Sur le grand tournant actuel du gaullisme (Jean Parvulesco) (12/12/2014)
Jean Parvulesco, La confirmation boréale, Sur le grand tournant actuel du gaullisme, pp. 231-233, aux éditions Alexipharmaque
Dans Les chênes qu'on abat, Malraux fait dire à de Gaulle : "J'ai tenté de dresser la France contre la fin d'un monde. Ai-je échoué ? D'autres verront plus tard."
Joseph de Maistre chez qui l'instruction politico-philosophique de l'histoire se trouvait sans cesse dédoublée par une approche seconde, visionnaire et prophétique, de celle-ci intercepté, saisie sur la spirale même de sa marche en avant, n'avait pas manqué d'entrevoir que, après la consommation de l'immense désastre que la Révolution Française ou soi-disant telle avait représenté pour la civilisation européenne du monde, les temps étaient prêts - les grands temps - pour un mystérieux avènement imprévu, totalement inconcevable; dont l'émergence dans l'histoire mondiale allait devoir en changer totalement le cours, en en renversant le sens et en modifiant, en transfigurant jusqu'à la substance même de son devenir en route, jusqu'à son "visage même".
Ainsi, après la fin de l'histoire défaillante, irrémédiablement subvertie, de l'intérieur, par la conspiration révolutionnaire antitraditionnelle ayant abouti à ses fins, et par le travail occulte des puissances invisibles à l’œuvre derrière sa face immédiatement saisissable, Joseph de Maistre annonçait-il donc l'avènement d'un au-delà de l'histoire, d'une histoire transcendantale devant faire suite à l'agonie actuelle de l'histoire de ce monde, un au-delà de l'histoire dont l’inconcevable visage nouveau, et tout autre, s'apprête à présent à émerger des gouffres ontologiques originels".
Certains des nôtres savent déjà - mais ne le savaient-ils pas depuis toujours - que le signe fondamental, que le signum magnum de ce changement abyssal de l'histoire de ce monde annoncé par Joseph de Maistre n'est autre que celui de la mise en chantier, à la fois historique et suprahistorique, de cet Imperium Ultimum, condition préliminaire de l'avènement du Regnum Sanctum, que des forces considérables s'utilisent à l'heure actuelle à en préparer les voies, révolutionnaires et impériales, dans le visible et dans l'invisible, dans l'espace intérieur secret de l'histoire où se passent les grandes décisions du destin.
Imperium Ultimum que l'on pourra désormais identifier dans le projet révolutionnaire impérial grand-continental et planétaire d'un certain gaullisme transcendantal, occulte, se maintenant très à dessein encore dans l'ombre, le projet de ce que nous autres nous appelons du nom de l'Empire Eurasitaique de la Fin. Un projet dont le "concept absolu" apparaît comme avoir été, et qui restera, jusqu'à la fin, la figure déjà suprahistorique de Charles de Gaulle, à la fois dans sa trajectoire politico-historique propre et dans les dimensions encore inconnues, nocturnes, de sa personnalité cachée et de son "grand dessein" secret, "grand dessein" impérial planétaire en appelant à sa vision mystique du Regnum Sanctum, en qui celui-là trouvera son accomplissement final, son affirmation suprême.
Ainsi, définir la notion de "concept absolu" dans l'histoire, c'est ce qui nous permettra d'entamer l'approche en profondeur du ministère révolutionnaire et impérial ultime de Charles de Gaulle, et de par cela même trouver le passage désormais incontournable vers le renouvellement fondamental de la géopolitique, voire de la "géopolitique transcendantale", qui seul peut nous assurer la disposition immédiatement opérationnelle des nouveaux espaces de réflexion en prise directe avec l'histoire mondiale dans ses états actuels, qui sont les états mêmes de sa crise conclusionelle décisive, abruptement située au bord de ses ultimes précipices intérieurs.
Tous comme cela s'est déjà vu avec Charles de Gaulle, et avec certains de ses contemporains qu'il ne devrait pas être interdit de nommer, à savoir Adolf Hitler et Joseph Staline, une personnalité accède à l'état de "concept absolu" à partir de l'instant où il lui est donné - demandé - d'incarner, à lui seul, exclusivement, la totalité du front des puissances mobilisées par le destin dans une direction historique, dans une convergence unitaire imprimant d'une manière irrévocable sa marque propre dans le cours de l'histoire en marche. L'état de "concept absolu" implique, fondamentalement, la dépersonnalisation définitive de celui qui se trouve y avoir accédé, son absorption assomptionnelle par ce dont il incarne le plus haut degré de sa représentation active, de concentration figurative à la fois au-dessus et au cœur même du courant historique qui le porte et dont il sera aussi appelé à être le témoin sacrificiel, le témoin prédestiné, le témoin indéfiniment fondationnel.
Cependant, ce n'est pas tout que de reconnaître, en Charles de Gaulle, le "concept absolu" du courant historique du gaullisme dans sa double identité, identité politico-historique visible et identité secrète, abyssale, suprahistorique. Aller au fond des choses.
On pourrait en effet croire que l'on dispose à l'heure actuelle de tous les éléments pouvant nous amener à une connaissance exhaustive de la personnalité, du cours de la vie privée, de la vie politique de Charles de Gaulle. Cependant, en tant que "concept absolu" de l'histoire - de la "grande histoire" - Charles de Gaulle reste encore un mystère, un mystère impénétrable et qui se refusera jusqu'à la fin à toute tentative de déchiffrement non légitimée par une perspective initiatique et partisane, parce qu'il faut être soi-même secrètement reconnu, admis au sein du courant pour espérer pouvoir trouver, retrouver face à l'autre Charles de Gaulle, face à son identité occulte et nocturne, prohibée, hors d'atteinte, appartenant à l'autre côté de l'histoire, à son côté abyssale suprahistorique. Or cette démarche est loin d'être à la portée de tous. Car il s'agit d'une démarche essentiellement initiatique, probatoire, "au bord de l'abime".
suite : Charles de Gaulle, l'homme à contre-courant
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