Retour à l'Inde éternelle (Jean Parvulesco) (11/03/2015)

 

Jean Parvulesco, Le Retour des Grands Temps, Retour à l'Inde éternelle, pp. 266-268 , aux éditions Guy Trédaniel

 

Les meilleurs esprits occidentaux se sont utilisés à discourir à perte de souffle, depuis le début du siècle, sur l'agonie de la civilisation européenne et de ses valeurs fondamentales en voie de désintégration, et irréversiblement il faut croire. A l'heure présente, la situation est devenue radicalement autre : la civilisation européenne n'est plus en agonie, elle a enfin été admise à rejoindre les ténèbres de la mort. Ainsi se fait-il que la tâche des ceux des nôtres qui, plongés dans la plus parfaite clandestinité ontologique, sont encore en état de se battre ou croient l'être ne sera en aucun cas plus celle d'empêcher qu'une culture tragiquement périclitée ne meure, mais de pourvoir opérativement aux rituels occultes de sa mise en résurrection. L'ombre inapaisée de la dernière civilisation occidentale est ainsi conviée à des retrouvailles suprêmes avec Orphée, dieu de ses origines, dieu du retour de la mort. Mais, tout comme Dionysos, Orphée ne nous vint-il pas, lui aussi, de l'Inde ? Très secrètement, et même très clandestinement, en des temps et par des voies que certains retrouvent aujourd'hui ? Hölderlin, dans ses plus hautes, dans ses plus grandioses hymnologies de la fin l'avait profondément compris. Et Heidegger aussi, dans la mesure ou il avait eu a renoncer à la philosophie, exercice décadent et frappé d’impuissance, porteur de signes singulièrement funestes, pour ne plus se donner, dans les années sommitales de sa vie, qu'à la seule instruction du chant final de la poésie allemande.

 

Pour ceux des nôtres qui détiennent encore les attributions voilées des anciennes confréries héroïques de combattants d'une civilisation s'engouffrant, comme une autre Atlantide, dans les ténèbres océaniques de son auto-anéantissement historique et culturel, le sursaut salvateur de l'Europe et du Grand Continent eurasiatique et le mouvement de leur retour apocalyptique à la vie se doivent de passer par le ressourcement aux souffles revivifiants et noirs de l'Inde actuelle. "Le retour de Kali sera terrible", dit Olivier Germain-Thomas. Inde actuelle derrière laquelle se cache le mystère vivant de l'Inde éternelle ou, si l'on veut, de l'Inde antérieur, mystère aurifère et rouge, mystère de sang et d'ensoleillement ontologique, mystère unique d'une souche de sang unique, d'une souche de sang royale et solaire, mystère original de la Surya-Yamça. En tant que dieu du retour du Grand Continent eurasiatique à l'Inde antérieure, Orphée nous est donc, aujourd'hui, un dieu noir, mais, noir, il ne le sera pas toujours. Aussi, en attendant que le jour revienne, ou que nous-mêmes nous puissions retrouver, en nous, l'ancienne ouverture du jour en nous qui s'est éteinte, nous allons devoir nous résigner à porter les armes endeuillées de l'Orphée noir, dieu du retour nocturne, tragiquement et secrètement funèbre, à l'Inde d'aujourd'hui, telle que l'Inde en est venue à être elle-même aujourd'hui, elle-même apparemment non-épargnée. Orphée, dieu de l'Inde noire, dieu de retour occidental à l'Inde par les chemins des ténèbres ultimes.

 

Or, et aussi déconcertant que cela puisse paraître, aujourd'hui, en France, la seule tentative majeure, opérativement signifiante, du retour à l'Inde, à l'Inde dans son être d'aujourd'hui, se trouve assurée par Olivier Germain-Thomas, et par ce qu'il est tenu, ainsi, de représenter, qu'il le sache déjà lui-même ou pas tout à fait encore. D'où le statut d’exceptionnelle importance qu'il me semble qu'il faille tenter d'imposer à son Retour à Bénarès, confession déchirante et station métasymbolique déjà en place du grand mouvement de reflux qui véhicule aujourd'hui le retour à demi-clandestin des plus avancés des nôtres vers la patrie de leur plus profonde, de leur plus occulte prédestination activiste. Retour ontologique vers une patrie préontologique, pénétration tragiquement subversive des tenants et des aboutissants de nos dernières et plus sombres impermanences crépusculaires vers ces hauts lieux d’identité transcendantale que recouvrent, en nous-mêmes et sur la Frontière Nord du monde et de l'anti-monde, de l'être et du non-être, les neiges himalayennes de notre antériorité la plus immaculée, et sans doute encore la plus virginalement intacte.

 

Olivier Germain-Thomas : Enfin la terrasse. Je regarde le soleil.

 

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