La vie monastique en Occident (05/07/2021)
Les principaux faits de l'histoire de l’Église catholique par l'Abbé L. Bataille, IIIme Époque. Chute de l'Empire romain d'Occident. Charlemagne empereur (an 476-800)., Chapitre II. La vie monastique en Occident, S.Benoît. (6e siècle). Utilité des ordres religieux, pp. 56-61, Éditions Casterman, Tournai – Paris, 1929
Saint Benoît en prière, 1530, huile sur bois, 106 × 75 cm, Maître de Meßkirch, Staatsgalerie (Stuttgart)
Déjà, à partir du Ive siècle, la vie monastique était connue et pratiquée en Occident. S. Athanase, exilé d'Alexandrie dans les Gaules, l'avait fait connaître et goûter partout sur son passage. S. Ambroise et S. Jérôme l'avaient raffermie en Italie ; S. Augustin l'avait établie en Afrique ; S. Martin dans le Nord des Gaules ; Cassien dans le Midi. –– Mais les différents monastères, fondés par ces saints personnages, manquaient de règle fixe et bien déterminée. La règle de S. Basile, rop sévère pour le climat le plus rigoureux des pays Occidentaux, n'avait pu être suivie dans son entier. Il avait fallu la modifier en bien des points, et, dans l'application, il en était résulté une sorte d'arbitraire qui, au milieu des invasions barbares, devait presque nécessairement amener la ruine des institutions monastiques. Pour éviter ce danger, Dieu suscita S. Benoît.
S. Benoît, natif de Nursia (royaume de Naples), appartenait à une famille riche. Vers l'age de 16 ans, dégoutté du monde à la vue des mœurs dissolues dont il était témoin à Rome, il se retira dans une caverne des Apennins, pour y vivre en ermite. Au bout de 3 ans, il y fut découvert, et bientôt de nombreux disciples vinrent pour vivre sous sa direction. Ceux-ci devinrent même si nombreux, que le saint patriarche dut bâtir pour les loger jusqu'à 12 monastère. Le principal fut celui du Mont-Cassin, qui devint comme la souche et le centre de l'ordre des Bénédictins. – Saint Benoît comprit alors la nécessité d'une règle fixe pour soumettre et diriger tant d'existences diverses. A cet effet, il composa son admirable Règle de vie monastique. (Rohrb. IX, 69, 219.)
Cette règle contient comme disposition fondamentale : I° Un an de noviciat, temps d'épreuves solennelle et sérieuse ; 2° les trois vœux solennels et perpétuels de chasteté, pauvreté et obéissance ; 3° la distribution du temps entre la prière, l'étude, les travaux manuels, la culture du sol et les fonctions du ministère ecclésiastique. –– S. Benoît mourut vers le milieu du VIe siècle (543), comblé de mérites et laissant à la postérité un ordre religieux qui se répandit dans tout l'Occident. Cet ordre des Bénédictins a la gloire d'avoir existé seul jusqu'au XIIe siècle et de subsister encore aujourd'hui, d'avoir servi de modèle aux autres, d'avoir fourni à l’Église 35 papes, un nombre extraordinaire d'évêques et de saints, d'avoir en un mot, rendu d'immenses services à la religion et à la société. C'est donc à juste titre, que l'histoire a décerné à S. Benoît le nom de père ou patriarche de la vie monastique en Occident (V. Dezobry, art. Bénédictins).
C'est peut-être ici le lieu de dire quelques mots de l'utilité des ordres monastiques, si violemment attaqués, si méchamment calomniés de nos jours par tous les ennemis de l’Église.
Remarquons d'abord que les moines ne sont pas seuls en butte aux attaques de l'impiété. Tous les membres du clergé tant régulier que séculier partagent cet honneur. Et la raison en est simple. Les uns et les autres sont les disciples plus particuliers du divin crucifié : comme Lui et à cause de Lui ils doivent être hais, méprisés, persécutés. –– Au surplus, le clergé est par caractère et par l'état, l'ennemi de l'erreur et du vice. Que peut-il recevoir de tous les artisans de mensonge et d'iniquité, sinon la haine et la persécution ? C'est toujours le combat entre Dieu et Satan.
Cette double observation fait assez connaître la raison réelle des attaques, dont la vie religieuse et la vie sacerdotale sont sans cesse l'objet. Elle suffit même pour en faire justice. Toutefois, voyons quelques-unes de ces attaques et ce que l'histoire impartiale y répond.
–– D'abord, on se plaît à se représenter la vie monastique ou religieuse comme une vie de fainéantise, une plaie e la société, une honte pour l'humanité, etc.
D'après les vrais historiens catholiques ou non catholiques mais sincères, il est hors de doute que les moines furent, surtout à l’époque où ils parurent, les plus grands bienfaiteurs de l'humanité. Sans eux, en effet, que fut devenue, sous l'avalanche des barbares, la civilisation chrétienne, non moins que les débris de l'antique civilisation de Rome et d’Athènes ? Les lettres, les sciences, les arts, la morale, la religion ne trouvèrent plus d'asile que dans les monastères. –– De plus que ne firent pas les moines, à cette époque douloureuse, pour la formation des nouvelles sociétés européennes ? Ne furent-ils pas les plus intelligents comme les plus actifs coopérateurs de l’Église dans cette œuvre si difficile ? N'est-ce pas eux, tour à tour missionnaires, agriculteurs et écrivains, que revient directement la gloire d'avoir adouci, converti, civilisé les peuples barbares dont l'Europe était couverte pendant les premiers siècles du moyen-âge ; de leur avoir apprit à défricher le sol et à puiser les moyens d'existence qu'ils avaient jusqu'alors cherchés dans le pillage et les combats ; enfin, de nous avoir légué, avec les chefs-d’œuvre artistiques et littéraires des temps anciens, des œuvres étonnantes et souverainement utiles sorties de leurs propres mains ? Quel corps savant ou enseignant a jamais eu et rempli une mission plus noble et plus utile ? Si notre époque jouit de la civilisation, n'est-ce pas en grande partie aux moines qu'elle est redevable ?
–– Et si les ordres religieux furent utiles autrefois à l’Église et à la société, croit-on qu'ils furent moins dans la suite, croit-on qu'ils le sont moins aujourd'hui ? Ils sont dégénérés, dit-on et ont été pour le monde un objet de scandale ! –– Que certains ordres religieux aient, par la suite des temps et sous influence de causes multiples déchu de leur ferveur primitive, nous ne le contesterons pas ; qu'il y ait eu parfois dans le cloître, des prévarications comme il y en a dans le monde, nous sommes loin de le nier : car, il n'est que trop vrai que l'homme porte partout avec lui les faiblesses de sa nature et que les vœux de religion ne rendent pas impeccable celui qui les prononce. Il ne faut donc pas être étonné si, dans la multitude de religieux qui ont peuplé les cloîtres depuis treize siècles, il y en eut qui se montrèrent indignes de leur vocation. –– Mais à coup sûr, on a beaucoup exagéré sur ce point. L’Église et ses défenseurs ont toujours eu devant eux des ennemis acharnés, calomniateurs, sans cesse à l’affût d'un grief à articuler, élevant de suite à la hauteur d'un scandale public ce qui, bien souvent avait à peine l'apparence du mal. Le principal d'entre eux, Voltaire, n'a-t-il pas : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ! » Cet ordre infernal a été exécuté de son temps, comme il l'est encore aujourd'hui par tous les porte-voix de la libre-pensée et de la libre-jouissance.
De fait, dans les masses crédules et ignorantes il en reste toujours quelque chose. Mais pour quiconque réfléchit, il y a d'autres voix bien autrement puissantes que toutes ces voix de la haine et de la calomnie. Il y a les voix pleines d'amour et de reconnaissance de ces milliers d’infortunés : enfants, vieillards, pauvres, orphelins, infirmes, pestiférés, victimes de la guerre et du vice, qui, trouvant dans le religieux un dévouement qu'aucune ingratitude ne peut lasser, dans la religieuse une tendresse qu'aucune misère ne peut rebuter, proclament à la face du monde que les ordres religieux sont non seulement utiles, mais nécessaires à la société. Oui, nécessaires ! Car l'expérience a été faite plus d'une fois. Récemment encore, en Allemagne, on a voulu s'en passer : on les a bannis, exilés. Ensuite on a dû reconnaître que leur départ avait laissé un vide qu'aucune combinaison laïque ne pouvait combler. Ils sont rentrés ! –– Mais au moins, la vie contemplative, à quoi peut-elle servir ? –– Un écrivain peu suspect d'être trop favorable à l’Église, V ; Hugo, l'a dit : « A soutenir le monde accablé sous le poids de ses crimes ! » C'est, qu'en effet, il faut l'équilibre dans le monde moral, comme dans le monde physique. Il faut donc qu'il y ait dans la société que Dieu dirige, des cœurs purs, qui prient pour ceux qui ne prient pas ; des innocents qui expient pour les coupables ; des victimes qui s'immolent et réparent pour ceux qui outragent Dieu par leurs crimes incessants. Sans quoi, le monde périrait, frappé par la colère divine.
Une dernière réflexion : Quel refuge donnera-t-on contre les passions si l'on ferme les cloîtres ! Il y a des âmes qui ne peuvent trouver que là le calme, le bonheur et la vertu. Tel saint fut devenu le fléau de l'humanité au lieu d'en être le bienfaiteur, s'il n'avait été moine. –– Au reste, se dépouiller de ses biens et quitter le monde, se réfugier dans la solitude et n'y vivre que pour Dieu et son salut, n'est-ce pas, au point de vue social, l'usage le plus innocent que l'on puise faire de sa liberté ? Qui peut s'en offenser et le critiquer, sinon ceux qui sont animés par le mauvais esprit et qui, semblables à Satan, haïssent le bien et la vertu sous quelque forme que ce soit ?
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