Coq (Dictionnaire des Symboles) (19/12/2014)

 

Jean Chevalier/Alain Gheerbrant, Dictionnaire des Symboles, Coq, pp. 324-326, aux éditions Robert Laffont/Jupiter, collection Bouquins

 

Le coq est connu comme emblème de fierté - ce qui justifie l'allure de l'animal - et comme emblème de la France. Mais c'est une notion récente, sans valeur symbolique, fondée sur le double sens du mot gallus = coq et Gaulois. L’animal apparaît, à côté de Mercure, sur quelques représentations figurées gallo-romaines. On le trouve aussi sur des monnaies gauloises. Mais les Romains ont fait un jeu de mots entre gallus coq et Gallus Gaulois. C'est l'origine du coq gaulois dont la valeur symbolique traditionnelle est quasi nulle (CHAB, 628-651). Les caractères du coq et du Français ne sont cependant pas symboliquement sans rapport.

 

Le coq est universellement un symbole solaire, parce que son chant annonce la levée du soleil. A ce titre, il est, en Inde, l'attribut de Skanda, qui personnifie l'énergie solaire. Au Japon, son rôle est important, car son chant, associé à celui des dieux, fit sortir Amaterasu, déesse du Soleil, de la caverne où elle se cachait : ce qui correspond au lever du soleil, à la manifestation de la lumière. C'est pourquoi, dans l'enceinte des grands temples shintoïstes, des coqs magnifiques circulent en liberté : des coqs sacrés sont entretenus au temple d'Ise. Une homophonie douteuse fait parfois considérer les toril des temples shintoïstes comme étant originairement des perchoirs pour ces coqs.

 

La vertu de courage que les Japonnais attribuent au coq se retrouve dans les autres pays de l'Extrême-Orient , où le coq a un rôle spécialement bénéfique : d'abord, parce que le caractère qui le désigne en chinois (ki) est un homophone de celui qui signifie de bon augure, favorable ; ensuite, parce que son allure générale et son comportement le rendent apte à symboliser les cinq vertus : les vertus civiles, le port de la crête lui conférant un aspect mandarinal ; les vertus militaires, par le port des ergots ; le courage, en raison de son comportement au combat (en des pays où les combats de coqs sont particulièrement prisés) ; la bonté, car il partage sa nourriture avec les poules ; la confiance, en raison de la sûreté avec laquelle il annonce le lever du jour.

 

Parce qu'il annonce l'avènement du soleil, il est en outre efficace contre les mauvaises influences de la nuit : et il les éloigne des maisons, si l'on a soin de le placer en effigie sur la porte. Au Viêtnam encore, la patte de coq bouillie est une image du microcosme et sert à la divination.

 

Dans le bouddhisme tibétain, le coq est toutefois un symbole exceptionnellement néfaste : il figure au centre de la Roue de l'Existence, associé au porc et au serpent, comme l'un des trois poisons. Sa signification est le désir, l'attachement, la convoitise, la soif. On se souviendra toutefois qu'il est occasionnellement pris en Europe comme une image de la colère, explosion d'un désir démesuré et contrarié. (DURV, GOVM, HUAV, PALL).

 

Selon les traditions helléniques, le dieu au coq des Crétois, Velchanos, s'est assimilé à Zeus (SEGG, 10). Le coq se trouvait auprès de Léto, enceinte de Zeus lorsqu'elle accoucha d’Apollon et Artémis. Aussi, est-il consacré à la fois à, Zeus, à Léto, à Apollon et à Artémis, c'est-à-dire aux dieux solaires et aux déesses lunaires. Les Vers d'or de Pythagore recommandent en conséquence : Nourrissez le coq et ne l'immolez pas, car il est consacré au soleil et à la lune.

 

Symbole de la lumière naissante, il est cependant un attribut particulier d'Apollon, le héros du jour qui naît.

 

Malgré le conseil attribué à Pythagore, un coq était rituellement sacrifié à Asclépios, fils d'Apollon et dieu de la médecine. Socrate rappelle à Criton, avant de mourir, de sacrifier un coq à Asclépios (Esculape). Sans doute faut-il voir là un rôle de psychopompe attribué au coq ; il allait annoncer dans l'autre monde et y conduire l'âme du défunt ; elle ouvrirait les yeux à une nouvelle lumière, ce qui équivalait à une nouvelle naissance. Or, le fils d'Apollon était précisément ce dieu qui, par ses médecines avait opéré des résurrections sur terre , préfiguration des renaissances célestes. Pour la même raison, le coq était l'emblème d'Attis, le dieu solaire, mort et ressuscité, parmi les divinités orientales. Ce rôle de psychopompe explique aussi que le coq soit attribué à Hermès (Mercure), le messager qui parcourt les trois niveaux du cosmos, des Enfers du Ciel. Asclépios étant aussi un héros guérisseur, avant de devenir un dieu, le coq est censé guérir les maladies.

 

Le coq figure, avec le chien et le cheval parmi les animaux psychopompe sacrifiés (offerts) aux morts, dans les rites funéraires des anciens Germains (KOPP, 287).

 

Lors des cérémonies de purification et d'expulsion des esprits, suivant un décès, chez certains peuples altaïques, le mort est figuré par un coq attaché au lit mortuaire, et que le chaman expulse (HARA, 229).

 

Dans les traditions nordiques le coq est encore un symbole de vigilance guerrière. Il surveille l'horizon sur les plus hautes branches du frêne Yggdrasil pour prévenir les dieux, quand les géants, leurs éternels ennemis, se prépareront à les attaquer. (MYTF, 12, 44). Mais le frêne*, arbre cosmique, est l'origine de la vie. Le coq, qui veille à son faite, comme sur la flèche d'une église, apparaît ainsi comme le protecteur et le gardien de la vie.

 

Les Indiens Pueblo font ainsi l'association Coq-Soleil : Le grand-père disait que les poules étaient créature du dieu Soleil : c'est important, disait-il, le chant des coqs au petit jour ; le soleil les a mis ici pour nous réveiller ; il avertit les coqs avec une clochette pour qu'ils chantent quatre fois avant le jour (autobiographie du chef hopi Don C. Talayesva, TALS, 47). Cet exemple souligne d'autre part la fonction symbolique du quinaire : le coq chante quatre fois, puis le jour se lève, au cinquième temps, qui est celui du centre et de la manifestation (voir cinq*).

 

En Afrique, selon une légende des Peuls, le coq est lié au secret ; les attitudes, les actes et les métamorphoses du coq correspondent aux différents sorts que subissent les secrets : un coq dans une case signifie le secret gardé dans le silence ; un coq dans la cour (métamorphosé en bélier) = secret divulgué aux proches et aux intimes ; un coq dans les rues (métamorphosé en taureau) = secret répandu dans le peuple ; un coq dans les près (métamorphosé en incendie) = secret parvenu à l'ennemi, cause de ruine et de désolation (HAMK, 68). Pour les Azandé cette prescience du jour (il voit la lumière du jour à l'intérieur de lui-même) rendrait le coq quelque peu suspect de sorcellerie (EVAS).

 

Le coq est aussi un emblème du Christ, comme l'aigle* et l’agneau*. Mais il met en un particulier relief son symbolisme solaire : lumière et résurrection.

 

Dans Job, déjà (39, 36), le coq est le symbole de l'intelligence venue de Dieu : qui amis dans l'ibis la sagesse de Yahvé, donné au coq l'intelligence. Aux deux oiseaux une faculté de prévision était accordée : l'ibis, annonce infailliblement les crues du Nil, le coq la naissance du jour. Comme le Messie, il annonce le jour qui succède à la nuit. Aussi figure-t-il sur les flèches des églises et les tours des cathédrales. Cette position à la cime des temples peut évoquer la suprématie du spirituel dans la vie humaine, l'origine céleste de l'illumination salvifique, la vigilance de l'âme attentive à percevoir dans les ténèbres finissantes de la nuit les premières clartés de l'esprit qui se lève. Le coq du clocher proviendrait, selon Durand  (DURS, 155) de l'assimilation mazdéenne du soleil au coq qui annonce le lever du jour. Le Talmud fait du coq un maître de politesse, sans doute parce qu'il introduit son Seigneur le Soleil, en l'annonçant de son chant.

 

Le coq jouit en Islam d'une vénération sans égale par rapport aux autres animaux. Le Prophète lui-même disait : le coq blanc est mon ami ; il est l'ennemi de l'ennemi de Dieu... Son chant signale la présence de l'ange.

 

On attribue également au Prophète la défense de maudire le coq qui appelle à la prière ; il lui aurait donné une dimension cosmique. Parmi les créatures de Dieu, aurait-il dit, Il y a un coq dont la crête est sou le Trône, les griffes sur la terre inférieure et les ailes dans l'air. Lorsque les deux tiers de la nuit ont passé et qu'il n'en reste qu'un tiers, il frappe de ses ailes, puis il dit : Louez le roi très saint, digne de louange et de sainteté, c'est-à-dire qu'il n' a point d'associé. A ce moment-là, tous les animaux battent des ailes et tous les coqs chantent. (FAHN, 505).

 

Le coq est souvent rapproché du serpent : c'est le cas, notamment, pour Hermès et Asclépios. Dans l'analyse des rêves, le serpent et le coq sont tous deux interprétés comme des symboles du temps ; ils appartiennent au dieu guérisseur Esculape (Asclépios), qui était probablement une incarnation de la vie intérieure et psychique, car c'est lui qui envoyait les songes (TEIR, 160).

 

Ils marquent une phase de l'évolution intérieure : l'intégration des forces chthoniennes au niveau d'une vie personnelle, où l'esprit et la matière tendent à s'équilibrer dans une unité harmonieuse. 

 

Le coq comme symbole maçonnique est à la fois le signe de la vigilance et celui de l'avènement de la lumière initiatique. Il correspond au mercure alchimique. 

 

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