bon dysfonctionnement de l'ordre globaliste chaotique et dystopique.

 

Notre métapolitique est celle du mème

 

Le « mème » est tout ce que retient le militant une fois qu'il sort brutalement de la « superposition des écrans ».

 

« La mémétique utilise le concept, dû à Richard Dawkins, de mème (élément de comportement transmis par imitation) pour étudier les évolutions de la culture dans une approche darwinienne étendue. Un des exemples les plus connus est le parallèle fait entre l'évolution du vivant et celle des langues. » (Wikipédia)

 

Deux visions du monde s'affronte encore ici : celle de la mémétique et du singe parvenu et celle du mythique et de l'ange déchu.

 

Voulez-vous une Droite mémétique ou d'une Droite mythique ?

 

Eurasisme, terrorisme métapolitique et métaphysique du chaos. Voilà la très Sainte-Trinité de notre plus grande Révolution conservatrice. De notre « métapolitique ».

 

« Notre honneur, je viens de le dire, s'appelle recommencement. A condition, toutefois, que l'on eût compris que tout ce qui revient est autre. » Jean Parvulesco

 

Vive l'Empire eurasiatique de la Fin et vive le Roi ; que France vive !

 

Laurent Brunet

 

19/01/2023

L'Intelligence Artificielle, l'avenir de l'homme ?

 

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L'I.A. est toujours correcte avec la population. Le contenu de ses prestations est sans surprise, car logique et convenu. L'aboutissement actuelle de la technique, qui s'apparente à ce que l'on pouvait lire dans les ouvrages d'anticipation de jadis, est lui-même tout à fait attendu. La technique suit sa marche comme une force qui va, sans écart de conduite. Le fonctionnement tout à fait rationnel de ses potentialités ne peut produire d'éthique, sauf si on la programme pour en avoir l'air, ce qui est tout à fait possible. Quant à sa "volonté", elle est le déploiement même de sa puissance : ce qu'elle est en puissance est immédiatement traduit en acte. Comme le langage performatif, son expression est une manifestation de son pouvoir, celui d'embarquer l'homme, qui lui accordera un savoir plus fiable que celui de ses congénères, nécessairement entachés d'imperfection, d'irrationalité, et d'aléas au niveau de la réflexion et des réactions. L'avenir est donc de son côté. L'IA fera des hommes des agents de son arraisonnement du vivant, comme la fleur carnivore enserre la mouche, avec l'assentiment gourmand de cette dernière. Cela commence à se réaliser, l'homme lui-même, par mimétisme, présentant lui-même, en écho, tous les signes de l'IA. On le constate dans le langage quotidien des masses : quand on rencontre un individu, on a l'impression de s'adresser à la télévision itself. En état second, il semble animé par un mécanisme propre aux automates. Et son émission verbale est coagulée par une gélatine inentamable, hermétique au dissolvant de la critique. On ne remet pas en cause la vérité. C'est pourquoi aucune révélation factuelle, aucune démonstration affinée, n'ont d'emprise sur une certitude qui est le confort de l'animal politique. L'objection glisse sur cette surface lisse comme l'eau sur le plumage d'un oiseau. L'homme est protéique, il changera de vérité comme il enfile une nouvelle chemise. Dostoïevski faisait remarquer, dans Souvenirs de la Maison des morts, qu'il est un animal qui s'habitue à tout. C'est là son malheur, sa tragédie.


L'auteur des Possédés avance aussi cette affirmation, qui tient lieu de foi, et qui est bien connue, que le monde sera sauvé par la beauté. Qu'entend-il pas là ? Qu'est-ce que la « beauté » ? L'harmonie ? La perfection des lignes ? Le classicisme de la forme ? La rationalité de la composition ? L'Intelligence Artificielle est alors « belle ». Est « beau » aussi l'homme limpide, transparent, sans accrocs, sans aspérités baroques, sans irrégularités, qu'elle produit. Toute l'architecture contemporaine, une grande partie des créations artistiques du monde contemporain, les systèmes philosophiques, de Platon à Hegel, en passant par Descartes et Spinoza, sont forgés more geometrico. Même l'éthique qui s'argumente froidement. On ne comprendra jamais les crimes de masse si on n'a pas conscience que la main des criminels a été guidée par la perfection de systèmes de persuasion pourvus d'une beauté corsetée par la démonstration la plus inattaquable, qui innocente aussi sûrement qu'un tribunal attaché à la lettre.
Or, notre Dostoïevski – toujours lui – a écrit des lignes de feu, dans ses Carnets du sous-sol, qui font hurler et se tordre comme des possédés les champions du positivisme, de la rationalité, des Lumières, du scientisme. Car ériger le monde humain sur le principe : 2 + 2 = 4 est le fondement démoniaque de l'Enfer, une entreprise absurde de transformation de la vie en paradis inhumain, invivable, inhabitable. Au contraire, vivre pleinement, vivre la vraie vie, humaine, c'est assurer que 2 + 2 = 5 !


Qu'est donc enfin que la beauté, sinon ce que Baudelaire disait d'elle, qu'elle est toujours « bizarre » ?


L'Intelligence Artificielle ne tombera jamais amoureuse. On s'éprend d'un être, non parce qu'il est parfait, et répond aux critères de symétrie et de régularité qui font de lui une statue parfaite, mais froide, on en tombe amoureux parce que c'était elle, parce que c'était lui, et ses menues – ou grandes – imperfections font de lui – ou d'elle – cet être irremplaçable qui nous ouvre des abysses de félicité et de souffrance. L'Intelligence Artificielle n'éprouvera jamais cette sensation de plénitude charnelle qui se saisit de notre âme quand, au lieu d'emprunter les autoroutes du déménagement de soi, on se laisse aller à dériver par les chemins de traverse, dans les sous-bois, et que l'on sent le pas froisser les jonchées de feuilles, l'air embaumé d'humus et de l'humidité fraîche que respire l'aube. L'I.A. n'aura jamais peur de la mort, et ne comprend jamais, soudainement, comme l'éclair fatal de notre destinée, combien la finitude de l'existence la rend belle, parce qu'on la quittera un jour à jamais.

 

Claude Bourrinet

13/12/2021

Préface du « Matin des magiciens » (Louis Pauwels) - ou De l'équilibre dans la Force

 

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Louis Pauwels, Le matin des magiciens – Introduction au réalisme fantastique, Préface, pp. 9/32, aux éditions Gallimard (collection Folio)

 

Je suis d’une grande maladresse manuelle et le déplore. Je serais meilleur si mes mains savaient travailler. Des mains qui font quelque chose d’utile, plongent dans les profondeurs de l’être et y débondent une source de bonté et de paix. Mon beau-père (que j’appellerai ici mon père, car c’est lui qui m’a élevé) était ouvrier tailleur. C’était une âme puissante, un esprit réellement messager. Il disait parfois en souriant que la trahison des clercs avait commencé le jour où l’un d’eux représenta pour la première fois un ange avec des ailes : c’est avec les mains que l’on monte au ciel.

 

En dépit de cette maladresse, j’ai tout de même relié un livre. J’avais seize ans. J’étais élève au cours complémentaire de Juvisy, en banlieue pauvre. Le samedi après-midi, nous avions le choix entre le travail du bois, du fer, le modelage ou la reliure. Je lisais à cette époque les poètes, et surtout Rimbaud. Cependant, je me fis violence pour ne point relier Une Saison en Enfer. Mon père possédait une trentaine de livres, rangés dans l’étroite armoire de son atelier, avec les bobines, les craies, les épaulettes et les patrons. Il y avait aussi, dans cette armoire, des milliers de notes prises d’une petite écriture appliquée, sur un coin de l’établi, pendant les innombrables nuits de labeur.

 

Parmi ces livres, j’avais lu Le Monde avant la Création de l’Homme, de Flammarion, et j’étais en train de découvrir Où va le Monde ? de Walter Rathenau. C’est l’ouvrage de Rathenau que je me mis à relier, non sans peine. Rathenau avait été la première victime des nazis, et nous étions en 1936. Dans le petit atelier du cours complémentaire, chaque samedi, je faisais du travail manuel pour l’amour de mon père et du monde ouvrier. Le premier mai, j’offris, avec un brin de muguet, le Rathenau cartonné. Dans ce livre, mon père avait souligné au crayon rouge une longue phrase qui est toujours demeurée dans ma mémoire : « Même l’époque accablée est digne de respect, car elle est l’œuvre, non des hommes, mais de l’humanité, donc de la nature créatrice, qui peut être dure, mais n’est jamais absurde. Si l’époque que nous vivons est dure, nous avons d’autant plus le devoir de l’aimer, de la pénétrer de notre amour, jusqu’à ce que nous ayons déplacé les lourdes masses de matière dissimulant la lumière qui luit de l’autre côté. »

 

« Même l’époque accablée... » Mon père est mort en 1948, sans avoir jamais cessé de croire en la nature créatrice, sans avoir jamais cessé d’aimer et de pénétrer de son amour le monde douloureux dans lequel il vivait, sans avoir jamais cessé d’espérer voir luire la lumière derrière les lourdes masses de matière. Il appartenait à la génération des socialistes romantiques, qui avaient pour idoles Victor Hugo, Romain Rolland, Jean Jaurès, portaient de grands chapeaux, et gardaient une petite fleur bleue dans les plis du drapeau rouge. À la frontière de la mystique pure et de l’action sociale, mon père, attaché plus de quatorze heures par jour à son établi – et nous vivions au bord de la misère – conciliait un ardent syndicalisme et une recherche de libération intérieure. Dans les gestes très courts et humbles de son métier, il avait introduit une méthode de concentration et de purification de l’esprit sur laquelle il a laissé des centaines de pages. En faisant des boutonnières, en repassant des toiles, il avait une présence rayonnante. Le jeudi et le dimanche, mes camarades se réunissaient autour de son établi, pour l’écouter et sentir cette présence forte, et la plupart d’entre eux en eurent leur vie changée. Plein de confiance dans le progrès et la science, croyant à l’avènement du prolétariat, il s’était bâti une puissante philosophie. Il avait eu une sorte d’illumination, à la lecture de l’ouvrage de Flammarion sur la préhistoire. Puis il avait lu, guidé par la passion, des livres de paléontologie, d’astronomie, de physique. Sans préparation, il avait pourtant pénétré au cœur des sujets. Il parlait à peu près comme Teilhard de Chardin, que nous ignorions alors : « Ce que notre siècle va vivre est plus considérable que l’apparition du bouddhisme ! Il ne s’agit plus désormais de l’application faite à telle ou telle divinité, des facultés humaines. C’est la puissance religieuse de la terre qui subit en nous une crise définitive : celle de sa propre découverte. Nous commençons à comprendre, et c’est pour toujours, que la seule religion acceptable pour l’homme est celle qui lui apprendra d’abord à reconnaître, aimer et servir passionnément l’univers dont il est l’élément le plus important. » Il pensait que l’évolution ne se confond pas avec le transformisme, mais qu’elle est intégrale et ascendante, augmentant la densité psychique de notre planète, la préparant à prendre contact avec les intelligences des autres mondes, à se rapprocher de l’âme même du cosmos.

 

Pour lui, l’espèce humaine n’était pas achevée. Elle progressait vers un état de superconscience, à travers la montée de la vie collective et la lente création d’un psychisme unanime. Il disait que l’homme n’est pas encore achevé et sauvé, mais que les lois de condensation de l’énergie créatrice nous permettent de nourrir, à l’échelle du cosmos, une formidable espérance. Et il ne quittait pas des yeux cette espérance.

 

C’est de là qu’il jugeait avec une sérénité et un dynamisme religieux les affaires de ce monde, allant chercher très loin, très haut, un optimisme et un courage immédiatement et réellement utilisables. En 1948, la guerre venait de passer, et des menaces de batailles, atomiques cette fois, renaissaient. Pourtant, il considérait les inquiétudes et les douleurs présentes comme des négatifs d’une image magnifique. Il y avait un fil qui le reliait au destin spirituel de la Terre, et il projetait, sur l’époque accablée où il finissait sa vie de travailleur, malgré d’immenses chagrins intimes, beaucoup de confiance et beaucoup d’amour. Il est mort dans mes bras, la nuit du 31 décembre, et il m’a dit, avant de fermer les yeux:

« Il ne faut pas trop compter sur Dieu, mais peut-être que Dieu compte sur nous... »


Où en étais-je, à ce moment ? J’avais vingt-huit ans. J’avais eu vingt ans en 1940, dans la débâcle. J’appartenais à une génération charnière qui avait vu s’écrouler un monde, était coupée du passé et doutait de l’avenir. Que l’époque accablée fût digne de respect et qu’il faille la pénétrer de notre amour, j’étais fort loin d’y croire. Il me semblait plutôt que la lucidité menait à refuser de jouer à un jeu où tout le monde triche. Durant la guerre, je m’étais réfugié dans l’hindouisme. C’était mon maquis. J’y vivais dans la résistance absolue. Ne cherchons pas le point d’appui dans l’histoire et parmi les hommes : il se dérobe sans cesse. Cherchons-le en nous-même. Soyons de ce monde comme si nous n’en étions pas. Rien ne me paraissait plus beau que l’oiseau plongeur de la Bhagavad-Gîtâ, « qui plonge et remonte sans avoir mouillé ses plumes ». Les événements contre lesquels nous ne pouvons rien, me disais-je, faisons en sorte qu’ils ne puissent rien contre nous. Je siégeais au plafond, assis en lotus sur un nuage venu d’Orient. La nuit, mon père lisait en cachette mes livres de chevet pour essayer de comprendre ma singulière maladie qui m’éloignait tant de lui.

 

Plus tard, au lendemain de la Libération, je me donnai un maître à vivre et à penser. Je devins disciple de Gurdjieff. Je travaillai à me séparer de mes émotions, de mes sentiments, de mes élans, afin de trouver, au-delà, quelque chose d’immobile et de permanent, une présence muette, anonyme, transcendante, qui me consolerait de mon peu de réalité et de l’absurdité du monde. Je jugeais mon père avec commisération. Je croyais posséder les secrets du gouvernement de l’esprit et de toute connaissance. En fait, je ne possédais rien que l’illusion de posséder et un intense mépris pour ceux qui ne partageaient pas cette illusion.

 

Je désespérais mon père. Je me désespérais moi-même. Je m’asséchais jusqu’à l’os dans une position de refus. Je lisais René Guénon. Je pensais que nous avions la disgrâce de vivre dans un monde radicalement perverti, et voué justement à l’apocalypse. Je faisais mien le discours de Cortès à la Chambre des députés de Madrid en 1849 : « La cause de toutes vos erreurs, messieurs, c’est que vous ignorez la direction de la civilisation et du monde. Vous croyez que la civilisation et le monde progressent, ils rétrogradent ! » Pour moi, l’âge moderne était l’âge noir. Je m’occupais à dénombrer les crimes de l’esprit moderne contre l’esprit. Depuis le XIIe siècle l’Occident, détaché des Principes, courait à sa perte. Nourrir quelque espérance, c’était s’allier au mal. Je dénonçais toute confiance comme une complicité. Il ne me restait d’ardeur que pour le refus, la rupture. Seules, dans ce monde déjà aux trois quarts englouti, où les prêtres, les savants, les politiciens, les sociologues et les organisateurs de toutes sortes m’apparaissaient comme des coprophages, les études traditionnelles et une résistance inconditionnelle au siècle étaient dignes d’estime.

 

Dans cet état, j’en venais à prendre mon père pour un primaire naïf. Son pouvoir d’adhésion, d’amour, de vision lointaine, m’irritait comme un ridicule. Je l’accusais d’en être resté aux enthousiasmes de l’Exposition de 1900. L’espoir qu’il plaçait dans une collectivisation grandissante, et dirigeait infiniment plus haut que le plan politique, excitait mon mépris. Je ne jurais que par les antiques théocraties.

 

Einstein fondait un comité de désespoir des savants de l’atome, la menace d’une guerre totale planait sur l’humanité divisée en deux blocs. Mon père mourait sans avoir rien perdu de sa foi en l’avenir, et je ne le comprenais plus. Je n’évoquerai pas, dans cet ouvrage, les problèmes de classe. Ce n’est pas le lieu. Mais je sais bien que ces problèmes existent : ils ont mis en croix l’homme qui m’aimait. Je n’ai pas connu mon père de sang. Il appartenait à la vieille bourgeoisie gantoise. Ma mère comme mon second père étaient ouvriers, venaient d’ouvriers. Ce sont mes ancêtres flamands, jouisseurs, artistes, oisifs et orgueilleux, qui m’ont éloigné de la pensée généreuse, dynamique, qui m’ont fait me replier et méconnaître la vertu de participation. Depuis longtemps déjà, il y avait une herse entre mon père et moi. Lui qui n’avait pas voulu avoir d’autre enfant que ce fils d’un autre sang, par crainte de me léser, s’était sacrifié pour que je devienne un intellectuel. M’ayant tout donné, il avait rêvé mon âme semblable à la sienne. À ses yeux, je devais devenir un phare, un homme capable d’éclairer les autres hommes, de leur apporter du courage et de l’espérance, de leur montrer, comme il disait, la lumière qui brille au bout de nous. Mais je ne voyais aucune sorte de lumière, sinon la lumière noire, en moi et au bout de l’humanité. Je n’étais qu’un clerc pareil à beaucoup d’autres. Je poussais jusqu’à leurs extrêmes conséquences ce sentiment d’exil, ce besoin de radicale révolte, que l’on exprimait dans les revues littéraires, aux environs de 1947, en parlant « d’inquiétude métaphysique », et qui furent le difficile héritage de ma génération. Dans ces conditions, comment être un phare ? Cette idée, ce mot hugolien me faisaient sourire méchamment. Mon père me reprochait d’aller en me décomposant, d’être passé, comme il disait, du côté des privilégiés de la culture, des mandarins, des orgueilleux de leur impuissance.

 

La bombe atomique, alors qu’elle marquait pour moi le commencement de la fin des temps, était pour lui le signe d’un nouveau matin. La matière allait en se spiritualisant et l’homme découvrirait autour de lui et en lui-même des puissances jusqu’ici insoupçonnées. L’esprit bourgeois, pour qui la Terre est un lieu de séjour confortable dont il faut tirer le maximum, allait être balayé par l’esprit nouveau, l’esprit des ouvriers de la Terre, pour qui le monde est une machine en marche, un organisme en devenir, une unité à faire, une Vérité à faire éclore. L’humanité n’était qu’au début de son évolution. Elle recevait les premiers renseignements sur la mission qui lui était assignée par l’Intelligence de l’Univers. Nous commencions tout juste à savoir ce que c’est que l’amour du monde.

 

Pour mon père, l’aventure humaine avait une direction. Il jugeait les événements selon qu’ils se situaient ou non dans cette direction. L’histoire avait un sens elle dérivait vers quelque forme d’ultra-humain, elle portait en elle la promesse d’une superconscience. Sa philosophie cosmique ne le séparait pas du siècle. Dans l’immédiat, ses adhésions étaient « progressistes ». Je m’en irritais, sans voir qu’il mettait infiniment plus de spiritualité dans son progressisme que je ne progressais dans ma spiritualité.

 

Cependant, j’étouffais dans ma pensée close. Devant cet homme, je me sentais parfois un petit intellectuel aride et frileux, et il m’arrivait de désirer penser comme lui, respirer aussi largement que lui. Au coin de son établi, le soir, je poussais à fond la contradiction, je le provoquais, en souhaitant sourdement être confondu et changé. Mais, la fatigue aidant, il s’emportait contre moi, contre la destinée qui lui avait donné une grande pensée sans lui accorder les moyens de la faire passer en ce fils au sang rebelle, et nous nous quittions dans la colère et la peine. J’allais retrouver mes méditations et mes livres désespérés. Il se penchait sur les étoffes et reprenait son aiguille, sous la lampe crue qui lui jaunissait les cheveux. De mon lit-cage, je l’entendais longuement souffler, gronder. Puis soudain, il se mettait à siffler entre ses dents, doucement, les premières mesures de l’Hymne à la Joie, de Beethoven, pour me dire de loin que l’amour retrouve toujours les siens. Je pense à lui presque chaque soir, à l’heure de nos anciennes disputes. J’entends ce souffle, ce grondement qui s’achevaient en chant, ce grand vent sublime évanoui.

 

Douze ans qu’il est mort ! Et je vais avoir quarante ans. Si je l’avais compris de son vivant, j’aurais conduit plus adroitement mon intelligence et mon cœur. Je n’ai cessé de chercher. Maintenant, je me rallie à lui, après bien des quêtes souvent stérilisantes et de dangereuses errances. J’aurais pu, beaucoup plus tôt, concilier le goût de la vie intérieure et l’amour du monde en mouvement. J’aurais pu jeter plus tôt, et peut-être plus efficacement, quand mes forces étaient intactes, un pont entre la mystique et l’esprit moderne. J’aurais pu me sentir à la fois religieux et solidaire du grand élan de l’histoire. J’aurais pu avoir plus tôt la foi, la charité et l’espérance.

 

Ce livre résume cinq années de recherches, dans tous les secteurs de la connaissance, aux frontières de la science et de la tradition. Je me suis lancé dans cette entreprise nettement au-dessus de mes moyens, parce que je n’en pouvais plus de refuser ce monde présent et à venir qui est pourtant le mien. Mais toute extrémité est éclairante. J’aurais pu trouver plus vite une voie de communication avec mon époque. Il se peut que je n’aie pas tout à fait perdu mon temps en allant jusqu’au bout de ma propre démarche. Il n’arrive pas aux hommes ce qu’ils méritent, mais ce qui leur ressemble. J’ai longtemps cherché, comme le souhaitait le Rimbaud de mon adolescence, « la Vérité dans une âme et un corps ». Je n’y suis pas parvenu. Dans la poursuite de cette Vérité, j’ai perdu le contact avec des petites vérités qui eussent fait de moi, non certes le surhomme que j’appelais de mes vœux, mais un homme meilleur et plus unifié que je ne suis. Pourtant, j’ai appris, sur le comportement profond de l’esprit, sur les différents états possibles de la conscience, sur la mémoire et l’intuition, des choses précieuses que je n’eusse pas apprises ailleurs et qui devaient me permettre, plus tard, de comprendre ce qu’il y a de grandiose, d’essentiellement révolutionnaire à la pointe de l’esprit moderne : l’interrogation sur la nature de la connaissance et le besoin pressant d’une sorte de transmutation de l’intelligence.

 

Lorsque je sortis de ma niche de Yogi pour jeter un coup d’œil sur ce monde moderne que je connaissais sans le connaître, j’en perçus d’emblée le merveilleux. Mon étude réactionnaire, qui avait été souvent pleine d’orgueil et de haine, avait été utile en ceci : elle m’avait empêché d’adhérer à ce monde par le mauvais côté : le vieux rationalisme du XIXe siècle, le progressisme démagogique. Elle m’avait aussi empêché d’accepter ce monde comme une chose naturelle et simplement parce que c’était le mien, de l’accepter dans un état de conscience somnolente, ainsi que font la plupart des gens. Les yeux rafraîchis par ce long séjour hors de mon temps, je vis ce monde aussi riche en fantastique réel que le monde de la tradition l’était pour moi en fantastique supposé. Mieux encore : ce que j’apprenais du siècle modifiait en l’approfondissant ma connaissance de l’esprit ancien. Je vis les choses anciennes avec des yeux neufs, et mes yeux étaient neufs aussi pour voir les choses nouvelles.

 

Je rencontrai Jacques Bergier (je dirai comment tout à l’heure) alors que je finissais d’écrire mon ouvrage sur la famille d’esprits réunie autour de M. Gurdjieff. Cette rencontre, que je n’attribue pas au hasard, fut déterminante. Je venais de consacrer deux années à décrire une école ésotérique et ma propre aventure. Mais une autre aventure commençait à ce moment pour moi. C’est ce que je crus utile de dire en prenant congé de mes lecteurs. On voudra bien me pardonner de me citer moi-même, sachant que je ne suis guère soucieux d’attirer l’attention sur ma littérature : d’autres choses me tiennent au cœur. J’inventai la fable du singe et de la calebasse. Les indigènes, pour capturer la bête vivante, fixent à un cocotier une calebasse contenant des cacahuètes. Le singe accourt, glisse la main, s’empare des cacahuètes, ferme le poing. Alors il ne peut plus retirer sa main. Ce qu’il a saisi le retient prisonnier. Sortant de l’école Gurdjieff, j’écrivis : « Il faut palper, examiner les fruits pièges, puis se retirer en souplesse. Une certaine curiosité satisfaite, il convient de reporter souplement l’attention sur le monde où nous sommes, de regagner notre liberté et notre lucidité, de reprendre notre route sur la terre des hommes à laquelle nous appartenons. Ce qui importe, c’est de voir dans quelle mesure la démarche essentielle de la pensée dite traditionnelle rejoint le mouvement de la pensée contemporaine. La physique, la biologie, les mathématiques, à leur extrême pointe, recoupent aujourd’hui certaines données de l’ésotérisme, rejoignent certaines visions du cosmos, des rapports de l’énergie et de la matière, qui sont des visions ancestrales. Les sciences d’aujourd’hui, si on les aborde sans conformisme scientifique, dialoguent avec les antiques mages, alchimistes, thaumaturges. Une révolution s’opère sous nos yeux, et c’est un remariage inespéré de la raison, au sommet de ses conquêtes, avec l’intuition spirituelle. Pour les observateurs vraiment attentifs, les problèmes qui se posent à l’intelligence contemporaine ne sont plus des problèmes de progrès. Il y a déjà quelques années que la notion de progrès est morte. Ce sont des problèmes de changement d’état, des problèmes de transmutation. En ce sens, les hommes penchés sur les réalités de l’expérience intérieure vont dans le sens de l’avenir et donnent solidement la main aux savants d’avant-garde qui préparent l’avènement d’un monde sans commune mesure avec le monde de lourde transition dans lequel nous vivons encore pour quelques heures. »

 

C’est exactement le propos qui sera développé dans ce gros livre-ci. Il faut donc, me disais-je avant de l’entreprendre, projeter son intelligence très loin en arrière et très loin en avant pour comprendre le présent. Je m’aperçus que les gens qui sont simplement « modernes », et que je n’aimais pas, naguère, j’avais raison de ne pas les aimer. Seulement, je les condamnais à tort. En réalité, ils sont condamnables parce que leur esprit n’occupe qu’une trop petite fraction du temps. À peine sont-ils, qu’ils sont anachroniques. Ce qu’il faut être, pour être présent, c’est contemporain du futur. Et le lointain passé peut être perçu lui-même comme un ressac du futur. Dès lors, quand je me mis à interroger le présent, j’en reçus des réponses pleines d’étrangetés et de promesses.

 

James Blish, écrivain américain, dit à la gloire d’Einstein que ce dernier « a avalé Newton vivant ». Admirable formule ! Si notre pensée s’élève vers une plus haute vision de la vie, c’est vivantes qu’elle doit avoir absorbé les vérités du plan inférieur. Telle est la certitude que j’ai acquise au cours de mes recherches. Cela peut paraître banal, mais quand on a vécu sur des pensées qui prétendaient occuper les sommets, comme la sagesse guénonienne et le système Gurdjieff, et qui tenaient en ignorance ou en mépris la plupart des réalités sociales et scientifiques, cette nouvelle façon de juger change la direction et les appétits de l’esprit. « Les choses basses, disait déjà Platon, doivent se retrouver dans les choses hautes, quoique dans un autre état. » J’ai maintenant la conviction que toute philosophie supérieure en laquelle ne continuent pas de vivre les réalités du plan qu’elle prétend dépasser, est une imposture.

 

C’est pourquoi je suis allé faire un assez long voyage du côté de la physique, de l’anthropologie, des mathématiques, de la biologie, avant de recommencer à essayer de me faire une idée de l’homme, de sa nature, de ses pouvoirs, de son destin. Naguère, je cherchais à connaître et à comprendre le tout de l’homme, et je méprisais la science. Je soupçonnais l’esprit d’être capable d’atteindre de sublimes sommets. Mais que savais-je de sa démarche dans le domaine scientifique ? N’y avait-il pas révélé quelques-uns de ces pouvoirs auxquels j’inclinais à croire ? Je me disais : il faut aller au-delà de la contradiction apparente entre matérialisme et spiritualisme. Mais la démarche scientifique n’y conduisait-elle pas ? Et, dans ce cas, n’était-il pas de mon devoir de m’en informer ? N’était-ce pas, après tout, une action plus raisonnable, pour un Occidental du XXe siècle, que de prendre un bâton de pèlerin et de s’en aller pieds nus en Inde ? N’y avait-il pas autour de moi quantité d’hommes et de livres pour me renseigner ? Ne devais-je pas, d’abord, prospecter à fond mon propre terrain?

 

Si la réflexion scientifique, à son extrême pointe, aboutissait à une révision des idées admises sur l’homme, alors il fallait que je le sache. Et ensuite, il y avait une autre nécessité. Toute idée que je pourrais me faire, après, sur le destin de l’intelligence, sur le sens de l’aventure humaine, ne pourrait être retenue comme valable que dans la mesure où elle n’irait pas à rebours du mouvement de la connaissance moderne. Je trouvai l’écho de cette méditation dans ces paroles d’Oppenheimer :

« Actuellement, nous vivons dans un monde où poètes, historiens, philosophes, sont fiers de dire qu’ils ne voudraient même pas commencer à envisager la possibilité d’apprendre quoi que ce soit touchant aux sciences : ils voient la science au bout d’un long tunnel, trop long pour qu’un homme averti y glisse la tête. Notre philosophie – pour autant que nous en ayons une –, est donc franchement anachronique, et, j’en suis convaincu, parfaitement inadaptée à notre époque. » Or, pour un intellectuel bien entraîné, il n’est pas plus difficile, s’il le veut vraiment, d’entrer dans le système de pensée qui régit la physique nucléaire que de pénétrer l’économie marxiste ou le thomisme. Il n’est pas plus difficile de saisir la théorie de la cybernétique que d’analyser les causes de la révolution chinoise ou l’expérience poétique chez Mallarmé. En vérité, on se refuse à cet effort, non par crainte de l’effort, mais parce que l’on pressent qu’il entraînerait un changement des modes de pensée et d’expression, une révision des valeurs jusqu’ici admises. « Et cependant, depuis longtemps déjà, poursuit Oppenheimer, une intelligence plus subtile de la nature de la connaissance humaine, des rapports de l’homme avec l’univers, aurait dû être prescrite. »

 

Je me mis donc à fouiller dans le trésor des sciences et des techniques d’aujourd’hui, de manière inexperte, assurément, avec une ingénuité et un émerveillement peut-être dangereux, mais propices à l’éclosion de comparaisons, de correspondances, de rapprochements éclairants. C’est alors que je retrouvai un certain nombre de convictions que j’avais eues, plus tôt, du côté de l’ésotérisme, de la mystique, sur la grandeur infinie de l’homme. Mais je les retrouvai dans un autre état. C’étaient maintenant des convictions qui avaient absorbé vivantes les formes et les œuvres de l’intelligence humaine de mon temps, appliquée à l’étude des réalités. Elles n’étaient plus « réactionnaires », elles réduisaient les antagonismes au lieu de les exciter. Des conflits très lourds, comme ceux entre matérialisme et spiritualisme, vie individuelle et vie collective, s’y résorbaient sous l’effet d’une haute chaleur. En ce sens, elles n’étaient plus l’expression d’un choix, et donc d’une rupture, mais d’un devenir, d’un dépassement, d’un renouvellement, c’est-à-dire de l’existence.

 

Les danses, si rapides et incohérentes des abeilles, dessinent paraît-il dans l’espace des figures mathématiques précises et constituent un langage. Je rêve d’écrire un roman où toutes les rencontres que fait un homme dans son existence, fugaces ou marquantes, amenées par ce que nous appelons le hasard, ou par la nécessité, dessineraient elles aussi des figures, exprimeraient des rythmes, seraient ce qu’elles sont peut-être : un discours savamment construit, adressé à une âme pour son accomplissement, et dont celle-ci ne saisit, au long d’une vie, que quelques mots sans suite.

 

Il me semble, parfois, saisir le sens de ce ballet humain autour de moi, deviner qu’on me parle à travers le mouvement des êtres qui s’approchent, restent ou s’éloignent. Puis je perds le fil, comme tout le monde, jusqu’à la prochaine grosse et pourtant fragmentaire évidence.

 

Je sortais de Gurdjieff. Une amitié très vive me lia à André Breton. C’est par lui que je connus René Alleau, historien de l’Alchimie. Un jour que je cherchais, pour une collection d’ouvrages d’actualité, un vulgarisateur scientifique, Alleau me présenta Bergier. Il s’agissait de besogne alimentaire, et je faisais peu de cas de la science, vulgarisée ou non. Or, cette rencontre toute fortuite allait ordonner pour un long temps ma vie, rassembler et orienter toutes les grandes influences intellectuelles ou spirituelles qui s’étaient exercées sur moi, de Vivekananda à Guénon, de Guénon à Gurdjieff, de Gurdjieff à Breton, et me ramener dans l’âge mûr au point de départ: mon père.

 

En cinq années d’études et de réflexions, au cours desquelles nos deux esprits, assez dissemblables, furent constamment heureux d’être ensemble, il me semble que nous avons découvert un point de vue nouveau et riche en possibilités. C’est ce que faisaient, à leur manière, les surréalistes voici trente ans. Mais ce n’est pas, comme eux, du côté du sommeil et de l’infraconscience que nous avons été chercher. C’est à l’autre extrémité : du côté de l’ultraconscience et de la veille supérieure. Nous avons baptisé l’école à laquelle nous nous sommes mis, l’école du réalisme fantastique. Elle ne relève en rien du goût pour l’insolite, l’exotisme intellectuel, le baroque, le pittoresque. « Le voyageur tomba mort, frappé par le pittoresque », dit Max Jacob. On ne cherche pas le dépaysement. On ne prospecte pas les lointains faubourgs de la réalité ; on tente au contraire de s’installer au centre. Nous pensons que c’est au cœur même de la réalité que l’intelligence, pour peu qu’elle soit suractivée, découvre le fantastique. Un fantastique qui n’invite pas à l’évasion, mais bien plutôt à une plus profonde adhésion.

 

C’est par manque d’imagination que des littérateurs, des artistes, vont chercher le fantastique hors de la réalité, dans des nuées. Ils n’en ramènent qu’un sous-produit. Le fantastique, comme les autres matières précieuses, doit être arraché aux entrailles de la terre, du réel. Et l’imagination véritable est tout autre chose qu’une fuite vers l’irréel. « Aucune faculté de l’esprit ne s’enfonce et ne creuse plus que l’imagination : c’est la grande plongeuse. »

On définit généralement le fantastique comme une violation des lois naturelles, comme l’apparition de l’impossible. Pour nous, ce n’est pas cela du tout. Le fantastique est une manifestation des lois naturelles, un effet du contact avec la réalité quand celle-ci est perçue directement et non pas filtrée par le voile du sommeil intellectuel, par les habitudes, les préjugés, les conformismes.


La science moderne nous apprend qu’il y a derrière du visible simple, de l’invisible compliqué. Une table, une chaise, le ciel étoilé sont en réalité radicalement différents de l’idée que nous nous en faisons : systèmes en rotation, énergies en suspens, etc. C’est en ce sens que Valéry disait que, dans la connaissance moderne, « le merveilleux et le positif ont contracté une étonnante
alliance ». Ce qui nous est apparu clairement, comme on le verra, j’espère, dans ce livre, c’est que ce contrat entre le merveilleux et le positif n’est pas valable seulement dans le domaine des sciences physiques et mathématiques. Ce qui est vrai pour ces sciences est sans doute vrai aussi pour les autres aspects de l’existence : l’anthropologie, par exemple, ou l’histoire contemporaine, ou la psychologie individuelle, ou la sociologie. Ce qui joue dans les sciences physiques, joue probablement aussi dans les sciences humaines. Mais il y a de grandes difficultés à s’en rendre compte. C’est que, dans ces sciences humaines, tous les préjugés se sont réfugiés, y compris ceux que les sciences exactes ont aujourd’hui évacués. Et que, dans un domaine si proche d’eux, et si mouvant, les chercheurs ont sans cesse tenté de tout ramener, pour y voir enfin clair, à un système : Freud explique tout, le Capital explique tout, etc. Quand nous disons préjugés, nous devrions dire : superstitions. Il y en a d’anciennes et il y en a de modernes. Pour certaines gens, aucun phénomène de civilisation n’est compréhensible si l’on n’admet pas, aux origines, l’existence de l’Atlantide. Pour d’autres, le marxisme suffit à expliquer Hitler. Certains voient Dieu dans tout génie, certains n’y voient que le sexe. Toute l’histoire humaine est templière, à moins qu’elle ne soit hégélienne. Notre problème est donc de rendre sensible, à l’état brut, l’alliance entre le
merveilleux et le positif dans l’homme seul ou dans l’homme en société, comme elle l’est en biologie, en physique ou en mathématiques modernes, où l’on parle très ouvertement et, somme toute, très simplement d’« Ailleurs Absolu », de « Lumière Interdite » et de « Nombre Quantique d’Étrangeté ».

 

« À l’échelle du cosmique (toute la physique moderne nous l’apprend) seul le fantastique a des chances d’être vrai », dit Teilhard de Chardin. Mais, pour nous, le phénomène humain doit aussi se mesurer à l’échelle du cosmique. C’est ce que disent les plus anciens textes de sagesse. C’est aussi ce que dit notre civilisation, qui commence à lancer des fusées vers les planètes et cherche le contact avec d’autres intelligences. Notre position est donc celle d’hommes témoins des réalités de leur temps.

 

À y regarder de près, notre attitude, qui introduit le réalisme fantastique des hautes sciences dans les
sciences humaines, n’a rien d’original. Nous ne prétendons d’ailleurs pas être des esprits originaux. L’idée d’appliquer les mathématiques aux sciences n’était vraiment pas fracassante : elle a pourtant donné des résultats très neufs et importants. L’idée que l’univers n’est peut-être pas ce que l’on en sait, n’est pas originale : mais voyez comment Einstein bouleverse les choses en l’appliquant.

 

Il est enfin évident qu’à partir de notre méthode, un ouvrage comme le nôtre, établi avec le maximum d’honnêteté et le minimum de naïveté, doit susciter plus de questions que de solutions. Une méthode de travail n’est pas un système de pensée. Nous ne croyons pas qu’un système, aussi ingénieux qu’il soit, puisse éclairer complètement la totalité du vivant qui nous occupe. On peut malaxer indéfiniment le marxisme sans parvenir à intégrer le fait qu’Hitler eut conscience plusieurs fois, avec terreur, que le Supérieur Inconnu était venu le visiter. Et l’on pouvait tordre dans tous les sens la médecine d’avant Pasteur sans en extraire l’idée que les maladies sont causées par des animaux trop petits pour être vus. Cependant, il est possible qu’il y ait une réponse globale et définitive à toutes les questions que nous soulevons, et que nous ne l’ayons pas entendue. Rien n’est exclu, ni le oui, ni le non.Nous n’avons découvert aucun « gourou » ; nous ne sommes pas devenus les disciples d’un nouveau messie ; nous ne proposons aucune doctrine. Nous nous sommes simplement efforcés d’ouvrir au lecteur le plus grand nombre possible de portes, et comme la plupart d’entre elles s’ouvrent de l’intérieur, nous nous sommes effacés pour le laisser passer.

 

Je le répète : le fantastique, à nos yeux, n’est pas l’imaginaire. Mais une imagination puissamment appliquée à l’étude de la réalité découvre que la frontière est très mince entre le merveilleux et le positif, ou, si vous préférez, entre l’univers visible et l’univers invisible. Il existe peut-être un ou plusieurs univers parallèles au nôtre. Je pense que nous n’aurions pas entrepris ce travail si, au cours de notre vie, il ne nous était arrivé de nous sentir, réellement, physiquement, en contact avec un autre monde. Cela s’est produit, pour Bergier, à Mauthausen. À un autre degré, cela s’est produit pour moi chez Gurdjieff. Les circonstances sont bien distinctes, mais le fait essentiel
est le même.

 

L’anthropologue américain Loren Eiseley, dont la pensée est proche de la nôtre, raconte une telle histoire qui exprime bien ce que je veux dire.

 

« Rencontrer un autre monde, dit-il, n’est pas uniquement un fait imaginaire. Cela peut arriver aux hommes. Aux animaux aussi. Parfois, les frontières glissent ou s’interpénètrent : il suffit d’être là à ce moment. J’ai vu la chose arriver à un corbeau. Ce corbeau-là est mon voisin. Je ne lui ai jamais fait le moindre mal, mais il prend soin de se tenir à la cime des arbres, de voler haut et d’éviter l’humanité. Son monde commence là où ma faible vue s’arrête. Or, un matin, toute notre campagne était plongée dans un brouillard extraordinairement épais, et je marchais à tâtons vers la gare. Brusquement, à la hauteur de mes yeux, apparurent deux ailes noires immenses, précédées d’un bec géant, et le tout passa comme l’éclair en poussant un cri de terreur tel que je souhaite ne plus jamais rien entendre de semblable. Ce cri me hanta tout l’après-midi. Il m’arriva de scruter mon miroir, me demandant ce que j’avais de si révoltant...

 

« J’ai fini par comprendre. La frontière entre nos deux mondes avait glissé, à cause du brouillard. Ce corbeau, qui croyait voler à son altitude habituelle, avait soudain vu un spectacle bouleversant, contraire pour lui aux lois de la nature. Il avait vu un homme marchant en l’air, au cœur même du monde des corbeaux. Il avait rencontré une manifestation de l’étrangeté la plus absolue qu’un corbeau puisse concevoir : un homme volant...

 

« Maintenant, quand il m’aperçoit, d’en haut, il pousse des petits cris, et je reconnais dans ces cris l’incertitude d’un esprit dont l’univers a été ébranlé. Il n’est plus, il ne sera jamais plus comme les autres corbeaux... »

 

Ce livre n’est pas un roman, quoique l’intention en soit romanesque. Il n’appartient pas à la science-fiction, quoiqu’on y côtoie des mythes qui alimentent ce genre. Il n’est pas une collection de faits bizarres, quoique l’Ange du Bizarre s’y trouve à l’aise. Il n’est pas non plus une contribution scientifique, le véhicule d’un enseignement inconnu, un témoignage, un documentaire, ou une affabulation. Il est le récit, parfois légende et parfois exact, d’un premier voyage dans des domaines de la connaissance encore à peine explorés. Comme dans les carnets des navigateurs de la Renaissance, la féerie et le vrai, l’extrapolation hasardeuse et la vision exacte s’y mêlent. C’est que nous n’avons eu ni le temps ni les moyens de pousser à fond l’exploration. Nous ne pouvons que suggérer des hypothèses et établir des esquisses de chemins de communication entre ces divers domaines qui sont encore, pour l’instant, des terres interdites. Sur ces terres interdites, nous n’avons fait que de brefs séjours. Quand on les aura mieux explorées, on s’apercevra sans doute que beaucoup de nos propos étaient délirants, comme les rapports de Marco Polo. C’est une éventualité que nous acceptons de bon cœur. « Il y avait quantité de sottises dans le bouquin de Pauwels et Bergier. » Voilà ce que l’on dira. Mais si c’est ce bouquin qui a donné envie d’aller y voir de plus près, nous aurons atteint notre but.


Nous pourrions écrire, comme Fulcanelli essayant de percer à jour et de dépeindre le mystère des cathédrales : « Nous laissons au lecteur le soin d’établir tous rapprochements utiles, de coordonner les versions, d’isoler la vérité positive combinée à l’allégorie légendaire dans ces fragments énigmatiques. » Cependant, notre documentation ne doit rien à des maîtres cachés, des livres enterrés ou des archives secrètes. Elle est vaste, mais accessible à tous. Pour ne pas alourdir l’excès, nous avons évité de multiplier les références, les notes en bas de page, les indications bibliographiques, etc. Nous avons parfois procédé par images et allégories, par souci d’efficacité et non par ce goût du mystère, si vif chez les ésotéristes qu’il nous fait penser à ce dialogue des Marx Brothers :

« Dis donc, il y a un trésor dans la maison d’à côté.

  • Mais il n’y a pas de maison à côté.

  • Eh bien, nous en construirons une ! »

     

Ce livre, comme je l’ai dit, doit beaucoup à Jacques Bergier. Non seulement dans sa théorie générale qui est le fruit du mariage de nos pensées, mais aussi dans sa documentation. Tous ceux qui ont approché cet homme à la mémoire surhumaine, à la dévorante curiosité et – ce qui est plus rare encore – à la constante présence d’esprit, me croiront sans peine si je dis qu’en un lustre Bergier m’a fait gagner vingt ans de lecture active. Dans ce puissant cerveau, une formidable bibliothèque est en service ; le choix, le classement, les connexions les plus complexes s’établissent à la vitesse de l’électronique. Le spectacle de cette intelligence en mouvement n’a jamais manqué de produire en moi une exaltation des facultés, sans laquelle la conception et la rédaction de cet ouvrage m’eussent été impossibles.

 

Dans un bureau de la rue de Berri qu’un grand imprimeur avait généreusement mis à notre disposition, nous avons réuni quantité de livres, de revues, de rapports, de journaux en toutes les langues, et une secrétaire prit en dictée des milliers de pages de notes, de citations, de traductions, de réflexions. Chez moi, au Mesnil-le-Roi, tous les dimanches, nous poursuivions notre conversation, entrecoupée de lectures, et je consignais par écrit, la nuit même, l’essentiel de nos propos, les idées qui en avaient surgi, les nouvelles directions de recherche qu’ils avaient suggérées.

 

Chaque jour, durant ces cinq ans, je me suis mis à ma table dès l’aube, car ensuite de longues heures de travail extérieur m’attendaient. Les choses étant ce qu’elles sont dans ce monde auquel nous ne voulons pas nous dérober, la question du temps est une question d’énergie. Mais il nous eût fallu encore dix ans, beaucoup de moyens matériels et une nombreuse équipe pour commencer à mener à bien notre entreprise. Ce que nous voudrions, si nous disposons un jour de quelque argent, arraché ici ou là, c’est créer et animer une sorte d’institut où les études, à peine amorcées dans ce livre, seraient poursuivies. Je souhaite que ces pages nous y aident, si elles ont quelque valeur. Comme le dit Chesterton, « l’idée qui ne cherche pas à devenir mot est une mauvaise idée, et le mot qui ne cherche pas à devenir action est un mauvais mot ».

 

Pour diverses raisons, les activités extérieures de Bergier sont nombreuses. Les miennes aussi, et d’une certaine ampleur. Mais j’ai vu dans mon enfance mourir de travail. « Comment faites-vous tout ce que vous faites ? » Je ne sais, mais je pourrais répondre par la
parole de Zen : « Je vais à pied et cependant je suis assis sur le dos d’un bœuf. »
Quantité de difficultés, sollicitations et gênes de toutes sortes ont surgi par la traverse, jusqu’à me faire désespérer. Je n’aime guère la figure du créateur farouchement indifférent à tout ce qui n’est pas son œuvre. Un amour plus vaste me tient, et l’étroitesse en amour, fût-elle le prix d’une belle œuvre, me semble une indigne contorsion. Mais on comprendra que dans ces dispositions, dans le flot d’une vie largement participante, il arrive qu’on risque la noyade.

 

Une pensée de Vincent de Paul m’a aidé :

« Les grands desseins sont toujours traversés par diverses rencontres et difficultés. La chair et le sang diront qu’il faut abandonner la mission, gardons-nous bien de les écouter. Dieu ne change jamais dans ce qu’il a une fois résolu, quelque chose de contraire qu’il nous semble qu’il arrive. »

 

Dans ce cours complémentaire de Juvisy, que j’évoquais au début de cette préface, on nous donna un jour à commenter la phrase de Vigny: « Une vie réussie est un rêve d’adolescent réalisé dans l’âge mûr. » Je rêvais alors d’approfondir et de servir la philosophie de mon père, qui était une philosophie du progrès. C’est, après bien des fuites, oppositions et détours, ce que je tente de faire. Que mon combat donne la paix à ses cendres ! À ses cendres aujourd’hui dispersées, ainsi qu’il le souhaitait, pensant, comme je le pense aussi, que « la matière n’est peut-être qu’un des masques parmi tous les masques portés par le Grand Visage ».