La Triste Fin du Spectacle (Alexandre Douguine) (10/04/2017)

 

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Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique - La Russie et les idées politiques du XXIème siècle -, Chapitre V - Qu'est-ce que le conservatisme ?, La triste fin du spectacle, pp. 98 à 100, Ars Magna Éditions

 

« Les révolutionnaires conservateurs détestent à tel point le présent qu'ils ne se contentent pas de seulement lui opposer le passé. Ils affirment : « Le présent est répugnant mais il faut lui survivre jusqu'à la fin ».

 

Le postmoderne libéral propose « une fin infinie ». La fin de l'histoire ne se limite pas à une disparition : les transactions économiques continuent à s'effectuer, les marchés continuent de fonctionner, les enseignes des hôtels de même que celles des bars et discothèques continuent de scintiller, les bourses fonctionnent toujours, les dividendes des actions continuent à être versé, les écrans des ordinateurs et des postes de télévision continuent de s'éclairer, on continue à émettre des actions. Il n'y a plus d'histoire, mais les marchés et les télévisions sont toujours là.

 

Chez les conservateurs-révolutionnaires, tout est diffèrent.

A la fin de l'histoire, ils s'attendent à apparaître de l'autre côté du Dasein, à surgir de cet espace trouble de l'autre côté et à transformer le jeu postmoderne en non-jeu. Le spectacle (La Société du spectacle de Guy Debord) se terminera de façon extrêmement désagréable pour les spectateurs et les acteurs.

A leur époque, un groupe de surréalistes dadaïstes, Arthur Cravan, Jacques Rigaut, Julien Torma et Jacques Vaché agissait avec la même logique en louant le suicide. Cependant, les critiques avaient considéré leur attitude comme du pur verbiage. Ils se sont suicidés simultanément, démontrant ainsi que l'art et le surréalisme étaient pour eux quelque chose de tellement important qu'ils avaient pour cela donné leur vie. On peut ici se souvenir du personnage de Kirillov dans Les Démons de Dostoïevski pour lequel le suicide est devenu l'expression de la liberté entière, apparue après la « mort de Dieu ».

 

En Russie, récemment ont eu lieu des événements non moins horribles. Par exemple la prise d'otage durant la comédie Nord-Ost. Le comique Sacha Tsékalo monte un spectacle auquel assiste un public moscovite choisi. Des terroristes tchétchènes apparaissent et les spectateurs pensent au début que cela fait partie de la mise en scène. Ce n'est seulement que plus tard qu'ils comprennent. Avec horreur, que quelque chose d'anormal se passe sur la scène. Puis ensuite commence le cauchemar, une véritable tragédie. Les conservateurs-révolutionnaires se représentent quelque chose d'assez semblable : que le post-moderne avec sa dérision suive son cours, qu'il dissolve les paradigmes déterminés, l'ego, le super-ego, le logos, que le rhizome et les masses schizophréniques ainsi que la conscience morcelée entrent en jeu et que le néant entraîne derrière lui tout le contenu du monde, alors s'ouvriront des portes secrètes et les archétypes ontologiques anciens, éternels, apparaîtront à la surface et de façon terrible mettront fin au jeu. »

 

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